Prise du drapeau ???

[francois noury]

Bonsoir,

le sujet de la « prise du drapeau » est souvent abordé. Ce n’est pour moi pas clair du tout.

Dois-je comprendre que l’on s’est aussi battu pour conserver, prendre, ou récupérer un drapeau ?
Dois-je comprendre que l’on fut mort ou décoré pour avoir pris, repris, ou su garder un symbole?
Dois-je croire que la garde ou la prise du symbole prévalait au bon sens de la stratégie militaire et à la survie des individus ?

Si l’on peut m’éclairer, je vous en remercie,
cordialement,

François

[Alain Dubois-Choulik]

Bonjour
Curieux ça, François pose une question pendant que je mets à jour la page des drapeaux de mon p'tit site
Cette fois l'extrait est tiré de La Science et La Vie (N°18 de Janvier 1915). (J'espérais bien y trouver "la machine à Roger"....)
Voir donc ICI suivre "Divers" puis "Drapeaux perdus"
Il y est question d'

une somme de 5000F "destinée à récompenser le soldat français qui, lors de de la revanche, prendrait le premier drapeau allemand"

(somme léguée en 1893)
Amicalement
Alain

[Frederic Avenel]

Bonsoir François, bonsoir à tous,

Pour comprendre l'état d'esprit qui entourait le drapeau, voici le paragraphe qui lui est consacré dans le "livre du gradé d'infanterie", édition 1917:

Le Drapeau

"Le drapeau national est l'emblème de la patrie. Partout où il flotte, là est la patrie.
Le drapeau national, sachons-le bien, c'est, contenu dans un seul mot, rendu palpable dans un seul objet, tout ce qui fut, tout ce qui est la vie de chacun de nous: le foyer où l'on naquit, le coin de terre où l'on grandit, le premier sourire de l'enfant, le premier amour du jeune homme, la mère qui vous berce, le père qui éduque ses enfants, les premiers ans, la première larme, les espoirs, les rêves, les amours, les chimères, les souvenirs; c'est toutes ces joies à la fois, toutes enfermées dans un mot, dans un nom, le plus beau de tous, la PATRIE.

Le drapeau du régiment est non seulement l'emblème de la patrie, mais encore il est le monument qui rappelle et honore la mémoire de tous ceux qui ont servi dans ce même régiment et, en particulier, de ceux qui ont bravement versé leur sang pour la France. Il rappelle nos combats et nos gloires.
Le drapeau, c'est l'honneur du régiment, ses gloires et ses titres flamboyant en lettres d'or sur ses couleurs fanées qui portent des noms de victoires; c'est comme la conscience des braves gens qui marchent à la mort sous ses plis; c'est le devoir dans ce qu'il a de plus sévère et de plus fier, représenté par ce qu'il y a de plus grand: une idée flottant dans un étendard.
Quoi de plus naturel qu'on l'aime, ce drapeau parfois en haillons, et qu'on se fasse pour lui trouer la poitrine ou broyer le crâne. Il semble que tous les coeurs du régiment tiennent à sa hampe par des fils invisibles. Le perdre, c'est la honte éternelle. Autant vaudrait souffleter un à un ces milliers d'hommes que de leur arracher, d'un seul coup, leur drapeau.
On ne peut comprendre les terribles souffrances d'un homme qui sait que son drapeau est demeuré, comme une partie intégrante du pays, aux mains de l'ennemi. C'est une idée fixe, qui dès lors le torture et le déchire. Le drapeau est là-bas! ils l'ont pris, ils le gardent. Nuit et jour, il y songe, il en rêve, il en est malheureux.
Le drapeau ranime le patriotisme, car il est la nation présente au milieu des soldats; il leur rappelle l'ordre absolu de fournir le devoir imposé. A sa vue, on fait intérieurement le serment de le suivre partout, de le défendre et de mourir, s'il le faut, pour la gloire du pays et pour la conservation de son intégrité.
Dans le combat, le soldat doit toujours se rallier au drapeau et il doit le défendre partout et toujours, même au péril de sa vie.
Partout on salue le drapeau; les sentinelles, les postes et les troupes lui rendent les honneurs avec les armes, les tambours et les clairons battent et sonnent aux champs, les trompettes sonnent la marche.
Rien de matériel ne peut en donner une idée. Le drapeau, c'est l'idéal du sentiment qui exalte la noblesse et la valeur de la France; quand il flotte haut et fier, la France est grande; quand il baisse son pavillon, la France chancelle; quand il est volé, la France est en deuil."

Suivent des exemples de sacrifices pour le drapeau ... (dont l'épisode du combat de Sidi-Brahim en septembre 1845, cher aux chasseurs, au cours duquel le drapeau littéralement criblé de balles fut sauvé par le Caporal Lavayssière. Ce dernier fut couvert d'honneurs).

Tout est dit dans ces lignes...

Bien cordialement,

Frédéric Avenel

[francois mattart]

Bonjour,
Voici un extrait d'un guide édité par le Cercle de Recherches Archéologiques de Lobbes au sujet de la bataille d'août 14.
" Le colonel Dapoigny, à la tête de la compagnie hors rang du 57ème RI fait déployer le drapeau et marche à l'ennemi dont les tirailleurs sont à cinquante mètres à peine.
Aussitôt, le glorieux emblème est mitraillé par les tireurs allemands. La croix reçue en 1870 pour avoir enlevé le drapeau du régiment allemand numéro 16 ( qu'il a précisément devant lui en ce moment ) est arrachée par une balle. La fusillade croît en intensité. Des vides nombreux se creusent dans les rang de a CHR qui réussit à atteindre la ferme Philémon. Un retour offensif des Westphaleins ramène la CHR et les débris des autres unités à la haie en arrière du chemin.
Moment critique, le drapeau en grand danger passe de main en main. Le lieutenant Mollier réussit à le tendre par-dessus la haie au lieutenant Branlat ( 6ème cie ) et à le soustraire à l'ennemi."
Salutations
François Mattart
Quelqu'un sait il à quoi correspond une compagnie hors rang ( CHR ) ?

[olivier gaget]

bonjour François,

Quelqu'un sait il à quoi correspond une compagnie hors rang ( CHR ) ?

oui moi !
Dans la CHR (Compagnie Hors Rang) on trouve, entre autres, les musiciens, les ordonnances des officiers, les cuisiniers, les comptables, la section des sapeurs, les secrétaires du colonel, les cyclistes, le personnel de l’officier de détail, le personnel de l’officier chargé de liaison (téléphonie, radiotélégraphie), etc…

Je pense que la CHR était elle-même divisée en sections, d'où les Sections Hors Rang.

Amicalement,
Olivier

[lemonnier]

un article récent du magasine de la grande guerre 14-18 a été consacré sur le thème du drapeau dans la bataille.

[Alain Dubois-Choulik]

Bonjour,
N'oublions pas la formation des chères têtes blondes :
Extrait de "Tu seras Soldat" d'Emile Lavisse (sans date, mais l'arme la plus moderne est le fusil Gras 1874)

Cordialement
Alain

[francois noury]

Bonjour,

merci à tous pour les précises informations et citations qui me rendent perplexe.

Ci-dessous, un aspect de ce qu'en laisse penser un soldat du 73RI en 1905 pendant son service (l'histoire est inventée, elle est titrée "monologue patriotique").

Cordialement, François

Prendre un drapeau n’est pas chose facile, dit-
nous ce que tu fis quand tu t’en emparas.
Emu l’enfant pris son képi entre ses doigts
voilà comment il conta son histoire
C’était ma première bataille mon commandant, je
n’avais pas peur car si j’étais de petite taille
je ne l’étais pas de cœur.
Et je me disais ma bonne mère tremblerait de me voir là
Je vis passer cette banière je me dit il me faut
prendre çà les tambours battaient, et trompettes sonnaient
la charge aux escadrons. J’allais devant les bayonnettes
et sans soucis de leurs canons. Ce drapeau je voulais
le prendre. Mais c’était dur mon commandant
car ils étaient là pour les défendre ceux qui restaient
du régiment, allons dis-je vive la France si je reste
on le verra bien (combien en reste-t-il des nôtres)
Mon commandant je n’en sais rien, ce que je sais
Car je m’en souviens c’est que quand
Je revins près des nôtres. J’avais le drapeau dans mes bras
C’est ainsi qu’il parla d’une voix fière et mâle
Le chef embrassa son front pâle et détacha la croix
De sa tunique, et l’accrocha sur le cœur de l’enfant
Qui chancela soudain, et dit en palisant.
Merci mon commandant ; gardez cette relique moi je ne
la porterait par car un morceau de plomb que je
reçu là bas me glace le cœur…

Fait à Hesdin par un homme qui conte encore 329 et la fuite. Ça devient bon

[Alain Dubois-Choulik]

Bonjour,

"Et d'où vous vient collégue cette perplexité
Qui d'un coup assombrit notre belle assurance ?"
(Vous remarquerez que dans un souci de parité, je n'ai pas dit " mâle assurance")

Parce que finalement c'est assez clair : peut-être ( 'suis pas sur !) qu'aujourd'hui on aurait plus de difficultés à faire admettre le principe du drapeau, et il n'y a pas beaucoup (!) de films ou B.Willis sauve le drapeau plutot que l'héroïne, mais tout ce qu'on peut trouver comme document reflète bien les déterminations de l'époque et j'ai peur qu'aux trois questions - formulées en tout partialité -

Dois-je comprendre que l’on s’est aussi battu pour conserver, prendre, ou récupérer un drapeau ?
Dois-je comprendre que l’on fut mort ou décoré pour avoir pris, repris, ou su garder un symbole?
Dois-je croire que la garde ou la prise du symbole prévalait au bon sens de la stratégie militaire et à la survie des individus ?

la réponse soit "oui". On aurait peut-être du commencer par là ...
Cordialement
Alain

[p.gruet]

bonjour,

voici le récit d'une prise de drapeau faite par un régiment coloniale. Les infos viennent d'un site très bien, pour ceux que les troupes de marine intéressent. (//tdm.vo.qc.ca)

bien à vous

PRISE D'UN DRAPEAU
Le contact avait été pris au nord de Valmy le 13 septembre 1914 et, ce jour là, le lieutenant-colonel Jannot avait pris le commandement du 24e R.I.C.
Le 14, le 22e avait pu s'emparer de Virginy et de Massiges, mais n'avait guère progressé au-delà. Le 15, la 6e brigade attaqua avec ses deux régiments en ligne. Le 24e, à gauche, avait pour mission de s'emparer de la cote 199 (mont Tétu). L'attaque, déclenchée vers midi progressait d’abord normalement, mais une batterie allemande se révela à courte distance sur la gauche et prit en flanc les deux bataillons d'assaut leur causant, en quelques instants, des pertes énormes.
Les bataillons s’accrochèrent au terrain et enrayèrent la progression ennemie. Au cours de cette journée, le 24e perdit dix officiers dont les deux chefs de bataillons qui avaient attaqué et 450 hommes. Le 18, le régiment alla occuper la ferme de Beauséjour.
Le 26 septembre, à 4 heures du matin, une nouvelle bataille se déclenchait et des éléments de toute la 2e division coloniale attaquèrent les crêtes de la cote 180, à 1.800 mètres du village de Minaucourt, que les Allemands occupaient solidement. Après une lutte acharnée ils en furent délogés, laissant entre les mains des marsouins un drapeau du 59e régiment et plus de 300 prisonniers.
Quelques jours plus tard, le général commandant la IV e armée portait à la connaissance des troupes le décret conférant la Légion d'honneur au drapeau du 24e R.I.C. :
« Le général commandant l'armée est heureux de porter à la connaissance des troupes sous ses ordres l’enlèvement d'un drapeau du 69e régiment d'Infanterie allemande. Ce brillant fait d'armes a été accompli par le 24e régiment d'infanterie coloniale pendant la journée du 26 septembre, combats au cours desquels l'ennemi a subi des pertes considérables et abandonné entre nos mains de nombreux prisonniers. Cette prise fait le plus grand honneur au 24e régiment d'infanterie coloniale et est de nature a rehausser si possible la brillante réputation de ce régiment. »