Ar Brav a écrit : ↑mar. mai 13, 2008 9:47 am
(suite)
L'embarquement du sous-marin s'effectue de la manière suivante : le
Kanguroo approvisionné en eau et en charbon, étant dans ses lignes d'eau, a modifié son assiette en allégeant l'avant par la manœuvre des water-ballasts de cette partie du navire, jusqu'à ce que son avant soit entièrement au-dessus de l'eau. On enlève alors la partie démontable "b" de l'avant, puis on ouvre la porte battante "a" séparant le tunnel de la cale, et enfin, on ouvre successivement les vannes de remplissage de la cale et celles des water-ballasts placés dans la partie inférieure de la double coque de la cale. Le navire prend alors une assiette différente et c'est l'avant qui s'enfonce légèrement, le seuil des portes étant immergée, et l'arrière émergeant davantage ; la cale communique alors avec la mer par l’intermédiaire du tunnel, et le sous-marin à transporter y pénètre en flottant ; suivant le type du sous-marin et son tirant d’eau, on règle l'assiette du
Kanguroo pour que son avant plonge plus ou moins, de façon à laisser une profondeur d'eau suffisante dans le tunnel pour le passage du sous-marin ; le réglage de cette assiette s'obtient par la manœuvre des robinets de remplissage et des pompes des water-ballast de la partie avant ; si le
Kanguroo est trop immergé, on épuise partiellement le water-ballast inférieur ; si au contraire l'immersion est insuffisante, on introduit un volume d'eau supplémentaire dans les water-ballasts latéraux. Cette eau n'est pas introduite dans le water-ballast inférieur, pour pouvoir parer au cas où le navire prendrait de la bande. Si le navire prenait en effet, une inclinaison d'un côté ou de l'autre, pour une raison quelconque, pendant le remplissage des water-ballasts, on y remédierait en augmentant la quantité d'eau dans le water-ballast du côté opposé à l'inclinaison. En utilisant le water-ballast inférieur, au lieu que l'on puisse ainsi modifier l'inclinaison du navire, celle-ci s'accentuerait rapidement, car toute l'eau introduite se précipiterait du même côté.
Le navire étant amené l'inclinaison voulue vers l'avant, le sous-marin est introduit de façon à être amené au-dessus de pièces de bois, ou "ventrières" installées au préalable sur le fond de la cale, et qui sont destinées à l'immobiliser pendant toute la durée du trajet.
Le sous-marin introduit, on modifie encore une fois l'assiette du
Kanguroo en épuisant au moyen de pompes les water-ballast de l'avant, mais en maintenant encore la communication entre la cale et la mer par les vannes de fond. Dès que l'avant du navire est suffisamment relevé, on ferme la porte battante, on replace la partie démontée de l'avant et on ferme les vannes de fond, puis on épuise l'eau contenue dans la cale. Le navire a, dès lors, son assiette définitive de route. A l'arrivée, les opérations inverses sont effectuées pour remettre le sous-marin à flot.
Quant au démontage de la partie avant du
Kanguroo, il comprend deux opérations : l'arrachage des rivets qui réunissent à la coque les plaques de tôle à enlever; le déboulonnage des membrures servant d'appui aux tôles.
Il est à remarquer que toutes les manœuvres que nous venons de décrire sont effectuées par le
Kanguroo par ses propres moyens, sans le secours d'aucun engin extérieur.
Le
Kanguroo, lancé à Bordeaux le 12 avril, a subi à Rochefort de brillants essais et a gagné le port de Toulon. Le
Kanguroo, construit spécialement pour le transport des sous-marins, peut être utilisé pour transporter tout autre navire, tel que torpilleur, vedette, etc. d'un tonnage et d'un rayon d'action trop faibles pour affronter la haute mer, au carénage de tout sous-marin ou autre navire, comme dans un dock ordinaire et cela n'importe où.
En outre, ce navire peut être également employé au transport des pièces lourdes et encombrantes qui ne peuvent être chargées que très difficilement sur des bateaux ordinaires, comme les turbines, chaudières, machines, locomotives, etc. : de puissants appareils de levage permettent l'embarquement direct du chargement dans la cale, une fois celle-ci privée du panneau qui la recouvre. »
L'embarquement du sous-marin péruvien Ferré à bord du Kanguroo (le Yacht) :
« Il a eu lieu le 28 juin 1912, dans le petit port de Saint-Mandrier, au creux St Georges, en face de l'usine annexe de Schneider. Le Kanguroo avait été mouillé à une centaine de mètres de la rive. L'opération avait excité un vif intérêt dans le monde maritime. Elle était dirigée par un ancien officier de marine, M. le Commandant Caré, directeur de l'usine annexe de Saint-Mandrier. Y assistaient, les amiraux Boué de Lapeyrière, Commandant de l'escadre active et ancien Ministre de la Marine ; Auvert, de Bellue, Ytier, M. l'Ingénieur Laubeuf, auteur des plans des submersibles construits par la Société Schneider, l'Ingénieur Lauvergne, Ingénieur des Chantiers de la Gironde, qui ont construit le Kanguroo , les ingénieurs Dolley et Michaud du Petit Creusot de Châlon, qui a construit le submersible, le directeur des constructions navales du port de Toulon, M. Duplaa-Lahitte et de nombreuses personnalités encore. Beaucoup de curieux aussi entouraient le navire dans des embarcations.
L'opération a commencé vers 8 heures du matin, par l'immersion du Kanguroo. Elle était au point vers 10 h 20 et le Ferré était présenté à l'entrée, puis introduit au moyen d'amarres et de treuils. Le mouvement a pris environ 1 heure. L'accorage avait lieu, puis l'assèchement des ballasts de l'avant et du centre commençait et l'avant émergeait, mettant à découvert de nouveau le seuil de l’entrée. Il restait à fermer l'ouverture, tandis que l'on procéderait à l'assèchement de l'intérieur du dock. L'opération d'embarquement était terminée vers 3 heures de l'après-midi.
Elle était admirablement réussie : le jeu de ballasts fonctionnait d'une manière parfaite et le Kanguroo, qui a montré de bonnes qualités de mer dans sa traversée de Bordeaux à Toulon, s’est, en cette expérience délicate, montré tout à fait apte à remplir la fonction qui lui est destinée. Tout au plus, pourrait-on trouver que le démontage et le remontage de l'avant prennent un temps un peu long, puisqu'ils exigent en tout, de quatre à cinq semaines. Mais il ne faut pas oublier que le Kanguroo est le premier navire de ce genre et le but essentiel étant atteint, si des répétitions ont lieu, il n'est point téméraire de supposer que quelque dispositif pourra être installé réduisant considérablement cette partie de la manœuvre.
Le Kanguroo doit partir pour son premier voyage le 20 juillet, destination Calao au Pérou. »
Le
Kanguroo livrera dans de bonnes conditions ses deux sous-marins et reviendra en France à l'orée de la guerre. Il sera réquisitionné par la Marine Nationale. La guerre lui sera fatale, car il sera coulé par torpillage le 3 décembre 1916 par
l'U 38 (sous-marin allemand) à Funchall. L
'U 38 coulera le même jour et au même endroit la canonnière
Surprise.
Il est dommage que la Marine française n'ait pas exploité cette idée originale pour ses propres fins, car de là au transport de chalands de débarquement il n'y a qu'un pas : le problème de la porte avant aurait été résolu facilement, puisque les TCD ont une porte arrière.
D'ailleurs, la maison italienne Fiat San Giorgio avait bien conçu en 1916, le
Ceara navire base de sous-marin de 4130 tx pour la marine brésilienne, navire bon à tout faire (refuge, relevage, réparations), ayant un radier comme les TCD actuels, mais là aussi personne n'a suivi, il faudra les américains pendant la seconde guerre mondiale pour mettre en chantier ce type de bâtiment mais uniquement dans le rôle de TCD.
La France héritera de
l’USS Okéanos qu'elle baptisera
Foudre et plus tard construira les
Orage et
Ouragan sur ce modèle.
Cordialement,
Franck