MASSENET - LE VENGEUR Bateaux de pêche de Honfleur

[olivier 12]

Bonjour à tous,

MASSENET – LE VENGEUR

Rencontres avec un sous-marin

MASSENET

Bateau de pêche de Honfleur immatriculé HO 27
10,39 tx
Propriétaire Madame GONET

Equipage

Arthur LECESNE Patron
GALLOIS Matelot
LECESNE Mousse ( fils du patron)

Quitté Honfleur le 8 Août 1916 à 18h30 pour la pêche.
A 03h30 du matin le 9, MASSENET est entre la bouée nord du mouillage et la bouée zéro du Haut de Quarante. La bouée mouillée sur DUCHESSE DE GUICHE est par le travers dans le NW.
MASSENET est étale sur son chalut, occupé à le virer.
Très beau temps clair. Petite brise d'est.
Aperçu soudain un sous-marin qui émerge sur tribord, faisant grand bruit et grand déplacement d'eau. L'équipage croit qu'il va être torpillé et demeure pétrifié, presque privé de mouvement. Il cache toutefois le fanal de pont qui servait à travailler. Le sous-marin marche vite et vient passer sur bâbord. On ne voit que sa tourelle, entièrement hors de l'eau. Il disparaît dans la nuit.

Halé le chalut et fait route à toute vitesse sur Honfleur où MASSENET arrive à 06h15.

LE VENGEUR

Bateau de pêche de Honfleur, immatriculé HO 84
9,47 tx
Propriétaire Marcel LELIEVRE

Equipage

Marcel DUPONT Patron
1 matelot
DUPONT Mousse (jeune frère du patron)

Quitté Honfleur le 9 Août 1916 à 19h00

Traîné le chalut à très petite vitesse à 250 m de la bouée sud du mouillage.
Temps clair, légère brume, petite pluie.

Aperçu soudain un sous-marin, marchant à très petite vitesse qui nous approche jusqu'à 15 m. Nous pensons qu'il va nous accoster et nous faire prisonniers. A ce moment, le faisceau lumineux du projecteur de la digue sud éclaire LE VENGEUR et les vapeurs au mouillage. Le sous-marin plonge aussitôt. MASSENET relève aussitôt son chalut et fait route plein Est.
Le patron et le matelot étaient sur le pont, le mousse en bas.

Description du sous-marin

Peut-être 100 m de long mais on voyait surtout la tourelle, de forme ovale, et un cylindre, gros comme une bouteille, qui était peut-être le périscope. On n'a vu personne sur le pont et il n'a pas fait de signaux. Il était émergé d'environ 0,75 m.

Note du Contre-Amiral VARNEY, commandant Marine Le Havre, au Ministre

« Voici l'interrogatoire des équipages de deux barques de pêche de Honfleur. Ils prétendent avoir vu un sous-marin à l'intérieur du barrage dans les nuits du 8 au 9, puis du 9 au 10 Août dernier.

Il n'y a rien à retenir de ces témoignages qui résultent de la contagion mentale sévissant actuellement dans la collectivité des pêcheurs de l'estuaire.
Les patrouilles effectuées pendant la nuit à l'intérieur du barrage n'ont rien révélé de suspect, si ce n'est la présence délictueuse de ces barques de pêche, avec ou sans moteur, auxquelles j'ai infligé un retrait de permis de pêche de six mois. »

Le sous-marin

N'est pas identifié à ce jour.

Mais ces malheureux pêcheurs qui avaient eu, à l'évidence la peur de leur vie, se sont de plus fait retirer leur gagne-pain. Ce n'était peut-être pas le meilleur moyen d'inciter les autres à donner des renseignements sur les éventuels sous-marins.
Il serait intéressant de rechercher, dans les KTB des sous-marins, si l'un d'eux a rôdé dans les parages ces nuits-là.
On pourrait d'ailleurs penser à l'UB 18, de l'OL Otto STEINBRINCK, qui se trouvait du côté de Barfleur le 9 Août...

Cdlt

[Yves D]

Bonjour Olivier
La description du kiosque fait effectivment penser à un sous-marin du type UB II. Rien de plus dans l'immédiat.
Amts
Yves

[Yves D]

Olivier,
Peux-tu préciser davantage la position en azimut/distance de Honfleur ? Je ne peux pas localiser ces bouées.
Amts
Yves

[Yves D]

Bonsoir à tous, bonsoir Olivier
D'autres détails sur UB 18 durant cette patrouille effectuée du 31.7 au 12.8.1916 dans le cadre de l'application du Règlement sur les Prises
Ses ordres de mission stipulaient également que les transports ennemis devaient être attaqués sans avertissement préalable sous réserve de la certitude de voir sur le pont de ce navire la présence de soldats ou de canons et engins de guerre

Le 5, UB 18 mit le cap vers Le Havre dans une mer agitée
Entre le 6 et le 8 dans le cadre de ses ordres de mission concernant les transports ennemis, il effectua 41 manoeuvres d'attaque contre des vapeurs entrants mais aucun navire ne put être identifié formellement comme étant un transport ce qui conduisit chaque fois Steinbrinck à s'abstenir.
Le 9 il quittait les abords du Havre pour poursuivre la guerre au commerce, coulant entre autres Henri Elisa.
Source Arno Spindler Der Handelskrieg mit U-Booten vol.3

Je ne vois pas d'autre patrouille d'un U-Boot dans le secteur du Havre à cette période. Tout porte donc à croire que c'est ben UB 18 qui aura tant effrayé nos pêcheurs de Honfleur.

Amts
Yves

[olivier 12]

Bonjour à tous, Bonjour Yves,

Je n'ai pas d'autres précisions sur la position des pêcheurs, et les bouées citées ne semblent plus exister aujourd'hui. Toutefois le mouillage d'attente sur rade de La Carosse est toujours le même et la bouée sud est bien toujours là. C'est sûrement aux environs de cette bouée que LE VENGEUR traînait son chalut dans la nuit du 9 au 10. Or il se trouve que le 10 à 07h45 du matin, UB 18 se situe exactement à 30 milles au SE de Barfleur, c'est à dire à peu près au large de Courseulles où il coule la goélette ANNETTE MARIE (récit à venir).
Cette position le met donc à 30/35 milles du mouillage d'attente de La Carosse, pour Rouen et Le Havre, soit environ 3 heures de route.

Il apparaît évident que dans la nuit, quoiqu'en dise le commandant de Marine Le Havre, il est venu faire une petite reconnaissance des vapeurs au mouillage. Il n'a pas tenté de torpillage n'ayant sans doute pas vu de matériel de guerre sur ces navires, et se méfiant aussi des patrouilleurs. Et seuls les pêcheurs l'ont aperçu...

Lorsque le capitaine du chalutier parle du projecteur de la digue sud, il s'agit à mon avis de la digue sud du Havre et sûrement pas de Honfleur. Il n'y a d'ailleurs pas assez de fond dans la rivière, ni pour chaluter, ni pour un sous-marin en plongée.

Cdlt

[Yves D]

Bonsoir Olivier
C'est bien ce que je pensais également.
En tout état de cause, je ne vois aucun autre U-Boot dans ce secteur à cette date donc même en l'absence de son KTB, il ne peut s'agir que de lui.
Quant à l'Amiral Varney, nonobstant ses qualités humaines, il aurait cette fois été bien inspiré d'éviter de parler d'une "contagion mentale" chez ces pauvres pêcheurs qui c'est certain ont du avoir une belle frayeur. Disons qu'ils ne savaient pas comme nous le savons aujourd'hui que Steinbrinck n'était pas un ogre sanguinaire.
Amts
Yves

[Mike010]

Y a t'il eu pendant la GG des torpillages de chalutiers français opérant dans la manche? Plus précisement, est-ce que des bateaux civils exercant uniquement une activité de péche proche des cotes, ont subit des attaques de sous marins?

[Yves D]

Bonjour Mike
Tout d'abord, revenons sur le sens étymologique du mot torpillage qui s'applique à l'usage d'une torpille lancée contre un autre navire. Ce terme estr fréquemment utilisé abusivement dans un sens qui n'est pas le sien pour parler de la destruction d'un navire par un sous-marin quel que soit le mode utilisé. Il est clair que vu le nombre limité de torpilles qu'un sous-marin peut emporter et le coût élevé de chacune d'entre elles, elles ne sont JAMAIS utilisées pour couler un modeste bateau de pêche.
Cela dit, il n'est pas rare de remarquer que de petits bateaux de pêche ont été coulés par les U-Boote. En terme de tonnage cela représente bien peu évidemment mais dans cette guerre devenue totale tout était bon pour affaiblir l'adversaire en atteignant ses sources d'alimentation et son moral en jouant sur l'impact psychologique que ces destructions pouvaient avoir sur la population des pêcheurs. Le moyen utilisé était généralement une charge explosive placée à bord ou parfois le canon.
Cdlt
Yves

[olivier 12]

Bonjour à tous, bonjour Mike,

Pour répondre à la question de Mike, il y a sur ce même forum de très nombreux exemples d'attaques de navires de pêche. En voici un exemple, parmi beaucoup d'autres, avec ce lien :

pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-aviati ... _1.htm#bas

Enfin, en temps de guerre, la distinction entre navires civils ou navires militaires n'a plus beaucoup de sens.
Les navires dits civils, paquebots, paquebots mixtes ou cargos, et même certains chalutiers, étaient armés. Les navires de commerce transportaient soldats, armes, munitions, approvisionnements pour les divers fronts. Ils étaient souvent réquisitionnés et commandés par des officiers de marine auxiliaires (aujourd'hui officiers de réserve). Les bateaux de pêche pouvaient être utilisés comme patrouilleurs. Tous ces navires étaient donc des cibles pour l'adversaire, des deux bords d'ailleurs.

Un exemple pathétique est le torpillage du LUSITANIA qui fit couler un flot d'encre vengeur. Mais on sait aujourd'hui que ce navire, en plus des passagers civils (dont des Américains) transportait, au mépris des risques encourus, des armes et des munitions en pleine zone décrétée zone de guerre, et ceci malgré les avertissements répétés des Allemands.

Bref, ils couraient les mêmes risques que les navires militaires et l'on peut dire que pendant la Grande Guerre leurs équipages ont été l'honneur de la Marine Marchande. Ils ont d'ailleurs payé un lourd tribut.

Enfin, comme je l'ai signalé dans un autre sujet, la Marine Marchande fut le seul domaine où des garçons de moins de seize ans (les mousses) furent régulièrement impliqués dans des actions de guerre. Les conventions internationales l'interdisaient dans les armées régulières. (A ce sujet, voir les fiches des navires MARTHE, JULES HAUZEUR, FRANK DELMAS...etc)

Cdlt

[Mike010]

merci bcp Yves et Olivier, non seulement pour votre réponse, mais également pour vos diverses contributions. C'est un réel plaisir que de vous lire.