GOULFAR
Chalutier à vapeur immatriculé à La Rochelle n° 2185
Armateur : Mr DAHL de La Rochelle
Capitaine : Pierre HAMON inscrit à Paimpol
La capture du GOULFAR
Le GOULFAR appareille le 15 Décembre 1916 de La Rochelle pour la pêche au large.
Le 24 Décembre à 09h30 il se trouve stoppé par 45°15 N et 02°33 W en train de relever son chalut.
Mer houleuse avec belle brise de SE.
Un sous-marin est alors aperçu à environ 5 milles, venant du sud par Td AR et se rapprochant à 8 nœuds. Il tire un coup de canon de semonce. Le capitaine Hamon fait embarquer son équipage dans la baleinière qui va accoster le sous-marin.
Le commandant du sous-marin prend alors à son bord le capitaine Hamon et renvoie l’équipage sur le GOULFAR avec un officier, un sous-officier mécanicien et deux matelots armés.
Les deux navires vont faire route de conserve pendant trois jours, jusqu’au 27 Décembre. De jour, le sous-marin reste en tête ; la nuit il se met en queue. Tous les matins, il plonge pendant 15 minutes et rejette alors une grande quantité d’huile et de matières graisseuses.
Les Allemands ont fait main basse sur tous les approvisionnements, et même des vêtements ou des effets personnels. Pendant ces trois jours, ils vont se ravitailler journellement avec le poisson du GOULFAR.
Trajet suivi
Le sous-marin va d’abord se diriger sur Bilbao. Arrivé à six milles, il met cap au nord et revient jusque dans l’WSW de Penmarch. Puis à nouveau cap au sud vers la côte espagnole.
Le 25 Décembre à 14h00, il intercepte la goélette française MARIE-PIERRE qu’il incendie après avoir transféré tout son équipage, capitaine compris, sur le GOULFAR.
Le 27 Décembre à 09h00, il intercepte le vapeur anglais AISLABY, 3000 t, qu’il coule au moyen de trois bombes, là encore après avoir transféré l’équipage sur le GOULFAR, à l’exception toutefois du capitaine qui rejoint Hamon sur le sous-marin.
Cela fait trois capitaines prisonniers, car à son arrivée à bord du sous-marin, Hamon avait retrouvé le capitaine anglais du BAYHALL.
Ce vapeur anglais, qui faisait route de Port Louis de l’île Maurice sur Bordeaux avec 3000 tonnes de sucre, avait été coulé le 17 Décembre. Tout son équipage avait été transféré sur un petit vapeur danois capturé. Sous-marin et vapeur danois avaient fait route sur Corcubion où Anglais et Danois avaient été débarqués, puis le vapeur scandinave avait été coulé au moyen de bombes.
(nota : il doit s’agir du vapeur GERDA, capturé le 16 Décembre et qui n’aurait donc été coulé que le 17ou le 18)
Le 27 à 14h00 , le convoi arrive à 10 milles de Saint Cyprien. Le canot du GOULFAR vient alors chercher les trois capitaines. Tandis que le sous-marin reste stoppé, le GOULFAR fait route sur Saint Cyprien. A 4 milles du port, les trois équipages sont mis dans leurs canots respectifs et rejoignent la terre. Les 4 Allemands armant le GOULFAR virent de bord et retournent vers le sous-marin resté au large. Vers 16h30, trois fortes détonations sont entendues. Le GOULFAR a été coulé.
Vie à bord du sous-marin – Equipage
Le capitaine Hamon et les Anglais n’ont pas été maltraités. Les deux capitaines restés à bord, trois jours pour Hamon et dix jours pour l’Anglais du BAYHALL, dormaient sur des canapés-lits dans le carré des officiers. Ils mangeaient au carré, après le service des officiers. Nourriture très mauvaise, mais en quantité suffisante.
Le commandant du sous-marin, âgé d’environ 30 ans avait deux galons. Il parlait très bien français, comme d’ailleurs la plupart des officiers et certains marins. Il a demandé au capitaine Hamon ce que l’on pensait de la guerre en France, si l’on escomptait la victoire ou non. Il a fait l’éloge des soldats français. Il lui a affirmé qu’il n’avait aucune animosité contre la France, mais plutôt contre l’Angleterre. Il a donné les communiqués du jour à lire aux capitaines prisonniers.
Il y avait environ 40 hommes à bord dont 10 officiers et 10 sous-officiers. Discipline très vigoureuse. Peu de mots échangés. Les ordres sont donnés sans jamais élever la voix.
Veste, pantalon de cuir et bottes de cuir pour les officiers. Seul le commandant avait deux galons ; 8 officiers avec 1 galon et le chef mécanicien avec des pattes d’épaules en tresse dorée. Casquettes bleues avec visières de cuir et sans galons. Macarons dorés sur celle du capitaine et du second.
L’équipage portait des bonnets bleus mais sans pompon, avec des inscriptions diverses. Hamon a pu lire « 3e flottille », mais pas sur tous.
Hamon a noté que l’équipage paraissait très fatigué : traits tirés, teint pâle (nota : on constate avec amusement que les marins prisonniers trouvent toujours que les sous-mariniers ont le teint pâle…

Le sous-marin
Hamon a pu identifier ce sous-marin comme étant l’U46.
Il y avait en effet à bord un fox-terrier répondant au nom de PIPERMINT. Sur son collier figurait, outre son nom, la mention U 46.
Longueur environ 67 m. Largeur 8 m. Blockhaus plein avec pavois en brise-lame sur l’avant, muni de trois hublots fixes, et batayole sur l’arrière.
Longueur du blockhaus 5 à 6 m. Caillebotis en bois.
Un canon de 110 ou 120 mm sur l’avant, fixe , monté sur affût tournant à pivot.
Filin en fil d’acier de 8mm de l’avant à l’extrême arrière passant sur un matereau de 1 m au dessus du blockhaus.
Deux périscopes, un grand de 4 m et un petit de 1m, non télescopiques. Diamètre 0,30 m. Se manoeuvrent électriquement avec un bouton poussoir et descendent jusqu’au fond du sous-marin.
Deux mâts se mâtant électriquement grâce à un câble passant dans une poulie.
Deux fils d’antennes revenant sur l’AR du blockhaus. Emetteur à éclatement et non à étincelle chantante (sic) Intensité d’un coup de revolver ; sans doute éclateur à deux cylindres. Portée de l'émetteur 900 milles, ont affirmé les Allemands.
Peinture gris fer foncé, vieille mais propre.
Voici la silhouette du sous-marin.

A l’intérieur, quatre tubes lance-torpilles.
2 sur l’avant, en biais à 3 m de l’étrave.
2 sur l’arrière à 4 m du couronnement. Tubes arrières chargés. + une torpille sur chemin de fer à chariot suspendu au barrot et pouvant charger automatiquement n’importe lequel des tubes.
Apparemment ni mines, ni bombes.
Le sous-marin se manœuvre vite et avec souplesse. Plongée et remontée sont très rapides et sans à coups. Tout est automatique : manœuvre, fermeture du capot, sortie des périscopes. Toutes les commandes : gouvernail, barres de plongée…sont ramenées au blockhaus.
Moteurs puissants et silencieux . Les marins ont dit à Hamon qu’ils atteignaient 17 nœuds en surface et 9 en plongée.
Batteries d’accumulateurs des deux bords.
Logement des officiers sur l’avant
Puis carré des officiers sur l’avant du blockhaus, très bien aménagé avec table vernie et chaises canées. Canapés lits sur lesquels ont couché Hamon et le capitaine anglais.
Puis cuisine et moteurs électriques. Sous le blockhaus accumulateurs.
Sous le carré des sous-officiers, parc à munitions avec obus, douilles de cuivre et cartouches.
Le sous-marin attaquant
C’était donc bien l’U46 (trahi par le chien du bord…

Le commandant Saalwächter survécut à la guerre et fut promu General-Admiral le 1er Janvier 1940. Il supervisa en 1941 avec l'amiral Otto Cilliax l'opération Cerberus (retour en Allemagne du SCHARNHORST, du PRINZ EUGEN et du GNEISENAU). Il eut ensuite le commandement tactique de l'invasion de la Norvège. Il prit sa retraite le 30 Septembre 1942.
Mais après la capitulation, il fut kidnappé chez lui par les Russes le 21 Juin 1945. Jugé par un tribunal militaire de la garnison de Berlin pour des crimes de guerre imaginaires, il fut condamné à la peine de mort le 17 Octobre 1945 et fusillé, à Moscou, par un peloton d'exécution le 6 Décembre de la même année. Après la dissolution de l'Union Soviétique, il fut réhabilité en 1994 et formellement reconnu non coupable de crimes de guerre par un tribunal russe.
Voici sa photo

Quant à l’U 46, il fut récupéré par les Japonais à la fin de la guerre. Remis en état au chantier de Yokosuka en 1925, il devait servir à des opérations de sauvetage sous-marin. Mais lors de son transfert de Yokosuka à Kure, il fut pris dans une tempête le 21 Avril 1925 et disparût. Son épave fut retrouvée le 5 Mars 1927 par des Américains dans l’ouest d’Oahu.
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