Bonjour à tous,
Celles et ceux qui connaissent le front de la VIIe Armée (de la Chapelotte à Pfetterhouse) ont peut-être déjà eu l’occasion de voir les vestiges plus ou moins marquants de murs anti-tanks allemands – ne serait-ce que celui d’Allarmont, évoqué par Paul Bouchard dans son En Alsace avec l’armée Gouraud.
Côté français, en 1917, le commandement de l’Armée n’avait pas exclu, malgré la topographie bien particulière du front qu’elle tenait, la défense des vallées contre des attaques allemandes précédées de chars d’assaut. Tout cela semblait très improbable, mais bien des pages y ont pourtant été consacrées…
Bien cordialement,
Eric Mansuy
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VIIe Armée
Etat-Major
3e Bureau
Sect. Postal 85
Au Q.G.A., le 26 mai 1917
Compte-rendu de reconnaissance
Situation des canons contre tanks dans le secteur de Saint-Dié
I. Historique
Un projet établi par la 129e D.I. prévoyait 9 canons à installer aux postes A, B, C, D, E, F, G, H, I du plan au 1/50.000e joint.
A – B : N. de CELLES
C : la Bergerie O. de Senones
D : E. de la CHAPELLE
E : N.O. de la FONTENELLE
F : N. de SAINT-JEAN d’ORMONT
G : E. de NEUVILLERS
H : COMBRIMONT
I : N.O. de GEMAINGOUTTE
Une note du 21 mars de la VIIe Armée ayant recommandé d’étudier la possibilité de se servir de ces pièces pour renforcer au besoin le barrage sur les premières lignes, le projet a été remanié et les emplacements modifiés en 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 :
1 : N.O. de LAJUS
2 – 3 : N. de la PRESLE (N.E. de MOYENMOUTIER)
4 : le PERTUIS (N.O. de la FONTENELLE)
5 – 6 : S. de SAINT-JEAN d’ORMONT
7 : E. de NEUVILLERS
8 : O. de RAVES
9 : lisière N. de GEMAINGOUTTE
II. Dispositif
D’une façon générale, il semble que l’idée de contribuer au barrage ait fait passer au second plan celle de tirer à vues directes sur les chars d’assaut.
D’autre part, les positions ont été éloignées des premières lignes – certaines ont été mises en arrière de la 2e position, avec vues très limitées.
C’est ainsi que :
- 1 pièce installée en 5 (S. de SAINT-JEAN d’ORMONT) pointée dans la direction d’HERMANPERE a comme distance minima de tir 2.700 mètres, elle n’a pas de vues directes (1 maréchal des logis et 4 hommes – 100 coups par pièce).
- la position 1 du monument de LAJUS bat une tranche très resserrée de la vallée de la Plaine, à plus de 4 km en arrière des premières lignes.
- la position 2 – 3 envisagée à la PRESLE à hauteur de la 2e position n’a également qu’un horizon très limité.
III. Conclusion
En résumé, 2 pièces pourraient facilement être enlevées sur les 9 prévues (pièces 3 et 5).
Sans nuire à la valeur de la défense, une troisième pièce peut être enlevée sans difficulté.
Le terrain se prête très peu à une attaque semblable, par suite de la raideur des pentes, de la nature boisée de la région et de la nature marécageuse des fonds de vallée.
De l’avis du Général commandant la 63e D.I., 5 pièces suffiraient même au lieu de 9.
Enfin, il y aurait lieu de modifier les emplacements choisis de façon à donner à chaque pièce une vue directe plus étendue. Le barrage ne peut être considéré que comme accessoire et très aléatoire avec des pièces d’une précision douteuse comme celles qui sont destinées à ce tir contre chars d’assaut.
En résumé, il faut tout remanier dans le secteur et on peut enlever 4 pièces.
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6e Corps d’Armée
Etat-Major
3e Bureau
N° 1227/3
Au Q.G., le 15 juillet 1917
Compte-rendu
Exécution des prescriptions du message chiffré N°7719/3 S.OP. du 11 juillet 1917 de M. le Général commandant la VIIe Armée
1°) 5 canons de 37 spéciaux contre tanks pourraient être utilisés dans le Secteur de SAINT-DIE.
2°) Emplacements :
Secteur A.
1°) A T.a 8 POTEROSSE : enfilant la route de SENONES et ayant des vues sur le chemin de fer de la rive gauche ;
2°) A la sortie N.E. de CELLES, ayant action sur l’ancienne et la nouvelle route d’ALLARMONT (défendrait CELLES contre l’irruption de tanks par la vallée).
Secteur B.
Au N.O. de GEMAINFAING, sur les pentes Est de 583, battant LAUNOIS et ses abords (trouée de LAUNOIS).
Secteur C.
1°) A côté de la Ferme TROU de LOUP, ayant des vues directes sur le coude de la route Scierie – Est de WISSEMBACH (battrait les lacets de route Ste-Marie).
2°) Près de route COMBRIMONT – LESSEUX, en un point situé 200 m. N. de la ferme CRAXO.
Zone d’action : route Ferme Brûlée, Ouest de Lesseux et route Hermanpère – Frapelle au S.E. de la Féculerie.
P.O. le Chef d’Etat-Major
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VIIe Armée
Artillerie
Etat-Major
Exécution des prescriptions de la Note N°3853/3 du 19 décembre 1917 du 6e C.A.
Plan de défense contre l’entrée en action des tanks ennemis dans la région du BAN de SAPT
Emploi de l’artillerie
L’artillerie dont il est possible d’envisager l’emploi dans la région du Ban de Sapt en cas d’attaque ennemie par tanks comprend :
1° - 3 pièces de D.C.T. : poste 44 St-Jean d’Ormont, poste 45 le Palon, poste 46 Moyenmoutier
2 canons de 37 spécialisés : postes 48 – 583
2° - l’artillerie de campagne et lourde en batterie dans le secteur intéressé.
§I. – Emploi de l’artillerie de campagne et lourde du secteur
En cas d’attaque ennemie avec l’aide de tanks, il importe surtout d’empêcher l’infanterie ennemie de suivre les tanks. Le premier rôle de l’artillerie en position dans le secteur intéressé, et de celle des secteurs voisins en mesure d’intervenir, est donc de concentrer tous les feux disponibles sur la zone attaquée pour l’exécution des tirs de contre-préparation et de barrage, le tir pouvant être ensuite ramené à l’intérieur de nos lignes en cas d’irruption de l’ennemi et lorsque la ligne atteinte par celui-ci est précisée.
Il n’existe aucune réserve d’artillerie dans le secteur et le nombre de batteries en ligne est trop faible pour que l’on puisse songer à en retirer quelques-unes en cas de menace d’attaque pour les porter à des emplacements éventuels en vue de coopérer à la défense de certains cloisonnements.
– Attaque de 530,7 vers MOYENMOUTIER
1° - une pièce de la position S.116.J (9550) se porterait au point X 439680 Y 175060 d’où elle voit à vue directe le plateau Le Paire, le Haut Pré, la lisière O. du bois Palon.
L’emplacement sera muni d’une plateforme, les munitions seraient mises à l’avance dans un abri construit spécialement.
Le déplacement est facile et peut se faire à bras en 30 minutes.
2° - une pièce de la position S.66.J (07.34) se porterait sur l’éperon dominant les baraques au point 08.39 d’où elle voit à vue directe le couloir de Moyenmoutier vers la cote 530,7 en particulier Osery Ferme, la Chapelle s/Palon, Haut Pré, au Pré de la Fosse la sortie de la voie romaine du bois de Grimaubois. Le trajet à faire est de 500 mètres, l’accès est facile. La pièce serait amenée par des attelages qui stationnent à 400 mètres de sa position normale.
– Attaque vers St JEAN d’ORMONT et DENIPAIRE
Une pièce de la position S.48.J (3123) serait amenée sur la route de Denipaire (X 443000 Y 172000) d’où elle peut battre directement la route de DENIPAIRE à St JEAN d’ORMONT, particulièrement à 1 kilomètre à l’Est de DENIPAIRE, et les pentes au Sud. La pièce serait amenée à bras en 15 ou 20 minutes.
Enfin on pourrait encore envisager quoiqu’elle soit très peu probable l’éventualité d’une irruption des tanks par le col de ROBACHE. Dans ce cas une pièce de la section S.220.J serait amenée de l’autre côté de la route des Cinq Maisons à une quarantaine de mètres de sa position actuelle et battrait directement le col et la route vers la Culotte.
§II. – EMPLOI DES PIECES SPECIALES DE D.C.T.
Les pièces spéciales de la D.C.T. ont pour mission de détruire les tanks le plus tôt possible, en particulier d’essayer de les atteindre avant la traversée de notre première ligne.
– Attaque par la vallée du RABODEAU
Tant que l’avance de l’ennemi n’oblige pas à les déplacer, il semble qu’il y ait avantage à faire tirer les batteries de leurs emplacements actuels au besoin avec des charges réduites pour le 75, de façon à éviter la diminution des feux résultant du déplacement.
On peut cependant envisager un petit déplacement de certaines pièces de 75 pour les porter en des points d’où elles puissent tirer à vue directe sur les tanks qui auraient réussi à pénétrer assez profondément dans notre position. Le déplacement s’exécuterait seulement lorsque les renseignements auraient fait connaître que les tanks ont dépassé notre première position. Les commandants d’artillerie des secteurs étudieront et proposeront les dispositions à prendre pour que les pièces soient alertées à temps.
On constituerait ainsi une deuxième ligne de défense contre tanks susceptible d’agir lorsque les pièces spéciales auraient été dépassées.
L’étude a été faite en envisageant les cas suivants :
a/ Les tanks ennemis pénètrent par la vallée du Rabodeau.
b/ Les tanks venant de Laître ont réussi à atteindre la cote 530,7 et cherchent à progresser sur le plateau vers Moyenmoutier.
c/ Les tanks venant de Launois, la Faîte, ont réussi à forcer la défense de Frabois et cherchent à progresser vers St Jean d’Ormont et Denipaire.
a. Attaque par la vallée du RABODEAU.
Il est impossible par un déplacement suffisamment petit pour être assez rapide de porter une pièce à une position d’où elle puisse battre à vue directe soit la vallée du Rabodeau, soit le vallon qui s’en détache pour aller vers la Forain. Mais les batteries du Secteur B ont de leurs positions actuelles une action facile dans la vallée du Rabodeau et pourraient grâce à leur liaison avec l’infanterie appuyer la défense des barrages successifs de la vallée.
Le poste 46 (1 pièce de 75) 1 km Est de MOYENMOUTIER bat à partir de la 1re ligne allemande parfaitement les deux routes de la vallée du RABODEAU et convenablement la voie ferrée. Aucune autre position plus rapprochée de notre première ligne ne permet de battre convenablement les routes, aucune en particulier ne permet de bien voir les débouchés à l’Ouest de SENONES. De plus ces positions seraient très exposées au feu des mitrailleuses allemandes de la Forain et très bien vues de la Mère Henry.
Dans ces conditions, bien que le poste 46 soit à environ 2000 mètres de notre première ligne, il ne semble pas qu’il soit avantageux de le déplacer.
b. Attaque par LAÎTRE et LA FONTENELLE.
Le poste 45 (1 pièce de 75) le Palon (200 m. E. de la cote 530,7) bat bien la route de LAÎTRE à LA FONTENELLE et la route de LAUNOIS vers la cote 530,7 et MOYENMOUTIER. Il pourrait avoir aussi une action sur des tanks ayant remonté le vallon de la Forain en débouchant du bois de Palon (route de SENONES à la cote 530,7). Il est à environ 2000 m. des premières lignes vers LAÎTRE, à 2500 m. de LAÎTRE. Mais il ne se trouve guère qu’à 1000 m. des premières lignes vers la croupe du Cerisier et pour le rapprocher de LAÎTRE on serait conduit à le mettre à moins de 500 m. de nos lignes, sur un plateau exposé et l’on perdrait de plus l’action éventuelle vers le vallon de la Forain.
Il ne semble donc pas avantageux de déplacer le poste 45.
c. Attaque par la trouée de LAUNOIS.
1° - la défense est assurée par le poste 48 (583) 2 pièces de 37 qui battent bien le ravin de LAUNOIS et la route jusqu’à 1 km au S.O.
Il n’y a pas lieu d’envisager leur déplacement.
2° - cette défense est complétée par l’action du poste de St Jean d’Ormont (1 pièce de 75). Ce poste n’a que des vues médiocres à 500 m. N.E. de St Jean d’Ormont.
Il paraît avantageux de le déplacer et de le porter en 57.12 (environ 500 m. O du Battant de Bourras) d’où il verrait la route de 57.12 à 60.12 ainsi que le chemin à 200 m. au Sud du village du Battant de Bourras, la scierie à 200 m. Nord de la Faîte. L’emplacement proposé serait à 500 mètres environ de notre première ligne.
En résumé il semble qu’il n’y ait à envisager et à demander à l’Armée que le déplacement du poste 44 pour le porter au point 57.12 à la lisière du bois.
Le 23 décembre 1917
Le Colonel commandant l’AD 170
(source : SHD 19N1317)
Défenses anti-tanks dans les Vosges
- Eric Mansuy
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Re: Défenses anti-tanks dans les Vosges
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.