Fromage et vin dans les tranchées.

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IM Louis Jean
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Re: Fromage et vin dans les tranchées.

Message par IM Louis Jean »

Bonjour à toutes et à tous,
autres "vestiges" de repas retrouvés dans les tranchées: des coquilles d'huitres.
Trouvailles confirmées par Mickaël (Mike 55) en Argonne.
Comme pour le beurre, le transport devait poser problème et le prix devait être dissuasif!
Lettre du 17 octobre 1915 de Robert Rey, artilleur au 24e RAC :

<< Cette guerre est extraordinaire ; on s'y fait tellement que des commerçants à l'arrière ont trouvé le moyen de faire venir des huîtres portugaises, assez belles d'ailleurs, à 1 sou pièce. J'en ai rapporté trois douzaines. Crois-tu que c'est curieux! Des huîtres ici, et par grands paniers! >>.

source : "1914-1918 Le temps de nous aimer", courrier de guerre, par Thierry Secretan. Editions de La Martinière.

Sa batterie, la 7e, appuyait la 35e DI, face au Chemin des Dames (selon une note du livre)

Les coquilles étaient-elles de portugaises, belons, ... ?

Cordialement
IM Louis Jean
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Shark260486
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Re: Fromage et vin dans les tranchées.

Message par Shark260486 »

Bonjour,

merci pour ce sujet très instructif! On en apprends tous les jours.

Cordialement,
Shark
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Ferns
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Re: Fromage et vin dans les tranchées.

Message par Ferns »

Bonjour,

Pour répondre à Yves sur le beurre, effectivement, il était conditionné dans des boîtes de conserve rondes.

Cordialement,

L'homme en campagne a les mêmes besoins qu'en temps de paix ; ces besoins deviennent même plus impérieux, étant exacerbés par une existence plus active et plus énervante.(Henry Mustière)
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pfassy
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Re: Fromage et vin dans les tranchées.

Message par pfassy »

Bonjour à tous,

Étant tout nouvellement inscrit sur ce forum, j'en parcours de temps à autre les différents sujets. Je profite de celui-ci pour rendre hommage à mon AGP, le caporal Henri Genre (en compagnie de mon AGM sur la photo) qui servit dans l'infanterie et que j'ai eu la chance de connaître.
Image
Je possède de lui quelques poèmes dont certains évoquent la grande guerre. Celui-ci a a priori été écrit après la guerre :

LA ROULANTE

Quand Brillat Savarin énonçait les principes
Qui devaient présider à l'art de bien manger,
Il ne se doutait pas que bien des pauvres types
Pratiqueraient un jour son art pour l'outrager.

Nous avons tous connu, plus ou moins, les roulantes,
Et les plats savoureux que des cuistots velus
Paraient avec amour, à larges mains gluantes,
Du temps que nous étions les immortels poilus.

Nous avons tous connu le rata et la soupe,
Et les haricots secs résistant aux cuissons;
Le singe mordoré que, sur du pain de troupe,
De nos doigts délicats, nous répartissions.

Mais parmi tous les mets qu'ainsi nous avalâmes,
Il en est un pourtant auquel les plus ingrats,
Ont gardé une place au fin fond de leurs âmes,
Un pieux souvenir et c'est le riz au gras.

Qu'il était onctueux et rempli de déclices !
Que nous aimions sentir sur nos palais gloutons
Ses grains agglutinés qui passaient comme glissent
Des écharpes de lin sur un lit de chardons.

Il était de couleur presque indéfinissable :
Il avait des tons bruns parmi des reflets roux,
Et finement marbré de façon agréable,
Il était pour nos yeux, un tableau tendre et doux.

Nous l'avalions figés d'admiration muette,
Nous ne soufflions mot pour le mieux savourer
Et son contact étroit avec notre luette
Nous donnait des frissons à faire délirer.

Mon ami de cuistot m'a donné sa recette,
Mais je l'ai oubliée et j'en reste pantois
Car, vous qui savez comment le riz se traite
Vous ne pourrez jamais comprendre nos émois.

Henri Genre

Je sais, ça ne parle ni de fromage, ni de vin, mais je doute que tout ça n'ait pas été accompagné par un verre ou deux :)...
Il m’intéresserait assez, au passage, de savoir ce que désigne cette "roulante" (la carriole du cuistot ?) et surtout le "singe mordoré".

Pierre.
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IM Louis Jean
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Re: Fromage et vin dans les tranchées.

Message par IM Louis Jean »

Bonjour à toutes et à tous,

<< Il y a deux sortes de riz : le riz civil et le riz militaire. Le premier seul est comestible.

J'ai déjà mangé bien des choses répugnantes dans ma vie, pourtant je renonce à rechercher le mets que je pourrais citer pour donner une idée du riz régimentaire. La première fois qu'il me fut donné d'y goûter, je me trouvais blotti dans un fossé, le long d'une route de Champagne. Il faisait nuit noire et nous attendions la soupe avec une impatience de ventre creux. Soudain, les cuistots arrivèrent. Ils couraient de trou en trou, le dos rond, car les "siffleuses" passaient bas.
- Ta galetouse, me demanda l'un d'eux en s'agenouillant derrière moi.
Soldat depuis trois semaines, combattant depuis peu de jours, je ne savais pas encore détacher rapidement ma gamelle.
- Mon sac est monté, avouai-je piteusement.
- Ça ne fait rien, tends ta main.
J'en tendis deux, car j'avais très faim. Le cuistot puisa dans son bouteillon... Alors j'eus un sursaut. Je crus à une mauvaise blague, comme s'il m'avait mis un crapaud dans la main. Pourtant non, c'était bien du riz... Du riz à l'eau, gluant et froid.

Je l'ai mangé quand même. jamais je ne le pardonnerai ni à l'Indochine, où il germa, ni au cuistot qui le fit cuire. C'était à proprement parler immonde. Depuis on m'en a servi accommodé de toutes les sortes, au gras, au maigre, sucré, salé, en bouillie, brûlé, on m'en a fait manger à toutes les sauces, il m'a toujours paru horrible, et je crois accomplir un devoir en déclarant solennellement que le riz de la "roulante" est, avec les poux et les rats, un des pires ennemis du soldat en campagne.

Ne croyez pas que cette répulsion me soit personnelle. Elle est unanime, et d'un bout à l'autre du front, provoque quotidiennement à l'heure de la soupe, de véhémentes protestations. L'autorité militaire, pour la combattre, a gravement rédigé nombre de rapports, notes, décisions, portant à la connaissance des troupes que le riz était un aliment incomparable, à la fois nutritif et savoureux. Les gastronomes de la tranchée n'en ont rien cru et ont continué à le jeter sans y goûter. Les états-majors ont alors poussé la sollicitude jusqu'à faire parvenir aux régiments d'excellentes recettes de riz que les cuistots effarés durent préparer sous la surveillance des chefs de compagnie. Ce jour-là, notre riz fut mangeable, mais je soupçonne le colonel d'avoir payé des ingrédients de sa poche et ce festin est resté sans lendemain.

Depuis, le Grand Quartier Général et les troupes restent sur leurs positions : l'Intendance distribue du riz à pleins sacs et les biffins le jettent à pleines gamelles.

Telle est, impartialement exposée, la question du riz. Comment la résoudre ? Je ne le dirai pas, n'étant ni cuisinier ni général. Toutefois, je me permets de signaler au Haut Commandement que l'Intendance, en s'obstinant à nous nourrir comme des coolies, fournit à l'espionnage ennemi des renseignements d'une importance capitale. En effet, les Allemands n'ont qu'à compter le long des tranchées le nombre de petits tas de riz jetés par-dessus le parapet, ils sauront ainsi, à peu de chose près, combien il y a d'escouades dans un secteur donné.

Et, ma foi, si nous apprenions que les responsables de notre ravitaillement étaient traduits en conseil de guerre pour haute trahison, le riz nous semblerait déjà moins mauvais. >>
source "Bleu Horizon" de Roland Dorgelès. Éditions Albin Michel.

La roulante est la "cuisine roulante" voir ici. Quant au "singe mordoré", je suppose qu'il s'agit de la vision poétique du contenu de la boîte de boeuf en gelée, dont cette dernière donnerait un reflet, voir

Cordialement
IM Louis Jean
sesouvenir

<< On peut critiquer les parlements comme les rois, parce que tout ce qui est humain est plein de fautes.
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau
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Jean RIOTTE
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Re: Fromage et vin dans les tranchées.

Message par Jean RIOTTE »

Bonsoir à tou(te)s,
Voir rebondir ce sujet plus de 3 ans après qu'il ait été initié est vraiment une surprise... comme seul ce Forum sait nous en réserver !
Cordialement,
Jean RIOTTE
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Bruno Tardy
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Re: Fromage et vin dans les tranchées.

Message par Bruno Tardy »

Bonjour à tous
Intéressant en effet de retrouver ce sujet que j'avais malheureusement manqué.
Concernant les fromages, ceux à pate cuite un peu ferme ont l'avantage d'être faciles à expédier et à conserver sans qu'il deviennent trop forts (encore qu'ils n'avaient guère le temps avant d'être consommés). Mon père réclamait souvent du gruyère, terme sous lequel il désignait le comté. Mais il y avait une autre raison : c'était le seul fromage qu'il aimait, ayant tous les autres en horreur.
Par contre je n'ai pas souvenir qu'il ait demandé du beurre, Yves doit confondre.

Concernant le vin, les soldats faisaient bien la distinction entre le vin "bouché" et le vin ordinaire faiblement alcoolisé que l'on trouvait encore dans les années 1940/50 (les anciens se souviennent du vin à la tireuse).
A titre d'exemple, voici le menu d'un banquet dans un secteur calme lorsqu'un copain d'escouade de mon père a chassé un sanglier :

Jambon froid.
Gigot de sanglier rôti (11 livres).
Salade.
Compote d'abricots.
Biscuits. Café.
----------
Vin ordinaire 18 litres.
Bourgogne.
Champagne.

Egalement celui du banquet d'adieux en Allemagne lors de la dissolution du régiment le 7 février 1919 :

Hors d'Oeuvre
Civet de Lapins
Pommes purée
Roti boeuf
Haricots sautés
Salade
Dessert
Vins fins
Café
Cigares
Vin d'ordinaire - 1 litre


Cordialement
Bruno
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Yv'
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Re: Fromage et vin dans les tranchées.

Message par Yv' »

Bonsoir Bruno,

Je viens de passer un moment à retrouver ce fameux beurre. :)
Voyez p. 314, à la date du 22/8/17 : << ... ce que je préfère c'est toujours saucisson, gruyère, beurre etc... >>.
Il dit également en avoir reçu le 4/10/17.

Bien cordialement,
Yves
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Jean RIOTTE
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Re: Fromage et vin dans les tranchées.

Message par Jean RIOTTE »

Bonjour à tou(te)s,
Dans une lettre que l'on vient de me communiquer, un poilu écrit à sa soeur:
"... ce matin, comme nous avions entendu des chats nous sommes partis deux à la chasse et nous en avons tué un superbe qui a été pelé et mis à mariner incontinent. Quel festin en perspective!!!... Comme en 70 nous boufferons du chat. D'ailleurs comme nourriture ça va à peu près bien."
La lettre est datée du 16 juin 1916 - 6ème Colonial, 4ème Compagnie de Mitrailleuses - 4ème Section - SP 173 -
Dans une autre lettre il accuse réception et remercie pour un colis contenant " de l'andouille qui était très bonne".
Apparemment nos anciens savaient améliorer et varier leur alimentation!!! :)
Cordialement,
Jean RIOTTE
pierreth1
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Re: Fromage et vin dans les tranchées.

Message par pierreth1 »

Bonjour,
le beurre "de conserve" en boite est connu depuis la fin du XIX siecle (canning butter en anglais)
la découverte d'or en Alaska a nécessité des approvionnements de denrées périssables considérables seules les conserves permettaient cela ce qui a donné un "coup de fouet" à la mise en conserve du beurre dans des boîtes métalliques. Les US étant "commerçants ont vu là un marché à prendreet on commencé à exporter
Dès 1912, l''US Navy s'interesse à cette façon de conserver le beurre qui permettait de le garder durant de longues période à bord sans problème de stockage particulier. En 1914 le procédé est au point et des quantités importantes de beurre de conserve sont stockées par l'US Navy le beurre procvenant des exploitration du Minnesota, Wisconsin et Iowa
Le beurre "en conserve" est donc parfaitement connu en 1914
Cordialement
Pierre
pierre
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