Bonjour à tous,
RHÔNE
Rapport du Lieutenant de Vaisseau Ohl à Monsieur le Contre Amiral, chef d’Etat-major de l’Armée Navale
Le 9 Avril 1917, appareillage de Corfou à 15h45. Passé le barrage extérieur à 17h50 piloté par 328 et mis en route à 7 nœuds derrière LONGHI et VILLE DE STRASBOURG. Conduit VILLE DE STRASBOURG à Argostoli par la route extérieure.
Le 10 Avril à 07h15, fait route sur le golfe de Patras. Arrivé de nuit à l’entrée du canal de Corinthe. Mouillé dans l’Est de Corinthe.
Le 11 Avril appareillé à 06h00. Passé lé canal à 11h00, le remorqueur étant pris au passage d’un paquebot italien. Traversée sans incident avec un remorqueur devant et deux remorques sur bâbord et tribord avec les points d’attache le plus en arrière possible. Vitesse 6 nœuds. Courant de face. TE 6,60 m. Largeur du navire 14 m. Largeur du canal 16 à 17 m. Mais il est très facile de passer par ce canal avec un remorqueur, surtout courant debout.
Pour aller de Corfou ou Argostoli à Salamine ou Milo, les charbonniers devraient passer par ce canal et éviter Cerigotto. Se méfier toutefois de l’entrée et de la sortie du canal par brise fraîche.
Nota
Voici une vue de ce canal de Corinthe (vue prise en 1968), creusé par les Français vers 1890 et long de 6500 m. Dans l’Antiquité, les Grecs faisaient passer leurs navires par un chemin pavé, le diolkos, encore visible, qui montait jusqu’au sommet de l’isthme à partir du golfe de Corinthe avant de redescendre vers le golfe Saronique. Les trières étaient tirées par des chevaux ou des bœufs, sur des rondins de bois.
Le 11 Avril, mouillé en rade de Keratsini (nota : petite baie juste au nord du Pirée, face à la baie d’Ambelaki, et face à laquelle s’était déroulée lors de la 2e guerre médique la bataille de Salamine).Déchargé munitions et matériel destiné à la 3e escadre.
Le 13 Avril, appareillé et fait route sur Milo escorté par le DORIS. Mouillé à Milo le 14 Avril à 08h15. Débarqué le matériel destiné aux torpilleurs et aux canonnières. Le PROMETHEUS n’ayant pas de citernes pour recevoir l’huile d’olive en vrac, débarqué ces 18 tonnes d’huile d’olive avec des futs de LA FOUDRE, PROMETHEUS et RHÖNE.
Le 16 Avril, appareillé de Milo à 12h00 escorté par LA GRACIEUSE. Traversée sans incident jusqu’au 18 Avril. Mer houleuse. Forts coups de tangage.
Le 18 Avril à 17h00, aperçu le sillage d’un périscope à 300 m et 4 quarts sur tribord. Pris allure maximum à 12 nœuds et changé de route. Prévenu la canonnière, mais elle est presque stoppée par l’état de la mer. Au bout de 15 minutes, revenu à la route initiale quand le docteur signale revoir le périscope sur l’arrière. Personnellement je n’ai rien vu et il est regrettable que l’homme de vigie n’ai pas signalé ce périscope qui s’est approché à 120 m du bord. Bonne tenue du personnel pont, qui arme aussitôt les pièces, et machine. Position de l’alerte 35°04 N et 16°40 E Greenwich.
Le graphique ci-joint montre les manœuvres et le trajet supposé du sous-marin.
Le 19 Avril à 13h45, amarré dans le bassin de La Marsa à La Valette, près des citernes à mazout de l’Amirauté.
Le 20 Avril, embarqué du mazout et pris pour nous 300 tonnes de charbon et 120 tonnes d’eau.
Le 21 Avril appareillé à 10h00 pour vider au large les citernes remplie d’eau. Revenu à La Valette à 18h00 pour continuer le chargement. Embarqué au total 3400 tonnes de mazout. Embarqué en cale de l’huile en futs, des sacs à charbon, des vivres, des coffres à médicaments, des caisses en tôle de 3000 litres, de l’huile oléonaphte n° 1 en vrac et de l’huile d’olive (dans deux citernes séparées), 300 tonnes d’eau potable et 120 tonnes d’eau industrielle, ainsi que des vivres frais demandés par les bâtiments de l’Armée Navale –sauf les pommes de terre car leur exportation est formellement interdite par les Anglais-.
Pendant l’escale, je suis allé voir le pétrolier OBERON, torpillé au large du Cap Bon (nota : par l’UC 22 de l’OL Heino von Heimburg) et qui avait rejoint Malte par ses propres moyens. Il venait de Toulon et avait ses citernes pleines d’eau lors de l’explosion. Il a 9 citernes séparées par des cloisons longitudinales étanches, comme le RHÔNE.
Voici sa coupe
La torpille a touché au point O de la citerne 3 et les citernes 2 et 4 ont aussitôt été affectées. Les cloisons transversales ont été arrachées jusqu’à la cloison longitudinale qui a tenu bon. Le bâtiment étant plein d’eau, la tôle de coque s’est retournée vers l’extérieur et le pont s’est défoncé. Il a alors pris une très forte gite sur bâbord. Mais l’équipage a pu redresser le bâtiment par un mouvement rapide des vannes remettant en communication bâbord et tribord. Les citernes 1 à 6 ont été remplies jusqu’au niveau de la mer. La passerelle n’avait pas bougé car il y a en fait deux ponts superposés à 2,5 m l’un de l’autre. Le compartiment des pompes est à l’arrière, ce qui a permis ensuite la vidange par la ceinture bâbord intacte. Sur RHÖNE, les pompes sont sur l’avant de la passerelle et auraient été inutilisables après l’explosion d’une telle torpille. L’exemple de l’OBERON montre que le danger aurait été :
- L’incendie en cas de transport de pétrole H
- Le naufrage s’il avait été touché à l’arrière car soutes à charbon, machines, chaufferies et tunnel forment un seul compartiment.
Le 27 Avril, appareillé à 16h00 escorté du MOUSQUETON et 388 pour Argostoli.
Le 28 Avril à 16h36, aperçu un objet ayant l’aspect d’une mine en dérive. MOUSQUETON la reconnaît et tire dessus plusieurs coups de 47.
Le 29 Avril franchi le barrage extérieur à 08h15 et amarré à 10h15 sur le coffre de l’escalier du Roi, au pied de la citadelle.
Le sous-marin aperçu
N’est pas identifié. Mais il pourrait s’agir de l’U 33 du KL Gustav Siess, qui semblait patrouiller sur cette zone où il venait de couler le SONTAY.
Notons que le dossier de cette rencontre porte la date de 5 Juin 1917, date rayée par la suite et changée en 18 Avril 1917.
Il existe un autre dossier portant la date du 5 Juin, certainement date exacte d’une deuxième rencontre.
Cdlt