VERDUN
Vapeur construit en 1902 au chantier Blumer & Co de Sunderland sous le nom d‘ EMBIRICOS. Pavillon grec.
2769 t Longueur 97 m Largeur 14 m 1 hélice
Rebaptisé PROCONISSOS en 1914
Saisi après les évènements d’Athènes et rebaptisé VERDUN en 1917
Armateur : Gouvernement français
Equipage

Le naufrage du VERDUN. 28 Avril 1918
Rapport du capitaine
Quitté Sidi Abdallah le 27 Avril 1918 à 13h00 pour Sfax avec 25 fûts vides, un lot de 50 madriers et 800 kg de carbonate de soude.
Attendu hors des passes les torpilleurs 361 et 329, par grosse brise de NW. Mer grosse. Violent roulis. Les escorteurs nous rejoignent à 14h30.
A 16h10, le premier escorteur, qui est très loin sur notre arrière hisse un signal. Nous faisons demi-tour pour pouvoir le lire. Il nous indique « Continuez votre route suivant vos instructions », et rallie la terre.
Le 28 Avril à 11h30, aperçu la première bouée du chenal de Kerkenah, puis les suivantes. Ayant passé la bouée n° 4 et alors que nous allons mettre le cap sur la n° 5, à la position 34°49 N et 11°52 E, les hommes de veille crient « Une torpille à tribord ».
Vu le sillage à 200 m et commandé aussitôt « A droite toute ». Mais l’explosion se produit et des débris sont projetés jusqu’à l’arrière du navire. L’ancre bâbord casse ses saisines et la chaîne file jusqu’à l’étalingure. L’antenne TSF est arrachée. Le mât de charge avant est arraché, brisé et tombe dans la cale 2. Monsieur RIVECCI, officier mécanicien de quart stoppe la machine et fermes les portes étanches cale, soute et tunnel.
Fait amener les embarcations à hauteur d’eau. Le youyou tribord ayant ses garants coupés, tombe à la mer des le largage des saisines.
Donné le point au télégraphiste. Très calme et maître de lui, il envoie le message à trois reprises à pleine puissance car l’antenne est tombée.
Effectué une ronde et constaté que les cales 1 et 2 sont pleines d’eau. La cloison entre les deux cales est arrachée et le navire apique de l’avant. Constaté que le poste équipage est vide.
A 15h10, après avoir constaté que tout le monde a évacué, embarqué dans la baleinière tribord. L’hélice du VERDUN est complètement émergée. A 15h20, il plonge brusquement tandis que se dégage une épaisse fumée noire. L’avant touche le fond et l’arrière reste émergé, incliné à 50°.
Le sous-marin émerge alors sur tribord, stoppe près de mon canot et m’ordonne d’accoster. Des hommes sont au canon, lequel est braqué sur l’embarcation. Je monte sur le sous-marin et suis interrogé par le commandant.
Il me demande nom du navire, chargement, port de départ et destination. Puis il me demande la carte que j’avais dans l’embarcation et la consulte longuement. Il me désigne du bout de son crayon un point de la carte, celui où nous avons été coulés. Je lui explique que je venais de passer la bouée n° 4 et allait faire route sur la n° 5. Il me demande si je peux lui donner les instructions que nous recevons des autorités. Je lui réponds que non.
Je lui demande alors un verre d’eau et des pansements pour nos blessés. Il me les accorde de bonne grâce.
Il me demande ensuite « Avez-vous lancé un appel de détresse ? »Je lui réponds que non car l’antenne était tombée et démolie. Il me répond : « C’est une bonne chose pour nous ».
Je lui demande alors si je peux me retirer. Il me répond : « Non, pas encore, un instant… » Il fait mander un timonier qui lui apporte un gros livre rouge qu’il consulte quelques minutes.
Je lui demande alors s’il ne pourrait pas remorquer nos embarcations vers la côte. Son second y paraît tout disposé mais, finalement, le commandant s’y oppose.
Jusque là, l’entretien s’était déroulé en mauvais anglais émaillé de mots français. Mais au moment où je regagne mon embarcation, il m’interpelle en bon français et me demande :
-« Quand pensez-vous que cette guerre va finir ? »
Je lui réponds :
-Je n’en sais rien… Et vous ? »
Il prend alors un air narquois et n’insiste pas davantage.
Le sous-marin fait ensuite route sur le canot du second, Monsieur BOUILLON, qui monte aussi à bord et est interrogé à son tour. Puis nous sommes autorisés à faire route sur la terre.
Nous faisons route pour passer au Sud des bouées de Kerkenah. Petite brise de SSE. Pour éviter la dispersion, j’ai pris en remorque le youyou et l’autre embarcation. Au petit jour du 29, nous faisons route sur la cheminée de l’usine de La Chabbah.
A 15h30 le 29 Avril, nous sommes recueillis par les vedettes 15 et 20 qui nous prennent en remorque et nous ramènent à Sfax à 18h30.
L’équipage a fait preuve de sang froid et de calme. Je cite particulièrement Monsieur Bouillon, le second capitaine, qui a organisé l’évacuation.
Je signale le matelot Printemps, de veille dans la vigie, qui a été cruellement blessé au visage et à la main droite et a fait preuve d’une grande énergie, ainsi que le matelot Le Floch, sur le pont au moment de l’explosion et qui a été blessé au bras.
Le lieutenant Leleous et le matelot Portanguen, qui étaient de quart, ont été précipités en bas de la passerelle par l’explosion. Ils se sont aussitôt remis sous mes ordres. Le 3e mécanicien, Monsieur Rivecci, a eu des réactions exemplaires.
Description du sous-marin
50 m de long
Pas de numéro
Guibre en dos d’âne, d’une seule pièce
Coupe-filets en dents de scie sur l’avant
Kiosque cylindrique avec deux périscopes
1 canon de 90 mm sur l’avant
Antenne de l’avant à l’arrière
Voici la silhouette dessinée par le 2e capitaine Bouillon

Et celle dessinée par le chef mécanicien Orliange

Commandant
Très jeune, 23 ou 24 ans. Blond, rasé, taille moyenne, allure distinguée, attitude correcte mais physionomie plutôt réservée et renfermée. Tête nue. Pas de galons. Tenue de drap vert comme celle des troupes de terre.
Second
Même âge, même silhouette et plutôt jovial.
Vu aussi un sous-officier, sans doute timonier, l’air dur, barbe rousse mal soignée, vêtu d’un caban bleu.
Commentaire de l’officier enquêteur
Je signale que Sousse, informé de la descente d’un convoi, avait envoyé une reconnaissance à sa rencontre. A cause du temps agité, la section est rentrée sans avoir accompli sa mission. Les torpilleurs ont abandonné VERDUN peu après le départ, ne pouvant le suivre à cause du mauvais temps. Ils en ont averti Bizerte.
C’est le 29 au matin que, ne voyant pas arriver le VERDUN qui aurait du mouiller en fin de nuit, Sfax s’est inquiété. Ils ont alors appris que VERDUN était sans escorte et que de plus, un voilier venait d’être attaqué au canon près de la côte. L’intervention des avions côtiers a sauvé le voilier. Les hydravions ont aperçu le sous-marin en plongée à côté du voilier et lui ont lancé six bombes qui l’ont peut-être mis hors de combat, ou tout au moins simplement contraint à fuir. On ne l’a pas revu sur la côte tunisienne depuis cette époque.
La section des vedettes a rencontré les embarcations du VERDUN au large de La Chabbah quelques heures plus tard.
Il est quand même regrettable que l’information « VERDUN sans escorte » n’ait pas été communiquée à Sousse et Sfax. Des reconnaissances aériennes auraient pu empêcher son torpillage, ou au moins lui assurer une protection. Une section de chalutiers ou de torpilleurs de Sousse aurait fort bien pu prendre la mer.
Le sous-marin attaquant
C’était l’UC 20 de l’OL Heinrich KUKAT dont voici la photo.

Cet officier, originaire de Prusse orientale, venait d’avoir 27 ans. Il paraissait effectivement plus jeune et correspond tout à fait au portrait qu’en fait le capitaine Le Bastard.
Il trouvera la mort le 3 Avril 1920 lors de combats contre les révolutionnaires de la Rhur. Son frère, Hans, était aussi commandant de sous-marin.
Cdlt