En consultant le JMO du 7ème Régiment de Marche de Tirailleurs (en fait le JMO du 3ème Bataillon du 6ème Tirailleurs) j'ai trouvé ceci en date du 8 janvier 1918 :
j'ai surligné le passage où le rédacteur prend une position très franche à propos du "travail" de l'artillerie qui tire sur ses propres lignes :
"son feu démoralisant et meurtrier".
Avez vous déjà rencontré dans les JMO des prises de positions ou des commentaires de cette nature, des notifications de conflits internes voire des "états d'âme"... bref, des attitude pas très "militaires" ?
Merci.
PS : étant relativement nouveau sur le forum et n'ayant rien trouvé avec le moteur de recherche (mais sur quels mots clés ?) vous m'excuserez si le sujet a déjà été abordé.
1914-15 : 103e RI - 1916 : ? - 1917 : 7e RMT - 1918 : 10e RMTA
Bonjour,
On trouve assez couramment ce genre de notation dans les JMO: "plainte" des fantassins envers les artillleurs aux tirs qui leur tombent dessus, etc, et, exemples beaucoup plus "subjectifs" que j'ai vus mais dont je n'ai plus les références en tête, excusez moi: dans JMO des Services Santé, susceptibilité froissée de toubib qui se retrouve dépendre d'un médecin moins "gradé" que lui.
Mais, dans l'exemple que vous citez, il me semble s'agir d'un constat "objectif" plus que d'une prise de position, donc assez à sa place dans le style d'un "rapport militaire": le rédacteur "constate" que le tir trop court des artilleurs est "démoralisant et meurtrier" pour les camarades fantassins qui le subissent, je n'y vois pas tellement d'implication "personnelle" ni "déviante" de la ligne "militaire"...
Cela dit, merci pour l'extrait du JMO: on aime toujours parler des Tirailleurs !
Bien à vous,
Achache.
Achache
Émouvante forêt, qu'avons-nous fait de toi ?
Un funèbre charnier, hanté par des fantômes.
M. BOIGEY/LAMBERT, La Forêt d'Argonne, 1915
Pour aller encore plus loin qu'Achache, je dirais qu'a priori, il ne s'agit même pas d'un constat du rédacteur à proprement parler mais d'une quasi citation du rapport dont il parle (qui lui prend bien position !)
Bien cordialement,
Jean-Baptiste.
"D'autres heures naîtront, plus belles et meilleures / La victoire luira sur le dernier combat / Seigneur, faites que ceux qui connaîtront ces heures / Se souviennent de ceux qui ne reviendront pas"
Sylvain Royé, disparu à Douaumont le 24 mai 1916
Bonjour à tous,
Je pense que ces remarques ne doivent pas être rares.
Au 57RI à Verdun en 16 on peut lire:
17 mai: Tirs trop courts de notre artillerie d'où quelques pertes. 15 morts le 17 peut-être pas tous dus aux trop courts mais bon...
18 mai: Nombreuses fusées demandant inutilement l'allongement du tir de notre artillerie lourde. Destruction du barrage Vigouroux, nombreux blessés de ce fait.
Au Plateau des Casemates (Chemin des Dames) 5 et 6 mai 1917:Tir de barrage de notre artillerie tombant sur nos premières lignes obligeant les fractions qui l'occupaient à se replier de 50 à 60 mètres en leur occasionnant des pertes sensibles.
Cordialement,
Bernard
Non seulement ces faits n'étaient pas rares, mais ils concernaient aussi ceux d'en face.
Dans certain témoignages que j'ai lu des deux camps, ça pestait sec contre les artilleurs!
David
Toi qui est de Dijon, si tu reviens de la guerre, dis à ma femme de quelle façon je suis mort.
En réalité, ce n'est pas le fait que l'artillerie ait tiré (involontairement ou non) sur son propre camps qui m'étonnait, c'est un fait connu.
J'étais simplement surpris qu'un officier puisse prendre la "liberté" d'écrire dans le JMO, donc dans un document officiel, que le travail de ses collègues artilleurs était "démoralisant" et "meurtrier". Mais c'est tant mieux si c'était possible. Je dois être déformé par l'esprit trop politiquement correct de notre époque ou toute critique est mal vue...
1914-15 : 103e RI - 1916 : ? - 1917 : 7e RMT - 1918 : 10e RMTA
A ce jour, je n'ai trouvé que dans un seul JMO une critique ouverte du haut-commandement, mais elle est vraiment remarquable, surtout dans le contexte de la discipline militaire de l'époque.
Cette phrase écrite dans le JMO du 7ème Groupe du 78ème Régiment d'Artillerie Lourde à Grande Puissance a été écrite dans le contexte de la contre-batterie des "Wilhelm Geschütze" tirant sur Paris depuis le 23 mars 1918.Ce Groupe de canons de 305 mm est la première unité d'artillerie à longue portée à tirer sur les canons allemands dès le 24 mars 1918.Des mesures étaient, bien entendu, réclamées pour faire taire ces canons du fait de l'émotion créée à Paris par ce bombardement effectué à 120 km de distance par les canons allemands, les plus hautes pressions politiques, venant du chef du Gouvernement, Georges Clémenceau, s'exerçaient donc sur le commandement.
Le Général Marchal, commandant l'artillerie de la VIème Armée, s'était donc déplacé en personne pour "veiller" à la mise en oeuvre du Groupe Buat.Il faut croire que les choses n'allaient pas assez rondement au point de vue du Général ou qu'il ignorait les difficultés de tous ordres concernant la mise en oeuvre de très gros canons sur voie ferrée (pourtant en action moins de 30 heures après le début du tir allemand, ce qui est tout à fait remarquable dans le contexte de l'époque) car le Chef d'Escadron Buat écrit dans le JMO:
"La conduite du tir est fortement gênée par la présence du Général Marchal, commandant l'artillerie d'Armée, dont les réflexions désobligeantes et les prescriptions contraires, soit au réglement, soit au désir du commandant de groupe, contribuent à augmenter l'énervement du personnel".
Voilà donc un Chef d'Escadron "de caractère", son nom fait peut-être penser qu'il était apparenté au Général Buat, grand-maître de l'artillerie lourde et futur major-général de l'Armée française....ce qui pourrait mieux expliquer cette liberté de ton et le fait que les fonctions de commandant de l'artillerie de la VIème Armée française n'ont pas tardé à changer de titulaire!
Bonjour,
J'ai rencontré dans plusieurs JMO (il est vrai de territoriaux) des commentaires et avis personnels, très fugaces, parfois moins ; certains sous la simple forme de points de suspension, d'autres avec des récriminations plus explicites. Les rédacteurs n'étaient pas toujours aussi froids que l'on peut croire et le "document officiel" a pu servir de deversoir parfois tempéré par des commentaires des officiers supérieurs visant le document ; voilà ce que j'ai rencontré. L'humain est là ce qui ajoute un très grand intérêt à ces documents historiques.
Cordialement
Valérie
Bonsoir,
Dans le JMO de l'escadrille 2/33 de 1940 on trouve également des commentaires sur la situation du moment. Ce genres de commentaires sont aujourd'hui proscrits
Cor dialement