Bonjour à tous,
Les circonstances du torpillage du cargo mixte Amiral-Olry,
survenu le 1er septembre 1917
Le Samedi 1er septembre 1917, à 1 h. 30 du matin, par très beau temps, le cargo mixte Amiral-Olry avait été rejoint dans le Sud d’Anti-Milo par la canonnière Bouffonne, chargée d’assurer son escorte. A partir de 6 h. 05, le convoi avait commencé à naviguer en effectuant des lacets, selon un schéma con-venu, le « Graphique n° 3 ». A 12 h. 20, il avait atteint la position suivante : 35° 40’ N. et 25° 49’ E.
A 12 h. 28, l’Amiral-Olry était torpillé par tribord, au droit de sa cheminée. Immédiatement, le lieute-nant de vaisseau Antoine Hippolyte Napoléon FORTOUL, commandant la canonnière Bouffonne, appe-la son équipage aux postes de combat, puis, ayant aperçu un sillage par bâbord, fit route dans sa direc-tion. Six grenades Guiraud furent alors lancées, dont une seule explosa, et deux coups de canon tirés dans la direction supposée du sous-marin attaquant.
L’Amiral-Olry demeurant à flot, l’escorteur ordonna alors à son commandant de faire procéder à l’éva-cuation des passagers au moyen des embarcations et radeaux, mais de ne faire abandonner le navire par l'équipage qu’en dernière extrémité s’il menaçait de couler. Tous les passagers sans exception ― au nombre desquels devaient se trouver des Indochinois ―, furent recueillis à bord de la Bouffonne. A la suite de l’explosion de la torpille, l’équipage de l’Amiral-Olry ne compta que trois tués, ainsi que trois blessés graves, qui furent embarqués et reçurent les premiers soins sur la canonnière. A 15 h. 15, les opérations de sauvetage étaient achevées. En dépit des ordres reçus, le commandant de l’Amiral-Olry et son équipage avaient quitté le navire. A 15 h. 30, le commandant et une partie de ses hommes furent reconduits à bord dans une chaloupe remorquée par la Bouffonne.
A 15 h. 35, arriva sur les lieux le sloop britannique Lily qui décida de prendre l’Amiral-Olry en remor-que et de le conduire à La Sude. Le youyou de la Bouffonne fut alors paré à amener, afin de rembarquer sur le cargo le reste de son équipage.
A 16 h. 10, à environ 150 ou 200 mètres par le travers tribord, fut d’abord aperçu depuis la Bouffonne un sillage et presqu’aussitôt un périscope qui fut immédiatement canonné. Deux minutes plus tard, à 16 h. 12, une seconde torpille frappait l’Amiral-Olry par tribord arrière. Ayant distinctement vu le remous et le sillage provoqués par lancement de la torpille, la Bouffonne tira alors plusieurs coups de canon, lança deux grenades et remis à l’eau la mine Marseillaise. Le sloop britannique Lily lança également deux grenades.
Jusqu’à 17 h. 15, la Bouffonne et la Lily évoluèrent de concert autour de l’Amiral-Olry. A 17 h. 20, tout son équipage fut embarqué sur la Bouffonne. A 17 h. 40, l’arrière du cargo se trouvait à fleur d’eau ; à 17 h. 45 sa proue se mâtait et il sombrait en s’enfonçant par l’arrière.
Les naufragés recueillis par la Bouffonne furent dirigés vers Milo, où ils parvinrent le Dimanche 2 sep-tembre 1917, à 6 h. 45. Ils débarquèrent sur la Foudre, les trois blessés graves ayant été ultérieure-ment transférés sur le transport-hôpital Bien-Hoa.
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I. ― Canonnière Bouffonne ― alors commandée par le lieutenant de vaisseau Antoine Hippolyte Napoléon FORTOUL ―, Journal de bord n° 6 /1917 ― 10 août ~ 10 sept. 1917 ― (Service historique de la Défense, Cote SS Y 58, p. num. 400 à 402.
« Samedi 1er septembre 1917
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De 12 h. 00 à 16 h. 00
Poste de veille. Route en lacets.
12 h. 28 ― Amiral-Olry est torpillé. Poste de combat.
12 h. 35 ― Jeté plusieurs grenades ; tiré deux coups de canon, parages du sous-marin.
13 h. 00 ― Commencé le sauvetage des naufragés.
15 h. 00 ― Aperçu un vapeur dans l’Est.
15 h. 15 ― Sauvetage des naufragés est terminé.
15 h. 30 ― Renvoyé l’équipage de l’Amiral-Olry à son bord.
15 h. 30 à 15 h. 45 ― Échangé signaux avec sloop anglais Lily ; amené le youyou qui conduit à bord de l’Olry le restant de l’équipage.
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Mentions marginales
• «
12 h. 28 ― Amiral-Olry convoyé par Bouffonne est torpillé. L’Amiral-Olry se maintient à flot.
16 h. 12 ― L’Amiral-Olry reçoit une deuxième torpille. Se maintient toujours à flot.
17 h. 44 ― L’Amiral-Olry s’enfonce et disparaît. »
• « Par suite du combat engagé contre le sous-marin qui torpilla l’Amiral-Olry, du repêchage des embarcations des naufragés et de leur installation à bord, les dommages suivants ont été subis par le navire :
Service Manœuvre
― 1 petit ballon de défense ; 1 gros ballon : écrasés et aiguilletages cassés lors de l’accostage de la Foudre à Milo pour débarquer les naufragés.
― 1 faux-bras de halage de 60 mm et de 100 m de longueur ; une haussière en chanvre de 80 mm et de 100 m de long : coupés et tombés à la mer dans le remorquage des embarcations et radeaux lors de la 2e attaque.
― 2 couvertures en laine gris beige pour hamacs : disparues avec les Annamites.
― 3 couvertures ont été versées au Bien-Hoa pour couvrir les blessés lors de leur transfert à Milo.
Service Timonerie
― 1 vitre de kiosque à tribord, 2 globes de photophores : brisés par le tir.
― 2 canapés de salon et leur dossier : ... pour le ... aux blessés.
― 1 couverture de coton à changer chez le Commandant : tachée par le sang des blessés.
Service Artillerie
― 3 verres de manomètre du ... : brisés dans le tir.
Service Électricité
― 2 tulipes opales pour lampes, modèle ...
Bord, 2 septembre 1917,
L’officier en second,
Signé :
Illisible. »
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De 12 h.00 à 16 h. 00
Poste de veille.
16 h. 00 ― Le sloop anglais Lily prend les dispositions pour prendre en remorque l’Amiral-Olry.
16 h. 10 ― A 200 m, aperçu un périscope par tribord.
16 h. 12 ― L’Amiral-Olry reçoit une deuxième torpille tribord arrière. Tiré plusieurs coups de canon sur le sous-marin en lui donnant la chasse.
16 h. 20 ― Hissé le youyou.
17 h. 20 ― L’équipage de l’Amiral-Olry ayant rejoint son bord réembarque à bord Bouffonne.
17 h. 25 ― Échangé signaux avec sloop Lily.
17 h. 45 – L’Amiral-Olry s’enfonce et disparaît.
18 h. 46 – Échangé signaux avec Lily qui fait route dans le S.O.
Babordais à dîner.
Poste de veille.
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Mention marginale
« P.M. ― Lancé 8 grenades Guiraud. Tiré 2 obus en fonte lestés, 6 obus en fonte mélinite.
Cassés pendant le tir : 2 verres pour manomètre de distances et 1 verre de manomètre de dérive. »
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De 20 h. 00 à 24 h. 00
Poste de veille.
22 h. 00 ― Communiqué avec le Carabinier. Route au N. 53 W.
Service ordinaire à la mer.
Dimanche 2 septembre 1917
De 0 h. 00 à 4 h. 00
Poste de veille.
3 h. 50 ― Aperçu le feu de Milo.
Service ordinaire à la mer.
De 4 h. 00 à 8 h. 00
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6 h. 55 ― Port de Milo. »
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II. ― Canonnière Bouffonne ― alors commandée par le lieutenant de vaisseau Antoine Hippolyte Napoléon FORTOUL ―, Journal de navigation n° 4 /1917 ― 29 juill. ~ 2 sept. 1917 ― [(Service histo-rique de la Défense, Cote SS Y 58, p. num. 878 à 881 (Extraits)].
« 31 août 1917
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23 h. 55 ― Remis en marche pour escorter l’Amiral-Olry.
Ordres de nuit
Le 1er septembre, à 1 h. 45 ― Point de départ : 5’ 5 au Sud d’Anti-Milo. Faire route au Sud jusqu’à 35’ au Sud d’Anti-Milo, puis route au S. 70 E. Se tenir par le travers de l’Olry, un peu sur l’arrière.
Au jour, signaler Z.M.J. L’Olry doit faire graphique n° 3. Ne pas s’astreindre à tenir un poste rigoureux par rapport à lui ; se tenir environ à 500 mètres de lui, entre le soleil et lui. Faire surtout une bonne veille.
Me prévenir de tout allo intéressant.
A. Fortoul.
1er septembre 1917
De 0 h. 00 à 4 h. 00
Très beau temps. Pris escorte Amiral-Olry.
0 h. 25 – Sorti des barrages. Suivi le chenal de sécurité.
1 h. 30 – Route au Sud devant Amiral-Olry.
3 h. 00 – Pris poste par son travers bâbord à 500 mètres.
Rien de particulier.
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De 12 h. 00 à 16 h. 00
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En marge : « 12 h 20 ― L. = 35° 40’ 2 N. / G. = 25° 49’ 2 E. »
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Route en lacets, graphique n° 3. Route moyenne = S. 70 E. Beau temps, léger clapotis. La Bouffonne se tient à tribord de l’Amiral-Olry, à 500 mètres environ. A 12 h. 15, ralenti légèrement l’allure, afin de ne pas masquer l’horizon à l’Olry, au moment de la méridienne, qui a lieu à 12 h 20 (orientale). A 12 h. 25, accéléré l’allure. La Bouffonne est à cet instant à la hauteur de l’arrière du vapeur convoyé. A 12 h. 28, l’Amiral-Olry reçoit une torpille par tribord, à la hauteur de sa cheminée. Mis immédiate-ment au poste de combat, les machines à 210 tours et la barre à gauche toute, car on aperçoit un sil-lage par bâbord. Fait route sur ce sillage.
Lancé six grenades, dont une seule éclate. Tiré plusieurs coups de canon sur les parages de la présence supposée du sous-marin ; mouillé la mine Marseillaise. Jusqu’à 13 heures, fait des lacets à la recherche de l’ennemi.
A 13 h. 15, passé à portée de voix de l’Olry qui se maintient parfaitement à flot, sans donner de bande appréciable ni d’inclinaison longitudinale. Lui [ai] donné ordre de faire évacuer passagers dans embar-cations et radeaux, mais de n’évacuer l’équipage qu’au dernier moment, si le navire menace de couler. A 13 h 30, commencé le sauvetage des naufragés. Tous les passagers sont saufs. L’équipage de l’Olry est au complet, à part trois hommes tués par l’explosion de la torpille. Trois autres, grièvement bles-sés, sont également embarqués à bord. A 15 h 15, le sauvetage est terminé.
A 15 h. 00, aperçu un vapeur dans le S.-E., venant sur nous. A 15 h. 30, le commandant de l’Olry et une partie de son équipage embarque dans une chaloupe prise à la remorque et rejoint son bord.
A 15 h. 35, le vapeur aperçu, le sloop anglais Lily, arrive ayant battant le signal : " Je vous prends à la remorque." Passé à portée se voix : il prendra l’Olry à la remorque pour le conduire à La Sude. Le you-you du bord est alors paré à amener, pour reconduire à l’Olry le reste de son équipage.
Le sloop Lily se trouve à ce moment à bâbord du navire torpillé, prenant ses dispositions pour le pren-dre à la remorque. La Bouffonne étant stoppée à tribord de l’Olry, le youyou la quitte et aborde le vapeur. A 16 h. 10, aperçu par le travers tribord, à 150 m environ, un sillage ; presque aussitôt, aperçu le périscope du sous-marin. Canonné aussitôt celui-ci ; mis bâbord en avant toute, tribord en arrière 110 tours, la barre à droite toute, pour venir le plus rapidement possible sur le sous-marin. A 16 h. 12, ce dernier lance une seconde torpille sur le cargo qui est frappé à tribord arrière. On aperçoit distinc-tement le remous et le sillage dus au lancement de la torpille. Tiré aussitôt plusieurs coups de canon ; lancé deux grenades. Remis à l’eau la mine Marseillaise et suivi pendant quelques instants la trace du sillage du sous-marin, trace qui disparaît presque aussitôt. Le sloop anglais lance également deux gre-nades.
De concert avec lui, effectué zigzags aux alentours de l’Amiral-Olry jusqu’à 17 h. 15. A 17 h. 20, hissé à bord le youyou de la Bouffonne et réembarqué l’équipage de l’Olry. Revenu aux abords du vapeur. Celui-ci, dont l’arrière s’est affaissé après la seconde torpille, s’enfonce peu à peu. A 17 h. 40, l’ar-rière est à fleur d’eau et, à 17 h. 45, l’avant se relève et le navire complètement redressé coule par l’arrière.
Échangé signaux avec sloop Lily qui reprend route vers l’O.-S.-O. A 18 h. 00, la Bouffonne reprend la route de Milo. »
[Selon une signature apposée en marge, ce compte rendu est dû à la plume d’un officier de quart dé-nommé Delacroix.]