Merci Laurent

d'avoir unitié ce fil.
Ma contribution au sujet, avec aussi une pensée pour le GPp et tous ses camarades déjà prisonniers à cette époque dont les conditions de détention en Allemagne n’étaient pas des plus mirifiques …..
= Lettres du GO maternel
Alexis GUILLOUX, qui , après le 5e Bataillon des Douaniers, a été versé au
251e RI dans le secteur de SOUPIR.
Réformé pour "bronchite" en mars 1915, il décèdera en septembre et n'a pas été reconnu MplF.
«
St Mard le 23 Décembre (Xbre) 1914
Chers Parents
Je viens de recevoir à l'instant votre paquet qui m'a fait bien plaisir car les vivres commençaient à s'épuiser surtout que le chocolat est utile comme jamais. Tout était au complet. Je fais partie d'un régiment de réserve 251e dont le dépôt est à Brest, mais ce qui m'empêche d'être à quelques cents mètres des boches. Je crois que je fais partie de la 5e armée.
Je suis en repos en ce moment mais nous couchons toujours dans des tranchées (de réserve) et la place n'est pas meilleure mais que voulez-vous, c'est la destinée et ne vous faites pas de bile pour moi. En ce moment nous sommes mal comme tout car chaque jour il tombe de l'eau et fait froid comme tout surtout le matin, nous avons de la boue jusqu'à moitié jambe et les pieds ne sont pas toujours au chaud ; pour la nourriture nous sommes pas mal, quelquefois nous avons une larme d'eau de vie ou un quart de vin mais rarement.
Pour le 1er de l'an je crois que nous allons être gâtés par quelques friandises. ….. Si cela ne vous dérange pas chaque semaine envoyez-moi un petit colis par la poste (chocolat ou autre chose).
Quant aux colis par chemin de fer, faut les envoyer à la même adresse.
Pour le moment je ne vois rien de neuf à vous dire.
Votre fils qui vous remercie et vous embrasse tous.
Un baiser à petite sœur.
Alexis » .
«
St Mard le 25 Décembre (Xbre) 1914
Chers Parents
C'est du fond de mon terrier où la lumière commence à disparaître que je viens en quelques mots vous envoyer mes meilleurs vœux de nouvel an qui seront je l'espère meilleurs que ceux de l'année écoulée.
Je vous souhaite à tous une bonne et heureuse année qui je l'espère nous rassemblera faut-il l'espérer sous peu et dans de bonne condition ; à ça dois-je ajouter aussi une bonne santé qui permettra de passer des jours heureux encore dans le sein de notre famille réunie.
J'espère que mes vœux se réaliseront et que plus tard avec le retour de l'exilé nous pourrons tous en cœur rappeler ce jour en une fête qui sera bien méritée. Pour moi comme pour vous il m'est bien triste de rappeler des jours comme celui-là, si éloignés les uns des autres car comme bien d'autres ces jours vous paraissent-ils plus chers où tous réunis nous pouvons les exprimer.
Enfin espérons que les beaux (jours) reviendront avec l'année 1915.
Je suis toujours dans les mêmes conditions et à cette fête du 1er de l'an une qui va paraître bien triste aussi c'est celle du 25Xbre.
Pour le moment je ne vois rien de neuf sauf qu'il fait froid et que les pieds n'ont toujours pas chauds.
Recevez chers Parents avec mes meilleurs vœux mes meilleures amitiés.
Votre fils qui vous embrasse.
Alexis » .
Et puisque le Secteur a été de l'actualité récente du Forum grâce au Lieutenant JEANTREL du 28e RAC :
= Dans la SOMME, le
116e RI occupe un secteur allant du Bois de THIEPVAL jusqu’à la Cote 141 en passant par le Parc du Château .
Le 28 Décembre le Chanoine
Joseph MOISAN, Secrétaire général de l‘Évêché du Morbihan parti en Août comme Aumônier volontaire du Régiment, va écrire à son Évêque , Monseigneur GOURAUD :
«
Ici nos fêtes de Noël ont été tristes et en même temps très touchantes. J’avais fait préparer, avec accompagnements de flûtes, clarinettes, basses, etc., des Noëls anciens . Les cérémonies ont été belles, mais je n’ai pu y assister ; je me suis fait remplacer, comme tous les dimanches, par un de nos prêtres-soldats, et j’ai passé la Noël à …X…. (AUTHUILLE).
Nos soldats du 116e ont été très édifiants ; la grande majorité d’entre eux sont venus à confesse, officiers en tête. Ceux qui étaient de service dans les tranchées se sont remplacés, dix par dix, pour venir à l’église. Ceux qui n’ont pas pu passer au confessionnal avant la fête sont venus samedi et hier.
Toute la journée de Noël, l’église n’a pas désempli, et grâce aux provisions d’hosties, faites à A.(ALBERT), nous avons distribué de très nombreuses communions. Impossible, par contre, de chanter. L’église est à cinq cent mètres des tranchées allemandes ; et il est probable que les ennemis nous auraient arrosé de mitraille, s’ils nous avaient entendus. Ils se sont contentés de quelques shrapnels, pendant une des messes, sur un coin du village. Ils le font du reste tous les dimanches ; mais s’ils visent l’église, ils sont bien maladroits.
Leurs balles y entrent parfois ; on les entend, à tout instant, qui viennent s’aplatir sur les murs ou sur les toits des maisons.
La maison que j’habite a été visitée par un obus qui a traversé le plafond, juste au dessus du lit. Un bouchon de paille et un peu de papier recouvrent le trou. On ne peut s’empêcher qu’un autre pourrait également arriver, et alors, quelle marmelade ! ».
Dans une seconde du 3 Janvier , il ajoutera :
«
Dans la nuit de Noël, pendant que vous chantiez la naissance de l’Enfant-Dieu, j’étais allongé sur un lit, dans la chambre d’une maison inhabitée. J’y étais entré le soir par la fenêtre, où il ne restait d’ailleurs pas un carreau.
Les obus avaient habité cette chambre avant moi, et je pouvais craindre à chaque instant leur visite intempestive …. Mais les balles seulement sont venues, pleuvant nombreuses sur le toit, et sifflant dans le grenier au-dessus de ma tête. Je n’ai point dormi, et cependant je n’ai pas entendu le chant de « Minuit, chrétiens » que, dans les tranchées voisines, un Caporal fourrier a lancé aux échos, pendant que partout un grand silence se faisait. Les Boches ont écouté ce chant religieusement. Ils ont crié « Hurrah ! », et à leur tout ont entonné des chants en partie, qu’ils exécutent, à la vérité, d’une façon ravissante.
La journée s’est passée dans le silence : pour moi, j’en ai passé la plus grande partie dans le confessionnal. … »
A ce témoignage répond ce court extrait de lettre publiée dans le Bulletin Paroissial de MENEAC, au nord du Pays Porhoët , sous la signature d’un Poilu occupant le même Secteur :
«
…. La veille de Noël, le Capitaine a bien voulu qu’on chante. Nous avons, en chœur, chanté : « Minuit chrétiens ». De leur coté les Allemands ont répondu par un Noël de leur pays. Le lendemain, les Allemands sont sortis de leurs tranchées ; nous en avons fait autant : On s’est serré la main , puis chacun est retournée à sa tranchée …. ».
Et tandis que le 24 Décembre le JMO du Régiment notait «
Journée calme. Deux bombes et nombreux obus de 77 et 88. Pas d‘accident. » , à l’Hôpital Temporaire n°5 d’AMIENS décédait des suites de ses blessures reçues à OVILLERS le 17 le tout jeune Caporal Jean KERAVEC, 21 ans, mle au Corps 5140, natif de GUILER dans le Finistère et dans le civil Instituteur à QUIMPER .
La journée de Noël allait se passer dans un calme précaire, quelques obus tombant sur les tranchées bretonnes de la Côte 141, sans incident . A 18h30, une canonnade assez vive était entendue vers la BOISSELLE, tandis que les soldats Allemands avaient occupé leur journée à garnir leur front de chevaux de frise colossaux .
Le 26 Décembre le quotidien reprenait le dessus avec la poursuite active du travail de sape du secteur Côte 141 en même temps que le 28e RAC - à moins que ce ne fut le 35e - tirait sur les tranchées ennemies du même point, près de la moitié des projectiles n’éclatant d’ailleurs pas . L’artillerie ennemie n’allait pas être en reste, envoyant cinq obus et trois bombes sur le Parc, blessant légèrement deux soldats de la 10e Cie, les 2e Classes LALY et THORON. Quand à leur camarade morbihannais de la même Cie, François Marie BILY, 25 ans, natif de TREDION , il se faisait tuer devant son créneau par une balle, dernier Poilu du Régiment à tomber au champ d’honneur pour cette année 1914. Avant combien d’autres ……
Très Bon Noël à toutes et à tous.
Bien cordialement
Jean-Yves