SONTAY

Note d’Avril 1917 sur le torpillage du SONTAY
Le commandant était le CLC Alexandre MAGES. Il n’a pas voulu quitter son bâtiment sans être certain qu’il était le dernier. Malgré les pressantes invitations de son équipage, il est resté sur l’arrière jusqu’à l’engloutissement du navire. On l’a vu casquette à la main crier « Vive le France », puis disparaître avec le bâtiment.
Le second capitaine Pierre BERGEROT a disparu après avoir assuré le sauvetage de tout le personnel.
Toutes les dames passagères ont été sauvées (4 femmes et 9 enfants, tous de nationalité grecque).
Ont été sauvés également les passagers de l’armée britannique suivants :
- Capt. G. Street
- Capt. J.M. Noir
- Lt. T.E. Grant
- Lt. R.F. Rogers
- Sapeur Smith
Un passager civil a été noyé (un agent de la sureté) ainsi qu’un aviateur serbe.
Ont aussi disparu 6 matelots du SONTAY et 31 militaires ou marins passagers
Rapport du premier lieutenant du SONTAY
Je soussigné, Pierre de Vandière de Vitrac, 1er lieutenant du SONTAY armé au cabotage à Marseille le 20 Juillet 1916, 4648 tx JN, agissant en lieu et place de
- Mr Magès Alexandre CLC Commandant
- Mr Bergerot Pierre, CLC 2e capitaine
Tous deux disparus, déclare ce qui suit :
Quitté Salonique le 8 Avril 1917 à 15h00 avec 410 passagers et 81 équipage, et un chargement de matériel pour l’artillerie, 8 caisses d’opium, un lot de balles de peaux, de vieux effets militaires et divers.
Escale à Salamine du 10 Avril 06h00 au 12 Avril 18h00. Embarqué du matériel pour la marine.
Escale à Milo le 13 Avril. Exercice réel d’abandon du navire à 15h00. Toutes les embarcations sont amenées à l’eau avec équipage et passagers embarqués aux places désignées à l’avance. Exercice très satisfaisant.
Embarqué 17 hommes de la marine et débarqué des Anglais.
Appareillé à 23h00 avec 425 passagers, en convoi avec LYBIA et GEO, escorté par MOQUEUSE et CAPRICIEUSE. Formation en ligne de file, chaque bâtiment à 600 m de celui de droite et le relevant à 60° de l’avant. Vitesse 9 nœuds. SONTAY se règle sur LYBIA.
16 Avril
Mer grosse. Brise fraîchissant. LYBIA réduit son allure, nous obligeant à tomber à 6,5 nœuds, allure machine à 45 tours.
A midi, étant de quart et observant la méridienne avec le 2e lieutenant Marintabouret, j’entends « Alerte, torpille à bâbord ». J’ai juste le temps de voir les canonniers de la pièce avant de 90 mm la pointer vers le sous-marin, que l’explosion se produit à hauteur de la cale 2 à bâbord. Le commandant ordonne aussitôt le poste d’abandon, fait stopper la machine en actionnant lui-même le chadburn (nota : transmetteur d’ordres passerelle-machine) et ordonne de fermer les portes étanches. Je donne le point au 2e capitaine Mr. Bergerot, qui le transmet au télégraphiste Rivière et au chef de poste Dijou. Position 35°06 N 15°17 E
Signal d’abandon donné au sifflet. Aucun affolement. Je me rends à mon poste aux engins de sauvetage de la dunette. Les canots 10 et 11 sont déjà à l’eau et remplis. Les youyous de bâbord et tribord sont amenés. Au pont des embarcations, les radeaux étaient disposés sur des glissières transversales mais le navire avait déjà l’avant sous l’eau et de la gite sur bâbord. Impossible de les faire glisser. Avec 8 hommes nous montons sur les radeaux 14 et 15 et nous y cramponnons. Le 14 glisse le premier. Puis le navire prend 60° de gite et le 15, sur lequel je me trouve, et projeté à la mer d’un seul coup. Je me retrouve seul sur le radeau que je n’ai pas lâché. Le SONTAY a disparu.
Je recueille un homme qui a la tête ensanglantée. Plus tard, une embarcation vient nous prendre, tandis que les canonnières qui nous escortaient mettent leurs embarcations à la mer et commencent le sauvetage.
A 15h30, MOQUEUSE, qui m’avait recueilli, embarque le personnel du canot 4 du SONTAY dirigé par le lieutenant Marintabouret.
Le SONTAY a sombré en 5 ou 6 minutes. C’est grâce à un personnel entraîné et dévoué que malgré le mauvais temps, il n’y a pas eu plus de victimes. L’exercice effectué à Milo par le commandant Magès a permis d’assurer le calme et le sang froid qui ont régné pendant la catastrophe. L’installation de bouts pendant le long du bord devant chaque embarcation a aussi permis une évacuation rapide.
Le 16 Avril, un rescapé soldat au 59e territorial, Michel JUMELLE, est décédé à bord de MOQUEUSE.
Arrivé à La Valette, Malte, le 16 Avril et déposé 317 rescapés sur le navire hôpital France. CAPRICIEUSE avait ramené 64 rescapés et un homme décédé à son bord des suites de ses blessures.

Cdlt