Mémoires d'un aviateur roumain

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yox
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LES COMBATS DE MARASESTI (4EME partie)

Dans la nuit du 9 au 10 août, l’adjudant av. Tase Rotaru exécute une mission spéciale en territoire occupé. Il doit déposer un agent de renseignement bien en arrière du front ennemi. L’agent est équipé d’un panier avec des pigeons, qui seront utilisés pour transmettre les renseignements.
Le vol s’effectue de et l’atterrissage se fait lorsque le jour commence à se lever. Afin de ne pas être repéré l’avion doit voler au ras des arbres. A environ 30 km en arrière du front, l’appareil est attendu par des avions de chasse qui doivent assurer sa protection.

La même nuit le cpt Mallet de la N3 exécute une mission similaire.

Le 12 août vers midi, une formation de 12 appareils ennemis bombarde Adjud par surprise. La chasse alliée n’a pas le temps de réagir.

Le même jour, dans la soirée, le général commandant la Ière armée roumaine, Eremia Grigorescu, cite le Groupe 2 Aero, à l’ordre du jour n°96.
A l’escadrille F 7 des distinctions seront accordées pour ces faits quelques mois plus tard.
Les seuls à être décorés immédiatement sont les équipages qui ont abattus des avions ennemis en combat aérien.

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L’étude des dernières photos aériennes du front montre une multiplication des emplacements de batteries ennemies, en particulier d’artillerie lourde dans le secteur face aux lignes alliées comprises entre le sud de la forêt de La Razoare et le sud du village de Muncel. Une nouvelle attaque semble se préparer, avec pour centre de gravité le secteur occupé par le 8e corps russe.

Ainsi après un violent bombardement, l’ennemi lance son attaque le 15 août, dans le secteur de Muncel, au point de contact des deux armées roumaines.
En dépit du barrage très dense de l’artillerie russe, au soir l’ennemi a réussi à s’avancer de quelques kilomètres. La F7, par ses observations tient en permanence le commandement informé de l’évolution de la situation. Dans la soirée, les aviateurs apprennent que la Ière armée prépare une attaque pour liquider l’intrusion allemande dans le secteur de Muncel.

Au cours de ces événements, Nicolau fait équipage avec l’adjudant av. Gjebovici.

L'équipage Gjebovici-Nicolau sur le front de Bucovine
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Le 17 août, l’escadrille reçoit l’ordre de faire mouvement le même jour pour Domnesti, terrain utilisé par la F4 . Elle est affectée à partir de ce jour à la IIe armée.
Là, l’escadrille est moins sollicitée, car une compagnie d’aérostation travaille déjà dans le secteur au profit de l’artillerie lourde (installée à Pufesti).
Des pluies violentes s’abattent sur le front amenant ainsi un supplément de repos.

Au matin du 20 août/2septembre, le temps s’est amélioré et l’artillerie alliée déclenche une violente préparation d’artillerie. De nombreuses missions sont requises auprès de l’aviation.
L’équipage Slt Nicolau-Adj Gjebovici est envoyé en surveillance de secteur. Il se présente au-dessus des lignes, alors que le bombardement bat son plein et que l’artillerie ennemie riposte de manière désespérée.
Le village de Muncel est la proie des flammes. Vers 8h, l’artillerie alliée allonge son tir et les 9e et 13e divisions passent à l’attaque sur les flancs de l’ennemi. L’assaut progresse difficilement. Il est évident pour les deux aviateurs que l’heure de préparation d’artillerie n’a pas été suffisante pour neutraliser les défenses allemandes. Nicolau rapporte la situation par TSF.

De retour au terrain, Nicolau apprend que l’’équipage Slt Pascanu/adj St. Iliescu, au cours d’une mission de réglage, est intervenu au secours d’un avion ami, attaqué par un chasseur allemand. Ce dernier a été mis en fuite. Bien que blessé au cours de l’engagement, le slt Pascanu, a tout de même terminé sa mission avant de rentrer au terrain.

L’offensive roumaine continue pendant deux jours et la seule mission demandée à l’escadrille dans ce laps de temps est une reconnaissance photo du secteur. L’attaque roumaine se solde par la seule prise de la partie nord-ouest du village
.
Le 25 août, le Groupe d’artillerie lourde du colonel Paplica, demande un observateur expérimenté pour un réglage de tir sur la cheminée de la fabrique de parquet située au sud de Marasesti dans laquelle s’est installé un poste d’observation ennemi.

Mission difficile, sujette à d’âpres discussions dans la salle des observateurs. Chacun voulant la faire. En fait le cpt Gafencu et le slt Nicolau se disputent le droit d’effectuer la mission. Le premier arguant de son ancienneté dans l’arme et le deuxième faisant valoir qu’il est à l’origine officier d’artillerie, profil idéal pour l’accomplir. Le ton monte, Constantin fait remarquer que Gafencu, vieil officier de réserve, n’est certainement pas au courant des nouvelles méthodes de tir. Le Cpt ne goûte guère l’impertinence, s’énerve et réclame que la mission lui revienne. Le slt Motas, défend le point de vue de Constantin. Tout à sa fougue, Nicolau à aucun moment n’a conscience de l’offense.
Finalement c’est le commandant de l’escadrille qui intervient et déclare (la conversation se fait en français) au jeune slt qu’il a peut-être raison sur le principe, mais que c’est le Cpt Gafencu qui va faire la mission. Le pilote sera celui de son choix.
Le lt Houlon, chef des observateurs n’est pas intervenu dans la discussion, ne semblant pas intéressé par le débat.
Par la suite le commandant de l’escadrille convoque le jeune sous-lieutenant dans son bureau. Il lui apprend que lui aussi est officier de réserve et qu’il connaît très bien les techniques d’observation. Ce à quoi le jeune officier rétorque que lui (le commandant) est pilote et qu’on ne lui demande pas de connaître les méthodes de l’artillerie. Nicolau ajoute que le colonel Paplica est quelqu’un de très exigeant, chose à prendre en compte pour la bonne réussite de la mission. Goulin, éclate de rire et ajoute : « tu l’as bien énervé, Gafencu ! » (Note : traduction approximative de la réplique de Goulin exprimée en roumain dans le livre)

Dans la nuit du 25 au 26 doit avoir lieu une mission spéciale. Il faut amener un informateur dans la région du lac Amara et la tâche revient à la F7.
A sa demande expresse, c’est le lt Mailly de Nesle qui effectuera la mission.
Décollage à 2h du matin. Le chemin jusqu’à la sortie des lignes amies (à Hanul Conachi) est balisé par des feux d’essence. Le vol est délicat car il comporte un atterrissage dans la pénombre, sur un terrain inconnu et, selon Nicolau, de Mailly, est plus courageux qu’expérimenté. Toute la matinée, il supervise la préparation de son appareil. Constantin lui tient compagnie. Il suit avec confiance le travail des mécaniciens et parle peu.
Nicolau est chargé de jalonner la sortie des lignes à Hanul Conachi. Il doit allumer le feu à 2h15. Le slt s’y rend en camionnette et allume de place en place des feux d’essence. A 2h45, l’appareil qui vole à environ 1 000 m d’altitude passe en Muntenie. A 3h30, Constantin allume de nouveau l’essence et à 4h l’avion revient, longeant le Siret, accompagné par des explosions de DCA.
De retour au terrain, Constantin, assiste au récit du français sur le déroulement de sa mission. Ce dernier ne s’explique pas que la DCA l’ait pris pour cible tout le temps. Il ne lui est pas venu à l’esprit qu’au retour de mission il volait en suivant la ligne du Siret, guidé par le scintillement des eaux sous la lune. Or le fleuve est non seulement dans la direction de l’aérodrome, mais c’est aussi la ligne de front, c’est la raison de la présence d’une telle DCA. Quoiqu’il en soit la mission est un succès.

Le 26 août, le peintre Idier disparaît dans la nature à la stupeur générale. La veille, suite à une accalmie des opérations, il est parti courir la campagne avec sa planche à dessin. Il est retrouvé, par Motas et un gendarme, séquestré par des femmes refugiées dans une cabane. Du fait de son peu de connaissance de la langue roumaine, elles ont pris le pauvre peintre pour un espion, lui sont tombées dessus à bras raccourci, l’ont ligoté et enfermé. Cette histoire fait les gorges chaudes de tous, le soir à la popote. Et lorsqu’on demande à l’artiste si ça ne lui fait rien d’avoir été attaché par des femmes, ce dernier, philosophe, répond : « Que pouvais-je faire ? Elles étaient nombreuses et c’étaient des femmes ! »

Le soir, Nicolau discute beaucoup avec de Mailly. Ce dernier lui parle de son fils qui lui manque beaucoup. Le Français ajoute qu’il est prêt à faire n’importe quelle mission juste pour ramener chez lui l’ordre « Mihai Viteazul » (Michel le Brave), afin de témoigner à son fils la façon dont il s’est conduit pendant la guerre.

C’est le 27 août que le Cpt Gafencu piloté par le lt de Mailly, exécute la mission au profit du colonel Paplica. Tous attendent sur le terrain le résultat de la mission. Chef d’escadrille en tête. Au retour de l’avion, c’est un Cpt Gafencu très gêné qui annonce qu’aucun de la centaine d’obus tirée n’atteint la cheminée. Ensuite, il sert la main à tout le monde sauf à Nicolau qu’il se contente d’ignorer, sous le regard amusé du Cpt Goulin.

Plus tard le colonel Paplica appelle pour annoncer que finalement le réglage va être fait par un ballon. Ce qui est un camouflet pour l’escadrille, blessée dans son amour-propre.

Par la suite, Nicolau est convoqué chez le commandant qui lui déclare qu’il souhaite entendre ses commentaires sur la mission de réglage ratée (compte tenu des commentaires qu’il a fait avant la mission). Constantin est gêné, il est dans la situation délicate de critiquer le travail d’un collègue roumain. Sentant l’embarras du jeune officier, le cpt Goulin lui dit que cela ne l’intéresse que d’un point de vue strictement personnel.
Nicolau explique alors comment lui aurait procédé.
La cible représente une surface réduite, tant sur le plan vertical qu’horizontal ce qui rend le réglage difficile. Il faut convenir avec le commandant du groupe d’artillerie qu’il désigne pour cette opération une batterie dont les pièces présentent un minimum d’usure des tubes. Ensuite le réglage ne doit pas être fait par toute la batterie, mais par chaque pièce à part, sur la base de la cible puis un tir effectué par toutes les pièces ensemble, afin de superposer la dispersion des obus des quatre pièces sur la même cible. La probabilité d’atteindre la cible est quatre fois plus grande.
Goulin écoute avec attention et se promet de le vérifier à la première occasion.

Le 28 août, pas de mission, une partie des officiers part pour Tecuci.
Le 29 août, l’escadrille repasse à la disposition du GQG et part au repos, à Vaslui ou elle va servir à l’Ecole d’observateurs Seuls restent deux pilotes et observateurs (dont Nicolau), détachés à la F5, qui doit remplacer la F7 au front.

Les événements se précipitent. Le 30 août au soir, un bon repas est donné à l’occasion du départ au repos. Le cpt Gond et quelques pilotes français de la N3, ainsi que le personnel navigant de la C12 y participent. Au cours du repas, les lt Bonneton et Bretonière se concurrencent dans le récit de souvenirs et d’anecdotes. Même Houlon, ému, met en relief les moments difficiles traversés par l’escadrille et les missions particulièrement dures exécutées par le Cpt Goulin et le Slt Dumitrescu. Puis le Cpt Goulin prend la parole, faisant l’éloge de la résistance, la bravoure désespérée et l’esprit d’engagement des troupes roumaines engagées dans les combats de Marasesti. Et de conclure : «Vous avez été les témoins actifs d’une des pages les plus horribles de cette guerre. Ces deux années de luttes sur le front de l’est me permettent de faire cette appréciation : Vous avez vécu un moment grave dans l’histoire de votre nation. »
L’ambiance est cependant à la mélancolie, tous ont conscience qu’un chapitre se clôt.

Un G4 de la C12
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Le lendemain, les avions de l’escadrille pilotés par des roumains partent pour Vaslui. Les 3 observateurs et les 2 pilotes (français) désignés restent pour travailler au profit de la Ière Armée en attendant l’arrivée de la F5.
A 10h, le cpt Irimescu, commandant la F5, arrive. Suivi de peu par le major Cochet du Groupe 2.

Le Cpt Irimescu
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Tout le monde se retrouve dans la salle des observateurs où le cpt Goulin, fait un exposé au jour le jour sur l’activité de la F7 sur front de la Ière armée. Puis il présente au cpt Irimescu, le personnel navigant français et roumain, détaché à la F5 jusqu’au 1er octobre. Il dit un mot d’appréciation sur chacun. Constantin ne sait pas ce que Goulin dit à son sujet, mais Irimescu se retourne et le regarde avec curiosité.
Puis, vient le tour du major Cochet de prendre la parole, louant l’efficacité de la F7.

A suivre CHAPITRE 6 : A L’ESCADRILLE F5
« Plus vous saurez regarder loin dans le passé, plus vous verrez loin dans le futur. »
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yox
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CHAPITRE 6 : A L’ESCADRILLE F5

Le 31 août le personnel navigant de la F5 arrive avec leurs avions respectifs.

Parmi les pilotes :
- Slt. I. Sava
- adj. D. Teodorescu
- adj. I. Dumitrescu
- sgt. S. Naedinescu
- sgt. N. Iliescu
(surnom "Mitrailleuse")

Les observateurs sont :
- lt. A Paunescu
- Slt. S. Popovici
- Slt. C. Pavelescu
- Slt. T. Alimanescu
- Slt. Ioanid Ralea
- Slt. I. Cantacuzino
- Slt. Radu Teodoru


Le courant passe bien entre les nouveaux arrivants et les anciens de la F7.

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Le slt. Ralea est « l’as de la reco photo », pour son activité dans les secteurs de Macsineni et Vadul Rosca, pendant les préparatifs de l’offensive de la Namoloasa.

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Le commandant de l’escadrille, Radu Irimescu est un personnage massif, avec une grande tête et un profil de statue romaine. Réservé, froid et distant et avec un air sévère, il en impose à tous. Du fait qu’il ait fait l’école navale allemande de Kiel, les Français le surnomment « l’Allemand » et le regarde avec réserve. Il a été décoré de la Croix de Guerre française pour sa bravoure en combat aérien. Ses hommes ont pour lui un profond respect et un attachement certain.

La discipline de l’escadrille est rigide, ce qui est différent des escadrilles franco-roumaines comme la N3 et la F7 et qui est inhabituel pour les Roumains comme Nicolau provenant de ces escadrilles.

Dans les premiers jours, le personnel navigant passe son temps dans la salle des observateurs, où ils étudient les assemblages photo et les plans directeurs représentant les dispositifs ennemis face à la Ière Armée, tenu à jour par la F7.
Pendant ce temps, ceux de la F7 détachés à la F5, effectuent les missions demandées par les grandes unités et l’artillerie lourde, volant avec les pilotes de la F5, afin que ces derniers s’habituent au nouveau secteur.
A leur tour, les observateurs de la F5 font leurs premiers vols de contact avec le front, avec les pilotes de la F7 restés sur place.

Dans le courant du mois, ils exécutent des missions de surveillance de secteur et des réglages de tir, en particulier pour le groupe de Paplica. Pour son premier vol sur le secteur, le cpt Irimescu demande à Nicolau de voler avec lui afin de lui montrer le front. Beaucoup sont surpris de ce choix, Nicolau le premier. Tout le monde s’attendait à ce que le commandant vole avec le Cpt Gafencu ou le lt Houlon (nota : qui font donc parti du personnel de la F7 détaché à la F5).

Avant le décollage, les pilotes de la F5, font discrètement savoir à Constantin d’éviter tant que possible les zones de DCA active, de sorte que le cpt qui souffre d’une appendicite chronique (sic ???), ne soit pas victime d’une crise due à la tension nerveuse. Une douche froide pour Nicolau, mais tout se passe bien.
Au bout de quelques jours, Nicolau, qui est bien vu dans le groupe Paplica, arrange une mission de réglage pour trois batteries. Réglage suivi d’un tir de destruction sur des emplacements de batterie ennemis, entre Muncel et Varnita.
L’équipage doit travailler simultanément avec les 3 batteries et la mission sera protégée par la chasse. Le cpt Irimescu, fait de nouveau savoir à Constantin qu’il veut voler avec lui. Nicolau est enchanté de pouvoir montrer sa façon de travailler au commandant. Au cours de la mission, il lui montre les explosions des tirs de réglage de chaque batterie, puis les tirs finals de destruction. La mission se déroule parfaitement. Une fois les tirs terminés, Nicolau prends des clichés des résultats et pour cela, l’avion pénètre dans une forte zone de DCA. Se rappelant le conseil des pilotes de la F5, le jeune observateur se retourne fréquemment vers le pilote, afin de surveiller son état. Comprenant la raison de cette attitude le cpt lui fait signe de ne pas s’inquiéter. De retour au terrain, Irimescu félicite Nicolau et lui demande où il a apprit cette façon de travailler. Ce dernier explique au capitaine qu’il s’agit d’un concept technique qu’il a mis au point à partir des connaissances acquises à l’école d’artillerie et des observations faites au cours de ses missions.

Au début, Nicolau vole avec l’adj. D. Teodorescu, l’adj. I. Dumitrescu ou le slt. Sava. Par la suite il forme équipe avec Teodorescu. Selon lui, un pilote remarquable, très courageux et d’un grand sang-froid, et qui parle peu.
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Au cours d’une surveillance de secteur (avec Teodorescu comme pilote), ils attaquent un avion allemand travaillant dans le secteur de Marasesti. Ce dernier, surpris, rompt le combat et regagne ses lignes. Nicolau peste devant son manque de succès.
Le personnel de la F5 connaît de mieux en mieux le front, ce qui permet à ceux détachés de la F7 de respirer un peu. C’est dans ses moments de temps libre que Constantin commence à tenir un journal.

Vers le 15 septembre, il reçoit l’ordre de prendre contact avec le commandant de l’artillerie russe du 8e corps. C’est au sujet d’un tir de destruction sur l’artillerie ennemie au sud de Varnita. Nicolau se rend auprès des Russes avec le lt Houlon et un officier interprète, afin de mettre au point la mission.
Le commandant russe, leur explique qu’il n’a pas de poste récepteur ni d’officier de transmission. Les tirs doivent être effectués par 4 batteries. Ils s’accordent sur le lieu où doit être installé l’antenne et sur le fait que les liaisons entre le poste et les batteries soit mises en place sans tarder. En parallèle le Français et le Roumain, interviennent auprès de la Ière Armée afin que soit détaché une antenne et un officier d’antenne, avec un interprète.
Après cela, les aviateurs sont invités à partager le repas du commandant russe. Le cognac, succède au vin et, à la grande désillusion de leurs hôtes, Nicolau ne tiens pas le rythme. Sur le chemin du retour, Houlon, plus résistant lui dit que les Russes ont demandé un autre observateur pour cette mission.

Le lendemain, Nicolau sort avec Teodorescu pour photographier le secteur dans lequel se trouve les emplacements de batterie. Après le développement des clichés, Constantin se rend compte qu’il va devoir mettre au point quelque chose de spécial.
Le soir, on l’informe que la poste-antenne et les liaisons téléphoniques avec les batteries sont installées.

La mission pourra donc avoir lieu le lendemain. Le chef de l’escadrille dit à Nicolau qu’il va voler avec lui pour cette mission. Les résultats devront être photographiés. Une couverture de chasse est prévue pour la mission. A l’heure dite, ils survolent le front. Après avoir observé les objectifs, Nicolau entre en contact avec le poste d’antenne, et comme convenu commence son travail avec les 4 batteries. Ces dernières tirent l’une après l’autre, au commandement de l’observateur. Après le tir de chaque batterie, Constantin communique les corrections, puis passe à la suivante. Une fois l’encadrement terminé, il passe aux tirs de destruction. Plusieurs centaines d’obus tombent sur la zone désignée, qui est masquée par gigantesque nuage de fumée. Un dépôt de munitions vient de sauter.
Ensuite, il photographie le secteur et rentre au terrain. Le cpt Irimescu est satisfait de la façon dont s’est passé la mission.

Quelques jours plus tard, Nicolau est à nouveau convoqué au QG russe. Cette fois, il est accueilli avec une attention particulière de la part du commandant du groupe d’artillerie à qui il a remis les clichés des destructions sur la cible. Au cours du repas, à la grande surprise de Constantin, ils lui servent une sorte de limonade pendant qu’eux sirotent du cognac.

Quelques jours après cela, Nicolau est à nouveau sollicité pour le même type de mission dans le même secteur, encore au profit de l’artillerie russe. Il s’agit cette fois-ci de détruire des dépôts, repérés sur des clichés du secteur.
La météo n’est pas très favorable. Le plafond nuageux est de 1500 m et le vent est violent.
Il décolle avec Teodorescu comme pilote et à 10h, la mission est terminée. Au cours de son déroulement, le Farman est surpris par un appareil ennemi. Ce dernier tire une rafale est disparaît. Nicolau constate avec colère que c’est la deuxième fois qu’il se laisse surprendre au cours d’une mission. Nerveux et mécontent, il continue cependant son travail à 1200 m d’altitude. Juste avant de rentrer au terrain, un dépôt saute en l’air.
Le lendemain, les artilleurs russes téléphonent à l’escadrille pour exprimer leurs félicitations quant au déroulement de la mission, dont les résultats ont été surveillés par des observateurs terrestres. En récompense, le commandant autorise le slt à se rendre à Tecuci pour quelques achats. Il à besoins de clichés pour son appareil photo. A son retour à l’escadrille, le soir, une surprise l’attend. Le commandant lui apprend qu’en son absence, son père est venu de Roman pour le voir.

Deux ou trois jours plus tard, il est envoyé en surveillance de secteur. De Mailly a demandé qu’il vole avec lui. Temps splendide, front calme, surveillé par des ballons. L’Allemand qui survole la côte 1001 ne s’intéresse pas à eux et se trouve trop loin pour être attaqué. Retour au terrain. Mission banale.

Le soir, il est convoqué chez le cpt qui lui annonce qu’il est excusé 2 jours afin d’aller voir sa famille à Roman. Il part par le train du soir à la gare d’Adjud et arrive tard dans la nuit. Il en profite pour se réconcilier avec son père. Dans l’après-midi du lendemain, il passe voir l’amiral Irimescu pour lui donner des nouvelles de son fils. 48 heures plus tard, il reprend le train de voyageur pour Adjud et de là un train de marchandise le laisse à Domnesti. De retour au terrain, il passe un uniforme neuf qu’il s’est fait faire par un ami tailleur de Roman et se présente au cpt Irimescu. Il lui remet des lettres de l’amiral, son père. A sa sortie du bureau du cpt, le lt Houlon lui fait cadeau de son insigne de vol. Il rentre en France.

Vers la fin du mois, le commandant de l’artillerie russe demande avec insistance qu’on lui envoie le lendemain matin l’observateur « qui n’est pas capable de boire plus d’un verre de cognac », afin de mettre au point une mission pour l’après-midi : une nouvelle série de tirs de destruction au sud de Muncel.
Une fois que tout est mis au point, Nicolau exécute donc la mission qui une fois de plus satisfait les Russes. Le pilote à cette occasion est le lt I. Sava.

Le soir, Constantin est convoqué chez le commandant de l’escadrille qui lui demande s’il ne veut pas accepter de rester à la F5, comme viennent de le faire le Cpt Gafencu, le lt de Mailly et le slt Creteanu. Constantin est touché par la proposition, mais se sent trop lié à la F7 pour accepter. En revanche, il demande au cpt de pouvoir exécuter la mission de surveillance du secteur du 29 septembre qui est sera son dernier jour à la F5. Ce que lui accorde Irimescu, en le traitant gentiment de « sentimental obstiné ».

Ainsi le 29 septembre, le ciel est couvert. Plafond nuageux à 1000 m environ. Il décolle à 8 heure, avec le slt Iancu Dumitrescu comme pilote. Nicolau lui explique que cette mission est pour lui, un vol d’adieu au front de Marasesti. Il pénètre dans les lignes aux environs de Cosmesti. Pas un mouvement sur le front et le ciel est vide. Après l’atterrissage, Constantin n’ose pas retirer ses lunettes de vol, afin que personne ne perçoive l’émotion qui l’étreint. Il reste dans la carlingue faisant semblant de s’affairer, jusqu’à ce qu’il ait retrouvé son calme. Le chapitre de Marasesti se clos pour lui.
Le cpt Irimescu est sur le terrain ainsi que tout le personnel navigant. Le cpt lui apprend en riant que le commandant russe a appelé pour insister sur le fait qu’il ne fallait pas laisser partir l’aviateur-qui-ne-sait-pas-boire. Il a insisté pour que Constantin, reste un mois de plus. Ce dernier remercie, mais maintient son choix de réintégrer son unité d’origine. Irimescu semble déçu, mais dit qu’il comprend. Puis le prend à part dans son bureau, ferme la porte et, oubliant sa rigueur habituelle, étreint le slt en signe d’adieu.

Le 30 août (sic ??? Nota : certainement septembre) il doit se présenter au Grupul 2 à Tecuci. Constantin demande à Irimescu d’intervenir pour qu’il puisse couper à cette formalité obligatoire. Ainsi, Nicolau partira directement pour Vaslui. Le soir, il partage un repas sobre avec les membres de la F5, dans la bonne humeur. Seul le cpt Gafencu reste distant.
Le lendemain, sur ordre du cpt Irimescu, un avion piloté parTeodorescu le dépose à Vaslui. Ce qui est également un vol d’adieu pour l’équipage Nicolau-Teodorescu.

A Vaslui, une grosse surprise l’attend, la F7 est devenu la S12. Les Farman étant progressivement remplacés par des Sopwith, biplan, biplace avec moteur Clarget (sic ! Nota : Clerget) de 130 CV, appareil mieux armé et plus performant.
Ses camarades l’accueillent chaleureusement : le bruit avait couru qu’il allait rester à la F5.

L'escadrille S12 sur le front de Bucovine. De gauche à droite : Slt.av. Tutunaru, maître-radio Papadopol, Slt. Motas, Slt Nicolau, lt anglais Mc Der Hand, cpt André Goulin, un officier français, lt av. russe Saulus, slt Nadervell, major Bodot, Slt T.Dumitrescu, Slt av. Leon Gjebovici
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(Nota : On devine un Farman en arrière plan, marque du remplacement progressif du matériel. L'escadrille vole se dénomme bien S12 mais vole aussi sur des Farman en attendant le remplacement complet du parc aérien)

Un Sopwith Strutter de la nouvelle escadrille
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Du personnel navigant français encadrant l’escadrille, il ne reste que le cpt Goulin.
Le Lt Houlon est rentré en France. L’adj. Bourgeois est passé dans la chasse, à la N3. Et le reste est à la F5.

Constantin à un pincement au cœur, à la vue de tous ces changements par rapport à l’unité d’origine. L’escadrille C12, ne s’en est pas sortie indemne non plus : Les équipages des lt Bonneton, Bretonière et du Cpt Rivière sont restés à la disposition de la Iere Armée. Les cpt Bernard et Meyere, sont affecté à Botosani, au profit dela IXème Armée russe, en Bucovine.

En ce qui concerne la S12 (ex F7), le hangar, la troupe et une partie des mécaniciens, ainsi que les bagages, sont en route vers Dorohoi. Le personnel navigant reste quelques jours de plus à Vaslui, jusqu’à l’aménagement du terrain. A Vaslui, Nicolau cohabite à nouveau avec Motas.
Il retrouve avec joie, l’adjudant Gjebovici et l’adj. Sisu. Motas fait équipage avec Sisu et Nicolau avec Gjebovici, bien que ceux-ci échangent parfois. En revanche Stiubei, « se réserve » (sic) le lt Tutunaru.

Il y a beaucoup de temps libre et peu à faire pour se distraire, sinon discuter entre eux.

(A suivre : CHAPITRE 7/SUR LE FRONT DE BUCOVINE)
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Uschen
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Re: Mémoires d'un aviateur roumain

Message par Uschen »

Bonsoir
Je viens de lire ces souvenirs qui me sont d'une aide appréciable pour comprendre les combats en Roumanie par la 115 ID dans laquelle se retrouvèrent pas mal d'Alsaciens et dont je retrace le parcours.
Par le hasard des choses, voilà un autre Alsacien en face (le peintre IMBS) = même dilemme que sur le front ouest, mais ceci restait dans le secret total.
J'attends de lire la suite avec impatience.
Cordialement
Uschen du 67
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yox
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Re: Mémoires d'un aviateur roumain

Message par yox »

CHAPITRE 7 : SUR LE FRONT DE BUCOVINE


Au début du mois d’octobre, l’escadrille est installée sur le terrain de Broscauti, situé sur un lac asséché, près de la ville de Dorohoi.
Le front du nord est considéré comme très important à ce moment. C’est pour cette raison que l’escadrille qui était jusque-là à disposition du GQG a été affectée au 10e CA russe, faisant partie de la IXeme Armée.

Le Corps occupe le front Solca – Radauti – Siret.

L’escadrille a alors comme pilotes :
- Cpt Goulin
- Lt Tutunaru
- Adj Sisu
- Adj Leon Gjebovici


Les observateurs :
- Cpt Stiubei
- Slt Teodor Dumitrescu (chef de la section de photo aérienne)
- Slt Motas
- Slt C. Nicolau
- Slt Saulus
- Slt Nadervell


Le slt Wilmetz, spécialiste des transmissions, est rentré en France et a été remplacé par l’officier de Marine Papadopol, qui dirige aussi le mess. Il est très débrouillard et grâce à lui l’escadrille dispose d’un mess exceptionnel, alimenté en abondance par les unités russes avec lesquelles l’unité est amenée à travailler.

Les missions de la F7, doivent être protégées par la N10 bis de chasse, basée sur le front de Botosani.

Quelques jours après l’installation, la F7 reçoit la visite du Cpt Bernard qui commande la N10bis, qui possède un Caudron G4 pour les reconnaissances lointaines. C’est à peu près au même moment qu’arrive une demande de mission de reconnaissance de secteur que le Cpt Stiubei réclame pour lui. Le Slt Tutunaru sera son pilote.

Situbei, très calme, installe l’appareil photo, essaye la mitrailleuse, contrôle systématiquement tout dans le moindre détail. Il s’agit surtout d’une démonstration un peu théâtrale à l’attention du Cpt Bernard. Après le démarrage du moteur, le pilote fait signe d’enlever les cales et l’appareil commence à rouler vent de face. Après le décollage, l’avion s’est élevé d’une vingtaine de mètres lorsque le pilote, voulant lui aussi épater l’assistance, cabre l’avion brutalement, s’engage en perte de vitesse… et percute le sol.
Tous s’attendent à ce que l’appareil prenne feu d’un moment à l’autre, mais heureusement cela ne se produit pas. S’ensuit un grand moment de silence et d’inquiétude quant au sort de l’équipage. Mais les deux hommes sortent indemnes des débris de l’avion. Le Cpt Goulin ordonne alors que l’équipage soit photographié dans les débris de l’appareil.

Par la suite, les observateurs vont faire tout leur possible pour éviter de voler avec Tuturanu. Tandis que le cpt, qui a subit tout de même des traumatismes physiques part pour un long congés de convalescence.

Le cliché de l'accident demandé par le Cpt Goulin
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Les jours suivants, après avoir pris contact avec les unités russes et mis au point les méthodes de travail et l’ordre de priorité dans l’exécution des différentes missions aérienne, l’escadrille passe au travail effectif.

C’’est ainsi que Nicolau reçoit la mission de photographier le dispositif ennemi entre Dornesti et Siret et de l’étudier en détail. Il s’agit du secteur dans lequel la F7 va devoir opérer.

Les clichés sont mieux réussis que ce à quoi Constantin s’attendait. En deux vols, il a réussi à prendre l’intégralité du front sur lequel va opérer l’escadrille. Il en fait un assemblage qui va être apprécié jusqu’au GQG.

Après étude des assemblages effectués, il effectue des photos à basse altitude tous les objectifs qui semblent importants et qui nécessitent un examen en détail. Examen qui permet d’ailleurs d’identifier de nombreuses batteries ennemies et d’importants dépôts de matériel.

Par la suite, le commandement russe, fait savoir par l’intermédiaire de l’officier de liaison qu’il souhaite leur destruction. La mission de réglage et contrôle de tir revient à Nicolau.

Le contact avec le commandement de l’artillerie russe de Herta est plus facile que celui qu’avec celui de Marasesti. Il ne passe pas le « test de résistance au cognac ». L’officier de liaison lui est pour cela d’un grand secours. En revanche le cpt Goulin, soumis à l’épreuve, ne se sent pas tout à fait bien.

Nicolau doit effectuer le réglage de trois batteries au cours du même vol, en une succession de tirs, toujours selon la technique mise au point sur le front de Marasesti.
Papadopol, va remplir le rôle d’officier d’antenne, avec un officier de liaison russe comme interprète.
Le lendemain les liaisons téléphonique doivent être mise en place et si le temps le permet la mission doit se dérouler le 12 octobre. Nicolau est sous pression et un peu tendu.

Le 12, le temps est magnifique et la mission de passe très bien. La DCA est faible, la chasse ennemie invisible. La chasse alliée ne se montre pas non plus. Les résultats de la mission sont photographiés et le clichés envoyés aux commandements intéressés.

Au cours des jours suivant, les réglages d’artillerie se succèdent sur d’autres batteries qui sont ainsi complètement détruites.
Constantin est enchanté des succès obtenus et en même temps très calme, parce qu’il a dépassé les 30 sorties sur le front (ce qui correspond à une moyenne statistique pour les accidents et les incidents) sans qu’il ne lui soit rien arrivé.

Le communiqué officiel de la Direction de l’Aéronautique annonce un brillant succès de la N11. Le 25 septembre l’adj.av. I.Muntenescu (qui fait partie du groupe que Nicolau surnomme les « nazdravan » - nota : personnages de la mythologie populaire aux pouvoirs surnaturels - formé des lt V. Craiu, Slt Egon Nasta et Slt Marin Popescu) a abattu en combat aérien deux avions ennemis et l’adj.av. O.Magile, un.

Sur les moments de temps libre, les aviateurs montent une équipe de football avec les mécaniciens et les servants d’avions.

Un jour, de retour d’une mission de surveillance de secteur, l’équipage Nicolau-Gjebovici est victime d’une panne de moteur et fait un atterrissage forcé sur une étendue d’eau. Heureusement le marécage n’est pas très profond et freine l’appareil qui menace un moment de capoter.

Comme, contrairement à ses camarades, Nicolau n’a pas eu de congés en septembre, le cpt lui accorde quelques jours de permission. Le lendemain, il s’en va. Le train est bondé. Et le cheminement du train est très long avec un arrêt conséquent dans beaucoup de gares. Endormi, il est brusquement tiré de son sommeil par un choc, et la chute de valise sur sa tête. Son train vient d’en percuter un autre. Une panique sans nom s’empare des passagers et tous se bousculent pour sortir le plus rapidement possible. Les plus peureux se jettent par les fenêtres. Ils ont de la chance car, bien que la collision ait eu lieu sur le pont de Lespezi enjambant le Siret, le wagon dans lequel se trouve Constantin se trouve en avant du pont. Sentant qu’aucun autre choc n’est à prévoir, Nicolau attend tranquillement dans son compartiment qu tout le monde soit sorti.
Une fois dehors, il contemple l’ampleur des dégâts. Son train a percuté un train sanitaire et les locomotives ont pris feu. L’ampleur du désastre est dure à évaluer, mais il y a de nombreux morts et blessés. Il est plus éprouvé qu’après son accident d’avion. Il continue à pied jusqu’à chez lui.
La ville de Roman est pleine de soldats Russes qui, suite à la révolution d’Octobre, manifestent pour la fin de la guerre. Là, Nicolau assiste à un concert d’Enescu et un autre du grand violoniste Buica.

A son retour, Nicolau retrouve ses camarades avec plaisir. Il reprend les vols de mission : surveillance de secteur, réglages et de temps en temps photo.

Le 10 novembre, l’adj.av. I Muntenescu est abattu en combat aérien avec 3 appareils de chasse ennemis.

Le 18 novembre, Constantin doit régler le tir et diriger la destruction d’un dépôt dans le secteur de Donesti. Au cours de la mission, Nicolau et Gjebovici, aperçoivent un appareil ennemi probablement en reconnaissance photo sur les lignes russes. Les deux hommes décident de l’attaquer. Ils lui tombent dessus par surprise. L’ennemi, encadré par les tirs de traçantes, tombe brusquement en piqué vers ses lignes, sans riposter. Conformément aux consignes du commandant de l’escadrille, les aviateurs roumains ne franchissent pas les lignes pour le suivre. Ils finissent ensuite leur mission de réglage. Mission qui se termine par une puissante explosion dans la zone du dépôt. Constantin fait une photo panoramique du secteur.
Constantin et Gjebovici essayent ensuite de chercher une éventuelle trace de l’appareil ennemi, pour savoir s’il s’est écrasé. En vain.
Plus tard, Nicolau apprendra qu’un appareil ennemi a été abattu le même jour et dans le même secteur. La victoire a été revendiquée par le slt Paukert, de l’escadrille de chasse de Botosani qui se l’est vue attribuer. L’officier faisait partie de la patrouille de chasse sensée protéger la mission Nicolau-Gjebovici, qui (selon Constantin) n’a été aperçue par aucun des deux aviateurs.
Quelques jours après cette mission, le commandement russe fait savoir que Nicolau a reçu l’ordre de St. Stanislav, pour les résultats apportés.

La situation sur le front est en train de changer. L’activité diminue. On parle avec insistance d’armistice et les Français se préparent à partir. Les aviateurs roumains sont abattus et découragés quant à savoir ce que l’avenir va leur apporter. Les Français sont cependant optimistes : ils sont certains de la victoire finale et encouragent leurs camarades de combats.
Le 26 novembre/9 décembre, est annoncé la conclusion d’un armistice entre la Roumanie et les puissances centrales.
Le 22 novembre/5 décembre a été signé l’armistice entre les Russes et les Allemands.

Les conséquences de l’armistice sont lourdes pour l’état Roumain.

Les aviateurs de la F7, sont déprimés. Autant de sacrifices en vain. Ils ont du mal à l’accepter.

Peu après, Constantin reçoit l’ordre de se présenter au GQG, à la Direction Aéronautique où il doit participer à l’étude et à l’assemblage des photos réalisées sur tous les fronts. Ainsi il peut se faire une idée de la somme des missions réalisées par l’aviation roumaine.

Le bilan pour l’aviation roumaine est le suivant :
- 30 appareils ennemis abattus en combats aériens entre 1616 et 1917
- 2 pertes (Adj.av I Muntenescu et Adj. Jean Texier)
- 1 disparu
- 10 appareils ennemis abattus par la DCA
- 4 appareils perdus du fait de la DCA ennemie

Le personnel navigant roumain s’est adapté rapidement aux méthodes et techniques de combat. Le cas de la N11 est d’ailleurs révélateur. Créée en juillet 1917, avec uniquement du personnel roumain (excepté le lt français Schneider) :
- Lt V. Craiu
- Slt Egon Nasta
- Slt I. Dragomirescu
- Slt Marin Popescu
- Slt M. Dragusanu
- Adj Muntenescu
- Sgt P. Magîlea


De sa création jusqu’au 27 novembre (date de l’armistice) les pilotes de cette escadrille ont remporté de nombreuses victoires aériennes. Leur nombre dépassant celui des N1, N3 et N10 réunies.
Le mérite en revient en grande partie au Cpt aviateur C. Berionadi, commandant de l’escadrille N11 depuis le 1er septembre qui a volé côte à côte avec ses jeunes pilotes et su leur insuffler la combativité dont ils ont fait preuve.

Le Cpt Berionadi
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Nicolau des années plus tard compulse des photos et se souvient :
Voilà le Slt I. Sava qu’il a connu à la F5 en septembre 1917. Il a volé avec lui aux cours de quelques missions. Provenant de l’aviation austro-hongroise, arrivé en Roumanie avec la Légion d’Ardeal (Nota : province de Roumanie), ayant été prisonniers des Russes. Discret, réservé, Nicolau l’appréciait beaucoup. D’autant qu’il était un pilote courageux, calme et décidé.

Il se rappelle ensuite du slt I. Dragomirescu, pilote de chasse à la N1. Il l’avait rencontré la première fois en août 1917 à l’occasion d’une visite de cette escadrille à la F7, sur le terrain de Domnesti. Très bon pilote de chasse, il était «spécialisé» dans les missions de protection des avions d’observation des escadrilles F2 et F6. Il recevra « La Croix d’Or dans l’ordre de la Vertu Aéronautique ».

Le slt. P. Magîlea, affecté à l’origine à la N10 il passe à la N11 le 1er juillet 1917. Nicolau l’a connu à l’époque de la bataille de Marasesti. Il était le plus jeune pilote de l’escadrille après Poly Vacas. En vol, il faisait souvent équipe avec Egon Nasta et l’adj. I. Muntenescu. Ils étaient un trio célèbre à l’époque. Surtout le 25 octobre 1917, lorsque leur patrouille a abattu 3 avions de chasse ennemis. Ils ont tous été décorés de l’ordre de Michel le Brave.

L’adj. Tase Rotaru était quant à lui un jeune pilote pondéré. Dès leur première rencontre au Grupul 2 à l’occasion des combats de Marasesti, il avait fait à Nicolau une impression à part. Captivant, inspirant confiance. Cela explique pourquoi les officiers observateurs français, assez sélectifs dans le choix de leurs pilotes, ont décidé de voler avec lui dès le deuxième jour de son arrivée en escadrille. Ainsi le 1er janvier, il a effectué une reconnaissance de la vallée de la Putna, avec le Cpt Thouvin, chef des observateurs. En février il faisait des réglages d’artillerie avec soit le Cpt Thauvin, soit le slt Ermil Gheorghiu et des missions de reconnaissance photo avec l’adj Pîrvulescu, chef de la section de photo aérienne de l’escadrille.

Au mois de mars, au cours d’une mission photo effectuée à Focsani, avec le Slt Gheorghiu, ils furent attaqués par un avion de chasse ennemi. L’équipage a riposté, parvenant ainsi à se dégager et à continuer la mission bien que l’appareil soit transpercé de 16 impacts et l’hélice endommagée. En avril, au cours d’une autre mission de reconnaissance photo, également avec Gheorghiu, il a été puissamment bombardé (sic ???). Terminant tout de même sa mission, rentre au terrain avec 28 éclats dans l’appareil. Les longerons de l’aile inférieure gauche étant rompu et deux montants sectionnés, l’observateur ayant reçu un éclat dans le foie.
Au mois de mai, au cours d’un réglage avec le cpt Thauvin comme pilote, il est attaqué par un chasseur ennemi Une balle le touche à la main, une autre blesse l’observateur, mais l’équipage parvient à terminer la mission.
Enfin après une liaison avec l’infanterie, effectuée le 28 juillet 1917 à quelques centaines de mètres d’altitude, il ramène son appareil criblés de 26 balles dont 5 dans le moteur. Tout le monde admirait son courage et sa chance.

Mais les missions qui lui ont valu la considération de tous étaient les missions spéciales : la dépose d’agent derrière les lignes ennemies. Il en a effectué une le 10 et une autre le 25 août 1917.
Tase Rotaru a été décoré de
- La Vertu Militaire de 1ère Classe
- l'ordre « Courage et Loyauté » de 1ère Classe et de 2ème classe
- Médaille Militaire française
- L’ordre de St Georges russe
- Chevalier de l’ordre de la Vertu Aéronautique roumaine


Parmi les pilotes de grande classe, Constantin se souvient de Nae Iliescu, surnommé « Mitrailleuse ». Affecté à la F5 (Grupul 1 Aero) le 1er janvier 1917. L’unité était encadrée par presque exclusivement du personnel navigant roumain et affecté à la VIème armée russe qui tenait le front sur le Siret. Au sein de cette unité, il a fait la plupart de ses missions avec les Slt Aurel Paunescu et Ralea Ioanid.
Selon Constantin toujours, Iliescu avait un véritable esprit d’équipe, quelque-soit le risque. Au cours d’une mission, apercevant un ballon attaqué par un avion ennemi il attaque ce dernier pour dégager les aérostiers. Une autre fois au cours d’un vol de reconnaissance photo, protégé par V. Craiu, ce dernier engage le combat avec l’ennemi et blessé doit atterrir derrière les lignes ennemies. Sans hésiter Iliescu atterrit à côté de l’avion de Craiu le transborde dans son appareil et l’emmène à Galati.
Nicolau a fait sa connaissance alors qu’il était détaché à la F5, en septembre 1917. Il a reçu pour ses faits d’armes :
- La Vertu Militaire
- La Croix de Guerre française
- La Médaille Militaire française
- La Vertu Aéronautique avec le grade de Chevalier


Le Slt M. Savu, lui, a d’abord été instructeur à l’école de pilotage. Il a contribué à former le personnel roumain sur le nouveau matériel arrivé de France à l’automne 1916 et l’hiver 1917. Il a été décoré de la Croix d’Or de la Vertu Aéronautique.

Parmi les pilotes les plus appréciés de la F5 se trouve l’adj. D. Teodorescu qui s’est distingué au cours des combats de 1917 par ses incursions de reconnaissance photo et de réglage d’artillerie au profit de la VIème armée russe et au début du mois de septembre à celui de la Ière Armée roumaine.
Nicolau a effectué plusieurs missions avec lui, lorsqu’il était détaché à la F5. Il était toujours maître de lui-même, y compris au cœur d’un barrage de DCA. Il a été décoré de la Vertu Militaire, « Courage et Loyauté » et de la Vertu Aéronautique avec le grade de chevalier.

Puis, Constantin ne pourra jamais oublier le Slt av Marin Popescu. A l’origine, il faisait partie de la N10. Pilote de grande classe et courageux, il est le premier pilote roumain à avoir abattu deux appareils ennemis au cours d’une seule mission. Nicolau l’a connu au cours des combats de Marasesti, à l’occasion d’une réunion du Groupe 2 Aéro. Calme, réservé, distant, plein de tact. Ne parlant quasiment pas de ses combats aériens. Il est celui qui a le plus marqué, Nicolau, parmi tout le personnel navigant roumain.
Il a été décoré de l’ordre de « Michel le Brave » et de la « Vertu Aéronautique » avec le grade de chevalier.

Après que la Russie, se soit retirée du conflit, le ministère de la Guerre a décrété le rapatriement de l’école de pilotage, évacuée précédemment à Odessa.
Le cpt Goulin, inquiet de la façon dont évolue la situation, demande son retour en France, conscient que la trajet via la Russie va rapidement devenir difficile.
Les jours suivants, deux nouveau observateurs se présentent à l’escadrille : le lt Bunea et le slt Trifu.

Le 10 décembre, le Cpt Bernard prend le commandement de l’escadrille en remplacement du Cpt Goulin. Vers midi, tout le personnel est rassemblé sur le terrain ou Goulin présente le nouveau commandant et fait ses adieux aux personnels subalternes.
Le soit un repas d’adieux est donné en son honneur. Y participent également les médecins français et anglais de la Croix Rouge. Ce fut une rencontre pleine de mélancolie, sans discours, sans commentaires. Tous les convives chuchotant pendant le repas.

« Ainsi nous quittais celui, qui en sa qualité de chef, se réservait les missions les plus difficiles et les plus périlleuses. Celui qui d’un regard pouvait nous tempérer lorsque nous étions sur le point de perdre la boussole, celui qui avec un sourire pouvait remonter notre moral dans les moments les plus durs, lorsque nous étions abattus par l’épuisement. »

Le Départ du Cpt Goulin
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Le 17 décembre l’escadrille reçoit l’ordre d’être prête à être transportée à Tecuci où elle doit se trouver le 18. Les membres de la F7 sont contents à l’idée de retrouver leurs camarades de la chasse.

Ensuite Nicolau fait un cours paragraphe sur sa fierté d’avoir contribué à l’effort de guerre et d’avoir participé à « la grande victoire du peuple roumain dans cette guerre totale ».

FIN

Voilà je vous ai livré la synthèse non littérale de ce modeste ouvrage. Les propos, sauf indications de ma part, sont ceux de Nicolau. Il faut prendre en compte le contexte dans lequel le livre est sorti afin de nuancer certains propos.


Quelques notes personnelles sur le livre et la Roumanie

Je vous livre ici mon appréciation personnelle

Le livre
Ce livre est sorti en 1987. Ceausescu est alors sur la fin de son règne. Il faut savoir que l’heure est plutôt à l’histoire hagiographique. Paradoxalement, la Roumanie de Ceausescu, bien que communiste, est anti-russe et nationaliste. (il y a toujours eu un ressentiment rès fort des Roumains envers les Russes - tsaristes ou communistes). Pourtant il semble se dégager de ce livre une incroyable sincérité pour l’époque à laquelle sort ce livre. Peut-être dû au fait qu’il s’agit du constat de fin de vie d’un vétéran de guerre.
Je n’ai pas recoupé cependant tous les événements.


La Roumanie


La situation géographique de la Roumanie fait qu’elle a toujours du composer avec les velléités des Etats environnants. Carrefour tant d’un axe est-ouest que nord-sud, ses richesses naturelles (notamment le pétrole) en font une cible privilégiée.

La naissance du Royaume de Roumanie en 1859 doit beaucoup à l’intervention de Napoléon III, qui a fait pression sur les Russes à la fin de la guerre de Crimée. De ce fait la Roumanie s’est toujours revendiquée avec fierté comme « la petite sœur de la France ». Bucarest, sera surnommé le « Petit Paris des Balkans ».

Coincée entre des pays qui ont tous des revendications territoriales sur la région, Empire Russe à l’est, Bulgarie et Empire Ottoman au sud, Empire Austro-Hongrois à l’ouest, la Roumanie, a fait le choix difficile des Alliés et son sentiment pro-français d’alors, y a certainement beaucoup contribué. Le Roi de Roumanie, bien que Hohenzollern, et après de bien compréhensibles hésitations, a accepté de se ranger à l’avis de son gouvernement et de son peuple en faveur des Alliés.

Il faut savoir qu’à la suite des événements, la Roumanie, augmentée de nouveaux territoires suite aux traités de Versaille, Saint-Germain et Trianon, va développer son indépendance aéronautique par la naissance d’une industrie florissante. Ce sera pour elle un moyen de contrebalancer son isolement géographique et politique. La suite de l’histoire montrera que ce sera en vain.

« Plus vous saurez regarder loin dans le passé, plus vous verrez loin dans le futur. »
Winston Churchill
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