EUGENE PERGELINE Trois-mâts barque

Memgam
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Re: EUGENE PERGELINE Trois-mâts barque

Message par Memgam »

Bonjour,

Eugène Pergeline a connu un autre événement de mer, ainsi relaté dans un journal australien :

<< The Sydney Morning Herald, saturday, 23 october 1909.
Shipping Suffers
Eugene Pergeline in the storm
Hobart, Friday.
The large french barque Eugène Pergeline which made Storm Bay on Monday last, but was blown out to sea again, arrived here last evening and anchored in the roadstead.
She is from Hambourg via Cherbourg for orders and in ballast. When the vessel was off the southern coast on thuesday the ship's crew was startled by the cry "Man overboard".
One of the seamen, through some mischance fell over the side. Lifebuoys were thrown to the man, and a boat was promptly launched and a rescue effected. There was a lumpy sea at the time, and the boat was smashed while being taken on board again.>>

Voici le témoignage du second, Célestin Touzé :
Le 30 septembre 1908, j'embarque second sur le trois-mâts Eugène Pergeline, capitaine Le Normand avec lequel je fais deux voyages. Pour le second, nous partons de Cherbourg sur lest pour Hobart Town à ordres. Soixante dix jours après avoir quitté Cherbourg, nous étions en vue de la Tasmanie. Un malheureux coup de vent retarde notre entrée à Hobart de huit jours, au cours desquels, alors que nous étions en cape sous huniers volants, fixes et misaine, à 6 heures du soir, un jeune homme de 18 ans tombe à l'eau. Malgré l'état du temps, nous mettons une baleinière à la mer qui revient deux heures plus tard avec le naufragé que le lieutenant avait réussi à retrouver en apercevant une grande quantité d'oiseaux qui tournoyaient autour de lui. Il avait réussi à se glisser dans la bouée de sauvetage qu'on lui avait jetée. La baleinière fut brisée par la mer en la hissant.

Voici le témoignage de l'homme à la mer, Pierre Le Mouroux.
Mais voilà-t-il pas qu'à 3 ou 400 milles avant d'arriver en Australie, en serrant un faux foc qui s'était déchiré, le marchepied a cassé et j'ai été projeté à la mer, sous les yeux de deux camarades. Me voilà donc à la mer, heureusement j'étais tombé au vent, sans celà je serais passé sous le bateau. Le Bosco m'a jeté une bouée mais j'étais empêtré avec mes bottes et mon ciré. Plus d'une heure que j'ai mis pour les enlever ! Je me cramponnais d'une main à la bouée, alors vous imaginez si c'était facile...Pendant ce temps, l'alerte avait été donnée à bord, mais le bateau continuait..Enfin une baleinière fut mise à l'eau, c'était le quart de 6 heures et la nuit tombait déjà. Ils sont partis à ma recherche, mais ils ne m'ont pas aperçu ! j'étais à cheval sur la bouée, je ne voyais rien non plus, ni le bateau, ni la baleinière..Ah ! je peux dire que je me suis senti seul, bien perdu ! Mais tout à coup, j'ai entendu un bruit, un bruit que j'aurais reconnu entre mille : un grand bruissement d'ailes, des becs qui claquaient, des cris...Les albatros ! Ils étaient là, tournoyant au-dessus de moi, descendant, remontant, puis soudain, leurs ailes ne bougeant plus, ils planèrent, immobiles...Cette fois j'étais bien perdu, ils allaient m'attaquer avec leurs grands becs crochus ! La peur m'a pris au ventre et j'ai crié, mais crié ! j'étais à plat ventre sur la bouée et je croyais bien que c'était mon dernier voyage...Quant tout à coup la baleinière qui me cherchait toujours a entendu les claquements des becs des albatros. Je ne criais plus, j'étais à bout de forces...Depuis plus de quatre heures j'étais dans l'eau, balloté dans la nuit. Ils ont deviné ce qui attirait ainsi les albatros et ont mis le cap sur eux...Ils m'ont hissé à bord de la baleinière, je n'en pouvais plus, il faisait nuit noire...Ils ont souqué dur et bientôt on a distingué le fanal allumé à la tête du mât. Quel soupir nous avons tous poussé ! J'ai embarqué le premier à bord, j'étais tout transi mais si heureux, un vrai revenant quoi ! Chacun a décapelé un morceau pour me rhabiller. J'ai retrouvé mes forces d'un seul coup et un quart d'heure après j'étais à la manoeuvre. Ah là là ! je m'en rappelle comme si c'était d'hier...J'avais 17 ans...C'est un beau souvenir.

Voici le témoignage du lieutenant Henri Bouttier qui a commandé la baleinière.

A 5 heures, je monte sur le pont. Le temps était beau, la mer seule reste mauvaise. J'envoie mes hommes exécuter divers travaux. Quand, un quart d'heure après, j'entends un cri sinistre : "Un homme à la mer ! " Je fais mettre la barre au vent de suite, jette une bouée de sauvetage à l'eau et donne l'ordre de mettre la baleinière de sauvetage tribord à la mer. La manoeuvre se fait rapidement. Je prends place dans la baleinière avec cinq hommes et nous nous éloignons à force d'avirons vers l'homme car il est déjà loin, le navire allant au moment de l'accident à 7 noeuds. Après une heure de recherche, nous retrouvons le malheureux transi de froid mais vivant, par bonheur il avait attrapé la bouée. Je lui donne mes effets pour le couvrir ; je suis heureux car je commençait à désespérer : il faisait presque noir et la mer étant très grosse, nous menaçions à chaque instant de chavirer. Mais pendant tout ce temps, le navire s'est éloigné et je ne le vois bientôt plus dans la nuit. Oh, l'angoisse mortelle : j'ai le coeur serré. J'ai pensé à la Sainte Vierge et à Sainte Anne. Qu'allons nous devenir perdus sur l'océan ?
Mes hommes faiblissent ; ils perdent espoir, se croient perdus. Mais ayant aussi froid au coeur, comment les encourager. Je suis le chef, il ne faut pas me laisser abattre. Je reprends mon sang-froid et les activent. Je ne vois toujours rien. Nous auraient-ils abandonnés ? Il n'y a que deux heures que nous avons quitté le bord. Mes hommes pleurent ; l'un appelle sa femme, l'autre appelle sa mère. Oh ! Que c'est triste. Et moi aussi je laisse des parents bien-aimés, un frère et une soeur chéris et je ne dois pas le laisser voir. Je crie toujours : "Courage ! Courage ! Ils ne peuvent pas nous abandonner, mes amis, nageons ferme ! Nous arriverons ! " Le malheureux noyé se plaint du froid avec cela. J'essaye de le réchauffer en le frictionnant, moi qui suis presque nu, lui ayant donné mes effets pour se changer. Il fait un froid mortel et j'ai froid aussi au coeur, car je crois bien que c'est fini. Je commence à croire que vu l'état du temps et de la mer, le capitaine voyant la nuit tomber, et après trois heures d'attente, a pensé que nous étions chavirés et qu'il était inutile de nous attendre davantage. Oh, j'ai bien pensé à vous mes biens aimés parents, mais victime du devoir, j'ai fait le sacrifice de ma vie de tout coeur ; après un bon acte de contrition, je promets un voyage à Lourdes. "Courage ! Courage mes amis !" Moi-même je n'en ai plus. Pourtant la prière m'a réconforté. Je me sens plus fort. Je crie sur l'horizon ; peut-être qu'un son arrivera jusqu'au navire. Hélas, toujours rien, que la mer hurlante qui menace à chaque instant de nous engloutir. Enfin, tout d'un coup, j'aperçois un feu au loin : c'est le navire ; c'est un fanal qu'ils ont hissé dans la mâture. Nous sommes sauvés. L'espoir renaît, la baleinière vole, et après trois heures de nage, nous arrivons enfin le long du bord. Ils nous ont aperçus. Un grand cri s'échappe du navire. "Hourrah ils sont sauvés ! Je crie "tous sont sains et saufs ; l'homme est à bord, envoyez un bout car il meurt de froid". Mais ce n'est pas facile car la mer est démontée et nous pouvons nous fracasser le long du bord. Enfin le noyé est à bord, un homme puis deux, puis trois, puis quatre. Il ne reste dans la baleinière qu'un homme et moi pour crocher les palans. Ils sont crochés. Enfin. Mais ce roulis est tellement violent, et la mer tellement grosse que la baleinière ne tarde pas à être démolie. Je fais monter l'homme et le dernier je quitte mon poste quand je ne peux plus y tenir. Je suis à bord : "sauvé tout le monde". Le capitaine m'embrasse et me félicite : "Je vous croyais perdus". Le second m'embrasse, tout le monde me serre les mains. Moi, je suis tout fier. J'ai fait mon devoir ; je suis content.

Eugène Pergeline repartira vers la Nouvelle-Calédonie dès le 24 octobre pour y charger du nickel. Le lieutenant Henri Bouttier recevra un témoignage de satisfaction du ministre de la Marine.

Sources : The Sydney Morning Herald du 23/10/1909.
L'événement de mer a été raconté dans le bulletin Communication, n° 18, décembre 2012 de l'Association des Amis du musée International du Long-cours cap-hornier, d'après le compte-rendu de Célestin Touzé, paru dans le numéro précédent et qui a déclenché le témoignage du "noyé" paru dans le livre de Suzanne Vinet Le Toquin, Belle Isle en Mer, 1973. Le témoignage du lieutenant est extrait d'une lettre à ses parents communiqué par ses petits-enfants.

Cordialement.



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Memgam
Rutilius
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EUGÈNE-PERGELINE ― Trois-mâts barque ― Société anonyme des chargeurs de l’Ouest (1900~1917).

Message par Rutilius »

Bonsoir à tous,

□ Le 7 mai 1905, jour de ses 19 ans, embarqua sur le trois-mâts barque Eugène-Pergeline un jeune pilotin breton du nom de Yves Marie Jacques Guillaume de BOISBOISSEL, qui, plus tard, devait devenir général de corps d’armée et être élevé à la dignité de grand-officier dans l’Ordre de la Légion d’hon-neur. Sans doute un cas unique dans l’histoire des marins cap-horniers.

Après avoir effectué ses humanités au collège Sainte-Marie de Monceau, à Paris (VIIIe Arr.), Yves de BOISBOISSEL fut admis en 1901 à l’école Saint-Charles de Saint-Brieuc afin d’y préparer le concours d’entrée à l’École navale. En 1904, à 17 ans, il réussit l’écrit de ce concours, étant classé 16e, mais échoua à l’oral, n’étant classé que 54e pour 50 places à pourvoir. Renonçant à la préparation du Borda, il entra alors à l’École d’hydrographie du Havre, étant classé 1er en 1905 à la suite de l’examen théo-rique de capitaine au long-cours. Ne pouvant toutefois se présenter à l’examen pratique, qui exigeait une durée minimale de navigation effective, il décida de s’embarquer sur l’Eugène-Pergeline, étant inscrit provisoire au quartier du Havre, f° 3.871, n° 7.741.

En Janvier 1906, au retour de ce voyage au nickel à Thio (Nouvelle-Calédonie), il abandonna la carrière maritime, ne pouvant, par équivalence, intégrer la Royale. Il entra alors au lycée Saint-Louis de Paris pour y préparer le concours d’entrée à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr, où il fut reçu la même année, étant classé 23e sur une liste de 270 élèves (91e promotion, dite « du Centenaire de l’École », 1906~1908) (J.O. 30 sept. 1906, p. 6.633).

[• Ernest LE BARZIC, dit « Roh Vur » : « Un intime du Lorrain Lyautey, le Général Comte Yves de Bois-boissel, barde de Bretagne », préface de Pierre Lyautey, président de la Société des gens de lettres, Impri-merie Simon, Rennes, ca. 1967, 47 p. — spécialement p. 11 et 12.]

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Bien amicalement à vous,
Daniel.
Memgam
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Re: EUGENE PERGELINE Trois-mâts barque

Message par Memgam »

Bonjour,

"En octobre 1904 quatre camarades entrèrent à la vieille école d'hydrographie du Havre, comme candidats au brevet supérieur d'élève officier de la Marine marchande. Trois d'entre-eux, MM. de Boisbessel, Giret et Magne, étaient des épaves des derniers examens du Borda, particulièrement sévères cette année-là (1 reçu sur 8 candidats présentés), et M. de Boisbessel, admissible à l'écrit avec le n° 16, fut descendu "en flammes" au n° 54 (il n'y eut que 50 reçus à l'oral) par l'examinateur de géométrie descriptive, aidé en cette exécution par l'examinateur de sciences naturelles, qui lui poussa une botte insidieuse sur le système nerveux des mollusques, côté un peu spécial des questions maritimes qu'il avait négligé d'approfondir. Le quatrième candidat se nommait Pignet. Magne était un garçon énergique et travailleur, remarquablement doué pour les mathématiques en vertu de quoi la logique de la loterie-examen l'élimina. Magne, devenu lieutenant, fut mobilisé comme soldat de seconde classe et tué dans les tranchées en 1915. Giret fut tué dans un accident sur un voilier vers 1908 étant encore pilotin. Pignet ne donna jamais de ses nouvelles."

C'est ainsi que commence une partie des souvenirs de la carrière maritime de Boisbessel, racontée par lettre au capitaine Lacroix et que celui-ci a repris dans un de ses ouvrages.

Le commandant d'Eugène Pergeline, Lenormand, avait 24 ans et avait commencé comme mousse à 12 ans avec son père. C'était son premier commandement.

Source : Louis Lacroix, Les derniers pilotins de la voile, les voiliers-écoles du milieu du XIX ème siècle à nos jours. Imprimerie S. Pacteau, 1951, pages 39 à 43

Cordialement.
Memgam
gevoy
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Re: EUGENE PERGELINE Trois-mâts barque

Message par gevoy »

Bonsoir a tous
Lors de l'évenement de mer du 12 Octobre 1909 , traversée Cherbourg /Hobard , la baleiniere de sauvetage etait armée par;

Bouttier Henry eleve IM Vannes 281
Rio Louis matelot IM Vannes 5191
LE DU Charles matelot IM Concarneau 5154
OMNES Joseph matelot IM St Brieuc 3265
LE HEGARAT Jean Marie matelot IM Paimpol 21668
GICQUEL Francisque matelot IM St Brieuc 6356 , c'était mon grand oncle , il sera tué le 3Mai 1915 au Bois de Bolande ( Meuse)
Ils recevront un temoignage de satisfaction ; JO du 21 Septembre 1910

cdt

LG
Rutilius
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EUGÈNE-PERGELINE ― Trois-mâts barque ― Société anonyme des chargeurs de l’Ouest (1900~1917).

Message par Rutilius »

Bonsoir, et bienvenue,

Journal officiel du 24 septembre 1910, p. 7.934.

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— GICQUEL Francisque Marie, né le 18 avril 1882 à Pléneuf — aujourd’hui Pléneuf-Val-André — (Côtes-du-Nord — aujourd’hui Côtes-d’Armor), tué à l'ennemi le 31 mai 1915 au Bois de la Bolante, commune de La Chalade (Meuse). Soldat de 2e classe, 5e Régiment d’infanterie coloniale, matricule n° 02.588 au corps, classe 1902, n° 833 au recrutement de Saint-Brieuc [Acte transcrit le 21 oct. 1915 à Saint-Alban (Côtes-du-Nord — aujourd’hui Côtes-d’Armor)].
Dernière modification par Rutilius le dim. sept. 25, 2022 9:30 am, modifié 1 fois.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
gevoy
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Re: EUGENE PERGELINE Trois-mâts barque

Message par gevoy »

Bonsoir a tous

Je vous remercie de la rapidité de votre reponse ,de l'interet porté a mon mess.
Je viens de poster une demande d'aide afin de localiser, si possible sa tombe ( info sur son acte de deces )
Triste destinée pour un cap hornier mourir comme bien d'autres en foret d'Argonne .

Salutations

LG
gerard
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