Bonsoir Lauref,
Voici une synthèse de mes notes prises sur les combats d'août 1918, concernant le 29e BCP, et plus globalement la 127e DI. Celle-ci dépend du 30e CA, mais elle est détachée au 1er CA du 20 au 24 août. Tous les témoignages sont tirés du livre "Avant l'oubli" du capitaine Terrasse.
20 août 1918
Offensive générale de la Xe armée (général Mangin) au nord de l’Aisne. La 127e DI doit prolonger la progression de la 11e DI.
- A 14h25, la 127e DI se rapproche et porte son PC à la creute Vauban (400m sud de Vingré).
21 août 1918
- 17h : reprise de l’attaque après un bombardement qui manque totalement de précision, la progression est comprise entre 50 à 200m.
On relève déjà, pour ce deuxième jour de combat, une chaleur torride et un manque d’eau qui fait souffrir les hommes sur ce plateau dénudé.
Les
355e RI et
29e BCP restent en réserve dans les ravins.
22 août 1918
L’adversaire recule au nord de Vézaponin. Pour la 127e DI, la journée est consacrée au repos et aux reconnaissances. Le 25e BCP occupe la pente ouest de la cote 160, sous les tirs de mitrailleuses venant de la creute de Valpriez et du lavoir de Villers-la-Fosse. Valpriez est occupé par le 69e RI.
- A la nuit, le 355e RI relève par dépassement le 172e RI, à sa droite le 25e BCP qui occupe toujours les pentes devant la cote 160 est rejoint par le 29e BCP.
Témoignage du capitaine Terrasse, 355e RI
«
La nuit était assez calme, seules quelques rafales de mitrailleuses balayaient par intermittence le plateau. Les 17 et 19 [compagnies] m’avaient fait savoir que leurs patrouilles avaient été reçues par des coups de fusils partant de la chaussée. Le capitaine de Loestre, commandant le groupe de chasseurs à ma droite était venu en personne à mon PC et m’avait dit que son avant-garde avait atteint la chaussée »
Sur cette carte, le rond bleu correspond à l'emplacement du PC du capitaine Terrasse, la flèche bleue, l'axe d'attaque du 355e RI. A sa droite, les 25e et 29e BCP. La chaussée brunehaut (trait rouge), est en surplomb devant le 355e RI, encore aujourd'hui c'est imposant un talus. Devant les chasseurs, la chaussée est un simple chemin parcourant la crête de la hauteur 162.8.
23 août 1918
- 18h35 : seconde attaque qui échoue également.
Témoignage de l’agent de liaison Lacomblez (355e RI)
«
Il fait une chaleur torride, et nous suffoquons à rester sur place, il n’y a que la nuit que l’on peut respirer un peu. Les chardons, dont le plateau est couvert, sont tellement secs qu’ils se recourbent et rentrent dans la peau malgré les bandes molletières. Tout le monde a les jambes en sang".
- Témoignage du soldat Martin (355e RI)
« A l’aube ce fut l’attaque. Le lieutenant Pailloux tomba dans les premiers mètres, suivi du sergent Lansard et du soldat Dosnes de mon escouade. A plusieurs reprises nous sortîmes de nos trous, toujours sans résultat. Et la tragédie continua avec le tir trop court de nos 75, dont les éclats sifflaient à nos oreilles. Il faisait si chaud que les cadavres de nos camarades se décomposaient avec rapidité. L’odeur nous prenait à la gorge. Nous n’avions plus de ravitaillement et la soif était devenue une terrible souffrance. Mon camarade Gilles, pari avec des bidons, n’est, hélas ! jamais revenu »
24 août 1918
- 19h30 : Devant le 29e BCP, une nouvelle contre-attaque partant de 155,5 est repoussée et laisse 4 prisonniers.
Témoignage du capitaine Terrasse :
«Ordre de reprendre l’attaque à 10 heures, après une préparation d’artillerie d’un quart d’heure. Elle échoue ; puis à 14 heures, ordre du général d’armée [général Mangin] de prendre la chaussée « à tout prix » ; puis deux nouveaux ordres à la tombée de la nuit »
« ces ordres se traduisent en première ligne par des tentatives de progressions à la grenade, au Viven-Bessières ; mais la position était toujours tenue fortement par les Fritz. Les mitrailleuses clouent les assaillants au sol, et cela coûte des pertes. Ce jour-là, il y eut aussi du cafouillage avec les chasseurs, à notre droite. D’après certains renseignements, ils auraient dépassé la chaussée. J’étais heureusement en liaison à ma droite avec la compagnie des chasseurs du capitaine Prioux, esprit froid et réfléchi, qui remit les choses au point et évita ainsi de faire encore des bêtises ».
25 août 1918
- 19h30 : le 355e RI repousse une forte attaque.
A la nuit, les chasseurs, qui ont combattu toute la journée à la grenade, sont relevés par extension du front du
355e RI et par la 59e DI (232e RI)
Témoignage du capitaine Terrasse
« le front du bataillon était ainsi porté à 1 200 mètres, tenu par 165 fusils. Au PC, il me restait deux pièces de mitrailleuses et deux hommes »
26 août 1918
Le 355e RI combat toujours à la chaussée Brunehaut, sous des tirs d’obus toxiques.
27 août 1918
- 21h : le 126e RI US (32e DI US) relève le 355e RI.
La 127e DI totalise pour la semaine de combat : 133 tués, 778 blessés, 66 disparus.
La 32e DI US va rester 5 jours en ligne, consignés dans son historique comme « cinq jours d’enfer sur la terre ».
28 août 1918
La 32e DI US doit repousser une attaque allemande.
29 août 1918
La 32e DI US participe à la reprise de la bataille sur tout le front. La préparation d’artillerie déclenchée de nuit est suivie d’une attaque à 5h25, accompagnée de tanks. Attaque rapidement bloquée par le barrage d’artillerie allemand.
Photo prise le 29 août, par le US Army Signal Corps, près de la ferme Valpriez
30 août 1918
Reprise de l’attaque, la division américaine conquiert Juvigny et se porte au rebord du plateau.
Après la bataille
La chaussée Brunehaut ne devient pas pour autant un endroit tranquille : visible de loin, elle est sous le tir des canons, des mitrailleuses, des avions qui profitent des nuits claires pour harceler les troupes. Il faut attendre le repli allemand du 5 septembre pour que l’on puisse songer à ramasser les corps qui parsèment le champ de bataille. Les inhumations des corps, abandonnés sous la chaleur caniculaire depuis plusieurs jours, se font sur place, au plus vite et à l’aide de prisonniers allemands.
Cordialement,
Régis