Bonsoir à tous
« Exécuté pour désertion ». Selon le code de justice militaire de 1857 ou de 1875, la désertion en présence de l’ennemi (article 239) n’est pas sanctionnée par la peine de mort. Par contre, l’abandon de poste de poste en présence de l’ennemi est sanctionné par la peine de mort (article 213). C’est ce motif qui est mentionné sur le jugement de Bouret et sur l’arrêt de la Cour de Cassation ci-dessous.

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Il ne s’agit pas d’une réhabilitation puisque le procureur général parle «
d’un jugement dont la révision est demandée ». Il ne faut confondre la réhabilitation et la pratique de la révision comme pour Bouret. Comme son jugement a été cassé, Bouret a été acquitté des faits qui lui étaient reprochés. C’est fondamentalement différent.
Pour illustrer cette différence, prenons l’un des 2 types de réhabilitation de militaires existant juste après-guerre : celui institué par la loi du 4 avril 1915. Si un militaire condamné (à mort, c’est le cas du soldat Beucher que nous avons présenté
https://prisme1418.blogspot.com/2024/12 ... ucher.html ) dont la peine a été suspendue, a été cité à l’ordre, il a pu demander sa réhabilitation. La condamnation a disparu de son casier judiciaire. Mais les faits qui conduit à sa condamnation n’ont pas été reformulés et restent. Comme le dit Anthony Coltel, «
c’est une mesure de pardon spécifique inaugurée par les codes napoléoniens ». Pour Bouret, l’arrêt de la Cour a «
déchargé la mémoire de Bouret de la condamnation prononcée contre lui ».
Remarques sur l’extrait ci-dessus :
-la Cour a mentionné l’indication « sans instruction préalable » comme si cette procédure était anormale. Or la convocation du conseil de guerre a été faite en citation directe au titre de l’article 156 comme le permet la loi depuis 1875. Il n’y a donc pas eu d’instruction préalable. L’instruction doit avoir lieu au cours des débats. Sur ce point, l’application des textes en vigueur à l’époque est « correcte ».
On peut remarquer que la citation directe du 7 septembre qui ne porte pas les noms des témoins mais l’article 156 prévoit que l’accusé peut faire entendre à décharge les témoins présents à l’audience qu’il aura désigné au commissaire-rapporteur avant l’ouverture des débats.
-la Cour a mentionné que Bouret n’a pas signé son interrogatoire. Ce cas est prévu par l’article 100 du code de justice militaire qui précise que
si le prévenu ne peut ou ne veut signer [le procès-verbal], il est en fait mention et le procès-verbal conserve toute sa force. Le procès-verbal d’interrogatoire de Bouret porte mention de ce refus.
Dans le dossier d’origine, si la signification a bien été faite à Bouret, il n’y a pas de notes d’audience permettant de connaitre les noms des témoins entendus mais lors de son audition pour le recours en révision devant la Cour de cassation, le commissaire-rapporteur devant le conseil de la 28e division indique qu'il n'y a pas eu de témoins entendus en septembre 1914. C'est un vice de procédure.
Il faut se souvenir que les faits se situent au début de septembre 1914 où la situation militaire était très critique.
Cordialement
yves