Dans la nuit du 9 au 10 août, l’adjudant av. Tase Rotaru exécute une mission spéciale en territoire occupé. Il doit déposer un agent de renseignement bien en arrière du front ennemi. L’agent est équipé d’un panier avec des pigeons, qui seront utilisés pour transmettre les renseignements.
Le vol s’effectue de et l’atterrissage se fait lorsque le jour commence à se lever. Afin de ne pas être repéré l’avion doit voler au ras des arbres. A environ 30 km en arrière du front, l’appareil est attendu par des avions de chasse qui doivent assurer sa protection.
La même nuit le cpt Mallet de la N3 exécute une mission similaire.
Le 12 août vers midi, une formation de 12 appareils ennemis bombarde Adjud par surprise. La chasse alliée n’a pas le temps de réagir.
Le même jour, dans la soirée, le général commandant la Ière armée roumaine, Eremia Grigorescu, cite le Groupe 2 Aero, à l’ordre du jour n°96.
A l’escadrille F 7 des distinctions seront accordées pour ces faits quelques mois plus tard.
Les seuls à être décorés immédiatement sont les équipages qui ont abattus des avions ennemis en combat aérien.

L’étude des dernières photos aériennes du front montre une multiplication des emplacements de batteries ennemies, en particulier d’artillerie lourde dans le secteur face aux lignes alliées comprises entre le sud de la forêt de La Razoare et le sud du village de Muncel. Une nouvelle attaque semble se préparer, avec pour centre de gravité le secteur occupé par le 8e corps russe.
Ainsi après un violent bombardement, l’ennemi lance son attaque le 15 août, dans le secteur de Muncel, au point de contact des deux armées roumaines.
En dépit du barrage très dense de l’artillerie russe, au soir l’ennemi a réussi à s’avancer de quelques kilomètres. La F7, par ses observations tient en permanence le commandement informé de l’évolution de la situation. Dans la soirée, les aviateurs apprennent que la Ière armée prépare une attaque pour liquider l’intrusion allemande dans le secteur de Muncel.
Au cours de ces événements, Nicolau fait équipage avec l’adjudant av. Gjebovici.
L'équipage Gjebovici-Nicolau sur le front de Bucovine

Le 17 août, l’escadrille reçoit l’ordre de faire mouvement le même jour pour Domnesti, terrain utilisé par la F4 . Elle est affectée à partir de ce jour à la IIe armée.
Là, l’escadrille est moins sollicitée, car une compagnie d’aérostation travaille déjà dans le secteur au profit de l’artillerie lourde (installée à Pufesti).
Des pluies violentes s’abattent sur le front amenant ainsi un supplément de repos.
Au matin du 20 août/2septembre, le temps s’est amélioré et l’artillerie alliée déclenche une violente préparation d’artillerie. De nombreuses missions sont requises auprès de l’aviation.
L’équipage Slt Nicolau-Adj Gjebovici est envoyé en surveillance de secteur. Il se présente au-dessus des lignes, alors que le bombardement bat son plein et que l’artillerie ennemie riposte de manière désespérée.
Le village de Muncel est la proie des flammes. Vers 8h, l’artillerie alliée allonge son tir et les 9e et 13e divisions passent à l’attaque sur les flancs de l’ennemi. L’assaut progresse difficilement. Il est évident pour les deux aviateurs que l’heure de préparation d’artillerie n’a pas été suffisante pour neutraliser les défenses allemandes. Nicolau rapporte la situation par TSF.
De retour au terrain, Nicolau apprend que l’’équipage Slt Pascanu/adj St. Iliescu, au cours d’une mission de réglage, est intervenu au secours d’un avion ami, attaqué par un chasseur allemand. Ce dernier a été mis en fuite. Bien que blessé au cours de l’engagement, le slt Pascanu, a tout de même terminé sa mission avant de rentrer au terrain.
L’offensive roumaine continue pendant deux jours et la seule mission demandée à l’escadrille dans ce laps de temps est une reconnaissance photo du secteur. L’attaque roumaine se solde par la seule prise de la partie nord-ouest du village
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Le 25 août, le Groupe d’artillerie lourde du colonel Paplica, demande un observateur expérimenté pour un réglage de tir sur la cheminée de la fabrique de parquet située au sud de Marasesti dans laquelle s’est installé un poste d’observation ennemi.
Mission difficile, sujette à d’âpres discussions dans la salle des observateurs. Chacun voulant la faire. En fait le cpt Gafencu et le slt Nicolau se disputent le droit d’effectuer la mission. Le premier arguant de son ancienneté dans l’arme et le deuxième faisant valoir qu’il est à l’origine officier d’artillerie, profil idéal pour l’accomplir. Le ton monte, Constantin fait remarquer que Gafencu, vieil officier de réserve, n’est certainement pas au courant des nouvelles méthodes de tir. Le Cpt ne goûte guère l’impertinence, s’énerve et réclame que la mission lui revienne. Le slt Motas, défend le point de vue de Constantin. Tout à sa fougue, Nicolau à aucun moment n’a conscience de l’offense.
Finalement c’est le commandant de l’escadrille qui intervient et déclare (la conversation se fait en français) au jeune slt qu’il a peut-être raison sur le principe, mais que c’est le Cpt Gafencu qui va faire la mission. Le pilote sera celui de son choix.
Le lt Houlon, chef des observateurs n’est pas intervenu dans la discussion, ne semblant pas intéressé par le débat.
Par la suite le commandant de l’escadrille convoque le jeune sous-lieutenant dans son bureau. Il lui apprend que lui aussi est officier de réserve et qu’il connaît très bien les techniques d’observation. Ce à quoi le jeune officier rétorque que lui (le commandant) est pilote et qu’on ne lui demande pas de connaître les méthodes de l’artillerie. Nicolau ajoute que le colonel Paplica est quelqu’un de très exigeant, chose à prendre en compte pour la bonne réussite de la mission. Goulin, éclate de rire et ajoute : « tu l’as bien énervé, Gafencu ! » (Note : traduction approximative de la réplique de Goulin exprimée en roumain dans le livre)
Dans la nuit du 25 au 26 doit avoir lieu une mission spéciale. Il faut amener un informateur dans la région du lac Amara et la tâche revient à la F7.
A sa demande expresse, c’est le lt Mailly de Nesle qui effectuera la mission.
Décollage à 2h du matin. Le chemin jusqu’à la sortie des lignes amies (à Hanul Conachi) est balisé par des feux d’essence. Le vol est délicat car il comporte un atterrissage dans la pénombre, sur un terrain inconnu et, selon Nicolau, de Mailly, est plus courageux qu’expérimenté. Toute la matinée, il supervise la préparation de son appareil. Constantin lui tient compagnie. Il suit avec confiance le travail des mécaniciens et parle peu.
Nicolau est chargé de jalonner la sortie des lignes à Hanul Conachi. Il doit allumer le feu à 2h15. Le slt s’y rend en camionnette et allume de place en place des feux d’essence. A 2h45, l’appareil qui vole à environ 1 000 m d’altitude passe en Muntenie. A 3h30, Constantin allume de nouveau l’essence et à 4h l’avion revient, longeant le Siret, accompagné par des explosions de DCA.
De retour au terrain, Constantin, assiste au récit du français sur le déroulement de sa mission. Ce dernier ne s’explique pas que la DCA l’ait pris pour cible tout le temps. Il ne lui est pas venu à l’esprit qu’au retour de mission il volait en suivant la ligne du Siret, guidé par le scintillement des eaux sous la lune. Or le fleuve est non seulement dans la direction de l’aérodrome, mais c’est aussi la ligne de front, c’est la raison de la présence d’une telle DCA. Quoiqu’il en soit la mission est un succès.
Le 26 août, le peintre Idier disparaît dans la nature à la stupeur générale. La veille, suite à une accalmie des opérations, il est parti courir la campagne avec sa planche à dessin. Il est retrouvé, par Motas et un gendarme, séquestré par des femmes refugiées dans une cabane. Du fait de son peu de connaissance de la langue roumaine, elles ont pris le pauvre peintre pour un espion, lui sont tombées dessus à bras raccourci, l’ont ligoté et enfermé. Cette histoire fait les gorges chaudes de tous, le soir à la popote. Et lorsqu’on demande à l’artiste si ça ne lui fait rien d’avoir été attaché par des femmes, ce dernier, philosophe, répond : « Que pouvais-je faire ? Elles étaient nombreuses et c’étaient des femmes ! »
Le soir, Nicolau discute beaucoup avec de Mailly. Ce dernier lui parle de son fils qui lui manque beaucoup. Le Français ajoute qu’il est prêt à faire n’importe quelle mission juste pour ramener chez lui l’ordre « Mihai Viteazul » (Michel le Brave), afin de témoigner à son fils la façon dont il s’est conduit pendant la guerre.
C’est le 27 août que le Cpt Gafencu piloté par le lt de Mailly, exécute la mission au profit du colonel Paplica. Tous attendent sur le terrain le résultat de la mission. Chef d’escadrille en tête. Au retour de l’avion, c’est un Cpt Gafencu très gêné qui annonce qu’aucun de la centaine d’obus tirée n’atteint la cheminée. Ensuite, il sert la main à tout le monde sauf à Nicolau qu’il se contente d’ignorer, sous le regard amusé du Cpt Goulin.
Plus tard le colonel Paplica appelle pour annoncer que finalement le réglage va être fait par un ballon. Ce qui est un camouflet pour l’escadrille, blessée dans son amour-propre.
Par la suite, Nicolau est convoqué chez le commandant qui lui déclare qu’il souhaite entendre ses commentaires sur la mission de réglage ratée (compte tenu des commentaires qu’il a fait avant la mission). Constantin est gêné, il est dans la situation délicate de critiquer le travail d’un collègue roumain. Sentant l’embarras du jeune officier, le cpt Goulin lui dit que cela ne l’intéresse que d’un point de vue strictement personnel.
Nicolau explique alors comment lui aurait procédé.
La cible représente une surface réduite, tant sur le plan vertical qu’horizontal ce qui rend le réglage difficile. Il faut convenir avec le commandant du groupe d’artillerie qu’il désigne pour cette opération une batterie dont les pièces présentent un minimum d’usure des tubes. Ensuite le réglage ne doit pas être fait par toute la batterie, mais par chaque pièce à part, sur la base de la cible puis un tir effectué par toutes les pièces ensemble, afin de superposer la dispersion des obus des quatre pièces sur la même cible. La probabilité d’atteindre la cible est quatre fois plus grande.
Goulin écoute avec attention et se promet de le vérifier à la première occasion.
Le 28 août, pas de mission, une partie des officiers part pour Tecuci.
Le 29 août, l’escadrille repasse à la disposition du GQG et part au repos, à Vaslui ou elle va servir à l’Ecole d’observateurs Seuls restent deux pilotes et observateurs (dont Nicolau), détachés à la F5, qui doit remplacer la F7 au front.
Les événements se précipitent. Le 30 août au soir, un bon repas est donné à l’occasion du départ au repos. Le cpt Gond et quelques pilotes français de la N3, ainsi que le personnel navigant de la C12 y participent. Au cours du repas, les lt Bonneton et Bretonière se concurrencent dans le récit de souvenirs et d’anecdotes. Même Houlon, ému, met en relief les moments difficiles traversés par l’escadrille et les missions particulièrement dures exécutées par le Cpt Goulin et le Slt Dumitrescu. Puis le Cpt Goulin prend la parole, faisant l’éloge de la résistance, la bravoure désespérée et l’esprit d’engagement des troupes roumaines engagées dans les combats de Marasesti. Et de conclure : «Vous avez été les témoins actifs d’une des pages les plus horribles de cette guerre. Ces deux années de luttes sur le front de l’est me permettent de faire cette appréciation : Vous avez vécu un moment grave dans l’histoire de votre nation. »
L’ambiance est cependant à la mélancolie, tous ont conscience qu’un chapitre se clôt.
Un G4 de la C12

Le lendemain, les avions de l’escadrille pilotés par des roumains partent pour Vaslui. Les 3 observateurs et les 2 pilotes (français) désignés restent pour travailler au profit de la Ière Armée en attendant l’arrivée de la F5.
A 10h, le cpt Irimescu, commandant la F5, arrive. Suivi de peu par le major Cochet du Groupe 2.
Le Cpt Irimescu

Tout le monde se retrouve dans la salle des observateurs où le cpt Goulin, fait un exposé au jour le jour sur l’activité de la F7 sur front de la Ière armée. Puis il présente au cpt Irimescu, le personnel navigant français et roumain, détaché à la F5 jusqu’au 1er octobre. Il dit un mot d’appréciation sur chacun. Constantin ne sait pas ce que Goulin dit à son sujet, mais Irimescu se retourne et le regarde avec curiosité.
Puis, vient le tour du major Cochet de prendre la parole, louant l’efficacité de la F7.
A suivre CHAPITRE 6 : A L’ESCADRILLE F5