ÉDOUARD-CORBIÈRE ― Compagnie des paquebots à vapeur du Finistère.

olivier 12
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Re: ÉDOUARD-CORBIÈRE ― Compagnie des paquebots à vapeur du Finistère.

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Bonjour à tous,

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Télégramme du 20 Juin 1917 LV Daguerre à Marine Paris

D’après renseignements de Gallipoli, EDOUARD CORBIERE et KERKYRA coulés à 30 milles du cap Santa Maria di Leuca.
Equipage KERKYRA (31 hommes) entièrement sauvé.
Equipage EDOUARD CORBIERE 2 blessés graves, 10 blessés légers, 11 indemnes et 22 disparus.

Rapport d’enquête du LV Boullié. 23 Juin 1917

CORBIERE et KERKYRA ont appareillé de Tarente le 19 Juin à destination de Corfou ayant à bord un chargement de bœufs et de marchandises diverses.
CORBIERE était muni de TSF et de 2 canons, 1 de 90 mm à l’avant et 1 de 47 mm à l’arrière. Il tenait la tête du convoi et KERKYRA le suivait à une distance de 500 à 600 m. A la sortie du chenal de sécurité, la route suivie fut S45E à la vitesse de 8 nœuds. Cette vitesse ne put être maintenue, car à 11h00 CORBIERE dut ralentir de 80 à 75 tours pour permettre à KERKYRA de conserver la distance. Pendant le décrassage des fourneaux, ce dernier ne pouvait maintenir la pression et la vitesse est tombée à 7 nœuds. Route directe sans zigzags. Beau temps, mer belle, légère brise.
A 12h20, CORBIERE aperçoit le périscope d’un sous-marin un peu sur l’avant du travers à bâbord à 200 m. Barre mise toute à gauche, donné l’alarme et chacun se rend à son poste de combat. Le commandant Gatto, qui était sur la passerelle, donne ses ordres au chef de pièce avant et fait lancer un allo.
La torpille est lancée par le sous-marin et vient exploser sur l’avant de la passerelle. Le navire est coupé en deux et la partie avant disparaît immédiatement tandis que la partie arrière reste à flot, inclinée de telle façon que l’hélice est hors de l’eau et continue à tourner. Le SOS commencé par le TSF dès qu’il aperçut le sillage ne put être terminé avant l’explosion.
L’équipage du CORBIERE qui était sur la château central et sur la dunette mit les radeaux et la baleinière à la mer dès le torpillage et embarqua aussitôt. Quelques hommes se jetèrent à la mer et d’autres y furent projetés par l’explosion. Ils furent recueillis et baleinière et radeaux s’écartèrent de l’épave.
Le commandant Gatto fut aperçu renversé sur une rambarde de la passerelle haute, couvert par les débris des ailes de la passerelle et les cloisons de la chambre de veille, et paraissant avoir les reins brisés. Le QM fourrier Potier, qui était à l’arrière au moment de l’alarme est monté sur la passerelle pour porter une ceinture de sauvetage au TSF. Il a aperçu le commandant Gatto et lui a adressé la parole, mais sans obtenir de réponse. Voyant les radeaux et la baleinière s’éloigner, il s’est jeté à l’eau et les a rejoint à la nage.

KERKYRA était à 1500 m sur l’arrière de CORBIERE et s’est rendu compte de l’explosion. Il est venu immédiatement sur la gauche. Le commandant, aussitôt prévenu, ne voyant pas de périscope, supposa que CORBIERE avait sauté sur une mine et revint sur la droite pour sauver les rescapés. Arrivé à 800 m, il aperçut alors le kiosque du sous-marin près du CORBIERE et revint à gauche toute donnant l’ordre de monter à l’allure maximum et de se rapprocher de terre pour échapper au sous-marin. Le sous-marin plongea, conservant son périscope hors de l’eau et donna la chasse au KERKYRA.

Voyant qu’il était rattrapé, le commandant du KERKYRA stoppa et fit mettre les canots à la mer dès que le navire n’eut plus d’erre. L’équipage évacua en bon ordre et s’éloigna à 50 m.
Le sous-marin vint à 100 m par le travers tribord du KERKYRA et lança une torpille qui en explosant coupa le navire en deux. Il disparut en 30 secondes. Il était 12h40.

Le sous-marin émergea et vint à proximité des embarcations du KERKYRA. Un officier demanda au 1er maître Calloch, commandant du KERKYRA, noms, tonnages, provenance et destination des navires coulés et chargement. Cet officier s’exprimait mal tant en français qu’en italien. Il montra aux marins français le pavillon autrichien roulé sur une hampe.

Le commandant du sous-marin leur montra la direction de Gallipoli, puis les salua de sa casquette. Il fit alors route sur la baleinière et les radeaux du CORBIERE et fit plusieurs fois le tour de l’épave pour voir s’il restait des naufragés à proximité, parmi tous les débris qui flottaient. Mais il n’y avait plus ni morts, ni vivants, les manquants ayant été engloutis avec la partie avant du navire.
Il s’approcha alors de la baleinière et posa les questions suivantes au 2e maître timonier Le Bouder :
- Où est le capitaine ?
- Le capitaine a été tué à son poste
- Où est l’officier en second ?
- Tué également
- Quel est le nom de votre bateau ?
- EDOUARD CORBIERE
- Tonnage ?
- 150 tonnes
- Quel chargement ?
- Des boeufs
- Vous allez de Tarente à Corfou ?
- Oui
- Etes-vous bâtiment de guerre ou de commerce ?
- Bâtiment de commerce

Pendant ce temps, un homme du sous-marin a pris des photographies des embarcations et de leurs occupants. Le sous-marin a fait le tour de l’épave en prenant des photographies, puis l’a canonné d’une distance de 200 m. Mais le tir était mal réglé et peu d’obus sur les 14 environ qui furent tirés sont allés au but.

Suite à la disparition du commandant et du second, le 2nd maître Le Bouder a pris la direction des opérations et les embarcations ont fait route sur la terre. Les quelques hommes légèrement blessés ont été mis sur les radeaux et remplacés par deux bons nageurs dans la baleinière.
Le sous-marin a cessé son tir et a disparu en plongée vers l’WSW. Des fumées sont apparues en direction de Santa Maria di Leuca. C’étaient des chalutiers qui se rendaient sur les lieux du sinistre avec plusieurs vedettes de la direction de Gallipoli.
Les hommes du KERKYRA ont été recueillis à 14h00 par les chalutiers anglais X3 et X5, puis transférés sur les vedettes A4 et A5 et ramenés à Gallipoli.
Les rescapés du CORBIERE ont été recueillis à 15h00 par les chalutiers anglais X2 et X1, transbordés sur les vedettes ML 172 et ML 173 et conduits également à Gallipoli.

Tous les soins nécessaires ont été donnés aux blessés sur les chalutiers et sur les vedettes. Les blessés ont été transportés en auto à l’hôpital italien et y ont reçu un accueil chaleureux de même que le reste des équipages.
Une partie de l’équipage du KERKYRA a été dirigé sur le navire italien BARLETTA mouillé dans le port de Gallipoli.

Conclusions de l’enquête

Le commandant du CORBIERE a été tué à son poste sur la passerelle, ayant fait tout ce que son sang froid et sa bravoure lui commandaient pour essayer de sauver son équipage.
Les officiers mariniers et marins du CORBIERE se sont bien conduits et ont fait tout ce qui était possible dans les circonstances où ils se sont trouvés.
Je signale en particulier le second maître Le Bouder qui a fait preuve d’initiative et de commandement dans les opérations d’abandon et de sauvetage.
Le second maître mécanicien Morvan et le second maître de manœuvre Surzur (subsistant du VERGNIAUD) qui ont conservé tout leur sang froid et ont donné l’exemple en encourageant les marins et en concourant à la mise à la mer des radeaux et de la baleinière.
Le quartier maître fourrier Potier qui, après le torpillage, est allé dans sa cabine prendre une ceinture de sauvetage et l’a portée au matelot TSF. Etant dans la baleinière, s’est jeté à la mer pour porter une bouée à un marin qui savait à peine nager. Plus tard, a cédé sa place à un blessé – le matelot sans spécialité Gens – et l’a remplacé sur un radeau.
Les matelots sans spécialité Gens et Ansquer qui, bien que grièvement blessés, ont fait preuve de courage et d’abnégation en attendant qu’on puisse leur porter secours.
Le matelot sans spécialité Fourré qui, étant sur un radeau et sachant à peine nager, s’est jeté à l’eau pour aider son camarade Ansquer grièvement blessé.
Le commandant, les officiers mariniers et les marins du KERKYRA ont, dans les circonstances qui ont motivé l’abandon de leur navire, fait preuve de sang froid et de discipline.

Description du sous-marin

Le sous-marin qui a torpillé CORBIERE et KERKYRA était de nationalité autrichienne. Il avait une longueur de 45 à 50 m, les appréciations étant très variées.
Pont plat, kiosque au milieu, 1 périscope et 1 canon de 47 mm sur l’avant. Un seul témoin donne des indications assez précises et représente le sous-marin comme ci-dessous, mais avec 2 périscopes.

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Le sous-marin attaquant

C'était donc l'Autrichien U4 du commandant Rudolf SINGULE

Sur cet officier voir le lien suivant http://www.uboat.net/wwi/men/commanders/536.html

Note du 27 Juin 1917 d’Etat Major Général à Commandant Marine Marseille

Reçois télégramme suivant de Monsieur Gatto 47 Esplanade de la Tourette, Marseille, père de l’Enseigne de Vaisseau disparu avec le CORBIERE :

« Ayez bonté de donner si possible nouvelles de mon fils, commandant du CORBIERE torpillé. Stop »

Faîtes moi connaître si famille a bien été prévenue comme l’indique votre télégramme du 24 Juin et informer Monsieur Gatto qu’aucune autre nouvelle concernant son fils n’est parvenue au département.

Note du capitaine du port de Gallipoli du 9 Juillet 1917

J’ai le regret de vous annoncer le décès ce matin même à 10h00 du matelot sans spécialité Edmond GENS, suite à une infection survenue après l’amputation du pied droit, à demi coupé par l’hélice du CORBIERE lors du torpillage du 19 Juin courant.
J’ai communiqué la nouvelle au Commandant Daguerre à Tarente, pour communication à sa mère, 48 rue du Collège à Dunkerque.
L’enterrement aura lieu avec les honneurs militaires cet après midi.

Lettre du CV Stranges au Commandant en Chef du Département Militaire Maritime 10 Juillet

Hier matin expirait, suite à une infection gangréneuse, le marin français Edmond Gens, hospitalisé depuis le 19 Juin à l’hôpital militaire de la Croix Rouge à Gallipoli, suite à la blessure reçue en service alors qu’il se trouvait sur le pont du vapeur français EDOUARD CORBIERE au moment de son torpillage.
Les soins empressés du Directeur de l’hôpital le Capitaine Docteur Maiorana et du professeur Laviano, l’amputation de la jambe déchiquetée par l’hélice du navire tournant dans le vide, n’ont pu l’arracher à la mort. Pendant ses derniers instants, il a conservé toute sa connaissance, assisté par le personnel de l’hôpital et par les sœurs avec un dévouement particulier. Le commandant Daguerre, plusieurs officiers et ses camarades de passage sont venus le voir, ainsi que moi-même et le commandant du port. Le commandant Daguerre a été tenu au courant de l’aggravation du mal et de la fin du pauvre Gens.

Après le décès, on a envoyé un pavillon français pour envelopper le cercueil et un bouquet de fleurs avec un ruban portant l’inscription « A Edmond GENS La Marine Italienne ». En plus des fleurs déposées par la mission française et anglaise, les Autorités communales et politiques ainsi que la mission britannique ont été invitées aux obsèques. Mgr Muller ainsi que le chapitre de l’évêché au complet intervinrent spontanément.

Le cortège, qui revêtit un caractère solennel ressemblant à une manifestation contre la barbarie ennemie, se déroula dans l’ordre le plus parfait au milieu d’une assistance très nombreuse. Un peloton de marins anglais sans armes ouvrait la marche sous le commandement d’un officier. Puis venait un piquet d’honneur de dix hommes de la milice territoriale et le curé et le collège épiscopal au grand complet. Derrière venait le char portant la bière, entouré des couleurs françaises, suivi du groupe des Autorités parmi lesquelles Mgr Muller, le LV anglais Fletcher représentant le commandant anglais absent de Gallipoli, le soussigné, le préfet, un assesseur communal représentant le maire, le commandant du CATANIA (stationnaire anglais), un groupe brillant d’officiers anglais, le commandant du port, les officiers de la Croix Rouge et de la garnison.
Tous les marins permissionnaires des dragueurs présents au port, du détachement du Corps Royal des équipages, des vedettes anglaises, du groupe d’artillerie de forteresse suivaient encore. Un peloton armé de marins italiens fermait la marche. Durant une courte halte sur la place Imeriani, Mgr Moss, conseiller de l’évêché, a prononcé un émouvant discours célébrant les vertus du mort, bon marin, bon patriote et bon fils et adressa un salut ému au défunt ainsi qu’à sa mère, éloignée à Dunkerque et qui ignorait encore le sacrifice suprême fait à la Patrie.
Le cortège poursuivit sa route jusqu’au cimetière où la cérémonie se termina par l’exposition de la bière dans la chambre mortuaire en présence des rescapés du CORBIERE et du détachement armé qui rendit les honneurs.
La municipalité a été sollicitée en vue de l’octroi d’une concession pour l’ensevelissement. Après accord avec la mission française, un modeste souvenir en marbre sera déposé sur la tombe.

Note du 25 Juillet 1917 du LV Boullié, chef de la police de la navigation à Corfou

EDOUARD CORBIERE est parti de Tarente le 19 Juillet 1917 à 07h00. Il a été torpillé sans préavis le même jour à 12h20 par un sous-marin autrichien à 20 milles de Gallipoli.
Le périscope du sous-marin fut aperçu trop tard pour éviter la torpille malgré la prompte manœuvre du commandant du CORBIERE. L’explosion de la torpille coupa le navire en deux sur l’avant de la passerelle. La partie avant du navire disparut immédiatement, entraînant avec elle tous les membres de l’équipage qui s’y trouvaient.
Les marins placés sur l’arrière et ceux qui se trouvaient dans la machine et la chambre de chauffe ont eu le temps de mettre une embarcation et des radeaux à la mer, d’y prendre place et de recueillir les hommes qui avaient été projetés hors du navire.

Note du 1er Juin 1918 à l’Etat Major Général 4e section


J’ai signalé au Chef d’Etat Major Général que je n’ai pu me procurer aucun dossier relatif à la perte de l’EDOUARD CORBIERE le 19 Juin 1917.
Je lui ai demandé un rapport de la 1ère Armée Navale, l’aviso dont il s’agit étant une annexe du DEMOCRATIE.
Dois-je classer définitivement cette affaire comme non susceptible d’avoir une suite. Je ne peux en effet requérir d’un tribunal la constatation judiciaire du décès des victimes lorsqu’aucun renseignement ne peut lui être fourni sur les circonstances du sinistre et sur le plus ou moins de probabilités de décès des disparus.

Réponse du 8 Juillet 1918


Le transport militarisé EDOUARD CORBIERE a été torpillé par un sous-marin ennemi le 19 Juin 1917 à 20 milles dans l’Ouest de Gallipoli alors qu’il se rendait de Tarente à Corfou. Dix neuf marins ont pu se sauver au moyen des radeaux et d’une baleinière et gagner Gallipoli. Les 21 constituant le reste de l’équipage ont disparu et doivent être considérés comme morts.
En conséquence, je prie le Ministre de décider, conformément à l’article 88 du code civil, qu’il y a disparition des officiers, officiers mariniers, quartiers maîtres et matelots figurant sur l’état dressé le 22 Septembre 1917 par le chef du service de la solde de Brest.

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Re: ÉDOUARD-CORBIÈRE ― Compagnie des paquebots à vapeur du Finistère.

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Bonjour à tous,

Le vapeur EDOUARD CORBIERE

Construit en 1907 aux Forges et Chantiers de la Méditerranée à Graville EDOUARD CORBIERE fut le dernier navire de la Compagnie de Paquebots du Finistère. Ce fut aussi le plus grand avec ses 57 m de long et ses 7,30 m de large. Affichant un déplacement de 920 tonnes en lourd et 600 à lège, sa tenue à la mer était mauvaise à pleine charge, et très inconfortable pour les passagers. On limitait donc volontairement la cargaison à 200 tonnes.

Six chevaux ou bovins pouvaient loger sous le gaillard au dessus du quel se trouvait un poste d’équipage pour 8 hommes, 4 cabines et 2 réduits pour 12 passagers.

Le château milieu comportait la passerelle et des logements comprenant 5 cabines pour 9 personnes.

La dunette comportait 5 cabines prévues pour 19 passagers. Pendant 8 années, ce paquebot effectua la liaison Morlaix – Le Havre et sa dernière traversée eut lieu en Juillet 1915 sous le commandement de Jourdren. Il fut alors réquisitionné par la Marine Nationale et employé comme transport de troupes.

(Source : « Jeune Marine », revue des élèves et officiers de la Marine Marchande)

Voici EDOUARD CORBIERE arborant le pavillon CPF (Musée des Jacobins. Morlaix)

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Et EDOUARD CORBIERE sortant du sas de Morlaix.

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Memgam
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Re: ÉDOUARD-CORBIÈRE ― Compagnie des paquebots à vapeur du Finistère.

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Bonjour,

Edouard-Corbière, construit en 1907 aux Forges et chantiers de la Méditerranée à Graville.

474 tjb, 120 tjn, 53,26 x 7,40 x 3,37 m, une machine à triple expansion Forges et chantiers de la Méditerranée, Le Havre, 1907, 900 cv, 12 noeuds, deux chaudières Forges et chantiers de la Méditerranée, Le Havre, 1907, timbrées à 14 kg.

En 1912, indicatif JBGN, immatriculé au Havre, armateur Compagnie des paquebots à vapeur du Finistère, capitaine Jourdren.

Source : Registre n° 84, Bureau Veritas 1912.

Cordialement.
Memgam
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Re: ÉDOUARD-CORBIÈRE ― Compagnie des paquebots à vapeur du Finistère.

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Bonjour à tous,

Edouard Corbière (père du poète Tristan Corbière) avait fondé sa compagnie de navigation en 1839, avec Alexandre Tilly, Président de la chambre de commerce de Morlaix.
Son premier navire, construit par Augustin Normand fut la MORLAISIEN, 150 passagers, un vapeur en bois à roues. Mais les traversées vers Le Havre, via Cherbourg, étaient terribles en raison du mal de mer qui frappait la plupart des passagers.
Il y eut ensuite :
- FINISTERE, en 1846, vapeur en fer à roues,
- MORLAIX, en 1867, 150 passagers, vapeur en fer à hélice,
- FINISTERE, en 1875, vapeur en fer à hélice.

et enfin EDOUARD CORBIERE, ci-dessus.
Edouard Corbière était décédé le 27 Septembre 1875 et c'est l'armateur havrais Auguste Broström qui prit la direction de la compagnie jusqu'en 1891, puis la maison Odinet.
La Cie des Paquebots à Vapeur du Finistère déposa son bilan en 1921 après 76 ans d'activité, dont 36 sous la direction d'Edouard Corbière.

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Rutilius
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Re: ÉDOUARD-CORBIÈRE ― Compagnie des paquebots à vapeur du Finistère.

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Bonjour à tous,


• Décret impérial du 4 août 1855 portant autorisation de la société anonyme formée au Havre sous la dénomination de Compagnie des paquebots à vapeur du Finistère (Recueil Duvergier, T. 55, 1855, p. 273).


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• Décret impérial du 14 mars 1860 approuvant la nouvelle rédaction de l’article 4 des statuts de la société anonyme formée au Havre sous la dénomination de Compagnie des paquebots à vapeur du Finistère (Recueil Duvergier, T. 60, 1860, p. 75).


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• Décret impérial du 26 mars 1870 autorisant la société anonyme formée au Havre sous la dénomination de Compagnie des paquebots à vapeur du Finistère à se transformer en société anonyme dans les termes de la loi du 24 juillet 1867 (Recueil Duvergier, T. 70, 1870, p. 91).


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Bien amicalement à vous,
Daniel.
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Re: ÉDOUARD-CORBIÈRE ― Compagnie des paquebots à vapeur du Finistère.

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Bonjour à tous,


Le paquebot Édouard-Corbière fut administrativement considéré comme bâtiment armé en guerre du 24 juillet 1915 au 19 juin 1917, date de sa perte [Circulaire du 25 avril 1922 établissant la Liste des bâtiments et formations ayant acquis, du 3 août 1914 au 24 octobre 1919, le bénéfice du double en sus de la durée du service effectif (Loi du 16 avril 1920, art. 10, 12, 13.), §. A. Bâtiments de guerre et de commerce. : Bull. off. Marine n° 14/1922, p. 720 et 739 – Errata Bull. off. Marine n° 21/1922, p. 41.].
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Rutilius
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Re: ÉDOUARD-CORBIÈRE ― Compagnie des paquebots à vapeur du Finistère.

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Contentieux de l’indemnisation


Recueil de jurisprudence commerciale et maritime du Havre, 1922, II., p. 176 à 182.


COUR D’APPEL DE ROUEN. — 27 AVRIL 1922.

GUERRE 1914~1918. Réquisition de navire. Valeur intégrale au jour de la réquisition. Calcul.

NAVIRE ÉDOUARD-CORBIÈRE


Pour obtenir la valeur intégrale normale d’un navire, au jour de sa réquisition, abstraction faite des cours faussés par les réquisitions ou autres circonstances de guerre ou par spéculation, il faut rechercher le prix réellement payé par le propriétaire au constructeur, indépendamment de la prime à la construction versée-par l’État et il faut ajouter à ce prix, ainsi payé par le propriétaire, le montant des dépenses d’aménagement, ce qui donne le prix initial. Ce prix initial doit être, du reste, augmenté dans une proportion correspondant au renchérissement manifesté sur la main-d’œuvre et les matériaux, entre l’époque de la construction et celle de la réquisition (53 % entre 1907 et 1915), et ce chiffre ainsi obtenu doit, en raison de l’âge du navire, subir une diminution de 5 % par année de service du navire.


Cie DES PAQUEBOTS A VAPEUR DU FINISTÈRE C /. ÉTAT FRANÇAIS

ARRÊT

« LA COUR,

» Attendu que le Tribunal Civil du Havre, statuant le 5 février 1922, sur le vu d’une expertise ordonnée par un précédent arrêt de la Cour, a fixé à 266.206 fr. 25, la somme due par l’État Français à la Cie des Paquebots à Vapeur du Finistère, pour l’indemniser de la perte du navire Édouard-Corbière, réquisitionné le 24 juillet 1915 et détruit en mer, et à 2.241 fr. 50 celle due pour remboursement des matières consommables laissées à bord par la dite Compagnie ;
» Attendu que celle-ci, appelante de ce jugement, demande que l’évaluation du navire au jour de sa réquisition, prise pour détermination de l’indemnité, soit fixée à 443.565 fr., chiffre proposé par les experts, et que la condamnation totale de l’État Français, à son profit, soit portée à 445.806 fr. 50 ;
» Attendu que l’État Français intimé ne conteste pas le prix attribué aux matières consommables, mais demande, par appel incident, que le prix du navire soit réduit à 174.820 fr. ;
» Attendu, qu’en commettant les experts, par son arrêt du 18 février 1920, la Cour leur avait donné pour mission de rechercher et déterminer la valeur intégrale normale de l’Édouard-Corbière au jour de la réquisition, abstraction faite des cours faussés par les réquisitions ou autres circonstances de guerre ou par la spéculation ;
» Attendu que, pour répondre à cette mission, les experts ont admis que la valeur du navire, au moment où il a été livré à la Cie des Paquebots à vapeur du Finistère, par le constructeur, en juillet 1907, était de 437.000 fr. ; qu’ils ont recherché dans quelle mesure cette valeur initiale aurait été modifiée en juillet 1915, abstraction faite du renchérissement exceptionnel et spécial des navires, dû aux circonstances de guerre, mais en tenant compte du renchérissement général, dès lors manifesté sur la main-d’œuvre et les matériaux ; qu'ils ont conclu, de ce fait, à une augmentation de valeur, de 53 % ; qu’enfin, en raison de l’âge du navire, ils ont fait subir à la valeur ainsi déterminée une réduction annuelle de 5 % calculée d’année en année, sur chaque prix ainsi réduit ; qu’ils sont arrivés, par ces opérations, au chiffre de 443.565 fr., auquel ils ont arrêté leur évaluation ;
» Attendu que le Tribunal, admettant la même valeur initiale de 437.000 fr., mais sans lui faire subir la même majoration de 53 %, en a cependant déduit, pour amortissement pendant huit ans, les sommes que les experts avaient calculées sur le prix majoré, après quoi il a appliqué au reliquat ainsi obtenu une majoration de 25 % pour renchérissement général ce qui lui a fourni le chiffre de 266.206 fr., qu’il a finalement admis ;
» Attendu que l’État Français conteste avec raison la fixation du prix initial du bâtiment à 437.000 fr. ;
» Attendu qu’il résulte, en effet, des documents de la cause, et qu'il est reconnu, par les deux parties, que la Cie des Paquebots à vapeur du Finistère a payé aux constructeurs, contre livraison de l’Édouard-Corbière, la somme de 330.000 fr. ; mais que ce constructeur a reçu, en outre, de l’État Français, la somme de 107.355 fr. à titre de prime à la construction ;
» Que cette prime, déboursée par l’État Français, en vue de développer ou maintenir les entreprises de construction nationale et de les aider à lutter contre la concurrence étrangère en compensant certaines charges qu’elles supportent, ou d’encourager l’armement, en diminuant ses frais, doit être considérée comme représentant l’écart entre le prix de revient du navire construit par une entreprise française et le prix d’achat qui pouvait en être offert par les Armateurs Français, soit pour trouver dans son emploi la rémunération suffisante du capital engagé, soit par suite des conditions plus avantageuses proposées par des constructeurs concurrents ;
» Qu’elle ne doit pas être comprise dans l’appréciation de la valeur industrielle ou commerciale réelle du navire, alors que la Cie des Paquebots à vapeur du Finistère l’a, en fait, acheté 330.000 fr. et qu’il apparaît clairement qu’un acquéreur éventuel, pouvant se le procurer au même prix, par les mêmes moyens, ou en s’adressant à des constructeurs étrangers, n’auraient pas consenti le payer à un prix augmenté de la prime de construction ;
» Attendu que c’est donc à tort que les experts, et le Tribunal après eux, ont incorporé cette prime au prix initial de l’Édouard-Corbière ;
» Attendu que, par contre, ils ont omis de tenir compte de la somme de 13 366 fr., reconnue entre les parties, pour dépenses d’aménagement du navire dont le prix total à sa mise en service doit être ainsi fixé à 343.366 fr. ;
» Attendu, qu’en partant du prix initial ainsi rectifié, les autres éléments de calcul des experts apparaissent comme exacts et propres à fournir, aussi justement que possible, la valeur normale du navire ;
» Attendu que, vainement, l’État Français conteste l’application de la majoration de 53 % du prix d’achat, en soutenant que cette élévation du prix de la main d’œuvre et des matériaux, qu’il ne conteste pas en fait, résultait de l’état de guerre et constituait, dès lors, une circonstance dont il devait être fait abstraction, aux termes de l’arrêt du 18 février 1920 et des règles admises par la jurisprudence ;
» Attendu que les principes posés par le dit arrêt, en conformité avec la jurisprudence sur la matière, n’emportent nullement la méconnaissance du renchérissement manifesté sur la généralité des objets, par l’effet de diverses circonstances économiques et, notamment, par
suite de la diminution du pouvoir d’achat des signes monétaires, les circonstances dussent-elles être regardées comme amenées par la guerre ; qu’ils doivent faire écarter seulement les cours applicables à l’objet réquisitionné lorsqu’ils sont faussés, c’est-à-dire, élevés de manière anormale, passagère et exceptionnelle, relativement au prix de la généralité des autres objets, par les circonstances de guerre ou par les faits qui s’y rattachent, tels que réquisitions, accaparements, spéculation ;
» Attendu que rien ne permet de considérer le renchérissement de 53 % appliqué par les experts, après renseignements pris près d’autres constructeurs, comme exorbitant et exceptionnel, à l’époque envisagée ; que leurs propositions de ce chef doivent être admises ;
» Attendu qu’il en est de même de la réduction de 5 % par année de service du navire et de la manière dont ils l'ont calculée ;
» Attendu que, vainement encore, l’État Français soutient que la réduction doit être comptée, par année, à 5 % du prix initial pour la coque et les machines, et a 10 % pour les chaudières, l’amortissement ainsi calculé étant admis, pour leurs navires, dans les comptes de gestion de la plupart des grandes entreprises de navigation ;
» Attendu qu’on ne peut pas poser, en principe, que les règles, ainsi adoptées en vue d’une gestion prudente des intérêts financiers de ces entreprises, répondent exactement à la matérialité des faits ; que la durée des bâtiments peut varier suivant le service qui leur est demandé dans le même espace de temps ; que les règles d’amortissement ci-dessus, quand elles peuvent être justifiées pour des navires longs-courriers, soumis à la recherche des plus grandes vitesses sur des parcours prolongés, apparaissent comme beaucoup trop rigoureuses pour des bâtiments comme l’Édouard-Corbière, qui n’effectuait qu’un parcours réduit, de Morlaix au Havre, avec des intervalles périodiques durables ;
» Attendu que, si la durée des chaudières est moindre que celle des autres parties du navire, la compétence des experts leur a permis de tenir compte de cette circonstance dans l’évaluation globale qu’ils ont faite de la réduction annuelle de sa valeur ;
» Attendu, quant aux réductions appliquées par le Tribunal, qu’elles reposent sur une erreur matérielle, puisqu’elles sont calculées sur un chiffre autre que la valeur initiale admise par lui ; que, d’autre part, la majoration de 25 %, qu'il a adoptée pour renchérissement, apparaît comme arbitraire et insuffisante ;
» Attendu, qu’en appliquant au prix initial de 343.366 fr. la majoration de 53 % et ensuite la réduction annuelle de 5 % pendant huit années, on arrive au chiffre de 348.527 fr. 90, qui doit être considéré comme représentant la valeur intégrale normale du navire Édouard-Corbière au 24 juillet 1915 ; que l’État Français doit donc rembourser cette somme à la Compagnie appelante, en outre de 2.241 fr. 55 pour prix des matières consommables, soit, au total, 350.769 fr. 45 ;

» Par ces motifs,
» Et par ceux non contraires du jugement attaqué ;

» LA COUR,

» Reçoit la Cie des Paquebots à Vapeur du Finistère dans son appel principal et l’État Français dans son appel incident ;

» Au fond :

» Confirme le jugement attaqué, en ce qu’il a fixé à 2.241 fr. 55, le remboursement des matières consommables et condamne l’État Français aux dépens de première instance ;
» Mais, réformant, condamne l’État Français à payer, à la Compagnie appelante, la somme de 348.527 fr. 90, pour la valeur du navire Édouard-Corbière, avec intérêts légaux à compter du jour où l'indemnité de privation de jouissance a cessé d’être due, le 19 juin 1917 ;
» Déclare insuffisante l’offre de 174.820 fr. avec intérêts, faite de ce chef par l’État Français ;
» Le condamne aux dépens ;
» Ordonne la restitution de l’amende ;
» Rejette toutes autres demandes ou conclusions. »


Du 27 avril 1922. — Cour d’Appel de Rouen. — Présid. de M. O’REILLY, premier président. — Plaid. : Me COTY (du barreau du Havre), pour la Cie des Paquebots à Vapeur du Finistère ; Me ROGER, pour l’État Français.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
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