65e RI Août 1914 Maissin Anloy

Parcours individuels & récits de combattants
tad-kozh
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Re: 65e RI Août 1914 Maissin Anloy

Message par tad-kozh »

Bonjour à toutes & tous
Bonjour à nos ami(e)s Belges

Suite de l’analyse du document du général V. Kühne, commandant de la 25e ID -Maissin/Anloy, avec une synthèse du combat de la 49e IB.

2)Combat de la 49e IB – 115e et 116e IR

La 49e IB, sous les ordres du général V. Uthmann, était stationnée à gauche de la 50e IB à Glaireuse. Aux environs de 12 h30, après avoir été ravitaillé par les cuisines de campagne, la brigade reçu l’ordre de prendre possession des hauteurs à l’ouest d’Anloy. Le I/61e FAR vient se positionner au S.E. d’Anloy, puis le II/61e FAR pris position au nord du village.
Au Burnaubois, le 117e IR (aile gauche de la 50e IB), dans sa marche d’approche vers le sud de Maissin, est confronté à des tirs du II/19e RI à proximité du moulin de Villance. Pour V. Kühne, la situation devant le front était obscure. Ordre est donné à la 49e IB de faire mouvement pour venir appuyer la gauche de la 50e IB. L’aile droite de la 49e IB est constituée du 115e IR et l’aile gauche par le 116e IR dont le 1er bataillon était maintenu en réserve au sud d’Anloy.

Le terrain accidenté sur lequel doit progresser la 49e IB à l’ouest d’Anloy V. Kühne le décrit en ces termes :
«Le terrain était difficile pour la progression ; le sol croisé par des vagues transversales, tranchées entre déclivité de terrain, couverture avec de hautes céréales, nombreuses clôtures de fil de fer séparant les champs, sous-bois dense dans les bosquets et les forêts.» Pour V. Kühne les fils de fer ne sont nullement des barbelés mais les clôtures des champs de pâturage. Quand aux «tranchées entre déclivité de terrain» peut être de larges fossés réalisés pour le drainage du terrain ?
Cette configuration particulière du terrain entrainera, pour les deux adversaires, des difficultés de coordination entre les unités. Les bataillons de la 49e IB vont se trouver mélangés dans des combats isolés.

A 14h -14h30, lorsque le III/115e IR s’approche de la cote 405 il fut assailli à l’improviste par les troupes du III/118e RI français. Les 4 compagnies de ce bataillon vont se lancer dans une folie meurtrière à l’assaut. Le chef de bataillon est blessé, les 4 capitaines sont mortellement blessés et des fantassins il ne reste que des débris. Le combat fut très meurtrier des deux côtés. Sans soutien ni renfort, le III/118e RI doit rapidement reculer alors que le III/115e IR avec des éléments du I/115e, arrivés en renfort, vont poursuivre leur progression vers les bois de Burnaubois et de Haumont. Ils ont ordre d’effectuer leur jonction avec des unités du 117e IR.
Risquant de se faire envelopper au Burnaubois, par un ennemi en surnombre, le II/19e RI se replie dans un premier temps au–delà du petit ruisseau de Chêne et gagne ensuite, par petits groupes, Framont et Paliseul.
A l’aile gauche de la 49e IB, au nord du carrefour des deux routes Sart-Maissin et Framont-Anloy, le II/116eIR vient se heurter au I/118e RI et le repousse pas à pas- pour mémoire, lire (pages 3 et 4) l’excellent témoignage du lieutenant Le Pivain, chef de la 1ère section de mitrailleuses, que nous a aimablement transmis Lapita.

Vers 15h 30, le feu allemand face au I/118e RI diminue d’intensité, le 116e IR arrête sa progression.
Une contre–attaque française de flanc, à l’Est du carrefour des deux routes précitées vient stopper l’élan du 116e IR.

Image
Carte des positions de la 49e IB vers15 heures et des unités françaises qui lui font face
(extrait du croquis N° 2 Pugens)


Le général V. Kühne s’interroge sur l’appartenance des troupes qui ont effectué ces attaques frontales et de flanc contre la 49e IB. Par recoupements, à partir des régiments dont étaient issus des soldats enterrés dans les cimetières d’Anloy et de Maissin -59e RI et également 88e et 14e RI – il est persuadé, bien que pour lui « l’histoire complète est très obscure», que la 49e IB a non seulement combattu contre des bataillons de la 22e DI mais également du 17e Corps. Sans hésiter, on peut répondre que cela fut bien le cas.

Le général Eydoux, commandant du 11e CA, sans nouvelle des I/118e et II/118e RI, est inquiet pour son aile droite. Il a dépêché, dès 14h30, un capitaine de son E.M. au près du 17e CA pour : « lui demander de bien vouloir hâter son entrée en action à l’est de Maissin, pour aider la 22e DI, qui se trouve très fortement engagée.»
Le 59e RI (34eDI/ 68eBI) qui était en halte au sud du bois Piret (entre Sart et Anloy) reçoit l’ordre du 17e CA d’attaquer en direction d’Anloy et d’établir le contact avec le 11e CA. A la sortie nord du bois (cote 433) le III/116e IR est surpris par cette contre attaque de flanc du 59e RI. Le I/116e IR est lui-même fortement accroché, au sud d’Anloy, par le 14e RI (34e DI/67eBI).

Le III/116e IR, face à ce nouvel adversaire, est contraint de reculer. Des renforts sont demandés de part et d’autre.
Le bois est copieusement arrosé par le 61e FAR. L’artillerie allemande ne peut être contrebattue et l’épais rideau de bois au sud d’Anloy ne permet pas l’appui du 57e RAC (A.C.) aux troupes françaises.

Vers 16h15, le 59e RI engage un nouveau bataillon et une section de mitrailleuses dans le combat entrainant pour le III/116e IR une situation critique : Les capitaines de ses 4 Cies sont tués ou grièvement blessés, la compagnie de mitrailleuses est menacée d’encerclement. Face cette périlleuse situation une Cie de pionniers (21e PR) et des éléments du II/116e IR sont appelés en renfort et (extrait de l’historique du 116è IR) : « Le colonel Schimmelfennig (commandant le 116e IR) galopa alors vivement vers l’artillerie, il obtint là deux canons et les amena en position périlleuse au front. Un carnage terrible commença. Les deux canons arrachèrent des ouvertures monstrueuses dans les rangs ennemis débordés. Les mitrailleuses fauchaient à ras et tiraient ensemble avec une précision et une inexorabilité affreuse les lignes de tirailleurs adverses, si bien que chaque vie se figeait en elles. Des prisonniers décrièrent horrifiés l’effet effrayant des feux réunis d’artillerie et de mitrailleuses dont on pouvait constater avec frissons le jour suivant le résultat en franchissant le champ de bataille.» Le colonel commandant le 59e RI et deux chefs de bataillons sont tués, le régiment a perdu le 1/3 de son effectif.

Peu après 17h, le 88e RI (34e DI/68eBI), amené en renfort par la route Sart-Maissin, vient appuyer l’aile gauche du 59e RI. Mais sous le feu des mitrailleuses et de l’artillerie ennemie qui pilonnait systématiquement le bois Piret, le 88e RI ne peut à son tour déboucher du bois. L’anéantissement de la 66e BI (11e et 20e RI) dans la forêt de Luchy entrainera de 17 à 18 h la retraite de toutes les unités du 17e CA. -voir l’excellent sujet sur le forum consacré au 20e RI pages1418/qui-cherche-quoi/20-infanteri ... .htm#t9233

Le 115e IR a continué à avancer, alors que le II/116e IR, épuisé, ne reprendra qu’à 17h une lente progression vers l’ouest. Vers 17h30, après avoir franchi la route Sart-Maissin et pénétré dans le bois Derrière-Haumont des éléments du I/115e et II/115e IR vont enlever, après une résistance désespérée, la 6e batterie du 35e RAC (AD 22). Les artilleurs, avec 2 Cies du I/62e RI appelées en renfort, livrent des combats corps à corps autour des canons et caissons. Le commandant du 115e IR allemand y sera mortellement blessé.
Peu avant 18 h, le Commandant du 11e CA, inquiet de cette attaque du 115e IR, sentant son aile droite menacée, ordonne le repli de son Corps sur Paliseul.

A 18h, des éléments du 115e IR atteignent la crête du bois de Haumont (cote 429) et approchent de la route Paliseul-Maissin mettant en danger les batteries du III/35e RAC. Une contre attaque, partant de Bellevue, d’unités du 118e,116e et 62e RI stoppe leur progression. N’ayant plus de soutient sur sa droite, se sentant isolée après la retraite du 117e IR, la 49e IB se replie sur Anloy.
Tout comme la 50e IB, la 49e IB avait subi des pertes très importantes notamment le 116e IR avait perdu le 1/3 de son effectif dont 33 officiers.

Cordialement :hello:
Jean-Louis

A suivre l’analyse de quelques remarques de V. Kühne sur le rapport des forces et des pertes.
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RIO Jean-Yves
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Re: 65e RI Août 1914 Maissin Anloy

Message par RIO Jean-Yves »

Bonjor à tous
bonjour Jean-Louis

Merci d'avoir repris le flambeau de MAISSIN vu du coté Allemand (avec la complicité de Popol notre dévoué traducteur) . C'est toujours aussi passionnant et plein d'enseignements !
Quand j'aurai le temps, il faudra que je m'y replonge un peu plus pour les "détails".

2 petits commentaires quand même (cf. plus haut) :
Pour les "fils de fer" j'abonde aussi avec les clotures de champs, d'ailleurs bien visibles sur des CP de l'époque entre la lisière du bois de Haumont et celle du village ; il me semble que c'est dans un des témoignages du 19e où l'on parle d'un sous-officier qui va être tué alors qu'il essayait de couper avec son sabre ces fils en raison du manque de cisailles .
Pour les "tranchées" , je suis plus réservé sur leur non-existence, car mon GP en a dessiné un certain nombre juste en face de Bellevue et sur sa droite ; j'interprète toutefois ces "Tranchées" vues dans le feu de l'action (si je puis dire) plutot comme des monticules de terre réalisés à la hâte par les Allemands pour se protéger et y installer derrière des mitrailleuses que des tranchées comme nous l'entendons habituellement. De toute façon ils ne pouvaient avoir eu le temps de creuser aussi profond entre le moment du départ du 2e Chasseurs et l'arrivée des premiers soldats du 19e RI .
Bien cordialement :hello:
Jean-Yves
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tad-kozh
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Re: 65e RI Août 1914 Maissin Anloy

Message par tad-kozh »

Bonjour à toutes & tous
Bonjour à nos ami(e)s Belges

Jean-Yves : Pour les tranchées je suis de votre avis. Le creusement de tranchées faisait parti de l’entrainement au combat des Allemands. Il est donc plus que probable qu’ils ont construits de précaires tranchées pour se protéger des tirs, de plus en plus nourris en provenance de Bellevue. L’historique du 118e IR allemand stipule aussi que leurs fantassins occupaient des chemins creux à l’ouest et au nord-ouest de Maissin. Vus de la ferme de Bellevue, ces chemins pouvaient être confondus avec des tranchées, car ils dissimulaient et protégeaient les soldats ennemis.

Suite et fin de l’analyse du document du général V. Kühne.

Dans la soirée du 22 (17h à 18h), après une marche forcée de plus de 40 km, le VIIIe RAK est venu soutenir la 25e ID : La 15e RID vient rejoindre la 50eIB à Villance et la 16e RID renforce la 49eIB à Anloy, dont l’avant-garde du 28e RIR a été engagée dans le combat avec le 116e IR .
Dans la nuit du 22 au 23, ce sont des éléments de cette 15e RID qui effectueront trois assauts contre les troupes françaises dans le village de Maissin que l’ordre de retraite n’a pas touchées.

Les rapports sur les pertes de la 25eID que reçoit V. Kühne à son QG de Villance sont des plus alarmistes. N’ayant pas d’informations précises sur l’état des troupes du 11e Corps français, il passe une mauvaise nuit craignant une attaque le matin du 23 : «Mon sommeil fut très agité ; durant toute la nuit je m’attendais à un nouvelle reprise du feu d’infanterie. [...] L’infatigable major FAUPEL [officier d’EM ] avait passé la nuit entière au rassemblement des troupes et à la mise en ordre des unités et arriva le matin avec de meilleures nouvelles.»

Au petit jour du 23, après un bombardement de Maissin par des obusiers lourds, les quelques détachements de la 22e DI, comprenant qu’ils sont totalement isolés profitent de l’épais brouillard matinal pour regagner en bon ordre, par la grande route, Paliseul. Faute de liaison, dans le quartier de la gare, la 1ère section de la 3e Cie du 19e RI ne put être informée de la retraite du régiment.
A 10h30, à bout de munitions, contournée par des éléments du 115e RID, lequel avait pris possession de Maissin par le nord du village, cette dernière section du 19eRI tenta de s’enfuir avec ses blessés : mais il était trop tard. Les derniers défenseurs de Maissin furent faits prisonniers et alignés dans un champ, au dessus de la gare, ils faillirent être passés par les armes. D’une manière involontaire, ils étaient en route pour Berlin...
La bataille de Maissin était terminée.

Ce 23 août 1914, Maissin et ses abords sont comme un immense calvaire sur lequel des milliers de jeunes gens souffrent, agonisent et meurent. L'abbé Paul Gérard, présent à Maissin ce jour là, décrit l'aspect du champ de bataille : « Pour décrire cet aspect, les mots me manquent tellement il est horrible. Partout des morts et des blessés. Sur la plaine devant Haumont, les Français sont si nombreux qu’ils paraissent tombés coude à coude. –Tel au temps de la moisson un champ de blé parsemé de bluets et de coquelicots, telle après le combat apparaissait la plaine devant Haumont, jonchée d’uniformes français. Dans les rues, près des maisons en ruine, dans les vergers, Français et Allemands sont entremêlés.[...] A la route de Lesse, une longue lignée d’Allemands entassés les uns sur les autres. – La crête du Spihoux est couverte d’Allemands mais aussi de Français tombés dans des corps à corps d’une violence inouïe [...] ». - Voir également l’émouvant témoignage de Mme J. Jeangout page 5 de ce fil.

Le général V. Kühne livre le rapport des forces et les pertes des deux adversaires qui ont été opposés, le 22 août dans les combats d’Anloy-Maissin.
Il dénombre 12 ½ bataillons avec 54 canons et 18 obusiers légers à la 25e ID qui ont fait face à 27 bataillons d’infanterie (24 du 11e CA + 3 du 17 CA) et 124 canons de campagne (120 au 11eCA + 4 au 17eCA) du côté français. Son calcul en nombre de bataillons semble relativement juste, j’en comptabilise 21 ½ bataillons au 11e CA + 3 ou 4 (?) au 17eCA.
Faut-il en conclure comme V. Kühne : «A l’infanterie, les Français étaient ainsi deux fois plus forts » :???:

Pour l’artillerie, le nombre total de canons au 11eCA était bien de 120 : 28e RAC (A.C.) + 51eRAC (A.D. 21) + 35eRAC (A.D. 22). Mais cette supériorité en artillerie, faute de place sur le terrain, ne fut qu’en partie utilisée . Les 12 batteries du 28e RAC sont restés à paliseul sans tirer un coup de canon, la 4e batterie du 35e RAC ne peut s’employer et la 4e Batterie du 51e RAC est envoyée à Porcheresse. Au total, 64 canons de 75 ont pris part au combat à Maissin.
En me référant aux JMO, les unités du 17e Corps, qui ont été opposées au 116e IR, n’ont bénéficié d’aucun soutient de leur artillerie.

En ce qui concerne les pertes V. Kühne écrit : « Selon les tâches des éléments de troupe qui étaient chargés d’enterrer les soldats tombés, viennent en moyenne deux Allemands sur cinq Français : chacun qui a vu le champ de bataille, aura reçu une impression analogue. Puisque nous avions perdu environ 1100 hommes et [...]on ne va pas ainsi trop loin si on compte avec 2500 Français tombés »». pour les blessés il estime : «qu’environ 2700 Allemands s’étaient trouvés en face d’environ 6 200 Français»
Ces chiffres sont à prendre avec beaucoup de prudence car les Allemands, bien plus encore que les Français, minoraient volontairement leurs pertes et majoraient sciemment celles de leurs adversaires. D’ailleurs, indirectement V. Kühne avoue cette pratique par cette phrase : «Un capitaine [du 19e RI] avec qui je parlai le jour suivant, me disait que «le régiment était anéanti ». On entend souvent de telles exagérations ». !
Le total des pertes officielles, déclarées dans les historiques allemands et jMO français sont : de 3381 Allemands dont 110 officiers pour 4184 Français dont 99 officiers. Nous sommes loin du rapport de 2,5 mentionné par V. Kühne.

Le général V. Kühne explique l’importance des pertes françaises par l’efficacité de l’artillerie allemande qui occupait des positions permettant l’observation directe du feu des batteries, alors que l’artillerie française occupait des positions couvertes, derrière des forêts, tirant au hasard un feu de dispersion peu efficace ; portant pour V. Kühne « l’obus B.. français (Bei…granate) était bien meilleur que notre obus. Ce projectile se prête cependant pour le tir de dispersion - le B…obus pouvait terriblement agir, si le feu était bien réglé, comme la pauvre batterie CONSBRUCH a dû l’apprendre à Haraucourt – Raucourt. »

En fin de matinée du 23, V. Kühne chevauche sur le champ de bataille à Maissin et Anloy : «Maissin était fortement endommagée, à Anloy un monceau de ruines. Ici, je vis aussi le corps du curé fusillé, dont les journaux belges ont tant écrit. Il avait été tué à la tête d’un groupe d’habitants armés. Les avait-il mené, avait-il voulu les retenir – qui le sait ? » Même plusieurs années après les faits, c’est un ancien commandant de division, sans état d’âme, qui s’interroge peu sur les exactions commises par ses soldats à Anloy. Madame Léonie Gillet raconte dans son journal du 22 août (page 5 de ce fil) les circonstances de l’assassinat par la soldatesque allemande de ce curé, qui n’était autre que son frère. Il n’était hélas qu’un des premiers d’une longue liste d’habitants d’Anloy qui ont été fusillés par des barbares.

Très éprouvée par les combats, la 25e ID ne reprend sa marche que dans l’après midi du 23 août. Après une longue halte à Jehonville, où la troupe a été ravitaillée à l’aide de réquisitions dans les localités avoisinantes, la 25e ID rejoint dans la nuit la 21eID à Bertrix - général V. Kühne : «Les troupes étaient tellement épuisées que je laissai faire halte et s’installer en bivouac de localité. On fut au repos à Bertrix, Assenois, Acremont, Offagne. Je rampai à Bertrix dans un poulailler et dormit quelques heures comme un mort. [...]. Lorsque je me réveillai vers midi, il n’y avait encore aucune nouvelle et je décidai d’accorder à la division un repos prolongé
Le matin du 25 août le XVIII AK franchit la frontière française : La bataille de la Meuse (Sedan) du 25 au 28 août débutait.

Après cette longue période «en première ligne, au front» c’est pour moi la relève, avec une permission de 15 jours de repos sans internet , éloigné du forum ... :D Kénavo !

Cordialement :hello:
Jean-Louis
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Danny
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Re: 65e RI Août 1914 Maissin Anloy

Message par Danny »


Bonjour,

Je ne connais pas ce livre, mais je peux vous dire qu'il existe une rue du Commandant Henri CALVEZ à Maissin.

Cordialement

Danny
Bonjour à tous

Et tant qu'on est dans les livres, connaisez vous celui-ci:
Commandant Henri CALVEZ "Bataille de Maissin, 22 - 23 aout 1914" 16 pages paru en 1964.
Je n'ai pas ce livre et le recherche, si vous avez des infos, je suis preneuse.

Sophie
anloy
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Re: 65e RI Août 1914 Maissin Anloy

Message par anloy »

Bonsoir,
Bataille de Maissin 22-23 août 1914 par le commandant de réserve Henri Calvez, président de l'amicale du 19e R.I. pour le cinquantenaire de la bataille.
Publié dans les cahiers du 19eR.I. n° 76 de juillet 1964.
Marie Thérèse
Marie Thérèse
Popol
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Re: 65e RI Août 1914 Maissin Anloy

Message par Popol »

Bonjour à Toutes & Tous
Bonjour à Tou(te)s les Ami(e)s de Maissin


- Profitant de cette belle journée de congé, je ne résiste pas au plaisir de vous livrer quelques extraits du journal du curé de Tellin, relatifs aux combats de Maissin. (Victor ENCLIN – « Les années douloureuses / Journal d’un encerclé 1914-1915-1916 » - 1919 : Editeur PICARD-BALON à Namur). Le village est situé à 14 km environ des lieux du combat. La perception des événements au jour le jour est donc intéressante :

(…)

Vendredi 28 août 1914 :

Des nouvelles sinistres arrivent d’un peu partout qui édifient sur les procédés des troupes d’Allemagne. Les curés de Spontin et d’Anloy auraient été fusillés (…) On raconte encore qu’un combat a eu lieu à Maissin, que, lundi dernier, des tirailleurs sénégalais ont attaqué un convoi à Froidlieu et occis cent cinquante allemands (…)

Samedi 29 août 1914 :

(…) Dimanche dernier, à Maissin, 1500 Français ont attaqué les Allemands au nombre de 6000. Résultat : 1500 Allemands tués et 600 Français, destruction du village. Fusillades et incendies à Anloy, parce qu’un fou y aurait abattu deux soldats allemands. Pillage et incendies à Villance.

Jeudi 3 septembre 1914 :

M. Claude, l’instituteur de Tellin, a été visiter Maissin, Villance et Anloy. De Maissin, il ne reste, m’assure-t-il, outre l’église et le presbytère, qu’une dizaine de maisons debout. Et encore, l’église a été fort endommagée par l’explosion d’un obus. La bataille s’engagea dès le samedi 22 août, entre une avant-garde française, forte tout au plus de 15.000 hommes, et 60.000 Allemands. Ce fut tout de même plus considérable qu’on le croyait jusqu’ici. La position choisie par les Français dès l’abord leur était extrêmement favorable. Aussi, malgré leur infériorité numérique, ils infligèrent à l’ennemi des pertes terribles. La bataille reprit le dimanche à 2h du matin. Mais, pendant la nuit, les Allemands avaient reçu des renforts. Après une charge héroïque à la baïonnette, les Français se replièrent. (…)

A Anloy, le curé, l’abbé Zéler, le bourgmestre et un certain nombre d’habitants, une cinquantaine, ont été fusillés et cela parce qu’un fou aurait tiré sur les soldats.
Villance a eu quelques maisons brûlées ; la cave du curé fut littéralement vidée et le reste du presbytère mis à sac. (…)

Samedi 12 septembre 1914 :

(…) Un groupe de 150 à 200 soldats français, restés dans le pays après les premiers combats, essaient de s’orienter pour regagner la France. (…)

Mercredi 16 septembre 1914 :

J’ai été aujourd’hui, en compagnie de mon excellent confrère de Resteigne, en douloureux pèlerinage à Maissin. Ubique luctus ubique mortis imago. Les trois quarts des maisons incendiées, neuf personnes tuées, entre autres l’abbé Maréchal, que j’ai eu comme élève à Bastogne, une centaine d’habitants partis pour la France. N’en retrouvera-t-on pas un jour, sous les décombres, un certain nombre qui manquent à l’appel présentement ?

Avant d’entrer dans le village, jetons un coup d’œil navré sur la gentille villa de Thomas Braun, qui aimait venir retremper sa verve poétique dans ce site charmant de l’Ardenne. Pillée, saccagée, défenêtrée, lacérée par les balles. Sunt lacrimae rerum. Le curé de la paroisse, M. l’abbé Lambert, qui montra beaucoup de dévouement et de vaillance pendant les jours d’épreuve, veut bien, malgré l’état de dépression nerveuse où il se trouve, veut bien nous expliquer les péripéties du combat et nous piloter sur les champs de bataille. Il nous raconte comment les Allemands, à peine arrivés, le mirent en joue au moment où il voulait sortir de son presbytère. Le combat s’amorça dans la matinée du samedi, 22 août. A six heures du soir, les Français étaient maîtres du village. Vers minuit, ils demandèrent au curé de pouvoir occuper sa maison. Celui-ci se rendit à l’école des filles transformée en ambulance. Le combat reprit de plus belle à 2h du matin. Le curé rentra à son presbytère vers midi. Il le trouva dans quel état ! Cave absolument pillée, meubles fracturés, armoires défoncées, linge, victuailles, calices, vaisselle enlevés. Les Allemands, vainqueurs, continuèrent leur œuvre incendiaire, déjà commencée le samedi, froidement, méthodiquement, pour détruire et semer l’horreur. Le curé de Maissin ne tarit pas d’éloges sur l’armée française, qu’il a vue à l’œuvre dans une charge à la baïonnette, il vante la politesse et la bonne tenue des soldats qui sont « sobres comme des chameaux » dit-il, tandis que les Allemands (ceux qui ont opéré à Maissin étaient surtout des bavarois et des saxons) sont brutaux, pillards, assassins, soiffards. La preuve, c’est qu’ils ont dévalisé la cave du bon curé et que dans un seul café ils ont englouti 500l de genièvre. En tout, 1750 soldats sont tombés sur le territoire de la paroisse, dont environ 450 Français. Et cependant ceux-ci étaient d’une infériorité numérique remarquable : à peine 10.000 contre cinquante, soixante mille teutons. Le petit canon de campagne, fabriqué au Creusot, fonctionne admirablement ; les mortiers allemands font plus de bruit, mais sont moins meurtriers.

Nous longeons des haies d’épines toutes déchiquetées, des champs d’avoines piétinés par les combattants. Rien n’est triste comme ces lambeaux de tuniques, ces casquettes rouges, ces sacs, ces godillots, épars sur la campagne. Quantité de cimetières où dorment de leur dernier sommeil ces enfants venus des coins opposés de l’Europe pour s’entretuer. De longs rectangles dont la terre remuée s’affaise déjà. Une petite croix de bois, à l’inscription allemande, renseigne sur le nombre des inhumés. Les tombes des officiers sont séparées, chacun à la sienne avec son nom, son grade, sa nationalité.

Le temps est tiède, avec des pluies par instants très violentes. Les paysans, qui sont allés aux champs, pour travailler aux récoltes, reviennent silencieux, avec dans les yeux et sur le visage, cette méfiance et cet apeurement qui ne les quittent plus depuis les nuits tragiques. Certains arbres sont criblés de balles, d’autres ont le tronc coupé par les obus, des branches cassées.

Nous rentrons au village et nous examinons les ravages de l’incendie. A côté des murs à demi tombés, sans toit, les maisons épargnées décèlent, par un trou d’obus, par les vitres cassées, par les traces de projectiles, l’universalité du désastre. C’est la ruine, la désolation, la solitude car on n’aperçoit presque personne.

Je n’ai vu qu’un seul enfant. Il jouait dans les décombres de ce qui fut, sans doute, la maison paternelle.

Ah ! quelle œuvre de mort les allemands ont accomplie là. Et, tout naturellement reviennent en mémoire les sombres mots de Tacite : Ubi solitudinem faciunt, pacem appellant.

Nous voulons prendre congé du brave abbé Lambert, qui tout en nous donnant un pas de conduite, nous raconte que les curés de Framont et de Jéhonville ont eu leurs presbytères incendiés. Le deuxième a même dû se déguiser, pour échapper à la fureur des soldats allemands, et il travailla en compagnie de ses paroissiens à l’enterrement des morts.

Au moment de nous quitter, le prêtre nous montre deux paroissiens occupés à couvrir de paille un fournil, dont les murs noircis dénoncent l’incendie récent. Je les interpelle. Ils ont l’air consterné de gens qui s’attendent à toutes les fatalités.

Pauvre Maissin, naguère coquet village, maintenant amas de ruines !

Et quant on est sorti de là, que l’on chemine par la route de Transinne, au milieu des vallées verdoyantes, des côtés boisés, le long du ruisseau qui coule avec un bruit joyeux et une limpidité de cristal, l’on se demande si c’est bien vrai ce qu’on a vu, si ce n’est pas un cauchemar, ce spectacle d’horreur d’où l’on vient de s’évader.

Samedi 24 octobre 1914 :

Les soldats français, échappés aux combats qui se sont livrés au mois d’août dans le sud du Luxembourg, ont fini par se retrouver et se mettre sous la conduite d’un sous-officier. Cette petite troupe se ravitaille comme elle peut, vit dans les bois, se préparant peut-être à quelque coup. Les Allemands ne sont pas sans inquiétude à ce propos. Un officier a même été, la semaine dernière, proposer au maïeur de Chanly de se mettre en campagne avec ses administrés pour capturer les « maraudeurs français ». Ce dernier a rabroué d’importance ce courageux guerrier ! (…)

(...)

- Un bon lundi bien ensoleillé de Bruxelles!

Bien cordialement
Paul Pastiels
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terrasson
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Re: 65e RI Août 1914 Maissin Anloy

Message par terrasson »

Bonjour Paul
Merci pour ces evocations terribles certes mais qui rappellent celles de 1944(je sais je suis hors sujet)
bien cordialement
Christian terrasson
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soldat forcat a pas jamai portat plan lo sac.Es pas l'ome que gana es lo temps vai i mesme pas paur
Popol
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Re: 65e RI Août 1914 Maissin Anloy

Message par Popol »

Bonjour à Toutes & Tous
Bonjour Christian et Tou(te)s les Ami(e)s de Maissin

- Poursuivant la lecture de l'ouvrage de Victor ENCLIN, voici encore quelques extraits du journal du curé de Tellin:

(...)

Vendredi 27 novembre 1914:

(...) Les landsturmiens qui sont passés, jeudi, par le village, allaient indaguer à Chanly et lieux voisins pour forcer la retraite des escapés français. Procédés rituels: comparution des curés, des bourgmestres, paroles d'honneur. Et les Allemands, sans avoir vu un bout de Français, retournèrent satisfaits de leur mission accomplie. Il en va un peu des militaires de l'Allemagne comme de ses doktors, de ses savants. Pour prouver que deux et deux font quatre, il leur faut recourir à toute une démonstration. (...)

Samedi 28 novembre 1914:

(...) Aujourd'hui, le soir tombant, les landsturmiens de Forrières, sont venus perquisitionner chez mon voisin, Arthur HENROTIN, accusé par une lettre anonyme, - c'est du moins ce qu'affirmaient les soldats, - de ravitailler et d'héberger les Français! De fait, il y avait deux pioupious en train de se faire couper les cheveux par un fils de la maison, mais ils échappèrent aux investigations des teutons. Ces teutons sont si malins!

(...)

Samedi 1er mai 1915:

Deux soldats français se présentent chez moi, dans l'après-midi. Ils veulent passer en Hollande et désirent, naturellement, éviter la rencontre des landsturmiens. L'un d'eux appartient à la réserve et fut occupé à Montmédy. L'autre appartient à l'active et prit part à la bataille de Maissin, où il fut blessé. Ils étaient 6.000 dans cet engagement, presque tous bretons et méridionaux. Le samedi (22/08/14), ils n'avaient affaire qu'à des avant-postes allemands, mais dans la nuit du dimanche, le gros de l'armée allemande arriva. Alors ce fut presque l'encerclement. Blessé, désorienté, le petit Français se traîna dans un bois, y resta caché deux jours entiers, tandis que l'ennemi passait en hordes compactes. Il m'assure que les Allemands grillèrent beaucoup de leurs morts, lors de la première rencontre et qu'ils disposaient les cadavres des Français le long des routes pour stimuler les troupes qui suivaient. Les Français n'auraient pas, d'après lui, soutenu l'offensive des fantassins par une artillerie suffisante.

(...)

Jeudi 9 mars 1916:

Un policier allemand est venu indaguer, ces jours-ci, au sujet des soldats français rapatriés par la Hollande. M. FONTAINE, pharmacien à Jemelle, excellent homme, est actuellement sous les verrous, à Namur, pour s'être occupé activement à les convoyer. L'Allemand aurait bien voulu saisir les complices. Il m'a tout l'air d'avoir fait buisson creux.

(...)

- Bonne lecture et un bon après-midi ensoleillé de Bruxelles!

Bien cordialement
Paul Pastiels
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los
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Re: 65e RI Août 1914 Maissin Anloy

Message par los »

Bonjour à toutes et tous

Merci Popol de nous faire partager le témoignage de Victor Enclin. Très interessant ! On y parle de soldats français cachés dans les bois, peut être la bande des bois de Saint Hubert... pages1418/forum-pages-histoire/saint-hu ... 6816_1.htm

Amicalement
Sophie :hello:
Recherches sur le 19eme RI, le 219e RI et le 50eme RA.
Mes deux sites: http://19emeri.canalblog.com/ et http://219eri.e-monsite.com/
Popol
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Re: 65e RI Août 1914 Maissin Anloy

Message par Popol »

Bonjour à Toutes & Tous
Bonjour Sophie, Marie-Thérèse, Christian et Tou(te)s les Ami(e)s de Maissin

- Je vous livre la retranscription de l'article de L. d’ARRAS d’HAUDRECY, intitulé « Un émouvant témoin de la Bataille de Maissin » et publié dans "Ardenne et Famenne" n°4 /1961. C'est une petite étude comme je les aime :

Durant les grandes vacances de 1960, comme je flânais dans le bois qui se trouve à droite de la route conduisant d’Our à Maissin, mon attention fut attirée par une inscription gravée sur l’écorce d’un hêtre, sis en plein bois, à une centaine de mètres de la route. Quelle ne fut pas ma surprise et mon émotion, quand je constatai que je me trouvais devant un témoignage authentique et contemporain du sanglant combat qui s’était livré dans ces parages, le 22 août 1914, entre les Français et les Allemands.

Bien que l’inscription soit absolument invisible et insoupçonnable de la route, je n’ai pas la naïveté de croire que je sois le premier à l’avoir remarquée. Mais personne jusqu’ici à ma connaissance, n’a pris la peine de la transcrire ni de la sauver de la hache d’un bûcheron ou du vandalisme d’un promeneur ignorant ou insouciant.

Voici la reproduction exacte de cette inscription, ligne par ligne :
1914
22 août
93e de
Ligne Français
Henri
Ollivier
X
5/93

Le hêtre sur lequel elle est gravée se trouve à l’endroit dit Spêchies ou Gêve sur la droite de la route qui va d’Our à Maissin, à environ 100m de celle-ci sur le territoire de Maissin. C’est un arbre dont la hauteur est actuellement d’une vingtaine de mètres, et la circonférence à la base est d’un mètre septante. Le bas de l’inscription est à 1m15 de la base, le haut à 1m58. La hauteur de l’inscription est donc de 43cm.

INTERPRETATION DE L’INSCRIPTION :

Tout y est clair, sauf la dernière ligne.

1) Que signifie 5/93 ?
C’est le numéro de la compagnie à laquelle appartenait Henri OLLIVIER. (…) Il appartenait donc à la 5e compagnie, c’est-à-dire à la 1ère du 2e bataillon (5/93e RI).

2) La croix de gauche est selon toute probabilité un signe de garde-forestier postérieur à l’inscription elle-même, et sans rapport avec elle, à moins qu’elle n’ait été gravée par un camarade d’OLLIVIER, qui l’ayant vu tomber à ses côtés ait voulu signifier qu’il avait péri dans la lutte.

L’AUTEUR DE L’INSCRIPTION :

1) Elle nous révèle son nom, son régiment et sa compagnie.

2) Le 93e de ligne appartenait à la 42e brigade, 21e division, 11e corps d’armée. L’Etat-Major de ce corps d’armée siégeait à Nantes, et ses régiments étaient casernés dans les départements de la Vendée, de la Loire Maritime et du Morbihan. Pour peu que le recrutement fût régional, Henri OLLIVIER était Vendéen ou Breton.

3) Du fait qu’il était incorporé au 93e de ligne, et non au 293e, dédoublement du 93e, nous pouvons conclure qu’il faisait son service militaire au moment de l’entrée en guerre ou qu’il était jeune réserviste. Nous pouvons donc admettre qu’il avait entre 20 et 25 ans, c’est-à-dire qu’il était né entre 1893 et 1888. Il serait donc maintenant un vieillard.

4) Généralement, quand on grave une inscription sur un arbre, on le fait à la hauteur des yeux. Dans ce cas, étant donné que la première ligne est à 1m58 du sol, les yeux du graveur étaient à cette distance de ses pieds, et en y ajoutant le front, on peut conclure que Henri OLLIVIER était de taille plutôt petite, 1m65, guère davantage.

5) Qu’est-il advenu de lui ? A-t-il trouvé la mort dans la bataille même ? Ou dans le reste de la guerre ? Ou après celle-ci ? Ou bien passe-t-il une honorable vieillesse dans sa Vendée ou sa Bretagne natale ? Malgré nos investigations, nous ne pouvons encore donner une réponse définitive à cette question.

Première hypothèse : mort dans la bataille.

C’est l’hypothèse la plus vraisemblable, si nous pouvons nous référer à l’ouvrage de Schmitz et Nieuwland intitulé : L’invasion allemande dans les provinces de Namur et de Luxembourg. Au tome VII de leur ouvrage pp. 184-199, ces auteurs reconstituent la bataille de Maissin à l’aide des historiques des différents régiments qui y ont pris part.

Le 93e de ligne, nous l’avons vu plus haut, appartenait à la 42e brigade, 21e division, 11e corps d’armée. La 21e division a reçu l’ordre de gagner Maissin par la route Paliseul-Opont-Our-Maissin. Elle tient la gauche du 11e CA. Les deux premiers bataillons du 93e sont en avant-garde : donc le bataillon d’OLLIVIER. Le contact avec l’ennemi s’opère le 22 août, un peu avant midi.

D’abord sur le flanc gauche (21e DI) à la sortie du bois d’Our (p. 185). A la 42e brigade c’étaient les deux premiers bataillons du 93e qui faisait fonction d’avant-garde. Il était 13h30 quand commença vers l’est, le feu ennemi. Deux compagnies s’avancèrent jusqu’à la sortie du bois vers Maissin ; puis tout le 2e bataillon du 93e fut engagé, aidé bientôt par le 1er.

Dans ces conditions, la compagnie d’OLLIVIER (1ère du 2e bataillon) fut la première en contact avec l’ennemi. Le 93e ne cessa de combattre qu’à la nuit tombante et laissa sur le terrain 15 officiers et 500 hommes, tués, blessés, ou disparus. Le lendemain, 23 août, il rétrogradait sur Bouillon par Graide et Merny.
Etant donné la part prise par le 93e RI dans la bataille et le fait que le bataillon d’OLLIVIER, placé en avant-garde, fut le premier à entrer en action, et que le régiment subit de très lourdes pertes, il y a présomption qu’OLLIVIER ait trouvé la mort dans la bataille.

Nous nous sommes adressés à l’Administration communale de Maissin pour savoir si son nom ne figurait pas sur la liste des soldats français inhumés dans le cimetière de la localité. On nous a répondu que son nom ne figurait pas sur la liste des soldats identifiés. Mais il pourrait être parmi les non-identifiés, ou avoir été fait prisonnier, ou avoir été blessé et évacué sur l’Allemagne après guérison suffisante, ou s’être égaré dans la forêt avec tant d’autres de ses camarades, ou avoir battu en retraite avec les débris de son bataillon, et, après reconstitution de son régiment, avoir continué la guerre.

Nous avons essayé d’en savoir davantage, et nous nous somme adressés au Ministère des Anciens Combattants et Victime de la Guerre, à Paris. Dans une réponse du 29 mars 1961, le préposé au 1er bureau (Etat-Civil militaire et Recherches), nous faisait savoir qu’il possédait deux fiches de décès au nom d’

1) OLIVIER, Henri, Louis, soldat au 293e RI, né le 1er novembre 1879, à la Guyonnière (Vendée), mort pour la France, le 8 mars 1916 à Meschede (Allemagne) ;
2) OLLIVIER, Henri, Eugène, Jean-Marie, sergent au 293e RI, né le 14 septembre 1893, à Saint-Nazaire, mort pour la France, le 26 septembre 1915, à Ville-sur-Tourbe (Marne).

Cette communication officielle ne résout pas le problème.

Le premier OLIVIER avait 35 ans lors de la bataille. Il n’appartenait pas à l’armée active, mais à la réserve, et donc normalement incorporé au 293e RI. Nous l’avons vu plus haut, notre OLLIVIER faisait partie du 93e et devait être relativement jeune. De plus il orthographie son nom avec deux «l», tandis que le nom de celui-ci est orthographié avec un seul «l».

3) L’âge et l’orthographe du second OLLIVIER, tué à Ville-sur-Tourbe, correspondent à nos conclusions antérieures. Il a 21 ans au moment de la bataille et faisait certainement partie du 93e RI. Mais si c’est lui, pourquoi et comment a-t-il passé au 293e RI ? Serait-ce au moment où il a été élevé au grade de sergent ? Grade qu’il n’avait certainement pas au moment de la bataille ? La réponse du Ministère des Anciens Combattants ne dirime donc pas la question. Notre Henri OLLIVIER est peut-être, mais pas certainement l’un des deux précédents.
4) Nous nous sommes adressés alors à M. Tapin, ancien maire de la Roche-sur-Yon (Vendée) et président de la fraternelle des Anciens Combattants du 93e RI. Bien que notre lettre date du 27 mai 1961, elle est jusqu’ici restée sans réponse, et le sort actuel de Henri OLLIVIER reste pour nous un mystère. Les chances de mort sont plus nombreuses que celles de survie ; mais cette dernière hypothèse garde encore des probabilités.
5) A quel moment l’inscription a-t-elle été gravée ? Après, pendant ou après la bataille ? L’inscription comporte 43 caractères (lettres et chiffres). En supposant une moyenne de trois minutes par caractère, elle a pris 129 minutes, soit deux heures entières. A quel moment OLLIVIER a-t-il trouvé les deux heures nécessaires pour graver une inscription qui ne porte aucune trace de précipitation, ni de fébrilité, ni de négligence, ni d’interruption ?

Ecartons l’hypothèse qu’il ait travaillé pendant la bataille. Elle suppose qu’il s’est dérobé à son devoir de soldat et que pendant que ses camarades s’exposaient à la mort, il s’amusait, l’âme sereine, à commémorer la bataille à laquelle il aurait dû prendre part.

Ce ne peut être non plus immédiatement après la bataille. Cette hypothèse supposerait qu’il n’a pas suivi son bataillon dans sa retraite vers Bouillon et qu’à la nuit tombante, il eût trouvé les deux heures voulues pour graver les 43 caractères de l’inscription.

Ou bien comme tant d’autres de ses camarades, il a perdu le contact avec le gros de son régiment, s’est égaré dans la forêt et y a vécu, ravitaillé par les habitants, jusqu’au jour où il put rentrer dans les lignes françaises. Contre cette éventualité, il y a la date du 22 août, clairement gravée sur le hêtre. Une seule hypothèse reste plausible. OLLIVIER a « travaillé » avant la bataille. Rappelons-nous que son bataillon était à l’avant-garde de l’aile gauche du 11e CA.

Il a pu arriver dans la forêt d’Our-Opont dans la matinée du 22 et attendre, à l’abri de la hêtraie, que le gros des troupes l’eût rejoint avant de marcher sur Maissin, avec l’aile droite qui avait suivi la route directe Paliseul-Maissin.

Quoi qu’il en soit, la précieuse inscription et l’arbre qui la porte méritent d’être protégés. Nous sommes heureux d’apprendre que les Autorités communales et provinciales s’en préoccupent (1).

(1) Au moment de livrer à l’impression l’article ci-dessus, on nous communique un numéro du journal français Ouest-France, publié à Rennes, 38, rue du Pré Botté, sous la direction de M. Paul Hutin-Desgrées. Ce numéro, qui porte la date du mercredi 27 décembre 1961, donne une excellente reproduction du hêtre gravé par Henri OLLIVIER, une courte notice sur sa découverte par M. Joseph d’Arras d’Haudrecy et un appel à Henri OLLIVIER à se faire connaître, s’il est encore de ce monde. Cet appel, que nous sachions, est resté jusqu’à présent sans réponse.

- Je vous en souhaite une bonne lecture attentive. Les nouvelles d'Henri OLLIVIER du 93e RI ou de sa famille sont toujours les bienvenues...! Marie-Thérèse pourrait peut-être nous dire si cet arbre existe encore à Maissin?
Merci d'avance!

- Un bon samedi (ensoleillé et bien chaud : le muguet fleure déjà bon dans le jardin...!) de Bruxelles!










Bien cordialement
Paul Pastiels
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