Pendant la Grande Guerre, la précision du tir de l'artillerie a fait d'immenses progrès grâce, avant tout, au travail des canonniers-marins et des ingénieurs de l'artillerie navale. On peut dire que les marins ont imposé aux artilleurs de terre des méthodes de tir scientifiques. En effet, depuis longtemps, l'artillerie de marine tire loin et depuis le XIXe siècle la Commission de Gâvres, a acquis une réputation universelle de compétence suite à ses multiples travaux et communications scientifiques, notamment dans le domaine de la balistique extérieure.
Durant la guerre, la réputation des canonniers-marins s'est encore affirmée et leurs officiers ont diffusé la "bonne parole" des méthodes scientifiques d'abord aux artilleurs de l'A.L.V.F puis, à la demande du général Maurin, à toute l'artillerie française.
Parmi les multiples facteurs influant sur la trajectoire des projectiles, il en est un qui a suscité beaucoup de controverses, sans parler des contresens relevés dans un certain nombre de "sites", celui de l'influence de la rotation de la terre.
Les canonniers-marins ont calculé très précisément cette influence, connue de tous les lycéens par les cours de physique (le morceau de bravoure du professeur évoquant la force de Coriolis, grand moment de notre jeunesse!).
Par contre, on trouve peu de données exactes et précises de l'influence de la rotation de la terre en matière d'artillerie. Pire, un certain nombre de personnes mal informées évoquent des chiffres importants qui s'appliquent en fait à la dérivation des obus tirés dans un canon rayé. La dérivation se fait dans le sens des rayures de la bouche à feu (à droite pour un canon rayé à droite mais à gauche pour un canon rayé à gauche).
Les corrections de portée du fait de la rotation de la terre sont en fait très faibles par rapport aux autres facteurs influant sur la trajectoire. Cette faiblesse des corrections à apporter conduira d'ailleurs les artilleurs à les annuler à la fin de la guerre.
Voici donc un tableau, établi en 1916 par les canonniers-marins, indiquant les corrections de portée à apporter pour le tir de l'obus FAD de 48 kg propulsé à la vitesse de 775 m/s dans le canon de 16 cm modèle 1893, une bouche à feu de marine très précise pouvant tirer à 18.000 mètres.
Ce tableau est tiré d'un document qu'une famille d'un officier de marine ayant commandé une batterie de canonniers-marins a eu l'intelligence de conserver, avec de nombreux autres documents techniques concernant le tir du canon de 16 cm.
Pour mémoire, une batterie de canonniers-marins a détruit en août 1917 à 15.000 mètres de distance un pylône d'observation allemand près de Verdun en trois salves, ce qui confirme le haut degré de préparation du tir en honneur chez les canonniers-marins.
Voici donc un élément concret concernant les corrections en portée pour la rotation de la terre, somme toute presque négligeables par rapport aux autres corrections, ce qui explique l'annulation datant de 1918:


Cordialement,
Guy François.