on prend nos cris de détresse pour des éclats de rire,

Parcours individuels & récits de combattants
myosotis
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Re: on prend nos cris de détresse pour des éclats de rire,

Message par myosotis »

bonsoir à tous
comme promis j'essaie de vous offrir quelques réalisations d'André Tanquerel ou de ses amis peintres compagnons de tranchée
en premier une aquarelle d'André envoyée avec la lettre du 8 août 1915:
un moment de repos dans une petite étable peut être en seconde ligne
cependant les fusils tout près dans le coin ou a côté du dormeur montre qu'il sont sur leur garde, et la faux placée dans l'angle gauche est un rappel évident de la présence perpétuelle de la mort qui peut frapper à tous moments
Image
c'est une des illustration qui n'est pas du tout dans le livre
si ça a marché je peux vous envoyer petit à petit toutes les illustration en couleur
mais j'ai vu qu'il y avait une page " l'art et la guerre "
est-ce là qu'il faut transmettre les oeuvres de ces artistes disparus ?

stéphan j'espère que vous accepterez de me donner vos réactions sur le travail de présentation
est-ce trop , ou bien manque-t-il quelque chose ?
pour ma part il me semble qu'il manque encore des indications, des cartes,des rappel de la hiérarchie militaire par exemple pour les jeunes....etc. ....
amicalement
myosotis
"Je ne suis qu'un fou et vous ne me croirez pas. Et c'est justement ce qui nous fait souffrir tous, c'est de penser que l'on prend nos cris de détresse pour des éclats de rire."
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Annie
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Re: on prend nos cris de détresse pour des éclats de rire,

Message par Annie »

Bonsoir,

Image

Cordialement
Annie

C'est le "é" de tranchée qui empêchait l'image d'apparaître.
myosotis
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Re: on prend nos cris de détresse pour des éclats de rire,

Message par myosotis »

désolée ! ça n'a pas marché !pour l'aquarelle
pourtant j'ai lu le 3.3 ajout d'image
je vais tàcher de trouver
si vous avez une idée de ce qui cloche
merci de me le dire
amicalement
myosotis

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myosotis
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Re: on prend nos cris de détresse pour des éclats de rire,

Message par myosotis »

d'accord ! ! Merci Annie ! !
alors voila une autre illustration réalisée par un ami caricaturiste d'André sur la dernière feuille de sa lettre du 15 septembre 1915 dont voici le texte
Ma chère Marraine
J'ai votre lettre du 12 ainsi que le flacon de "pilules pâles pour personnes pingres" dont je vous remercie beaucoup.
Je ne puis vous expliquer les phénomènes qui se passent sur vos clichés car je n'y comprend pas grand chose , surtout à distance.
Je n'ai pas grand chose à vous conter de neuf ma chère marraine.et de plus ce que je puis vous dire est bien limité par la censure. Ceux qui seraient pris à donner des détails, sont passible du conseil de guerre. Ors nous sommes suffisamment ennuyés comme cela pour ne pas chercher à nous procurer d'autres embêtements. Nous avons le nouveau casque d'infanterie. C'est lourd et ridicule, car la tête y disparaît complètement ! Si vous pouviez nous voir avec ces outils là, vous ririez cinq minutes
On a l'air d'une armée de champignons en marche !
Enfin tout cela est idiot idiot idiot
La guerre est idiote la vie de soldat aussi naturellement
Et tout cela serait risible si ce n'était triste !
je laisse la plume à l'un de mes amis caricaturiste de profession qui nous charme sans cesse par ses dessins drôles.
Je n'ai plus de papier chère marraine ni d'enveloppes. Aussi j'en avais acheté quelques unes. Soyez assez aimable pour joindre une enveloppe et une feuille de papier.C'est le plus simple
Plus grand-chose à vous dire si ce n'est que je vous embrasse tous affectueusement
votre André
[img]http://domi.carrier.free.fr/forum/casque.jpg[img]
malheureusement l'ami n'a pas signé et André ne cite pas son nom
amicalement
myosotis
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myosotis
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Re: on prend nos cris de détresse pour des éclats de rire,

Message par myosotis »

correction
Image
"Je ne suis qu'un fou et vous ne me croirez pas. Et c'est justement ce qui nous fait souffrir tous, c'est de penser que l'on prend nos cris de détresse pour des éclats de rire."
myosotis
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Re: on prend nos cris de détresse pour des éclats de rire,

Message par myosotis »

bonsoir à tous
voilà un feuillet qui a échappé au livre , car retrouvé depuis peu par celui qui m'avait donné les lettres il y a 9 ans
cela fait partie des chapitres du livre qu'André Tanquerel intitulait : "Les Martyrs" et qu'il voulait publier après la guerre, pour que l'on sache enfin à l'arrière quel était le quotidien des tranchées, que les générations futures sachent l'envers des victoires et que nul n'oublie les poilus sacrifiés

Les Martyrs

« Les cuistots »

Ils s’en vont en file indienne, à la brune, lourdement chargés d’un sac de pain ou de « bouteillons » de jus et de pinard.
Ils ont quelquefois dix ou douze kilomètres à faire dans la nuit pour ravitailler ceux qui sont en lignes, mais ils ne se plaignent pas car ils se savent attendus, et la joie des poilus à leur arrivée, les récompense de toutes leurs peines.
Ce sont des braves, faisant leur obscur devoir en silence, élevant leur humble tâche à la hauteur d’un sacerdoce.
Les cuistots sont choisis parmi les plus vieux de la compagnie ; l’emploi étant considéré comme un « filon » revient de droit aux Anciens.
Le métier est dur…Pendant la journée, aller au ravitaillement, puis préparer la soupe que l’on ira le soir porter « là-haut ».
Les cuisines sont toujours loin des lignes pour éviter le bombardement, car le pire malheur qui puisse arriver est la chute d’une marmite dans celle de la « cuistance »
Porter la soupe devient donc un véritable voyage dans les boyaux, qui dure toute la nuit et dont on ne revient qu’au petit jour.
Encore heureux quand le voyage n’est pas coupé d’incident ou d’accident.
Quelquefois, la colonne s’arrête pour souffler.
On allume une pipe, on cause du pays en patois …Les barbes grises se dressent, hument le vent pour sentir d’où vient le danger : car il ne s’agit pas de se faire prendre dans un tir de barrage qui aurait vite fait de renverser bidons et gamelles…
Et suivant l’endroit où « ça cogne » il faut prendre un autre chemin, qui allonge souvent considérablement le ruban déjà respectable de kilomètres.
Parfois, malgré tout, une batterie prend la colonne sous son feu…Alors on se couche à plat ventre et on attend…un quart d’heure, une demie heure, l’accalmie.
Puis l’on repart vite, en se surchargeant du fardeau d’un camarade blessé ou tué.
Il arrive aussi que la colonne s’engage dans boyau abandonné et s’embourbe.
Alors il faut faire des prouesses d’adresses pour sauver pour sauver les maigres portions que les camarades attendent « là haut » en battant la semelle derrière les créneaux on avance Ainsi d’avatar en avatar, on arrive quand même en première ligne…
V’la les cuistots !...aussitôt chacun, sans quitter sont poste, sort gamelle et quart.
Et les cuistots passent de « bonhomme » en bonhomme et distribue les parts
L’invariable question qu’on leur pose est : « dis donc vieux, ya des lettres ? »
Et les cuistots de répondre : « oui » pour contenter tout le monde.
Leur tâche terminée, ils s’en retournent ; mais délivré du précieux fardeau de la soupe, ils dédaignent les boyaux pour s’en aller à découvert…
…Et il n’est pas rare de rencontrer la nuit, pour peu que l’on saute les parapets, le cadavre d’un de ces malheureux, étreignant encore un « bouteillon » vide.
"Je ne suis qu'un fou et vous ne me croirez pas. Et c'est justement ce qui nous fait souffrir tous, c'est de penser que l'on prend nos cris de détresse pour des éclats de rire."
alain13
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Re: on prend nos cris de détresse pour des éclats de rire,

Message par alain13 »


Bonjour Domie,

Merci pour votre réponse, mais je ne peux vous répondre moi même sur votre MP car je suis en "ignore list" ???
Je vous fais donc passer la carte ci-après qui figure l'emplacement de la tranchée du Léthé qui fait bien une sorte d'Y avec la tranchée de " l' inoubliable grand père ".
Pour ma part, le secteur qui m'intéresse n'est pas celui là mais se situe plus au sud entre Ablaincourt et Pressoir.
Et Bravo pour tout ce travail qui a trouvé son aboutissement dans la publication de votre livre.

Amicalement,
Alain


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antoinedeverdun
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Re: on prend nos cris de détresse pour des éclats de rire,

Message par antoinedeverdun »

Bonjour,

je tiens tout d'abord à féliciter Myosotis pour son magnifique travail et je tiens aussi à saluer la mémoire de son "presque grand-père".
Un petit client d'oeil du passé avec "la tranchée de l'inoubliable grand-père" que l'on voit sur la carte d'Alain.

cordialement, Antoine.
Dulce et decorum est pro patria mori...
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Cuchlainn
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Re: on prend nos cris de détresse pour des éclats de rire,

Message par Cuchlainn »

Bonsoir,
Quelle belle (quoique triste) histoire Myosotis.
Le 158e ! Toujours le 158e !
Celui où mon arrière-grand-oncle combattait du 30 septembre au 14 octobre 1915 !
Se sont-ils rencontrés ? Que dit "votre" soldat des combats de ces journées-là ?

Cordialement,
Cyrille
"Sur un banc étaient rangés quinze ou vingt bonshommes qui avaient bien une douzaine de jambes à eux tous." (Duhamel)
myosotis
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Re: on prend nos cris de détresse pour des éclats de rire,

Message par myosotis »

bonjour à tous
merci à Antoine pour le petit clin d'oeil du passé avec la tranchée de l'inoubliable grand père....
savez-vous que je me demande bien pourquoi cette tranchée s'appelle ainsi ?...
quand au 158ième dont cyrille nous parle, voici les lettres envoyées par André entre le 28 septembre 1915 et le 14 octobre 1915 :
André est dans la fournaise et crie sa détresse dans un mot dont nous ne connaissons la date que par le tampon postal (28 septembre 15) :
Septembre 15
Mes chères amies
Je profite de quelques instants de repos, pour vous envoyer ce petit mot.
Ce qui se passe ici est affreux. Je me demande comment je ne suis pas mort ni devenu fou. Je ne sais même plus quelle date nous sommes et ce soir à nouveau on rentre dans la fournaise. La vierge m’a protégé cette fois encore.
C’est horrible, affreux. Nous avons l’air de bouchers.
Priez pour moi et recevez mes pensées les plus affectueuses de votre
André
puis
Lettre écrite au crayon :
30 septembre 1915
Ma chère Marraine
J’ai reçu vos lettres toutes à la fois, et me hâte de vous répondre. Je suis en bonne santé et cette fois-ci encore, suis revenu de l’enfer après avoir vu plusieurs de mes camarades tomber autour de moi. C’est atroce et ce n’est hélas pas fini. Je me demande parfois quel crime nous avons commis pour être si cruellement punis ? Il est impossible d’échapper à la mort dans un pareil ouragan de ferraille et lorsque l’on est indemne une fois, on se demande si ce n’est pas pour la prochaine.
Les journaux vous ont appris les phases de la grande bataille. Le plus
affreux c’est qu’il pleuvait à torrent et que nous avions de l’eau jusqu’aux genoux. Quatre jours, sans repos, sans arrêt, sans manger, presque, et raidis de froid et d’eau glacée.
Voilà notre vie. C’est à pleurer des larmes de sang, ma pauvre Marraine,
et tout cela pour aboutir à une mort idiote, dans un boyau boueux et déchiré par des fils barbelés. J’en ai assez, plus qu’assez et ne suis pas le seul. Je n’ai plus de forces, rien, plus de moral et suis à moitié fou.
Je vous embrasse tous, ma chère Marraine, bien affectueusement, et serre cordialement la main du patron.
Votre André

Samedi 2 octobre
Ma chère Marraine
Je vous écris debout contre un arbre, au soleil !
Oui ce matin il fait soleil, un beau soleil tout jeune, tout clair.
Nous sommes revenus dans le petit bois cette nuit, pour nous reposer et, dans le gai matin, on s’éparpille, accrochant aux branches nos capotes qui ne sont plus qu’un tas de boue. Du reste, de la tête aux pieds, depuis huit jours, nous ne sommes que des masses de glaise humide en mouvement.
Il y a huit jours exactement, nous nous préparions pour l’assaut, et déjà le destin avait posé son doigt sur le front de bien des camarades.
Après avoir marché toute la nuit dans les boyaux, nous sommes arrivés le matin dans un endroit où nous avons attendu le signal de l’attaque.
Nous sommes prêts… Le premier assaut doit être donné par des
chasseurs à pied et une partie de notre régiment, nous, nous sommes le second choc, autrement dit le renfort.
A midi 20 le bombardement cesse brusquement et le silence devient
grand, grand. Encore 5 minutes et une mine saute… C’est le signal… En
avant. Vive la France ! La ruée s’élance et l’assaut est si impétueux que nous allons plus loin qu’on ne le pensait. On tue une grande quantité de Boches.
Leurs mitrailleuses crachent sans arrêt et sèment la mort parmi les nôtres, mais cela ne fait rien… En avant ! En avant toujours !
Les Boches lâchent petit à petit et pris de panique fichent le camp en
levant les bras… Kamerad ! kamerad ! Et c’est la garde Elle-même, S.V.P. !
Et voilà, on récolte les prisonniers qui bientôt arrivent dans nos lignes,
avec le sourire car pour eux : guerre finie !
Ils défilent devant nous dans le boyau. Ils sont propres, bien habillés, gras et souriants.
Nous leur causons sans haine et ils répondent. L’un d’eux a un ruban
jaune. Je lui demande ce que c’est. Il me répond « mitrailleur ». Un autre
passe. Je lui dis : « t’en a marre ? » Il répond « t’es de Paris ? » Et il
m’explique qu’il est chapelier rue du temple !
Mais tout cela se passe sous le feu de l’artillerie boche qui prépare la
contre-attaque. Fini de rire ! Leurs obus, leurs plus terribles, les fusants de 190, arrivent par bordées de six au dessus de nous, avec une précision étonnante. Nous nous couchons à plat ventre au fond du boyau. Et les Boches pour s’en aller, nous passent sur le dos. Bientôt ils tombent, atteints par leurs propres obus. Quelques-uns de nous sont également tués, mais tués horriblement, déchiquetés, les lambeaux de leur corps éparpillés partout. Le fond de la tranchée est bientôt pavé de cadavres.
Deux camarades de ma section tombent sur moi... L'un, le crâne ouvert, l’autre le flanc déchiré, les deux bras arrachés. Ecrasé par leur poids, je ne puis bouger, et leur sang coule sur moi. Celui qui a le crâne ouvert, a sa bouche contre mon oreille, comme s’il voulait me dire quelque chose. Sa cervelle, mêlée de sang, tombe en petits filets dans mon cou. J’en ai presque sur les lèvres, c’est à devenir fou !… Néanmoins, je suis protégé par les deux cadavres jusqu’à ce qu’un
obus, tombant tout près de moi, m’enterre complètement… Je me suis
dégagé comme j’ai pu, hagard, et séparé de ma compagnie, mon fusil brisé, ma couverture en loque, j’ai erré dans les boyaux où j’ai été recueilli par un lieutenant de mon régiment qui m’a fait rejoindre les miens…
Voilà, il y a huit jours de cela. Ma ceinture, ma bourse et mon chapelet ont disparu dans
tout cela. Je donnerai dix ans de ma vie pour ne plus voir cela. Et ceux qui écrivent chez eux des lettres épatantes, sont de sinistres farceurs ou des vantards. Il n’y a pas de nature humaine qui puisse résister au spectacle d’une telle boucherie. J’ai prié constamment la vierge, suivant le conseil de mon confesseur. Je ne sais comment je suis encore là… Une telle vie est impossible et si l’on n’avait pas au coeur une affection quelconque, il y en a beaucoup qui se feraient sauter la cervelle. Ce qui me console c’est que les Boches sont comme nous. Ils en ont assez ! Alors ! Alors ! Qu’est-ce qu’ils fichent là ? A bien réfléchir, tout cela est idiot. Enfin, tout cela est bien triste
et pour me réchauffer, je pense à votre cuisine chaude où nous lisions,
l’hiver dernier, « le secret de la Marinière ».
Merci à Nane pour le scapulaire et la médaille, embrassez-la bien tendrement pour moi. Merci au patron pour son petit mot, et bonne santé. Un baiser à toute la maisonnée.
Votre André
( il y a huit jours de cela donc le 24 septembre environ)
......suite au prochain message
cordialement
Myosotis
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