POUYER-QUERTIER ― Navire-câblier ― Compagnie française des câbles télégraphiques (1879~1931).

Rutilius
Messages : 15297
Inscription : mar. avr. 22, 2008 2:00 am

POUYER-QUERTIER ― Navire-câblier ― Compagnie française des câbles télégraphiques (1879~1931).

Message par Rutilius »

Bonjour à tous,


Pouyer-Quertier ― Navire-câblier (1879-1931)Compagnie française du télégraphe de Paris à New-York, apportée, le 1er janvier 1895, à la Société française des câbles télégraphiques, cette dernière prenant alors la dénomination de Compagnie française des câbles télégraphiques.

■ Historique.

1869 : Commande à la société londonienne The Telegraph Construction and Maintenance Company Ltd (Telcon) du premier câble sous-marin français reliant Brest au Cap Cod, via Saint-Pierre-et-Miquelon, par la Société du câble transatlantique français, société nouvellement constituée avec l’appui de capitaux britanniques par Julius Reuter, fondateur de l’agence du même nom, et le Baron Émile d'Erlanger.

21 juin au 13 juillet 1869 : Pose du tronçon reliant Brest à Saint-Pierre-et-Miquelon par le navire-câblier Great-Eastern (Capitaine Robert Charles Halpin), assisté du Scanderia, du Chiltern, du Hawk et du William-Cory.

1873 : Après divers conflits entre actionnaires, absorption de la Société du câble transatlantique français par l’Anglo-American Telegraph Company, ce qui a pour conséquence immédiate de placer la France sous la dépendance exclusive d’un opérateur étranger pour la transmission de ses télégrammes à destination des Etats-Unis.

1879 : Pour contrecarrer ce monopole, constitution, par Augustin Thomas Pouyer-Quertier, ancien Ministre des finances dans le cabinet d’Adolphe Thiers (25 févr. 1871 - 5 mars 1872) et ardent défenseur des idées protectionnistes, de la Compagnie française du télégraphe de Paris à New-York, dont le siège social fut établi à Paris, au 53 bis, rue de Chateaudun (9e Arr.), société plus familièrement dénommée « P.Q. », selon les initiales de son président-fondateur.

Juin-Novembre 1879 : Pose par le Faraday, câblier lancé en 1874 par le chantier Charles Mitchell & Co Ltd de Newcastle on Tyne (Royaume-Uni), et appartenant à la société britannique Siemens Bros & C° (3, Great George Street, Westminster, Royaume-Uni), avec laquelle avait contracté la Compagnie française du télégraphe de Paris à New-York, d’un câble principal d’une longueur de 2.242 milles reliant Brest à Saint-Pierre-et-Miquelon, complété par une première extension, d’une longueur de 827 milles, allant de Saint-Pierre-et-Miquelon au Cap Cod, et d’une seconde extension, d’une longueur de 188 milles, allant de Saint-Pierre-et-Miquelon à Louisbourg (Île du Cap Breton, Nouvelle-Écosse). La première extension atteint le Cap Cod le 17 novembre 1879.

4 août 1879 : Lancement par le chantier Charles Mitchell & Co Ltd de Newcastle on Tyne (Royaume-Uni)(The Marine Engineer, Sept. 1, 1879), pour le compte de la Compagnie française du télégraphe de Paris à New-York nouvellement constituée, d’un navire destiné à l’entretien et à la réparation des câbles sous-marins, de même type que le Faraday, mais plus maniable et de dimensions plus restreintes, le Pouyer-Quertier, du nom du président en exercice de ladite compagnie.

Les caractéristiques de ce bâtiment étaient les suivantes : n° de chantier, 388 ; longueur, 85 m ; largeur, 12 m ; port en lourd, 1.800 tonnes ; deux hélices ; vitesse, 10 nœuds ; deux cuves principales. Il avait initialement pour port d’attache Le Havre.

20 septembre 1879 : Premiers essais à la mer du Pouyer-Quertier (The Marine Engineer, Nov. 1, 1879).

1880 : Pose par le Faraday, pour le compte de la Compagnie française du télégraphe de Paris à New-York, d’un câble d’une longueur de 151 milles, allant de Brest à Porthcurno (Cornouaille, Royaume-Uni), et destiné à assurer les communications avec Londres. Par la suite, conclusion plus ou moins contrainte avec l’Anglo-American Telegraph Company d’un accord établissant des règles de partage des redevances d’utilisation des réseaux.

2 avril 1891 : Décès à Rouen (Seine-Maritime) d’Augustin Pouyer-Quertier.

1er janvier 1895 : Apport de la Compagnie française du télégraphe de Paris à New-York à la Société française des câbles télégraphiques, cette dernière prenant alors la dénomination de Compagnie française des câbles télégraphiques (Paris-Capital, n° 1, Mercredi 9 janv. 1895, p. 3 – Compte-rendu de l’Assemblée générale extraordinaire des actionnaires, réunie le 12 déc. 1894, sous la présidence du vice-amiral Jules Caubet), mais demeurant néanmoins connue sous son nom de fantaisie « P.Q. ».

A compter de la même date, la compagnie prend la possession effective des câbles et de l’actif industriel ― et donc du navire-câblier Pouyer-Quertier ―, objet de l’apport de la Compagnie française du télégraphe de Paris à New-York. Le capital est alors porté à 24 millions de francs. Différentes modifications, résultant tant du changement de dénomination que de l’augmentation de capital, sont alors apportées aux statuts initiaux, adoptés en 1888 par l’assemblée générale constitutive (Paris-Capital, n° 1, Mercredi 9 janv. 1895, p. 3). En revanche, le siège social demeure établi à Paris, au 38, avenue de l’Opéra (IIe Arr.).

1896 : Transfert du Pouyer-Quertier du Havre aux Antilles, où il demeurera attaché jusqu’à sa démolition, qui interviendra en 1931.

1897-1898 : Pour le compte de la Société française des câbles télégraphiques, fabrication dans les ateliers de Calais de la Société industrielle des téléphones et pose en quatre campagnes par son navire câblier, le François-Arago, d’un nouveau câble entre Brest et le Cap Cod, câble dit « Direct », d’une longueur de 3.173 milles.

1898 : Abandon par la Société française des câbles télégraphiques du premier câble reliant Brest au Cap Cod, via Saint-Pierre-et-Miquelon, liaison qui atterrissait à Duxbury (Massachussetts, U.S.A.).

1899 : Pose d’une extension du câble dit « Direct » entre le Cap Cod et Coney Island (État de New-York, U.S.A.).

8 au 12 mai 1902 : A la Martinique, après l’éruption de la Montagne Pelée, recueille, avec le croiseur danois Valkyrien et le Suchet (Commandant Le Bris), croiseur de la défense fixe de Fort-de-France, un grand nombre de rescapés de la catastrophe entre le village de Grande-Rivière et celui du Pêcheur et les conduit en plusieurs voyages à Fort-de-France (Jean HESS : « La catastrophe de la Martinique. Notes d’un reporter », Paris, Eugène Fasquelle, éd., 1902, p. 186 et s. : « Les observations du Pouyer-Quertier. La suite exacte des phénomènes. »).

Le Pouyer-Quertier était alors commandé par M.Thirion, qui avait pour second M. Hamon (Ibid., p. 192).

1929 : Abandon par la Société française des câbles télégraphiques du deuxième câble dit « Direct » reliant Brest au Cap Cod, à la suite de son endommagement par un tremblement de terre survenu au Sud de Terre-Neuve. Après avoir été réparé par le navire-câblier Pierre-Picard – ex-Edouard-Jéramec – lors du premier semestre 1949, il sera toutefois remis en service en 1952.

1931 : Démolition du Pouyer-Quertier.

___________________________________________________________________________________________

Sources

Gallica (Périodiques, revues et livres).

Groupe de recherche en archéologie navale (G.R.A.N.) : « Les câbles sous-marins dans l’avant-goulet de Brest. »(www.archeonavale.org /pdf/cordeliere/cables.pdf).

Bill GLOVER : « History of the Atlantic Cable & Undersea Communications from the first submarine cable of 1850 to the worldwide network. » (atlantic-cable.com ― Remarquable site).

____________________________________________________________________________________________


L’origine du nom du navire-câblier


Le navire-câblier tenait son nom d’Augustin Thomas Pouyer-Quertier, né le 2 septembre 1820 à Étoutteville-en-Caux (Seine-Maritime), fils d’Augustin (1795-1873), cultivateur et tisserand, et de Félicité Quertier (1801-1871), et décédé à Rouen (Seine-Maritime), le 2 avril 1891.

Ancien élève de l’École polytechnique, il fut Ministre des Finances dans le cabinet d’Adolphe Thiers (25 févr. 1871 - 5 mars 1872) et, à ce titre, plénipotentiaire chargé, après la défaite de 1870 et en compagnie du colonel Laussedat, de négocier avec Otton de Bismarck Shoenhausen les frontières nouvelles de la France. On a pu écrire à ce propos : « Les plus puissantes qualités œnophiles et gastronomiques de Pouyer-Quertier lui ont plus souvent servi contre M. de Bismarck que les plus vastes théories de l’économie politique. » (A. Callet : « La cuisine française », La Nouvelle Revue, T. XXXI, 1er sept. 1917, p. 87).

Carrière professionnelle

— Président-fondateur de la Société des filatures et tissages Pouyer-Quertier, dont le siège social était établi au Petit-Quevilly (Seine-Maritime), au lieu-dit La Foudre.
— Président-fondateur de la Compagnie française du télégraphe de Paris à New-York.
— Président de la Chambre de commerce de Rouen.
— Administrateur de la succursale rouennaise de la Banque de France.
— Administrateur de la Banque parisienne.

Mandats électifs

1852 : Conseiller général du canton de Fleury-sur-Andelle (Eure).
1854 à 1891 : Maire de Fleury-sur-Andelle (Eure).
1857 à 1876 : Député de la Seine-Inférieure de 1857 à 1876.
1876 à 1891 : Sénateur de la Seine-Inférieure.

___________________________________________________________________________________________


« Dictionnaire des Parlementaires français, comprenant tous les membres des Assemblées françaises et tous les Ministre français. Depuis le 1er mai 1789 jusqu’au 1er mai 1889, avec les noms, état-civil, états de service, actes politiques, votes parlementaires, etc., publié sous la direction de MM. Adolphe ROBERT, Edgard BOURLOTON et Gaston COUGNY », Paris, Bourloton Éditeur, Paris, 1891, Tome V., p. 37 et 38 :

« POUYER-QUERTIER (AUGUSTIN-THOMAS), député de 1857 à 1869, représentant en 1871, ministre, membre du Sénat, né à Ettouteville-en-Caux (Seine-Inférieure) le 2 septembre 1820, eut des commencements difficiles, mais, à force de travail, devint un des principaux manufacturiers de la Seine-Inférieure. Maire de Fleury-sur-Andelle en 1854, membre du conseil général de la Seine-Inférieure, de la chambre de commerce de Rouen, administrateur de la succursale de la Banque de France établie à Rouen, président du comité de secours pour les ouvriers cantonniers, il acquit dans la région une haute situation commerciale et industrielle qui le désigna, le 22 juin 1857, aux suffrages des électeurs de la 1re circonscription de la Seine-Inférieure ; élu, avec l'appui du gouvernement impérial, député au Corps législatif, par 9.083 voix (16.746 votants, 31.386 inscrits), contre 5.144 à M. Achille Lemasson, et 2.357 à M. Levavasseur, il prit place dans les rangs de la droite dynastique, dont il partagea les opinions en matière politique. D'autre part, il se fit, à l'encontre des orateurs du gouvernement, le champion des idées protectionnistes : le traité de commerce conclu avec l'Angleterre n'eut pas d'adversaire plus déterminé que lui. M. Pouyer-Quertier se fit à cet égard l'interprète des vives réclamations des départements du Nord, et intervint dans toutes les grandes discussions économiques, pour combattre les privilèges des grandes compagnies de chemins de fer, et pour réclamer l'abaissement des tarifs dans l'intérêt du commerce national. Réélu, le 1er juin 1863, par 1.907 voix (20.845 votants, 27.960 inscrits), contre 8.114 à M. Desseaux et 1.766 à M. Levavasseur, il poursuivit, dans la nouvelle législature, la campagne qu'il avait précédemment entreprise, porta plusieurs fois la parole au nom du commerce français, et se déclara partisan d'une réorganisation de la navigation intérieure, dont les monopoles entravaient l'exercice. Il attaqua avec persistance l'administration du chemin de fer du Midi et les entreprises des frères Péreire, adressa de vifs reproches à l'institution du Crédit foncier (mars 1869), et fut aussi opposé au régime économique établi par l'Empire qu'il s'était toujours montré fidèle à la politique du même gouvernement. Aussi le bénéfice de la candidature officielle lui fut-il retiré, aux élections du 24 mai 1869: il échoua alors avec 11.450 voix contre 11.936 à l'élu de l'opposition, M. Desseaux ; puis il se porta candidat dans la 3e circonscription de Paris, au scrutin complémentaire de novembre suivant; il eut 9.699 voix contre 20.781 à M. Crémieux, de l'opposition démocratique. Il ne perdit pas courage, multiplia les réunions, les meetings, dans l'intérêt des doctrines économiques qu'il représentait, et dut des succès oratoires assez vits à l'animation familière qui colorait ses discours. Les défenseurs du protectionnisme au Corps législatif, en janvier 1870, à propos des traités de commerce, s'inspirèrent de ses idées et se réclamèrent de son autorité : la même année, un banquet lui fut offert par ses amis. Le 8 février 1871, M. Pouyer-Quertier fut élu représentant de la Seine-Inférieure à l'Assemblée nationale, le 4e sur 16, par 80.287 voix (120.899 votants, 203.718 inscrits). Le 25 du même mois, Thiers lui confia le portefeuille des Finances. C'est en cette qualité qu'il concourut, avec Jules Favre, aux négociations du traité de paix définitif avec l'Allemagne : il se rendit à Francfort, puis à Berlin, et passa pour avoir facilité l'issue des négociations par la bonne humeur inaltérable dont il fit preuve dans ses relations avec l'empereur Guillaume et avec M. de Bismarck. De retour en France, il prépara l'émission de l'emprunt de deux milliards cinq cents millions, dont le succès fut tel, que l'ensemble des souscriptions dépassa huit milliards. Il présenta à l'Assemblée une série d'impôts, concernant les allumettes, le sucre, les tabacs, les postes, le papier timbré, l'enregistrement, les alcools, les licences des débits de boissons, les cartes à jouer, les billards, le thé, le café et les matières premières. De ces diverses mesures, celle qui visait les matières premières fut l'objet de la lutte la plus vive : Thiers y prit une grande part personnelle et n'obtint pas gain de cause, car, sur la proposition de M. Feray, l'Assemblée, le 19 janvier 1872, déclara qu'elle ne reviendrait à l'impôt réclamé par le ministre qu'après avoir épuisé toutes les autres matières imposables. Un autre incident devait, à peu de jours de là, entraîner la démission du ministre : cité comme témoin dans le procès de l'ancien préfet de l'Eure, M. Janvier de la Motte, que le gouvernement avait traduit aux assises de la Seine-Inférieure, M. Pouyer-Quertier chercha à justifier le système des virements et des mandats fictifs ; l'opinion publique et l'Assemblée s'émurent, et MM. Dufaure et Casimir Périer, ministres, mirent le chef du pouvoir exécutif en demeure de se séparer de M. Pouyer-Quertier, qui se retira en effet le 5 mars 1872, non sans avoir fait entendre à l'Assemblée sa propre apologie. Il fut alors nommé vice-président du conseil supérieur de l'agriculture, du commerce et de l'industrie, M. Pouyer-Quertier, qui avait voté pour la paix, pour les prières publiques, pour l'abrogation des lois d’exil, pour le pouvoir constituant de l'Assemblée, prit place au centre droit, s'associa à la coalition qui devait renverser Thiers le 24 mai 1873, combattit le projet déposé en juillet 1872 par M. Casimir Périer, d'un impôt sur les bénéfices nets de la Banque du commerce et de l'industrie, et ne perdit aucune occasion d'affirmer ses idées économiques. Il soutint le ministère de Broglie, et opina pour le septennat, pour la loi des maires, pour l'état de siège, contre l'amendement Wallon, contre l'ensemble des lois constitutionnelles. Elu sénateur de la Seine-Inférieure, le 30 janvier 1876, par 621 voix (867 votants), il s'assit au centre droit, refusant, malgré les avances qui lui furent faites, de s'inscrire au groupe de l'Appel au peuple, présida (décembre) la commission du budget, et après l'acte du 16 mai 1877, se prononça pour la dissolution de la Chambre des députés. Toutefois il ne fut pas de ceux qui partagèrent les espérances et les responsabilités de l'entreprise tentée au nom du maréchal de Mac-Mahon par les chefs de la droite, il n'accepta aucun portefeuille, et resta en dehors de la politique militante, se bornant à traiter, toujours dans le sens protectionniste, les questions purement économiques. Infatigable adversaire du libre-échange, il attaqua vivement la modification de l'impôt sur les chèques, et en obtint le rejet par le Sénat, (19 septembre 1878). A l'occasion de la discussion qui s'ouvrit ensuite sur le tarif général des douanes, M. Pouyer-Quertier, rapporteur de la commission, commença par provoquer dans les principales villes manufacturières de grands meetings protectionnistes, puis il engagea, avec sa verve accoutumée, la lutte devant la Chambre haute (janvier 1881). Il se prononça contre l'article 7 de la loi sur l'enseignement supérieur, opina avec la droite contre les divers ministères républicains qui se succédèrent au pouvoir, fut réélu sénateur, le 8 janvier 1882, par 527 voix (869 votants), soutint les nouveaux traités de commerce protectionnistes (mars 1882), critiqua (novembre 1883) les nouvelles conventions sur les chemins de fer, et vota contre la réforme judiciaire, contre le rétablissement du divorce, contre les crédits de l'expédition du Tonkin, contre l'expulsion des princes, contre la nouvelle loi militaire, et, en dernier lieu, pour le rétablissement du scrutin d'arrondissement (13 février 1889), contre le projet de loi Lisbonne restrictif de la liberté de la presse, contre la procédure de la Haute Cour contre le général Boulanger. Aux élections législatives de 1885, il s'était porté candidat à la Chambre des députés en tête de la liste monarchiste de la Seine-Inférieure ; mais il ne réunit que 62.983 voix (149.546 votants). Conseiller général de la Seine-Inférieure pour le canton de Fleury-sur-Andelle, grand officier de la Légion d'honneur (19 octobre 1871). On a de lui : Meetings agricoles, industriels et maritimes. »
____________________________________________________________________________________________
Dernière modification par Rutilius le ven. févr. 19, 2021 9:50 am, modifié 2 fois.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Memgam
Messages : 3648
Inscription : lun. nov. 23, 2009 1:00 am

Re: POUYER-QUERTIER ― Navire-câblier.

Message par Memgam »

Pouyer Quertier, 1913-1915
Un de mes camarades m'avait parlé de la compagnie des câbles sous-marins qui possédait deux bateaux, l'un stationné à Fort de France, l'autre à Halifax au Canada. Il m'avait vanté les avantages de ces embarquements, surtout celui des Antilles. A tout hasard, j'écrivis à cette compagnie et j'eus l'heureuse surprise d'apprendre, peu après, que j'étais agréé en qualité de troisième lieutenant à bord de Pouyer Quertier à Fort de France, à la solde de cent cinquante francs (or) par mois, nourri et logé, ce qui représentait les appointements d'un professeur moyen. Mon contrat stipulait que l'embarquement aurait une durée de dix-huit mois, suivi d'un congé en France de quarante-cinq jours, voyages aller et retour aux frais de la compagnie en première classe...
Le Pouyer Quertierétait un câblier, c'est à dire spécialisé dans la pose et la réparations des câbles sous-marins du réseau des Antilles. C'était un bateau construit en 1879, qui avait donc trente-quatre ans en 1913,mais il était très robuste et bon marin. Les aménagements étaient ceux de l'époque de sa construction, identitiques aux voiliers, c'est à dire que les cabines étaient exiguës et toutes situées à l'arrière dans la dunette. L'ameublement était réduit à l'essentiel et, naturellement, il n'y avait pas d'eau courante sur les lavabos ; par contre, nous jouissions de l'éclairage électrique au moins à la mer, chose rarissime à cette époque, sauf sur les paquebots.L'équipage était nombreux et comportait un certain nombre de spécialistes des câbles : ingénieurs et techniciens. Tous les subalternes étaient des noirs originaires des Antilles, sauf le maître d'équipage, vieux brave homme ayant boulingué sur toutes les mers du globe et qui avait même fait deux campagnes avec Charcot sur le Pourquoi-pas ?ce qui lui avait valu d'être décoré des Palmes académiques, curieuses distinction pour un marin presque illettré ! Il est vrai que le Mérite maritime n'existait pas encore.
L'état-major était composé du commandant, de deux ingénieurs, d'un médecin, d'un commissaire, classés officiers supérieurs, et d'un second capitaine, de trois lieutenants, d'un chef mécanicien et de trois officiers mécaniciens ; entout treize officiers. C'était considérable pour un navire de ce tonnage et qui était fort agréable pour le service. En réalité,on naviguait comme sur un paquebot, ou plus exactement comme sur un yacht, car on n'avait pas les contraintes des passagers ou du chargement. Nos séjours à Fort de France étaient forts irréguliers et dépendaient des travaux à effectuer sur le réseau des câbles sous-marins de la compagnie qui s'étendaient de Para au Brésil, à Saint Domingue au Nord, en passant par les Guyanes, les petites Antilles, Porto-Rico et Haïti. Si tout allait bien sur le réseau, le Pouyer Quertier restait amarré à Fort de France, mais dès qu'un incident se produisait quelque part il appareillait aussitôt...
La réparation ou la pose des câblessous-marins sont des opérations intéressantes, mais délicateset non exemptes de surprises. Lorsqu'un câble est rompu, il est relativement facile de déterminer exactement le point de rupture. C'est beaucoup plus ardu lorsqu'il y a seulementun défaut d'isolement, une faute, enlangage technique, laquelle empêche le courant de passer et partant, interrompt toute communication. Il est vrai que le courant employé n'est que de deux volts. Quoiqu'il en soit, dès que le trafic est interompu sur une section de câble, c'est à dire entre deux points d'atterrissage, la première des opérations consiste à déterminer le point de rupture. Des mesures, ou tests sont faites par les ingénieurs spécialistes, à l'aide d'appareils spéciaux, puis, après des calculs assez compliqués, l'on obtient un chiffre qui représente la distance à laquelle se trouve la rupture. Cette distance est portée sur une carte marine, sous la forme d'un pointpar longitude et latitude. Le bateau se rend à ce point géographique et le matérialise à l'aide d'une grosse bouée appelée bouée-marque, mouillée aussi près que possible de l'emplacement théorique de la rupture. A cetteépoque où la radio était encore dans l'enfance et où l'on disposait ni de gonio, ni de sondeurs ultra-sons, le seul moyen, pour fixer la position d'un navire hors de la vue des côtes, consistait à se servir du soleil ou des étoiles, procédé tout à fait valable quand il s'agissait de navigation ordinaire, où une erreur d'un mille ou deux est acceptable. Pour les câbles, une plus grande précision était nécessaire. On l'obtenait en faisant un grand nombre de points avec la bouée marque comme repère. En faisant la moyenne des résultats obtenus, la précision du point atteignait deux à trois cent mètres, ce qui, en mer, peut être tenu pour négligeable. Alors le travail commençait. D'abord remonter le câble du fond à l'aide d'un grappin. Par petit fond, c'est à dire jusqu'à cent conquante mètres, c'est une opération relativement facile, mais par plus grands fonds, la chose est beaucoup plus difficile. Une réparation eut lieu au large de Porto Rico, par des fonds de quatre mille mètres environ. il fallait plusieurs heures pour amener le grappin et autant pour le relever et, lorsqu'enfin le câble avait été croché, il convenait de prendre d'infinies précautions pour éviter une rupture. Le relevage se faisait à la cadence de quatre à cinq mètres par minute, parfois moins encore. Sur le câble se trouvaient accrochés toutes sortes de végétaux et de coquillages étranges, provenant des ces abîmes, jusque-là inexplorés. Tout cela était passionnant. Enfin, la pose proprement dite, opération des plus délicates, car non seulement, il faut suivre exactement le tracé prévu, c'est à dire que la route du navire soit constamment corrigée à l'aide de points par le soleil et les étoiles, mais aussi que le câble ne soit pas trop tendu, afin qu'il repose partout sur le fond, ni trop mou afin de ne pas faire de coques. Dans certains cas, la réparation se faisait très rapidement, d'autres fois, cela durait des jours et parfois des semaines. Il fallait alors relâcher pour se ravitailler et refaire le plein des soutes à charbon...
Dans les dernières semaines de juillet 1914, le Pouyer Quertierterminait la pose d'un câble entre Saint Domingue et Mayaguez, à Porto Rico. D'abord il fallut établir le tracé du câble, compte-tenu de la profondeur et de la nature du sol marin où il reposerait ; puis il fallut embarquer le câble à bord. Un cargo anglais spécialement affrété à cet effet l'amena à Fort de France. Tout se déroula normalement et la pose de ce câble fut une réussite. L'équipage s'en montra fier, à juste titre, et, en arrivant à Mayaguez, quand la dernière épissure au poste d'atterrissage fut terminée, le commandant offrit le champagne à l'état-major. C'était le 2 août 1914 et nous apprîmes la guerre. Jean Jourdan, Souvenirs d'un vieux marin, 1976.
Memgam
Memgam
Messages : 3648
Inscription : lun. nov. 23, 2009 1:00 am

Re: POUYER-QUERTIER ― Navire-câblier.

Message par Memgam »

Pouyer Quertier 1913-1915
Il était navire auxiliaire de la Défense Nationale dont l'équipage était mobilisé à bord. Le navire restat à Mayaguez qu'il quitta fin novembre pour Fort de France. Là, le navire ne fit qu'un bref séjour et fut envoyé en mission de réparation sur un câble au Nord du Brésil. Cette campagne fut particulièrement longue et fertile en incidents. D'autre part, nous étions constamment sur le qui-vive, à cause de la présence possible de croiseurs allemands dans les parages. D'après le test, la rupture, cette fois, se situait entre Cayenne et l'embouchure de l'Amazone, c'est à dire à près de six cents milles marins de Fort de France. Avec notre faible vitesse, il fallait au moins quatre jours pour s'y rendre. En fait, le mauvais temps nous retarda et nous mîmes six jours pour atteindre le point présumé de la rupture. Après avoir vainement cherché le câble pendant une dizaine de jours, nous dûmes faire escale pour nous ravitailler en vivres et en eau et, par la même occasion, vérifier la marche de nos chronomètres, par un procédé, très rare déjà à l'époque et que l'on ne connait plus du tout aujourd'hui, les navires ayant, en tous temps et en tous lieux, l'heure exacte par radio. Ce procédé consistait à prendre une hauteur du soleil, en remplaçant l'horizon naturel à la mer, par un miroir composé d'une coupelle remplie de mercure, posée à terre en un point dont les coordonnées géographiques étaient connues exactement, d'ou le nom d'horizon artificiel donné à de procédé. C'est le seul que je fis de toute ma carrière et, probablement, la plupart de mes collègues de cette époque, n'ont jamais eu l'occasion de se livrer à ce genre d'exercice. Enfin, nous trouvâmes le câble, et après l'avoir testé, il s'avéra que la rupture se trouvait loin, dans la direction dont nous étions venus..Et c'est ainsi, qu'après plusieurs tests, nous arrivâmes en vue de Fort de France, d'où nous étions partis près de deux mois auparavant. A notre grande surprise, la rupture se trouvait à deux ou trois cent mètres du point d'atterrissage du câble. La réparation aurait pu se faire à l'aide d'un grand canot, en quelques heures, à très peu de frais. Or, une campagne de deux mois avec le Pouyer Quertier et tout le matériel mis en oeuvre, coûtait plusieurs millions de francs de l'époque ! Jean Jourdan "Souvenirs d'un vieux marin" 1976.
L'auteur a été cap-hornier, mousse à bord d'Hélènecapitaine Bourgain et lieutenant de cages à poules sur Quevilly capitaine Jean Rault. Il fera la suite de la guerre à bord du croiseur Condé puis de l'aviso Hélèneen 1917, à bord de Provence IV et enfin dans l'aéronavale à Camaret.Image
Memgam
Avatar de l’utilisateur
Terraillon Marc
Messages : 3875
Inscription : mer. oct. 20, 2004 2:00 am

Re: POUYER-QUERTIER ― Navire-câblier.

Message par Terraillon Marc »

Bonjour

Le navire a l'indice (2) dans la base de données

A bientot
Cordialement
Marc TERRAILLON

A la recherche du 17e RIT, des 166/366e RI et du 12e Hussards.
Avatar de l’utilisateur
Terraillon Marc
Messages : 3875
Inscription : mer. oct. 20, 2004 2:00 am

Re: POUYER-QUERTIER ― Navire-câblier.

Message par Terraillon Marc »

Bonjour

Voici la fiche du cablier POUYER QUERTIER

Navire Activité Longueur (m) Largeur (m) Tirant d'eau (m) Puissance (Ch) Charge (T)
Pouyer-Quertier 1879-1931 98,69 10,94 6,98 1396

tiré du site http://fr.academic.ru/dic.nsf/frwiki/1062705

A bientot :hello:
Cordialement
Marc TERRAILLON

A la recherche du 17e RIT, des 166/366e RI et du 12e Hussards.
Memgam
Messages : 3648
Inscription : lun. nov. 23, 2009 1:00 am

Re: POUYER-QUERTIER ― Navire-câblier.

Message par Memgam »

Bonjour,

Une représentation d'artiste du câblier Pouyer Quertier au travail de réparation d'un câble sous-marin.

Légende : Le relevage d'un câble télégraphique sous-marin, à bord d'un navire câblier, constitue une opération technique délicate. Sur la couverture du présent numéro figure l'un des rares navires câbliers actuellement en service, qui montre les dispositifs spéciaux dont il est muni pour le filage et l'immersion des câbles. Dans l'article, page 355, sont exposés, en détail, les procédés les plus modernes pour déceler les défauts des câbles, les réparer et entretenir d'une façon scientifique ces "liaisons" télégraphiques qui luttent encore avantageusement contre l'antenne.

Source : Henri Le Masson, La vie d'un câble sous-marin dépend de son entretien "scientifique", La Science et la Vie, Tome XXXIII, n° 131 de mai 1928, pages 354 à 362.

Cordialement.

Image
Memgam
Répondre

Revenir à « Navires et équipages »