Dernière parole.

Parcours individuels & récits de combattants
spcg
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Re: Dernière parole.

Message par spcg »


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André Hubert soldat au 346ème Régiment d'Infanterie, mort au Champ d'Honneur au cours de l'attaque du 8 juin 1915, au Bois Le Prêtre en disant :


"Cela ne fait rien... C'est pour la France".


A méditer.

Stéphane Petit.
GERAUD
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Re: Dernière parole.

Message par GERAUD »

Bonjour Stephane,
Vous interessez vous aux combats du Bois le Prêtre et au 346ème en général?
L'historique du régiment figure sur le site cecile_meunier.
Les combats du BLP et le 169ème sont mes centres d'intérêt. En 1997 j'ai eu l'occasion de consulter au SHAT le JMO du 346 : je peux vous transmettre copie d'une page de notes prises à cette occasion.
Cordialement
G/CL
spcg
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Re: Dernière parole.

Message par spcg »

Merci, je ne suis pas particulièrement intéressé par ce régiment. J'ai cité ce combattant, car je possède plusieurs documents sur lui. André Hubert est le cousin germain de mon père. Marc hubert le frère d'André est mort pour la France comme s/lieutenant du génie. J'ai parmi ma famille de nombreux combattants de la Grande Guerre et aussi des suivantes...

Sur le Bois le Prêtre je posterai plusieurs docs à la suite de celui-ci. Ce ne sont que des anecdotes. Mais non sans intéret. Je ne suis pas un spécialiste de Grande Guerre et ne cherche à le devenir.
Possédant beaucoup de documents originaux je les mets à la disposition sur le forum.

Encore merci pour votre offre et à l'occasion je serai heureux de recevoir une copie d'une page que vous avez relevée.

Amicalement Stéphane.
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XSL
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Re: Dernière parole.

Message par XSL »

Bonjour à tous.

Pierre DUBOIS est sorti d'une tranchée le 20 août 1914 à Fax-Fonteny en criant à ses hommes : "C'est l'heure les amis, en avant !". Ses derniers mots. Il est tombé raide mort dans l'instant ...

Combien d'autres héros ! Méditons effectivement.

Xavier
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Charraud Jerome
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Re: Dernière parole.

Message par Charraud Jerome »

Bonsoir

Dans la même série, mais par l'écrit:
Le "Carnet Sublime" du Lieutenant Lucquiaud du 68e RI, le 26 mai 1915

Merci à tous ceux qui ont combattus avec moi
Vous direz à mes parents que j'ai toujours fait mon devoir
Prévenir ma famille Lucquiaud Belle-Vue par Sommières
Je meurs heureux. Il ne faut pas m'emporter
Parce que les Boches vont prendre la tranchée
500 francs pour Poupard
500 autres pour les pauvres de chez moi


Chaque ligne correspond à une page, sur chaque page des traces de doigts ensanglantés.

Cordialement
Jérôme Charraud

Les 68, 90, 268 et 290e RI dans la GG
Les soldats de l'Indre tombés pendant la GG
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Stephan @gosto
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Re: Dernière parole.

Message par Stephan @gosto »

Bonjour à tous,

Qu'on ne se méprenne pas sur mes propos : pour avoir lu des centaines de témoignages, récits, biographies de combattants, j'ai effectivement rencontré à de nombreuses reprises des relations de "dernières paroles" bouleversantes.

Moi, "enfant de la paix", je ne peux lire sans émotion ces mots héroïques et, si je reste souvent sans voix et admiratif, je suis aussi bien mal "outillé" pour comprendre l'esprit de sacrifice total qui s'en dégage. Autres temps, autres moeurs, bien sûr.

Cependant, je pense aussi qu'il faut relativiser ce phénomène - sans le nier, car il exista bel et bien : les exemples sont nombreux. Rien qu'au 74e R.I., je crois que je pourrais en aligner une belle et touchante liste ! ;) Mais, je ne peux m'empêcher de penser que bien d'autres moururent sans même avoir eu le temps de prononcer une seule parole, et surtout que nombreux furent ceux aussi qui, à l'instant suprême, tinrent des propos que la presse et les éditeurs contemporains à la guerre et à l'immédiate après guerre, n'auraient pas voulu ou pu relayer...

Amicalement,

Stéphan

ICI > LE 74e R.I.
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Charraud Jerome
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Re: Dernière parole.

Message par Charraud Jerome »

Bonjour
Mais, je ne peux m'empêcher de penser que bien d'autres moururent sans même avoir eu le temps de prononcer une seule parole, et surtout que nombreux furent ceux aussi qui, à l'instant suprême, tinrent des propos que la presse et les éditeurs contemporains à la guerre et à l'immédiate après guerre, n'auraient pas voulu ou pu relayer...
Je n'avais pas osé l'exprimer et pour cela m'était contenté d'une version écrite.
Dans le cas de Lucquiaud, par exemple, il faut dinstinguer deux choses:
- le carnet en lui-même, il écrit ces dernières volontés. Classique en soi (je ne porte pas de jugement sur le texte)
- le livre issu de ce carnet, qui n'est rien d'autre que de la propagande concernant le sacrifice d'un officier (livre écrit pendant le conflit)

Le contexte de l'époque est à la glorification du sacrifice. Il serait interressant de savoir dans quel contexte de manière générale cela était rapporté (familles, camarades de régiment, presse, pendant le conflit, aussitôt après, quelques années plus tard ...)
Dans quelques lignes, nous retomberons sur la question:
Alors contrainte ou consentement? un peu des deux mon général

Cordialement
Jérôme Charraud
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mireille salvini
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Re: Dernière parole.

Message par mireille salvini »

bonjour à tous
bonjour Stephan

j'aimerais apporter quelques éléments pour comprendre cet état d'esprit et ainsi nuancer ce que vous dîtes
je suis aussi bien mal "outillé" pour comprendre l'esprit de sacrifice total qui s'en dégage. Autres temps, autres moeurs, bien sûr.
le petit topo qui va suivre et que j'ai essayé de rédiger le plus clairement possible,peut aider à voir les choses différemment;
bien sûr,vous n'êtes pas obligé de me croire,mais sachez que je n'ai rien inventé.

le soldat de 14-18 est très vite confronté à la mort des autres,à la mort de masse et fatalement cela le renvoie à la pensée de sa propre mort.
or,la confrontation à l'idée de mourir-parce qu'on vous l'a annoncé ou parce que les circonstances s'y prêtent- engendre systématiquement un processus psychologique dont les 5 étapes ont été décrites par Elizabeth Kübler-Ross,une médecin et psychiatre américaine dont les travaux capitaux sur le "mourir" et le deuil,sont reconnus et enseignés au niveau international.
ce cheminement psychologique et profondément intime, est universel et intemporel;seule la durée de chaque étape est fonction des circonstances et de la personnalité,culture, vécu de l'individu.
connaissant bien ces étapes,si on l'applique au soldat de la 1ère guerre mondiale, voilà ce que cela donne:

-1ère étape:le choc
l'homme ne peut y croire,en même temps,il est submergé par l'angoisse de la mort,tout bascule,il se sent seul,différent des autres,notamment de ceux qui sont à l'arrière

-2ème étape:le déni
une fois le "choc" encaissé,l'homme refuse la réalité;cela ne peut pas lui arriver à lui,il entretient des projets,il fait "comme si" ,comme si tout était normal;c'est un mécanisme de défense important car cela permet de réaliser progressivement les choses et d'amortir l'impact de la dure réalité.

-3ème étape:la colère et la révolte
qui peut se résumer en 2 questions:"pourquoi moi? pourquoi maintenant?"
plaintes,récriminations,violences verbales,l'homme a besoin de traduire son agressivité et sa colère, qui cachent en fait l'angoisse qui l'habite à la pensée de mourir.
phase où se situe la révolte contre Dieu,où l'incroyance surgit.
où maudir quelqu'un,quelque chose, est souvent exprimé.

-4ème étape:le marchandage,la négociation
conscient qu'il va mourir (ou qu'il risque de mourir),l'homme veut croire au miracle,espère envers et contre tout;cela traduit sa volonté de vivre et de mettre une distance entre lui et la mort
retour d'un sentiment de culpabilité pour des actes passés,retour spirituel,l'homme fait des promesses "si je....,alors je...",il est prêt à tout pour survivre;petits rituels,gris-gris ou amulettes porte-bonheur trouvent là leur place

-5ème étape:la dépression
l'homme est souvent silencieux,replié sur lui-même;il accomplit un travail de deuil car il va perdre ceux qu'il aime
ses échecs passés sont réactivés,il déplore les pertes vécues,ses actes manqués
phase de désespoir,de pleurs,où les peurs plus ou moins refoulées et contenues par les mécanismes de défense précédents, s'expriment alors pleinement:
-peur issue de la perte de contrôle de la situation (au lieu d'éviter une situation mortelle,il y va droit dedans)
-peur du processus de la mort,souffrance,mutilation,devenir du corps;
-peur de l'inconnu,de "l'après",
-peur d'être seul au moment de mourir;
-peur de ce qui va arriver aux siens après sa mort;
-peur de la peur des autres;
-peur de l'absurdité et du non-sens de sa mort,comme de l'absurdité et du non-sens de sa vie

-6ème étape:l'acceptation
l'homme ne se débat plus à contre-courant mais ne désespère pas non plus;
il parle calmement de sa mort,avec paix;il souhaite prévenir et laisser des messages à ses proches
leur dire combien il les aimait,leur dire adieu pour qu'ils puissent continuer dans la vie sans lui,il veut laisser des recommandations et conseils pour le futur,il fait un testament..
il évoque ceux qui l'ont précédé,rêve de sa mère
avec ses compagnons,il parle de son souhait d'être inhumé et identifié et de son désir de transmettre une lettre,une pensée;
enfin,il donne un sens à sa vie et parfois l'offre:à un idéal,à une cause,à Dieu,à la Patrie...d'où des dernières paroles très fortes.

cette dernière étape marque tout le temps l'esprit des témoins
pour y arriver,il faut du temps,certains y arriveront plus vite que d'autres
d'autres resteront bloqués à une étape intermédiaire
certains accompliront ou finiront ce cheminement alors qu'ils sont en train de mourir
d'autres n'en auront pas le temps,ou ne s'en rendront pas compte
et certains mourront en colère ou dans le pire des désespoirs.

pour terminer,je dirais que la seule vraie différence entre notre mentalité et celle de l'époque,se situe dans la notion de "belle mort"
-de nos jours,la priorité est donnée à l'absence de souffrances ou à la mort subite,sans qu'on en prenne conscience.
-à l'époque,c'était plutôt mourir chez soi dans son lit, entouré de proches,surtout ne pas être seul,le tout dans un contexte d'accompagnement familial,amical et social,avec également l'ensemble des rituels religieux entourant la mort (avant et après)

à part ça,nous sommes pareils à eux et dans les mêmes circonstances,pouvont être capables de prononcer des mots semblables sur des comportements identiques...ce n'est pas une question d'époque,de temps ou de moeurs différentes,
et la notion de sacrifice par l'individu lui-même est toute relative car elle est subordonnée à cette fameuse acceptation de mourir,que l'on ne peut que souhaiter à tous pour la paix de l'âme;
il n'en est pas de même des généraux (par exemple) qui ont sacrifié des hommes qui n'étaient pas prêts à mourir..


en espérant n'avoir pas été trop ennuyeuse sur ce sujet délicat,
amicalement,
Mireille
" Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c'est la présence des absents dans la mémoire des vivants." (Jean d'Ormesson)
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Stephan @gosto
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Re: Dernière parole.

Message par Stephan @gosto »

Bonjour Mireille,

Je vous remercie pour ces lignes qui sont loin d'être ennuyeuses ! Je les ai lues avec intérêt et elles valent bien mieux que mon message à deux balles bien trop simpliste ! Alors, merci d'avoir développé ce sujet qui le mérite bien.

Amicalement,

Stéphan, qui - je le jure - passe par toutes ces étapes lorsqu'il a un rendez-vous programmé chez le dentiste ! ;)
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JPG08
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Re: Dernière parole.

Message par JPG08 »

Bonsoir
Elizabeth Kübler-Ross,une médecin et psychiatre américaine dont les travaux capitaux sur le "mourir" et le deuil,sont reconnus et enseignés au niveau international
Merci pour ce rappel, qui fut très en vogue avec l'émergence du travail de deuil, Cf. notamment la circulaire de Michèle Barzac sur l'aide aux mourants.
(1985 je crois...)
Cordialement, ;)
JPG :hello:
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