75 : rapport graduation/distance ?

air339
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Re: 75 : rapport graduation/distance ?

Message par air339 »

Bonjour à tous,


Les excellents post sur le débouchage des fusées de 75 me font demander du rab'!

OK pour les distances sur le plateau de débouchage...
OK pour les secondes sur la fusée...

... mais existe t-il un tableau de correspondance graduations(sec.)/distance ?

Pour les fusées suivantes, trouvées sur le terrain (toutes inertes, les systèmes de mise à feu ont fonctionné), en fonction du "débouchage", comment puis-je savoir à quelle distance les 75 ont été tirés ??

Image

Une m'intéresse plus particulièrement, venant de la bataille de l'Ourq (dans le champs à côté du cimetière d'Etavigny). Débouchée à 15 sec. 1/2, je serai curieux de reconstituer son histoire de ces jours de septembre 14.

Sur cette photo, on voit bien la première graduation possible à zéro. L'explosion de l'obus se fait alors à quelle distance (en tir tendu) ?

Image

Merci d'avance aux spécialistes pour leurs réponses éclairées !

Cordialement,

Régis
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TURPINITE
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Re: 75 : rapport graduation/distance ?

Message par TURPINITE »

Bonjour Régis,

Pour ta dernière question, cela va dépendre de la charge propulsive de la douille.
Considérant que le coup part à la vitesse de 535 m/s, en débouchant à 0, l'éclatement se produira à 500 mètres environ.
La boîte à mitraille de 75 mm fut d'ailleurs créée pour pallier ce problème de la zone morte de 0 à 500 m.

Pour ta fusée débouchée à 15 secondes, je dirais qu"il suffit de multiplier 535 x 15 et tu auras la distance, cependant, c'est un résultat plus qu'aléatoire.

En effet, on ne peut malheureusement pas en tenir compte pour être précis, car si le coup à la sortie de la bouche à feu est bien à 535 m/s, au fil de sa trajectoire il perdra de la vitesse, donc de la distance.

De plus, il faudra que tu tiennes compte des conditions atmosphériques lorsque l'obus fut tiré, de la position du canon, etc...

Pour moi, tu n'auras pas quelque chose de précis, juste situer très approximativement d'où venait le coup.

Enfin pour repérer le trou de débouchage, il te suffit d'identifier un trou de forme rectangulaire ou carré comme on le voit sur la dernière photo.

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Cordialement
Florian
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Alain Dubois-Choulik
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Re: 75 : rapport graduation/distance ?

Message par Alain Dubois-Choulik »

Bonjour,
Florian, à peine revenu, c'est du tir rapide :lol:
Cordialement
Alain
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Piou-Piou
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Re: 75 : rapport graduation/distance ?

Message par Piou-Piou »

Bonjour Florian,

Content de te retrouver au poste.
Tout mes voeux pour cette année nouvelle.

Cordialement.
Phil.
Phil.
ALVF
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Re: 75 : rapport graduation/distance ?

Message par ALVF »

Bonjour,

Bon retour à Florian!
Je ne suis toutefois pas d'accord avec son analyse concernant la fusée "débouchée à zéro" car le fonctionnement de l'obus à balles dont la fusée est débouchée à zéro est marqué par un éclatement du projectile dans un délai de 3/10e de seconde, ce qui correspond à une distance de la bouche d'environ 160 mètres à la vitesse de 535 m/s.Ce qui n'empêche pas une meilleure efficacité des "boîtes à mitraille" à courte distance mais le déroulement "théorique" d'un assaut d'infanterie sur l'artillerie laisse rarement le temps de changer de projectiles à l'instant "crucial" des "derniers mètres", d'où l'importance du tir d'obus à balles à fusées débouchées à zéro.
Cette caractéristique est rappelée par une note du "Manuel à l'usage des candidats au grade de sous-chef mécanicien ou de sous-chef artificier et des ouvriers de batterie de l'Artillerie de Campagne" édition 1909 dont voici la copie:
Image
Pour ce qui concerne vos questions sur la distance à laquelle ont été tirées les fusées débouchées à différentes graduations, il faut consulter les "Tables de tir du canon de 75 modèle 1897".Il y en a beaucoup car elles ont été constamment améliorées en fonction des études balistiques et de l'introduction de nouveaux obus.Les plus importantes sont celles des dates suivantes:
-8 septembre 1904.
-31 août 1915.
-12 août 1916.
-25 août 1917.
Il faut pour les lire bien connaître le tir du 75.Je ne peux que conseiller un livre remarquable de clarté pour comprendre toutes les subtilités du tir de cette pièce: Capitaine H.Morlière "Notes sur le canon de 75 et son règlement à l'usage des officiers de toutes armes.Matériel-Manoeuvre-Tir"-Berger-Levrault (nombreuses éditions, la mienne est de 1913).
En effet, les tables de tir sont établies pour une surface plane, une température de 15°, un poids théorique de l'obus, des fusées remplissant les conditions théoriques de fonctionnement et une vitesse initiale donnée, ce qui n'est jamais réalisé dans la réalité.Ainsi, les tables de 1904 étaient établies pour la vitesse initiale de 529 m/s pour l'obus à balles, à partir de 1915, cette vitesse "type" est de 535 m/s pour l'obus à balles de 7,240 kg.
Il est donc nécessaire d'apporter des corrections, la plus importante, pour un obus à balles, étant la différence d'altitude du canon et celle du but (qui peut être très importante en montagne mais qui est tout aussi cruciale en région de plaine ou de collines).Je passe sur l'influence du vent, des tempétatures, basses ou hautes, etc...Il faut aussi tenir compte de la dérivation qui devient très importante aux moyennes et grandes distances de tir.
Le correcteur du débouchoir joue donc un grand rôle dans la science du tir.Il permet au capitaine de batterie de régler rapidement son tir.
Il est rarement traité des possibilités de réglage rapide du tir par l'artillerie de campagne française par rapport à son homologue germanique.En effet, les artilleurs allemands ont un bon matériel et de bonnes fusées (mais des projectiles médiocres en poids d'explosif) mais le réglage des fusées s'effectue à la main avec une clé, source d'errreurs, de tâtonnements et de temps perdu, quelle que soit la discipline bien connue des allemands.L'excellence des moyens d'observation et de transmission des ordres de l'artillerie de campagne allemande ne compense pas la souplesse d'emploi du véritable "système d'arme" constitué par le 75 (je ne remets pas en cause l'écrasante supériorité de l'artillerie lourde allemande en 1914, je n'évoque que l'artillerie de campagne).
Pour répondre en détail à vos questions, je joins des extraits "choisis" des tables de tir du 75.Je ne publie que ce qui concerne le tir de l'obus à balles équipé de fusées à double effet de 22/31 ou de 24/31 (à durée de 24 secondes), l'obus à balles le plus couramment utilisé pendant la guerre et le plus efficace contre l'infanterie en terrain libre et non retranchée, donc dans les conditions d'emploi d'une artillerie sérieusement menacée par une attaque ou un assaut d'infanterie (conditions d'août 1914 ou du retour à la guerre de mouvement au printemps 1918 surtout).
Vous pouvez constater que les distances inférieures à 500 mètres sont bien prévues dans la première colonne.
Pour être complet, j'ai mis toutes les distances usuelles du tir avec obus à balles jusqu'à 6900 mètres.
N'oublions tout de même pas que le tir percutant ou fusant de l'obus explosif a pris une importance formidable dès septembre 1914, le tir de l'obus à balles devenant peu important en cours de guerre (ce qui, parfois, était d'ailleurs regrettable car dans les Flandres en 1917, les allemands quittaient leurs abris bétonnés rendus inhabitables par l'artillerie lourde pour se réfugier dans des trous d'obus et faire le coup de feu contre nos troupes, des tirs massifs d'obus à balles auraient été dans ce cas souhaitables et auraient forcé l'ennemi au repli...ou à la mort).
Voici donc les correspondances THEORIQUES évent/distance pour le tir fusant de l'obus à balles de 75:
ImageImageImageImageImageImageImage
Cordialement,
Guy François.
air339
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Re: 75 : rapport graduation/distance ?

Message par air339 »

Bonjour Florian, bonjour Guy,


Grand merci à tous les deux pour ces documents et explications, qui vont m'aider à "déchiffrer" des objets ramassés il y a plus de 20 ans !

Et... Hum, puis-je redemander du rab' de rab' ?

Voilà des questions de balistique qui m'intriguent depuis longtemps : lors de l'explosion de la charge d'un obus à shrapnel, disons un 75, comment se dispersent les différents éléments ?

Je précise :
- les balles sont propulsées vers l'avant : connait-on leur vitesse initiale ?
- la cloche continue-t-elle sur la trajectoire ? peut-elle atteindre le "but" ?
- le pot fait l'objet d'une poussée vers l'arrière : part-il vers l'arrière, ou est-il seulement freiné dans sa course ?

Ces questions me sont venues en parcourant des champs (de bataille) : des billes ici, une cloche là, un pot ailleurs... Comment décrypter ces objets ?...

Après ça, je crois que j'aurais épuisé mon stock de questions !


Bien cordialement,

Régis
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TURPINITE
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Re: 75 : rapport graduation/distance ?

Message par TURPINITE »

Bonjour Régis,

La dispersion des différents éléments va dépendre de la courbe suivie par l'obus, mais il est certain qu'ils ne tomberont pas au même endroit, puisqu'ayant subit quelques poussées, ils seront déviés.

Pour ce qui est des balles, elles forment une gerbe plus ou moins uniforme.

Voici un graphique reprenant l'arrivée d'un obus à balles :

Image

Si tu prends comme trajectoire le repère "P", tu as en "S" le point d'éclatement de l'obus.

Les balles vont se répartirent pour former une gerbe représentée par un cercle sur la figure. la gerbe est décomposée en deux parties distinctes par une ligne "CC".

Toutes les balles qui tomberont avant cette ligne seront considérées meurtrières, alors que celles tombant dans la partie grisée seront presque totalement inefficace.

Voici un tableau reprenant les résultats d'une gerbe de balles d'après diverses distances et hauteurs d'éclatement.

Image

Si l'on considère que l'obus à balles est tiré à la vitesse initiale de 535 m/s et 580 m/s pour l'obus explosif, la vitesse restante en fin de course se situe aux alentours de 200 m/s.

Cordialement
Florian
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Re: 75 : rapport graduation/distance ?

Message par air339 »

Bonjour Florian,

Voilà une réponse > 535m/s !!! même pas eu le temps de finir une mayonnaise ! ... Je lis tout ça en détail entre la poire et le dessert !

Merci à toi,

Régis
air339
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Re: 75 : rapport graduation/distance ?

Message par air339 »

Bonsoir,

Voilà un premier travail, grâce aux documents de Guy et Florian, sur une fusée trouvée près du cimetière d'Etavigny (bataille de l'Ourcq).

La fusée en question (inerte), débouchée à 15,5 secondes :
Image

Ce qui donne, en THEORIE, une distance de 5 125 mètres, représentée en arc de cercle de couleur orange sur cette carte (base Geoportail) :
Image

Tiens, tiens !... cet arc de cercle recoupe des lieux hautement probables de position d'artillerie en septembre 14 : Bouillancy, ferme Nogeon...

Maintenant je me retourne vers les JMO des unités engagées.

L'enquête continue !

Cordialement,

Régis
ALVF
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Re: 75 : rapport graduation/distance ?

Message par ALVF »

Bonjour,

Concernant la vitesse des balles au moment de l'éclatement d'un obus à balles, elle a été déterminée ainsi pour un obus ECLATANT AU REPOS dans des conditions expérimentales:
-pour les obus à balles à charge arrière: 100 m/s.
-pour les obus à charge centrale: 40 m/s.

Pour une balle provenant de l'éclatement d'un obus à charge arrière sur sa trajectoire, il faut tenir compte que la balle est en outre animée de la vitesse restante de l'obus à laquelle s'ajoute donc la valeur de 100 m/s.Ce qui signifie que lors du tir d'un obus à balles à charge arrière dont la fusée est débouchée à zéro, la vitesse de la balle à la distance de 200 mètres environ de la bouche du canon a une valeur supérieure à 600 m/s du fait de la vitesse de l'obus de 500 m/s environ (la vitesse initiale de l'obus est de 535 m/s) + 100 m/s environ (provoquée par la charge arrière).Cette valeur tombe rapidement, mais on imagine l'effet de 261 balles de plomb de 12 ou de 92 balles de 29 grammes animées d'une vitesse de l'ordre de 600 m/s sur une infanterie à découvert, sans évoquer les dégats provoqués par le corps et la tête de l'obus qui continuent leur course!
Pour les tirs les plus fréquents à moyenne ou grande distance, le principe reste le même mais il faut tenir compte que la vitesse de l'obus décroît sur sa trajectoire puis s'accélère dans sa trajectoire descendante en gardant une valeur élevée.Les vitesses restantes et d'éclatement conjuguées expliquent que la vitesse des balles est encore supérieure à 300 m/s au moment de l'éclatement à la portée maximum de 6900 mètres.
Cordialement,
Guy François.

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