Recherche vaine également pour ma part. Connaissez-vous la date et le lieu de naissance de ce marin ? Et savez-vous s'il était marin de l'État ou, au contraire, marin du commerce ?« Je ne trouve trace d' ... Yves Marie Le Scornec, marin mort en mer ce jour. »
CATHERINE-II, ex-EMPRESS-EKATERINA II ― Paquebot ― État français.
CATHERINE-II, ex-EMPRESS-EKATERINA II ― Paquebot ― État français.
Bonsoir Catherine,
Dernière modification par Rutilius le lun. août 03, 2020 5:24 pm, modifié 1 fois.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Daniel.
Re: CATHERINE-II, ex-EMPRESS-EKATERINA II ― Paquebot ― État français.
Bonsoir et merci de ces réponses rapides. Je tourne en vain sur tous les nombreux sites 14/18, mais pour les marins c'est galère (si j'ose dire).
Mon Yves-Marie Le Scornec est né le 31/12/1884 à Pleubian (22 Côtes d'Armor). Père Henry (marin, ils le sont tous dans la famille), Mère Marie Yvonne Croajou.
Il s'est marié à Binic (22) le 19/01/1915, épouse Jeanne Marie Le Mée.
Il "serait" mort en mer le 30 janvier 1918. Son nom est sur le monument aux morts 14/18 de Binic. Je n'ai pas trouvé d'autre bateau coulé ce jour là (civil ou militaire).
De la classe 1904, recrutement Guingamp, je n'ai pas trouvé son registre matricule (absence de tables alpha pour cette période).
Merci des lumières que vous pourrez m'apporter.
Mon Yves-Marie Le Scornec est né le 31/12/1884 à Pleubian (22 Côtes d'Armor). Père Henry (marin, ils le sont tous dans la famille), Mère Marie Yvonne Croajou.
Il s'est marié à Binic (22) le 19/01/1915, épouse Jeanne Marie Le Mée.
Il "serait" mort en mer le 30 janvier 1918. Son nom est sur le monument aux morts 14/18 de Binic. Je n'ai pas trouvé d'autre bateau coulé ce jour là (civil ou militaire).
De la classe 1904, recrutement Guingamp, je n'ai pas trouvé son registre matricule (absence de tables alpha pour cette période).
Merci des lumières que vous pourrez m'apporter.
Cath22 Lecoq
Re: CATHERINE-II, ex-EMPRESS-EKATERINA II ― Paquebot ― État français.
Cette réponse me conforte dans l'idée que c'est un marin du commerce sur un navire réquisitionné, mais il ne figure pas sur votre liste. Est-elle exhaustive. J'ai maintenant un doute car l'équipage était plutôt méditerranéen. C'est tout de même curieux que je ne trouve pas trace de ce naufrage (ou d'un autre) dans l'Ouest-éclair dans les jours qui suivent. Merci de vos précisions qui orientent ma réflexion.Bonsoir à tous,
Marins disparus le 30 janvier 1918 avec le paquebot Catherine-II.
Marins du commerce.
État-major
― MALIGE Joseph, né le ... à ... (...) et domicilié à ... (...), Chef mécanicien, inscrit à Marseille, n° 6.609.
Par arrêté du Ministre de la Marine en date du 22 octobre 1919 (J.O., 16 nov. 1919, p. 12.915), inscrit à titre posthume au tableau spécial de la Légion d’honneur pour le grade de chevalier dans les termes suivants :
« MALIGE (Joseph), chef mécanicien du Catherine-II : a fait preuve du plus grand sang-froid et d’une belle énergie lors du torpillage de son bâtiment. Disparu victime du dévouement. »
Le 14 novembre 1916, en mer Égée, Joseph MALIGE avait échappé au naufrage du croiseur auxiliaire – et ex-paquebot – Burdigala, de la Compagnie de navigation Sud Atlantique, coulé par une mine posée par le sous-marin allemand U-73 (Kapitänleutnant Gustav Sieß).
Il fut par la suite :
• Cité à l’ordre du jour de l’armée dans les termes suivants (J.O. 23 févr. 1917, p. 1.460) :
« Malige (Joseph), premier maître mécanicien temporaire du Burdigala : a fait preuve de beaucoup de sang-froid. Était, au moment du torpillage, de quart dans la machine, où il fut renversé par la commotion. Dès qu’il put atteindra un endroit à l’abri de l’eau, qui avait immédiatement envahi les machines, a donné et fait exécuter ses ordres pour la fermeture des portes étanches. N’a cessé de s’occuper de son service avec le plus grand calme et le plus grand dévouement. » ;
• Par arrêté du 5 mars 1917 (J.O. 7 mars 1917, p. 1.851), inscrit au tableau spécial de la Médaille militaire dans les termes suivants :
« Malige (Joseph), premier maître mécanicien temporaire, Marseille 6.609 : a fait preuve de beaucoup de sang-froid. Était au moment du torpillage de quart dans la machine, où il fut renversé par la commotion. Dès qu’il put atteindre un endroit à l’abri do l’eau qui avait immédiatement envahi les machines, a donné et fait exécuter ses ordres pour la fermeture des portes étanches, N’a cessé de s’occuper de son service avec le plus grand calme et le plus grand dévouement. (Déjà cité à l’ordre du jour de l’armée pour le même motif). »
Équipage
― BOVIS Hippolyte, né le ... à ... (...) et domicilié à ... (...), inscrit à Bastia, n° 778.
Époux de Marie Thérèse Nathalie LORANO, à laquelle fut attribuée une pension de veuve de 800 fr. par un décret en date du 9 octobre 1919 (J.O. 1er janv. 1920, p. 30).
― DUCCHITO Louis, né le ... à ... (...) et domicilié à ... (...), inscrit à Marseille, n° 9.921.
― ROSSI François, né le ... à ... (...) et domicilié à ... (...), inscrit à Marseille, n° 4.104.
Cath22 Lecoq
Re: CATHERINE-II, ex-EMPRESS-EKATERINA II ― Paquebot ― État français.
Bonjour,
A l'attention de Cath22.
"Mort en mer" ne veut pas dire qu'il a coulé avec le navire sur lequel il était embarqué.
Il peut avoir été tué dans une action de guerre, sans que le navire soit perdu.
Il peut être mort de maladie à bord.
Il peut être mort d'un accident.
Il peut être tombé à la mer.
Il est peut-être intéressant de creuser la piste d'inscrit maritime (marin de commerce), avec sa date de naissance et son nom, auprès des archives de l'Inscription maritime, conservées au Service Historique de la Défense à Brest. Si il a été marin de commerce, vous y retrouverez toute sa carrière maritime civile.
Cordialement.
A l'attention de Cath22.
"Mort en mer" ne veut pas dire qu'il a coulé avec le navire sur lequel il était embarqué.
Il peut avoir été tué dans une action de guerre, sans que le navire soit perdu.
Il peut être mort de maladie à bord.
Il peut être mort d'un accident.
Il peut être tombé à la mer.
Il est peut-être intéressant de creuser la piste d'inscrit maritime (marin de commerce), avec sa date de naissance et son nom, auprès des archives de l'Inscription maritime, conservées au Service Historique de la Défense à Brest. Si il a été marin de commerce, vous y retrouverez toute sa carrière maritime civile.
Cordialement.
Memgam
Re: CATHERINE-II, ex-EMPRESS-EKATERINA II ― Paquebot ― État français.
C'est judicieux comme observations.Bonjour,
A l'attention de Cath22.
"Mort en mer" ne veut pas dire qu'il a coulé avec le navire sur lequel il était embarqué.
Il peut avoir été tué dans une action de guerre, sans que le navire soit perdu.
Il peut être mort de maladie à bord.
Il peut être mort d'un accident.
Il peut être tombé à la mer.
Il est peut-être intéressant de creuser la piste d'inscrit maritime (marin de commerce), avec sa date de naissance et son nom, auprès des archives de l'Inscription maritime, conservées au Service Historique de la Défense à Brest. Si il a été marin de commerce, vous y retrouverez toute sa carrière maritime civile.
Cordialement.
Il est sur le monument aux morts et je sais qu'il est mort en mer.
S'il était simple marin de commerce cela me semble exclure maladie, accident et tombé à la mer. Par contre s'il était en service dans la Marine, dans ces hypothèses il serait "mort pour la France".
En règle générale je crois que les bateaux "torpillés" étaient quasiment systématiquement coulés ensuite.
Je vais creuser la piste "inscrit maritime". Merci de vos conseils.
Cath22 Lecoq
CATHERINE-II, ex-EMPRESS-EKATERINA II ― Paquebot ― État français.
Bonsoir Catherine,
Yves Marie LE SCORNEC a disparu le 31 janvier 1918 avec le sloop Ange-Gardien, de l’armement Francis Geulon, de Pleubian (Côtes-du-Nord — aujourd'hui Côtes-d'Armor). Alors qu’il effectuait une traversée de Roscoff à Saint-Malo, ce bâtiment a en effet sombré le 30 janvier 1918 à 4 milles à l’Est des Sept-Îles, après avoir heurté une mine posée par le sous-marin allemand UC-48 (Kapitänleutnant Kurt RAMIEN).
Dernière modification par Rutilius le lun. août 03, 2020 7:14 pm, modifié 1 fois.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Daniel.
Re: CATHERINE-II, ex-EMPRESS-EKATERINA II ― Paquebot ― État français.
Bonjour Daniel
C'est tout bonnement miraculeux pour moi !
Je ne connais pas vos méthodes de recherches mais ces renseignements si complets et sûrs m'évitent bien des démarches.
Merci à vous et à tous infiniment.
C'est tout bonnement miraculeux pour moi !
Je ne connais pas vos méthodes de recherches mais ces renseignements si complets et sûrs m'évitent bien des démarches.
Merci à vous et à tous infiniment.
Cath22 Lecoq
CATHERINE-II, ex-EMPRESS-EKATERINA II ― Paquebot ― État français.
Bonjour à tous,
Le « transport » réquisitionné Catherine-II ― ex-Empress-Ekaterina II ― fut administrativement considéré comme bâtiment armé en guerre du 1er janvier 1917 au 30 janvier 1918, jour de sa perte.
[Circulaire du 25 avril 1922 établissant la Liste des bâtiments et formations ayant acquis, du 3 août 1914 au 24 octobre 1919, le bénéfice du double en sus de la durée du service effectif (Loi du 16 avril 1920, art. 10, 12, 13.), §. A. Bâtiments de guerre et de commerce. : Bull. off. Marine 1922, n° 14, p. 720 et 730.].
[Circulaire du 25 avril 1922 établissant la Liste des bâtiments et formations ayant acquis, du 3 août 1914 au 24 octobre 1919, le bénéfice du double en sus de la durée du service effectif (Loi du 16 avril 1920, art. 10, 12, 13.), §. A. Bâtiments de guerre et de commerce. : Bull. off. Marine 1922, n° 14, p. 720 et 730.].
Dernière modification par Rutilius le lun. août 03, 2020 7:18 pm, modifié 1 fois.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Daniel.
CATHERINE-II, ex-EMPRESS-EKATERINA II ― Paquebot ― État français.
Bonjour à tous,
Bord, le 31 janvier 1918.
Commandant,
J’ai l’honneur de vous adresser le présent rapport pour vous rendre compte succinctement des diverses missions accomplies par l’Impatiente du 12 au 31 janvier.
...........................................................................................................................…….....
...............................................................................................................................….
• Canonnière Impatiente ― alors commandée par le lieutenant de vaisseau Lucien Joseph Louis MOUREN ―, Correspondance du commandant ― 6 juill. 1916 ~ 26 févr. 1918 ― : Service historique de la Défense, Cote SS Y 276, p. 166, 169 et 170 [p. num. 959 à 961].
Bord, le 31 janvier 1918.
Le Lieutenant de Vaisseau Mouren, Commandant la canonnière Impatiente
à Monsieur le Capitaine de Vaisseau, chef de la Division des patrouilles de Tunisie.
à Monsieur le Capitaine de Vaisseau, chef de la Division des patrouilles de Tunisie.
Commandant,
J’ai l’honneur de vous adresser le présent rapport pour vous rendre compte succinctement des diverses missions accomplies par l’Impatiente du 12 au 31 janvier.
...........................................................................................................................…….....
Le 30, à 3 h. 05, reçu l’ordre de nous porter au secours du vapeur Catherine-II qui vient d’être torpillé à 10 milles au Sud de la Galite. A 3 h. 15, nous sommes prêts à appareiller. L’appareillage a lieu à 3 h. 30, dès que la Malicieuse, qui est amarrée sur nous, a terminé ses nouvelles dispositions d’amarrage. Fait route directe à 15 nœuds sur la position signalée. A 7 h. 20, étant en ce point, nous n’apercevons rien. Continué à faire route sur Bône. A 8 h. 00, aperçu la Sagaie près des embarcations et des épaves de la Catherine-II. Nous la rallions. Nous retournons deux canots chavirés et nous essayons de les prendre à la remorque ainsi qu’un groupe de radeaux. Les remorques cassent, le bâtiment ne pouvant pas remorquer assez lentement. Nous embarquons quelques radeaux et faisons route pour rentrer à Bizerte.
...............................................................................................................................….
Dernière modification par Rutilius le lun. août 03, 2020 11:40 pm, modifié 1 fois.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Daniel.
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Re: CATHERINE-II, ex-EMPRESS-EKATERINA II ― Paquebot ― État français.
Bonjour à tous,




Torpillage du 30 Janvier 1918. Rapport du capitaine.
Ce long rapport comporte 14 pages dont voici les passages essentiels.
Le 22 Janvier 1918 à 09h30, quitté le môle de l’Abattoir avec ordre d’aller mouiller sur rade de l’Estaque. L’équipage se compose de 8 officiers et 93 hommes. Le navire transporte 1700 hommes à destination de l’Algérie, puis de Salonique.
Cargaison de 850 tonnes dont :
- 242 tonnes de madriers de bois
- 530 caisses de chocolat
- 2000 caisses de lait condensé
- 300 barriques de rhum
- + farine, conserves et habillement pour l’armée d’Orient.
Mouillé une ancre par 25 m de fond, 4 maillons. (Nota : 1 maillon = 30 m de chaîne)
Vers 20h00, le navire dérape ; relevé l’ancre et mouillé plus au Nord sur deux ancres. Dans la nuit, la brise fraîchit, avec violentes rafales, grains, mais la tenue est bonne.
Le 23 Janvier à 05h45, mon second m’informe qu’il a aperçu en direction des îles une grande flamme suivie d’une forte explosion. (Nota : il s’agissait de l’explosion du vapeur DROME torpillé par l’UC 67 du Kptlt Karl Neumann. Voir fiche de ce navire).
A 13h30, un remorqueur accoste avec 13 passagers, 6 officiers et 7 sous-officiers destinés à Salonique. Cela porte le nombre total de passagers à 1723 soit :
- 21 officiers
- 110 sous-officiers
- 1592 hommes de troupe
Le commandant d’armes est le capitaine le plus ancien en grade. Les consignes sont données pour les postes d’évacuation. Exercice d’abandon à 15h30. Quoique les troupes ne fussent pas régulièrement encadrées, l’ensemble de l’exercice est satisfaisant malgré la diversité des éléments permissionnaires.
A 17h00, ordre d’appareillage.
Le 24 Janvier appareillage à 09h00. Temps calme, mer belle, horizon brumeux. A 10h00 revenu à l’Estaque et débarqué en vedette un soldat du 7e régiment évacué sur ordre du médecin convoyeur. Envoyé le restaurateur au poste de la Joliette avec une corvée de vivres. A 18h00, organisé le service de veille et fait masquer les lumières.
Le 25 Janvier, accosté à quai à 08h00 et embarqué aussitôt vivres, viande et pain. Appareillé à 10h00 après deux contre-ordres et franchi le barrage escorté par MAROCAIN et HOVA. Route vers Faraman avec zigzags. A 15h00, le second maître canonnier de veille sur l’arrière vient me dire que deux torpilles ont été lancées de tribord et sont passées juste sur notre arrière. Les hommes de veille sont moins affirmatifs et pensent que ce pouvait être des marsouins. A 17h30, reçu un allo donnant une position de sous-marin par 42°43 N et 04°40 E. C’était notre position à 16h00. Fait augmenter l’allure et pris la fuite à 93 tours/mn soit 14 nœuds. A 18h00, sommes rejoints par 3 contre-torpilleurs qui éclairent notre route.
Le 26 Janvier vers 06h00, la barre ne répond plus. La transmission hydraulique asservit mal le moteur à vapeur. Le chef mécanicien installe un moteur de rechange.
Vers 09h00, croisé un radeau et plusieurs barriques flottantes par 39°30 N et 06°44 E. Manœuvré pour les éviter.
A 12h30 la barre se bloque à nouveau. Le chef mécanicien et deux chauffeurs s’occupent de la réparation. De 13h00 à 18h00, gouverné péniblement à l’hydraulique. La nuit approchant, demandé au MAROCAIN de ne plus zigzaguer ce qu’il accepte. A 23h15, reconnu le feu du cap de Garde. Pris le chenal de sécurité en enclenchant la barre directe de l’arrière et gouverné avec les signes conventionnels entre arrière et passerelle.
Le 27 Janvier, amarré à quai à Bône, avec l’aide du pilote, à 03h45. Averti les autorités de l’indisponibilité du navire suite à une avarie de barre. Débarquement des troupes entre 07h00 et 08h30. Préparé les faux-ponts pour l’embarquement du foin.
Les mécaniciens procèdent au démontage et à la visite de la barre hydraulique. La réparation s’effectue sous la direction d’un mécanicien principal de la flotte, appartenant à la flottille de Bône. Une pièce de rechange est façonnée par un atelier à terre. Travaillé sur la barre toute la journée et toute la nuit.
Le 28 Janvier, un essai de fonctionnement de la barre reste négatif. Entre temps, l’embarquement des 275 tonnes de foin se termine à 16h00. Les pontées avant et arrière sont saisies et bâchées. Les manches à incendie sont disposées de chaque bord.
Le 29 Janvier vers 08h00, inspection de l’équipage et des locaux. A 10h00, essai de la barre hydraulique satisfaisant quant à la transmission dans l’amplitude des angles de barre. Mais je souhaite disposer encore de la nuit pour changer le ressort récupérateur et mettre au point le moteur à vapeur. Mais le départ du convoi est réglé pour le soir même par la Direction des Routes. Je me propose alors de mettre au point le réglage de la commande à tiroir lors de l’escale de Bizerte. Le commandant de SAGAIE me remet les ordres de route. A 17h30, quitté le quai de Bône à destination de Bizerte. A 20h00 débarqué le pilote et mis en route à 79 t/mn. Equipage aux postes de veille. Tous feux éteints.
Mr. Le Meur, 2e lieutenant est de quart et je commence les zigzags suivant le graphique joint. Les officiers sont munis d’un graphique sur lequel les caps sont inscrits en regard des heures et des routes à suivre.

Le 30 Janvier à 00h32, le navire est par 37°17 N et 08°40 E et je venais juste de prendre le relèvement au compas de Tabarka lorsqu’une explosion se produit. Le sous-marin devait se trouver au point de changement de route.


C’était certainement le sous-marin dont les allos précédents révélaient la présence. Je venais de descendre de la passerelle supérieure où se trouvait le compas de relèvement quand une formidable commotion ébranla le navire et l’électricité s’éteignit aussitôt. Répondant à l’appel de mon second, Mr. De Basnine, je pus ouvrir la porte de la chambre de veille grâce à une lampe de poche et me précipitai sur la passerelle. Une énorme gerbe d’eau s’élevait sur bâbord et projetait en l’air l’embarcation qui se retourna et vint se broyer sur les radeaux, écrasés en même temps. Avec mes jumelles je fouillai l’horizon, mais ne vit aucune trace de périscope.
Fait immédiatement stopper la machine en fermant une vanne située sur le grand collecteur, à l’arrière de la passerelle, car tous les circuits étaient rompus et il n’y avait plus aucune communication par téléphone. Donné un coup de sifflet prolongé. Tout le personnel non de quart se range sur le château, autour des embarcations 2, 4 et 5. Je ne donne pas de suite l’ordre d’abandon. Le TSF Thévenet vient me demander le point et je lui donne les coordonnées, muni de ma lampe de poche. Il part immédiatement lancer le SOS. Le navire continue sur son erre et vient sur la gauche. Je fais mettre la barre à droite et Mr. Le Meur exécute aussitôt l’ordre. J’appelle le chef mécanicien et lui demande de me rendre compte de se qui se passe dans la machine. Mr Malige, accompagné de son 2e mécanicien était déjà allé dans la machine et m’informe que l’accès en est impossible car elle est complètement envahie par l’eau. D’ailleurs, le navire s’enfonce déjà par l’arrière. J’envoie Mr de Basnine faire une ronde, et il m’informe que les coursives de l’avant sont déjà envahies par l’eau.
Je donne alors l’ordre d’évacuation et fais amener les embarcations. Je prends avec moi documents secrets, livre de caisse, les 470 francs de la caisse, le rôle d’équipage, mon journal de bord et mon revolver.
Assisté du second, du 2e lieutenant, du chef mécanicien et du 3e mécanicien je dirige la manœuvre de mise à l’eau des embarcations et leur donne l’ordre de s’éloigner impérativement du navire. Mes officiers restent près de moi et je leur dis de se sauver à leur tour. Toutefois, Mr de Basnine refuse de m’abandonner. Seule restait l’embarcation n° 8 et d’un coup de hache, nous tranchons sa saisine. Mais, poussée par le remous, elle s’écarte et reste retenue par un garant à bout de bossoir. Mr Malige se saisit d’une pièce de bois, débris d’un radeau, et parvient à accrocher le garant de l’embarcation et m’appelle à l’aide. Je saisis le garant de la main droite et me retiens au bossoir de la main gauche. Le garant raidit brusquement, me fait perdre l’équilibre, et je tombe dans le canot. Mr Le Meur s’affale alors dans le canot, m’aide à le maintenir le long du bord et Mr Cordier peut y embarquer, mais pas Mr de Basnine, ni Mr Malige, arrivés trop tard. L’embarcation, soulevée par le remous, retenue par les radeaux qui s’enfonçaient avec le navire, chavire malgré tous nos efforts. Brusquement, au milieu d’un fracas épouvantable et de craquements sinistres, le navire s’inclina sur nous, notre embarcation fut happée par deux bossoirs et nous fûmes engloutis avec le navire. Je remontai à la surface et me trouvai au milieu d’un véritable amas de paille et de débris de bois. Instinctivement, je m’accrochai à une botte de fourrage, puis à un débris de radeau et je fus recueilli par un canot commandé par le second maître Corsi.
Ramené sur SAGAIE, exténué et défaillant, je me présentai au commandant et lui demandai s’il avait reçu mon SOS. Mais son TSF n’avait rien entendu. Grelottant et meurtri, je m’aperçus alors que j’étais blessé. Je fus conduit chez lui où un infirmier me donna les premiers soins. Ma montre s’était arrêtée à 01h16. Mon second a été sauvé 5 heures plus tard grâce au dévouement du commandant et de l’équipage de SAGAIE. Sa montre s’était arrêtée à 01h14. CATHERINE II avait donc coulé en 15 minutes environ.
Ayant fait appeler mon 1er lieutenant, je lui demandai un état de l’équipage sauvé. J’appris ainsi avec douleur la mort de mon chef mécanicien, un fier et courageux garçon, intelligent et dévoué, sur qui je savais pouvoir compter. Mr Malige était décoré de la Médaille Militaire et de la Croix de Guerre. C’était un brave qui a disparu victime de son devoir et, comme nous tous, sa dernière pensée aura été pour notre chère France.
J’appris aussi la disparition de 13 membres de l’équipage. (Nota, les noms de ces 13 hommes ne semblent pas figurer dans la liste donnée ci-dessus. L’un d’eux s’appelait Simon Pieri et un autre était un chauffeur grec du nom de Vallais)
La torpille a explosé en plein dans la chambre des machines, juste au dessous du poste des chauffeurs.
Se sont particulièrement distingués lors du sauvetage :
- Mr Malige, dont la conduite a été au dessus de tout éloge
- Mr. Le Meur
- Mr. Cordier
- Le maître d’équipage Bellusci
- Le second maître Corsi qui a sauvé son commandant, assisté du chauffeur Giraud
- Le QM timonier Cami qui a sauvé le journal de bord
- Le matelot TSF Thévenet qui a lancé le SOS.
Je demande que soit accordée à tous ces braves la juste récompense de leur dévouement.
Le journal de bord et le reliquat de caisse sont tout ce qui reste d’IMPERATRICE CATHERINE II qui a si tragiquement, mais fièrement, fini sa belle carrière de ravitailleur de l’armée d’Orient.
Ecrit à l’hôpital militaire de Bizerte le 10 Février 1918.
Rapport de l’officier enquêteur, le Capitaine de Corvette BORIES
Celui-ci reprend tous les points du rapport du capitaine et précise que :
- La Direction des Routes avait prévenu le capitaine qu’un sous-marin se trouvait dans les parages de La Galite.
- La visibilité était celle d’un beau clair de lune.
- L’escorteur était à 500 ou 600 m sur l’arrière bâbord
- Le commandant de SAGAIE a confirmé la belle conduite, l’ordre et la discipline qui n’ont cessé de régner et qui contrastaient heureusement avec la tenue déplorable de l’ancien équipage russe contre lequel le capitaine avait dû demander des mesures rigoureuses à l’Amiral lors de son dernier passage à Bizerte. Cet équipage avait été débarqué.
- Les mécaniciens non de quart et les chauffeurs victimes de la torpille prouvent qu’elle a explosé dans la chambre des machines, juste sous leur poste.
- VERDUN était passé au point de torpillage sans être attaqué 15 minutes auparavant, soit parce que ses zigzags ont été plus heureux, soit parce que le sous-marin connaissait l’heure de passage de CATHERINE II.
La commission a demandé au capitaine s’il avait des soupçons sur la divulgation des mouvements des bâtiments. Il a répondu qu’on ne peut même pas échafauder une hypothèse car des généralités sont dans la bouche de tous et il est difficile de cacher l’heure d’un appareillage. Même les fournisseurs divers sont forcément au courant. Il signale d’ailleurs qu’il existe une contradiction avec les instructions quand on dit à l’équipage qu’en cas de désertion, la juridiction compétente considère que si le marin n’est pas informé de l’heure du départ et manque l’appareillage, il n’y a pas, en fait, de désertion.
Il n’en reste pas moins que malgré la position favorable de l’escorteur, le sous-marin a réussi au maximum ce qu’il pouvait faire dans son attaque. Ce qu’on peut dire, c’est que le passage de La Galite est un endroit dangereux. Les routes sont connues depuis longtemps et le sous-marin peut repérer sa position avec exactitude.
Rapport de l’officier AMBC
Ce bâtiment avait fait l’objet d’une visite détaillée le 22 Décembre 1917 par l’inspecteur de l’AMBC. Il avait été trouvé dans un état d’indiscipline nécessitant des mesures immédiates, en particulier une veille irrégulière. Deux marins de l’équipage commercial avaient été débarqués, punis de 60 jours de prison et rappelés au service. Les Russes avaient également été débarqués. L’état moral de ce bâtiment étaient alors redevenu excellent et les ordres du capitaine ponctuellement obéis.
En ce qui concerne les officiers, capitaine compris, la visite avait révélé une insuffisance d’instruction militaire. Ils avaient été réunis au carré en vue de diverses recommandations et les rôles de veille et de combat avaient été rectifiés.
Le second maître chef de section Jean Richard avait été jugé négligent et avait reçu des avertissements sévères. Je note que pendant la traversée Marseille – Bône, il aurait vu deux sillages de torpilles passer à l’arrière du bâtiment et n’a rendu compte que beaucoup plus tard de ce fait qui, réel ou faux, aurait du faire l’objet d’un rapport immédiat au commandant.
Au moment du torpillage il y avait 1 canonnier de veille à la pièce arrière, 1 à la pièce avant et 2 hommes de veille à la passerelle, mais leurs secteurs de veille n’étaient pas parfaitement définis. Les réponses de ces hommes à l’interrogatoire ne concordent pas avec celles du capitaine et ne sont pas très nettes. Il aurait été nécessaire de pousser un peu plus l’instruction des canonniers et des marins du commerce au point de vue de la veille.
Les relèves se faisaient toutes les deux heures. Les communications entre veilleurs et passerelle se faisaient aisément à la voix ou par chadburn et téléphone. En raison de la pleine lune, il eût été préférable d’assurer une veille basse avec 3 veilleurs et de placer le 4e dans la hune. Je ne fais pas grief au capitaine de ce point puisque la veille dans la mâture n’est obligatoire que de jour, mais dans le cas d’une nuit claire comme celle-ci, une veille haute aurait pu être efficace. Les veilleurs avaient des jumelles fournies par le bord, d’une qualité médiocre. A Bizerte, il avait été prescrit au capitaine de demander des jumelles réglementaires à Marseille, Bizerte n’en possédant pas en stock.
Les feux étaient masqués avec soin et l’éclairage coupé partout où il n’était pas indispensable.
Les pièces étaient chargées à obus d’exercice, mais les conditions de l’attaque n’ont pas permis d’utiliser l’artillerie.
En résumé, aucune faute à relever. Veille assurée d’une façon satisfaisante. Mais les veilleurs n’avaient pas reçu des instructions suffisantes.
Récompenses
Citation à l’Ordre de l’Armée
SILVE Paul Edouard LV auxiliaire
A déployé des qualités exceptionnelles d’énergie et de courageux dévouement lors du torpillage de son bâtiment dont il a parfaitement assuré le sauvetage du personnel. A été blessé au cours de cette opération.
MALIGE Joseph Chef mécanicien
A fait preuve du plus grand sang froid et d’une belle énergie lors du torpillage de son bâtiment. Disparu, victime de son dévouement.
Citation à l’Ordre du Corps d’Armée
DE BASNINE Serge Officier de la Marine Marchande russe. 2e capitaine
A fait preuve du plus grand sang froid et d’une belle énergie lors de l’organisation du sauvetage du personnel de son bâtiment torpillé. Blessé.
Citation à l’Ordre de la Division
CORSI François Second maître d’équipage
Pour le courageux dévouement dont il a fait preuve lors du torpillage de son bâtiment
Citation à l’Ordre de la Brigade
LE MEUR Yves 2e lieutenant
CORDIER Gabriel 2e mécanicien
Pour le courage et le sang froid dont ils ont fait preuve lors du torpillage de leur bâtiment.
Citation à l’Ordre du Régiment
BELLUSCI Antoine Maître d’équipage
CAMI Camille QM de timonerie
THEVENET Maurice TSF
Pour l’énergie et le sang froid dont ils ont fait preuve lors du torpillage de leur bâtiment.
Témoignage Officiel de Satisfaction du Ministre
Vapeur CATHERINE II
Pour le sang froid et la discipline dont son équipage a fait preuve lors du torpillage de son bâtiment le 30 Janvier 1918
Le sous-marin attaquant
C’était donc l’UB 52 de l’Oblt Otto LAUNBURG.
Voir le post du 14/08/2014 concernant cet officier à la fiche du COLBERT. pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-aviati ... _355_1.htm
On remarquera d’ailleurs qu’Otto Launburg a torpillé CATHERINE II presque au même endroit où il avait torpillé le vapeur SAINT SIMON, de la Navale de l’Ouest, le 3 Avril 1917.
Torpillé lui-même en Mai 1918 sur l’UB 52 par le sous-marin anglais H4 du Lt Commander Oliver NORTH, au large des Bouches de Kotor, il sera le seul survivant de son sous-marin. Son officier de navigation, Heinrich Klein, repêché en même temps que lui par l’Anglais, décèdera en effet des suites de ses blessures.
Pendant la 2e guerre mondiale, il sera chef des services de la Kriegsmarine à Saint Malo, puis commandant du port de Bergen. Il échappera de nouveau de justesse à la mort et sera le seul survivant de son équipe lors de l’explosion du navire hollandais VORBOODE, à quai devant la capitainerie de Bergen, qui ravagea en partie la vieille ville hanséatique et fit 116 morts et plus de 5000 blessés le 20 Avril 1944. Ce matin là, il était en retard à son bureau… !
Il est décédé à 90 ans, en 1980. Voici son faire-part de décès.

Son épouse, Gertrud Brockmann était l’arrière petite nièce de l’écrivain Fritz Reuter (1810-1874), assez connu en Allemagne, auteur de contes et de poèmes, et qui a hissé le dialecte du Mecklembourg au rang de langue littéraire. Il existe d’ailleurs un musée littéraire Fritz Reuter à Stavenhagen.
Son fils adoptif, Hans-Jurgen Lauterbach, 1919–1996, (né du premier mariage de son épouse) fut commandant du grand sous-marin U 539, à l’âge de 23 ans, pendant la 2e guerre mondiale.
Cdlt




Torpillage du 30 Janvier 1918. Rapport du capitaine.
Ce long rapport comporte 14 pages dont voici les passages essentiels.
Le 22 Janvier 1918 à 09h30, quitté le môle de l’Abattoir avec ordre d’aller mouiller sur rade de l’Estaque. L’équipage se compose de 8 officiers et 93 hommes. Le navire transporte 1700 hommes à destination de l’Algérie, puis de Salonique.
Cargaison de 850 tonnes dont :
- 242 tonnes de madriers de bois
- 530 caisses de chocolat
- 2000 caisses de lait condensé
- 300 barriques de rhum
- + farine, conserves et habillement pour l’armée d’Orient.
Mouillé une ancre par 25 m de fond, 4 maillons. (Nota : 1 maillon = 30 m de chaîne)
Vers 20h00, le navire dérape ; relevé l’ancre et mouillé plus au Nord sur deux ancres. Dans la nuit, la brise fraîchit, avec violentes rafales, grains, mais la tenue est bonne.
Le 23 Janvier à 05h45, mon second m’informe qu’il a aperçu en direction des îles une grande flamme suivie d’une forte explosion. (Nota : il s’agissait de l’explosion du vapeur DROME torpillé par l’UC 67 du Kptlt Karl Neumann. Voir fiche de ce navire).
A 13h30, un remorqueur accoste avec 13 passagers, 6 officiers et 7 sous-officiers destinés à Salonique. Cela porte le nombre total de passagers à 1723 soit :
- 21 officiers
- 110 sous-officiers
- 1592 hommes de troupe
Le commandant d’armes est le capitaine le plus ancien en grade. Les consignes sont données pour les postes d’évacuation. Exercice d’abandon à 15h30. Quoique les troupes ne fussent pas régulièrement encadrées, l’ensemble de l’exercice est satisfaisant malgré la diversité des éléments permissionnaires.
A 17h00, ordre d’appareillage.
Le 24 Janvier appareillage à 09h00. Temps calme, mer belle, horizon brumeux. A 10h00 revenu à l’Estaque et débarqué en vedette un soldat du 7e régiment évacué sur ordre du médecin convoyeur. Envoyé le restaurateur au poste de la Joliette avec une corvée de vivres. A 18h00, organisé le service de veille et fait masquer les lumières.
Le 25 Janvier, accosté à quai à 08h00 et embarqué aussitôt vivres, viande et pain. Appareillé à 10h00 après deux contre-ordres et franchi le barrage escorté par MAROCAIN et HOVA. Route vers Faraman avec zigzags. A 15h00, le second maître canonnier de veille sur l’arrière vient me dire que deux torpilles ont été lancées de tribord et sont passées juste sur notre arrière. Les hommes de veille sont moins affirmatifs et pensent que ce pouvait être des marsouins. A 17h30, reçu un allo donnant une position de sous-marin par 42°43 N et 04°40 E. C’était notre position à 16h00. Fait augmenter l’allure et pris la fuite à 93 tours/mn soit 14 nœuds. A 18h00, sommes rejoints par 3 contre-torpilleurs qui éclairent notre route.
Le 26 Janvier vers 06h00, la barre ne répond plus. La transmission hydraulique asservit mal le moteur à vapeur. Le chef mécanicien installe un moteur de rechange.
Vers 09h00, croisé un radeau et plusieurs barriques flottantes par 39°30 N et 06°44 E. Manœuvré pour les éviter.
A 12h30 la barre se bloque à nouveau. Le chef mécanicien et deux chauffeurs s’occupent de la réparation. De 13h00 à 18h00, gouverné péniblement à l’hydraulique. La nuit approchant, demandé au MAROCAIN de ne plus zigzaguer ce qu’il accepte. A 23h15, reconnu le feu du cap de Garde. Pris le chenal de sécurité en enclenchant la barre directe de l’arrière et gouverné avec les signes conventionnels entre arrière et passerelle.
Le 27 Janvier, amarré à quai à Bône, avec l’aide du pilote, à 03h45. Averti les autorités de l’indisponibilité du navire suite à une avarie de barre. Débarquement des troupes entre 07h00 et 08h30. Préparé les faux-ponts pour l’embarquement du foin.
Les mécaniciens procèdent au démontage et à la visite de la barre hydraulique. La réparation s’effectue sous la direction d’un mécanicien principal de la flotte, appartenant à la flottille de Bône. Une pièce de rechange est façonnée par un atelier à terre. Travaillé sur la barre toute la journée et toute la nuit.
Le 28 Janvier, un essai de fonctionnement de la barre reste négatif. Entre temps, l’embarquement des 275 tonnes de foin se termine à 16h00. Les pontées avant et arrière sont saisies et bâchées. Les manches à incendie sont disposées de chaque bord.
Le 29 Janvier vers 08h00, inspection de l’équipage et des locaux. A 10h00, essai de la barre hydraulique satisfaisant quant à la transmission dans l’amplitude des angles de barre. Mais je souhaite disposer encore de la nuit pour changer le ressort récupérateur et mettre au point le moteur à vapeur. Mais le départ du convoi est réglé pour le soir même par la Direction des Routes. Je me propose alors de mettre au point le réglage de la commande à tiroir lors de l’escale de Bizerte. Le commandant de SAGAIE me remet les ordres de route. A 17h30, quitté le quai de Bône à destination de Bizerte. A 20h00 débarqué le pilote et mis en route à 79 t/mn. Equipage aux postes de veille. Tous feux éteints.
Mr. Le Meur, 2e lieutenant est de quart et je commence les zigzags suivant le graphique joint. Les officiers sont munis d’un graphique sur lequel les caps sont inscrits en regard des heures et des routes à suivre.

Le 30 Janvier à 00h32, le navire est par 37°17 N et 08°40 E et je venais juste de prendre le relèvement au compas de Tabarka lorsqu’une explosion se produit. Le sous-marin devait se trouver au point de changement de route.


C’était certainement le sous-marin dont les allos précédents révélaient la présence. Je venais de descendre de la passerelle supérieure où se trouvait le compas de relèvement quand une formidable commotion ébranla le navire et l’électricité s’éteignit aussitôt. Répondant à l’appel de mon second, Mr. De Basnine, je pus ouvrir la porte de la chambre de veille grâce à une lampe de poche et me précipitai sur la passerelle. Une énorme gerbe d’eau s’élevait sur bâbord et projetait en l’air l’embarcation qui se retourna et vint se broyer sur les radeaux, écrasés en même temps. Avec mes jumelles je fouillai l’horizon, mais ne vit aucune trace de périscope.
Fait immédiatement stopper la machine en fermant une vanne située sur le grand collecteur, à l’arrière de la passerelle, car tous les circuits étaient rompus et il n’y avait plus aucune communication par téléphone. Donné un coup de sifflet prolongé. Tout le personnel non de quart se range sur le château, autour des embarcations 2, 4 et 5. Je ne donne pas de suite l’ordre d’abandon. Le TSF Thévenet vient me demander le point et je lui donne les coordonnées, muni de ma lampe de poche. Il part immédiatement lancer le SOS. Le navire continue sur son erre et vient sur la gauche. Je fais mettre la barre à droite et Mr. Le Meur exécute aussitôt l’ordre. J’appelle le chef mécanicien et lui demande de me rendre compte de se qui se passe dans la machine. Mr Malige, accompagné de son 2e mécanicien était déjà allé dans la machine et m’informe que l’accès en est impossible car elle est complètement envahie par l’eau. D’ailleurs, le navire s’enfonce déjà par l’arrière. J’envoie Mr de Basnine faire une ronde, et il m’informe que les coursives de l’avant sont déjà envahies par l’eau.
Je donne alors l’ordre d’évacuation et fais amener les embarcations. Je prends avec moi documents secrets, livre de caisse, les 470 francs de la caisse, le rôle d’équipage, mon journal de bord et mon revolver.
Assisté du second, du 2e lieutenant, du chef mécanicien et du 3e mécanicien je dirige la manœuvre de mise à l’eau des embarcations et leur donne l’ordre de s’éloigner impérativement du navire. Mes officiers restent près de moi et je leur dis de se sauver à leur tour. Toutefois, Mr de Basnine refuse de m’abandonner. Seule restait l’embarcation n° 8 et d’un coup de hache, nous tranchons sa saisine. Mais, poussée par le remous, elle s’écarte et reste retenue par un garant à bout de bossoir. Mr Malige se saisit d’une pièce de bois, débris d’un radeau, et parvient à accrocher le garant de l’embarcation et m’appelle à l’aide. Je saisis le garant de la main droite et me retiens au bossoir de la main gauche. Le garant raidit brusquement, me fait perdre l’équilibre, et je tombe dans le canot. Mr Le Meur s’affale alors dans le canot, m’aide à le maintenir le long du bord et Mr Cordier peut y embarquer, mais pas Mr de Basnine, ni Mr Malige, arrivés trop tard. L’embarcation, soulevée par le remous, retenue par les radeaux qui s’enfonçaient avec le navire, chavire malgré tous nos efforts. Brusquement, au milieu d’un fracas épouvantable et de craquements sinistres, le navire s’inclina sur nous, notre embarcation fut happée par deux bossoirs et nous fûmes engloutis avec le navire. Je remontai à la surface et me trouvai au milieu d’un véritable amas de paille et de débris de bois. Instinctivement, je m’accrochai à une botte de fourrage, puis à un débris de radeau et je fus recueilli par un canot commandé par le second maître Corsi.
Ramené sur SAGAIE, exténué et défaillant, je me présentai au commandant et lui demandai s’il avait reçu mon SOS. Mais son TSF n’avait rien entendu. Grelottant et meurtri, je m’aperçus alors que j’étais blessé. Je fus conduit chez lui où un infirmier me donna les premiers soins. Ma montre s’était arrêtée à 01h16. Mon second a été sauvé 5 heures plus tard grâce au dévouement du commandant et de l’équipage de SAGAIE. Sa montre s’était arrêtée à 01h14. CATHERINE II avait donc coulé en 15 minutes environ.
Ayant fait appeler mon 1er lieutenant, je lui demandai un état de l’équipage sauvé. J’appris ainsi avec douleur la mort de mon chef mécanicien, un fier et courageux garçon, intelligent et dévoué, sur qui je savais pouvoir compter. Mr Malige était décoré de la Médaille Militaire et de la Croix de Guerre. C’était un brave qui a disparu victime de son devoir et, comme nous tous, sa dernière pensée aura été pour notre chère France.
J’appris aussi la disparition de 13 membres de l’équipage. (Nota, les noms de ces 13 hommes ne semblent pas figurer dans la liste donnée ci-dessus. L’un d’eux s’appelait Simon Pieri et un autre était un chauffeur grec du nom de Vallais)
La torpille a explosé en plein dans la chambre des machines, juste au dessous du poste des chauffeurs.
Se sont particulièrement distingués lors du sauvetage :
- Mr Malige, dont la conduite a été au dessus de tout éloge
- Mr. Le Meur
- Mr. Cordier
- Le maître d’équipage Bellusci
- Le second maître Corsi qui a sauvé son commandant, assisté du chauffeur Giraud
- Le QM timonier Cami qui a sauvé le journal de bord
- Le matelot TSF Thévenet qui a lancé le SOS.
Je demande que soit accordée à tous ces braves la juste récompense de leur dévouement.
Le journal de bord et le reliquat de caisse sont tout ce qui reste d’IMPERATRICE CATHERINE II qui a si tragiquement, mais fièrement, fini sa belle carrière de ravitailleur de l’armée d’Orient.
Ecrit à l’hôpital militaire de Bizerte le 10 Février 1918.
Rapport de l’officier enquêteur, le Capitaine de Corvette BORIES
Celui-ci reprend tous les points du rapport du capitaine et précise que :
- La Direction des Routes avait prévenu le capitaine qu’un sous-marin se trouvait dans les parages de La Galite.
- La visibilité était celle d’un beau clair de lune.
- L’escorteur était à 500 ou 600 m sur l’arrière bâbord
- Le commandant de SAGAIE a confirmé la belle conduite, l’ordre et la discipline qui n’ont cessé de régner et qui contrastaient heureusement avec la tenue déplorable de l’ancien équipage russe contre lequel le capitaine avait dû demander des mesures rigoureuses à l’Amiral lors de son dernier passage à Bizerte. Cet équipage avait été débarqué.
- Les mécaniciens non de quart et les chauffeurs victimes de la torpille prouvent qu’elle a explosé dans la chambre des machines, juste sous leur poste.
- VERDUN était passé au point de torpillage sans être attaqué 15 minutes auparavant, soit parce que ses zigzags ont été plus heureux, soit parce que le sous-marin connaissait l’heure de passage de CATHERINE II.
La commission a demandé au capitaine s’il avait des soupçons sur la divulgation des mouvements des bâtiments. Il a répondu qu’on ne peut même pas échafauder une hypothèse car des généralités sont dans la bouche de tous et il est difficile de cacher l’heure d’un appareillage. Même les fournisseurs divers sont forcément au courant. Il signale d’ailleurs qu’il existe une contradiction avec les instructions quand on dit à l’équipage qu’en cas de désertion, la juridiction compétente considère que si le marin n’est pas informé de l’heure du départ et manque l’appareillage, il n’y a pas, en fait, de désertion.
Il n’en reste pas moins que malgré la position favorable de l’escorteur, le sous-marin a réussi au maximum ce qu’il pouvait faire dans son attaque. Ce qu’on peut dire, c’est que le passage de La Galite est un endroit dangereux. Les routes sont connues depuis longtemps et le sous-marin peut repérer sa position avec exactitude.
Rapport de l’officier AMBC
Ce bâtiment avait fait l’objet d’une visite détaillée le 22 Décembre 1917 par l’inspecteur de l’AMBC. Il avait été trouvé dans un état d’indiscipline nécessitant des mesures immédiates, en particulier une veille irrégulière. Deux marins de l’équipage commercial avaient été débarqués, punis de 60 jours de prison et rappelés au service. Les Russes avaient également été débarqués. L’état moral de ce bâtiment étaient alors redevenu excellent et les ordres du capitaine ponctuellement obéis.
En ce qui concerne les officiers, capitaine compris, la visite avait révélé une insuffisance d’instruction militaire. Ils avaient été réunis au carré en vue de diverses recommandations et les rôles de veille et de combat avaient été rectifiés.
Le second maître chef de section Jean Richard avait été jugé négligent et avait reçu des avertissements sévères. Je note que pendant la traversée Marseille – Bône, il aurait vu deux sillages de torpilles passer à l’arrière du bâtiment et n’a rendu compte que beaucoup plus tard de ce fait qui, réel ou faux, aurait du faire l’objet d’un rapport immédiat au commandant.
Au moment du torpillage il y avait 1 canonnier de veille à la pièce arrière, 1 à la pièce avant et 2 hommes de veille à la passerelle, mais leurs secteurs de veille n’étaient pas parfaitement définis. Les réponses de ces hommes à l’interrogatoire ne concordent pas avec celles du capitaine et ne sont pas très nettes. Il aurait été nécessaire de pousser un peu plus l’instruction des canonniers et des marins du commerce au point de vue de la veille.
Les relèves se faisaient toutes les deux heures. Les communications entre veilleurs et passerelle se faisaient aisément à la voix ou par chadburn et téléphone. En raison de la pleine lune, il eût été préférable d’assurer une veille basse avec 3 veilleurs et de placer le 4e dans la hune. Je ne fais pas grief au capitaine de ce point puisque la veille dans la mâture n’est obligatoire que de jour, mais dans le cas d’une nuit claire comme celle-ci, une veille haute aurait pu être efficace. Les veilleurs avaient des jumelles fournies par le bord, d’une qualité médiocre. A Bizerte, il avait été prescrit au capitaine de demander des jumelles réglementaires à Marseille, Bizerte n’en possédant pas en stock.
Les feux étaient masqués avec soin et l’éclairage coupé partout où il n’était pas indispensable.
Les pièces étaient chargées à obus d’exercice, mais les conditions de l’attaque n’ont pas permis d’utiliser l’artillerie.
En résumé, aucune faute à relever. Veille assurée d’une façon satisfaisante. Mais les veilleurs n’avaient pas reçu des instructions suffisantes.
Récompenses
Citation à l’Ordre de l’Armée
SILVE Paul Edouard LV auxiliaire
A déployé des qualités exceptionnelles d’énergie et de courageux dévouement lors du torpillage de son bâtiment dont il a parfaitement assuré le sauvetage du personnel. A été blessé au cours de cette opération.
MALIGE Joseph Chef mécanicien
A fait preuve du plus grand sang froid et d’une belle énergie lors du torpillage de son bâtiment. Disparu, victime de son dévouement.
Citation à l’Ordre du Corps d’Armée
DE BASNINE Serge Officier de la Marine Marchande russe. 2e capitaine
A fait preuve du plus grand sang froid et d’une belle énergie lors de l’organisation du sauvetage du personnel de son bâtiment torpillé. Blessé.
Citation à l’Ordre de la Division
CORSI François Second maître d’équipage
Pour le courageux dévouement dont il a fait preuve lors du torpillage de son bâtiment
Citation à l’Ordre de la Brigade
LE MEUR Yves 2e lieutenant
CORDIER Gabriel 2e mécanicien
Pour le courage et le sang froid dont ils ont fait preuve lors du torpillage de leur bâtiment.
Citation à l’Ordre du Régiment
BELLUSCI Antoine Maître d’équipage
CAMI Camille QM de timonerie
THEVENET Maurice TSF
Pour l’énergie et le sang froid dont ils ont fait preuve lors du torpillage de leur bâtiment.
Témoignage Officiel de Satisfaction du Ministre
Vapeur CATHERINE II
Pour le sang froid et la discipline dont son équipage a fait preuve lors du torpillage de son bâtiment le 30 Janvier 1918
Le sous-marin attaquant
C’était donc l’UB 52 de l’Oblt Otto LAUNBURG.
Voir le post du 14/08/2014 concernant cet officier à la fiche du COLBERT. pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-aviati ... _355_1.htm
On remarquera d’ailleurs qu’Otto Launburg a torpillé CATHERINE II presque au même endroit où il avait torpillé le vapeur SAINT SIMON, de la Navale de l’Ouest, le 3 Avril 1917.
Torpillé lui-même en Mai 1918 sur l’UB 52 par le sous-marin anglais H4 du Lt Commander Oliver NORTH, au large des Bouches de Kotor, il sera le seul survivant de son sous-marin. Son officier de navigation, Heinrich Klein, repêché en même temps que lui par l’Anglais, décèdera en effet des suites de ses blessures.
Pendant la 2e guerre mondiale, il sera chef des services de la Kriegsmarine à Saint Malo, puis commandant du port de Bergen. Il échappera de nouveau de justesse à la mort et sera le seul survivant de son équipe lors de l’explosion du navire hollandais VORBOODE, à quai devant la capitainerie de Bergen, qui ravagea en partie la vieille ville hanséatique et fit 116 morts et plus de 5000 blessés le 20 Avril 1944. Ce matin là, il était en retard à son bureau… !
Il est décédé à 90 ans, en 1980. Voici son faire-part de décès.

Son épouse, Gertrud Brockmann était l’arrière petite nièce de l’écrivain Fritz Reuter (1810-1874), assez connu en Allemagne, auteur de contes et de poèmes, et qui a hissé le dialecte du Mecklembourg au rang de langue littéraire. Il existe d’ailleurs un musée littéraire Fritz Reuter à Stavenhagen.
Son fils adoptif, Hans-Jurgen Lauterbach, 1919–1996, (né du premier mariage de son épouse) fut commandant du grand sous-marin U 539, à l’âge de 23 ans, pendant la 2e guerre mondiale.
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