Les théories de l'entre-deux guerres
Dans les années 1920, la course aux armements n'est plus de circonstance et les crédits vont presque exclusivement au renouvellement d'une flotte usagée. L'étude de l'appareil ultrasons, installé à Toulon au Laboratoire de guerre sous-marine, se poursuit donc au ralenti. Cependant, l'appareil du professeur Langevin est très avancé et laisse espérer une conclusion rapide pour peu que l'on y consacre quelques crédits. Les théories d'utilisation sont donc ébauchées et des installations de coque sont d'ores et déjà prévues sur les plans des bâtiments des programmes navals de 1922, 1924 et suivants. Ainsi, torpilleurs et contre-torpilleurs réserveront une étroite tranche de coque pour l'installation éventuelle du tube d'immersion, ainsi que d'une cabine d'écoute. L'orifice de sortie du manchon sera même prédécoupé et provisoirement fermé par une tape boulonnée. C'est dire tout l'espoir que l'on porte à cet appareillage alors qu'aucun microphone n'est encore prévu sur ces mêmes bâtiments.
Il faut dire que torpilleurs et contre-torpilleurs ne sont pas encore des chasseurs de sous-marins mais toujours des navires d'escadre.
Suivant les théories de la précédente guerre, les chasseurs de sous-marins seront sélectionnés parmi des navires rapides mais de petit tonnage, susceptibles cependant d'embarquer à la fois un appareil d'écoute passive (microphonique) et un appareil d'écoute active (US).
On a en effet expérimenté qu'un sous-marin ne peut échapper à l'écoute passive qu'en reposant sur le fond ou en réduisant sa vitesse à un ou deux nœuds. Il peut également échapper à l'écoute active soit à distance de l'appareil, soit à portée très réduite où la direction devient trop imprécise. La dualité de l'appareillage est donc encore nécessaire et l'écoute passive d'autant plus utile qu'elle reste le seul moyen de repérage à grande distance et l'ultime indicateur pour l'attaque finale.
Les théories de l'école d'écoute proposeront donc l'équipement d'un chasseur de la manière suivante :
- un appareil d'écoute amplifiée pour le repérage à grande distance.
- un appareil US pour la poursuite d'un sous-marin silencieux.
- un appareil à écoute directe en marche pour la poursuite et l'attaque.
En août 1926, un marché est passé auprès de l'industrie pour la livraison de 34 appareils. mais la commande restera sans suite, faute de crédits... ou plus sûrement par défaut de fiabilité...?
Puis, à partir de 1930, malgré la livraison de plusieurs installations destinées aux nouveaux torpilleurs de 1 500 tonnes, tout sera abandonné *. On en restera là jusqu'à la veille du second conflit mondial sans même prendre la peine d'entretenir nos connaissances théoriques.
Même les exercices ne sont guère plus à l'ordre du jour ! Pense-t-on pouvoir relancer rapidement la réalisation des appareils en cas d'urgence ? En fait, il ne semble y avoir aucune stratégie de guerre sous-marine formellement établie ; preuve en est qu'en 1936, une série de petits torpilleurs, construits pour la circonstance dans les limites du traité de Washington, mais étudiés à l'origine pour l'escorte des convois, ne seront équipés que d'un filet détecteur de sous-marin : engin déjà obsolète en 1918...
* La DM 20 659 CN4 du 19.01.1928 informe de la mise à disposition de sept ensembles U.S. destinés aux torpilleurs La Palme, La Railleuse, Le Fortuné, l'Adroit, Le Brestois, Le Boulonnais et Le Foudroyant, ainsi que six autres installations à livrer dons les mois à venir.
Sans doute, les leçons tirées de la guerre d'Espagne et plus précisément de la lutte contre la piraterie sous-marine apparue en Méditerranée à partir d'avril 1937, vont-elles contribuer à réveiller l'attention de l'état-major sur le développement urgent des moyens de détection, mais on est à présent au seuil du second conflit mondial, et 1939 verra le fruit des négligences
passées.

Les bâtiments type de la lutte anti-sous marine de la période 1917-1918 s'alignent dans l'arsenal de Toulon. Relativement rapides et de petits tonnages, ces bâtiments sont en principe équipés d'un matériel d'écoute microphonique.
(Emery/Marius Bar)
Cordialement,
Franck