Bonjour,
comment était organisée la transmission des ordres pendant la guerre, c'est à dire comment étaient acheminés les ordres depuis les décisions statégiques tout en haut jusqu'au soldat au front? Je pose la question car quand on lit des témoignages de soldats on constate que régulièrement des troupes se trompaient de destination, devaient aller rejoindre d'autres troupes et une fois sur place ne trouvaient personne, ou bien ils se perdaient, etc.... Quand le front s'étalait sur plusieurs kilomètres de long, il devait falloir une mécanique sacrément bien huilée pour que cela fonctionne, et à l'inverse, comment les infos remontaient-elles le plus rapidement possible pour faire évoluer les décisions en fonction des combats? Merci de m'éclairer, céline
transmission des ordres
- LABARBE Bernard
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Re: transmission des ordres
Bonjour Céline,
C'est simple, enfin à première vue.
Il faut distinguer la guerre de mouvement et je pense particulièrement à la retraite d'août 14, de la guerre de positions.
Pour les grands mouvements d'armées (14), à chaque corps d'armée était affecté un "couloir", avec pour limites des routes incluses ou exclues. Les corps voisins idem, d'où la précision pour inclure ou pas les routes afin d'éviter les embouteillages lesquels se produisirent parfois, inévitablement. Le général du corps d'armée envoyait aux généraux des divisions des ordres de marche, et idem avec routes incluses ou exclues. Le général de division envoyait au général de brigade les détails, lequel rédigeait l'ordre de mouvement pour les régiments avec détails, c'est à dire: avant garde constituée de, puis le gros, puis arrière garde, artillerie et tout le fourbi. Alors bien sûr des manqués, des accrocs, mais globalement la retraite de 14 fût une réussite due aux jarrets des soldats mais aussi à cette organisation certainement enseignée aux décideurs lors de leurs études, tout était prévu. Ou presque.
Pour la guerre de positions c'est plus compliqué, il s'agirait de savoir s'il s'agit de grande offensive avec préparation et mouvements de troupes, ou de coups ponctuels à l'initiative d'un général de brigade lèche-fion de l'âne qui commandait des lions (je pense à la Noël 1914 aux 57 et 144ème RI mais passons). Pour les grands mouvements d'après 14, il s'agissait de transférer des troupes du point A au point B, soit par camions, soit par trains ou les deux, les ordres étaient alors moins détaillés que lors de la retraite, mais cependant bien précis forcément.
Cordialement,
Bernard
C'est simple, enfin à première vue.
Il faut distinguer la guerre de mouvement et je pense particulièrement à la retraite d'août 14, de la guerre de positions.
Pour les grands mouvements d'armées (14), à chaque corps d'armée était affecté un "couloir", avec pour limites des routes incluses ou exclues. Les corps voisins idem, d'où la précision pour inclure ou pas les routes afin d'éviter les embouteillages lesquels se produisirent parfois, inévitablement. Le général du corps d'armée envoyait aux généraux des divisions des ordres de marche, et idem avec routes incluses ou exclues. Le général de division envoyait au général de brigade les détails, lequel rédigeait l'ordre de mouvement pour les régiments avec détails, c'est à dire: avant garde constituée de, puis le gros, puis arrière garde, artillerie et tout le fourbi. Alors bien sûr des manqués, des accrocs, mais globalement la retraite de 14 fût une réussite due aux jarrets des soldats mais aussi à cette organisation certainement enseignée aux décideurs lors de leurs études, tout était prévu. Ou presque.
Pour la guerre de positions c'est plus compliqué, il s'agirait de savoir s'il s'agit de grande offensive avec préparation et mouvements de troupes, ou de coups ponctuels à l'initiative d'un général de brigade lèche-fion de l'âne qui commandait des lions (je pense à la Noël 1914 aux 57 et 144ème RI mais passons). Pour les grands mouvements d'après 14, il s'agissait de transférer des troupes du point A au point B, soit par camions, soit par trains ou les deux, les ordres étaient alors moins détaillés que lors de la retraite, mais cependant bien précis forcément.
Cordialement,
Bernard
Re: transmission des ordres
Merci pour l'explication, Céline
Re: transmission des ordres
bonjour a tous et Merci Bernard,
Je me suis souvent posé la question en regardant le cheminement en zigzag des régiments en retraite a partir du 20 aout 14 ! ils doublaient presque les kilomètres, a pied avec le matériel, sans roulante et sans sommeil ! quel courage et résistance avaient ces hommes.
bien cordialement, Jean-Louis.
Je me suis souvent posé la question en regardant le cheminement en zigzag des régiments en retraite a partir du 20 aout 14 ! ils doublaient presque les kilomètres, a pied avec le matériel, sans roulante et sans sommeil ! quel courage et résistance avaient ces hommes.
bien cordialement, Jean-Louis.
Dites le a tous, " Il ne fait pas bon mourir".
- Stephan @gosto
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Re: transmission des ordres
Bonjour,
Concernant la transmission des ordres, du "haut" vers le "bas", le principe c'est d'échelon en échelon.
Le général de D.I. transmet l'ordre aux brigades, qui les amènagent à leur sauce afin qu'il soient applicables avant de les transmettre aux régiments. A ce stade, le chef de corps du régiment les réinterprètent avant de les destiner aux chefs de bataillon qui, eux-mêmes les adaptent afin qu'ils soient mis en applications par les chefs de compagnie qui, à ce moment, peuvent rédiger et transmettre les ordres destinés à leurs sections.
Ca, c'est le principe général. Suivant le cas, la situation et le temps, cela peut s'accompagner de réunions de travail à différents échelons de la chaîne susmentionnée.
Sur le terrain, des agents de liaison ou des guides, sensés connaître le terrain sont installés à des points indiqués dans les ordres afin d'accueillir et de guider les troupes vers leur lieu d'affectation. Des reconnaissances, si le temps imparti le permet, sont aussi parfois faites la veille par les officiers.
Voil dans les grandes lignes. On imagine bien que tout cela peut souvent connaître des accrocs - ce qui est souvent relatés dans les témoignages ou les rapports.
Bonne journée.
Stéphan
Concernant la transmission des ordres, du "haut" vers le "bas", le principe c'est d'échelon en échelon.
Le général de D.I. transmet l'ordre aux brigades, qui les amènagent à leur sauce afin qu'il soient applicables avant de les transmettre aux régiments. A ce stade, le chef de corps du régiment les réinterprètent avant de les destiner aux chefs de bataillon qui, eux-mêmes les adaptent afin qu'ils soient mis en applications par les chefs de compagnie qui, à ce moment, peuvent rédiger et transmettre les ordres destinés à leurs sections.
Ca, c'est le principe général. Suivant le cas, la situation et le temps, cela peut s'accompagner de réunions de travail à différents échelons de la chaîne susmentionnée.
Sur le terrain, des agents de liaison ou des guides, sensés connaître le terrain sont installés à des points indiqués dans les ordres afin d'accueillir et de guider les troupes vers leur lieu d'affectation. Des reconnaissances, si le temps imparti le permet, sont aussi parfois faites la veille par les officiers.
Voil dans les grandes lignes. On imagine bien que tout cela peut souvent connaître des accrocs - ce qui est souvent relatés dans les témoignages ou les rapports.
Bonne journée.
Stéphan
- louis cazaubon
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Re: transmission des ordres
Bonjour Stéphan, bonjour à tous,
Une question: comment les comptes-rendus effectifs d'actions effectives étaient-ils effectivement adressés aux autorités de l'échelon qui en avait donné l'ordre d'exécution?
Avons-nous accès à de tels documents, au SHD?
Il serait intéressant, en particulier, de connaître le degré de précision avec lequel les échelons de commandement (Division, Brigade, notamment) connaissaient la situation sur le terrain, avant de décider de lancer les nouvelles opérations décidées par le haut commandement.
Il me semble avoir lu dans "Le gâchis des généraux", de Pierre Miquel, que les champs de combat de Verdun, ne permettaient pas un véritable retour de l'information du terrain avant que le décompte des pertes ne rendent indispensable la relève des unités au contact.
Une seconde question me tient à coeur: c'est pourquoi je ne peux m'empêcher de la partager avec vous:
Les technologies modernes de communication et de traitement de l'information auraient sûrement permis, si elles avaient été disponibles à l'époque, un meilleur partage de la connaissance de la situation tactique et stratégique du (des) front(s), tout le long de la chaîne de commandement.
A votre avis d'historiens, auraient-elles vraiment permis de limiter les pertes humaines, toutes choses égales par ailleurs (forces en présences, armements disponibles, ...).
Je conviens que ma question est éminemment théorique, et donc qu'elle serait donc de nature à susciter quelques polémiques. Ce n'est bien évidemment pas mon propos.
Je suis, tout comme chacun d'entre vous, à la recherche d'une réponse à la question: "Pourquoi?"
Bien à vous,
Louis
Une question: comment les comptes-rendus effectifs d'actions effectives étaient-ils effectivement adressés aux autorités de l'échelon qui en avait donné l'ordre d'exécution?
Avons-nous accès à de tels documents, au SHD?
Il serait intéressant, en particulier, de connaître le degré de précision avec lequel les échelons de commandement (Division, Brigade, notamment) connaissaient la situation sur le terrain, avant de décider de lancer les nouvelles opérations décidées par le haut commandement.
Il me semble avoir lu dans "Le gâchis des généraux", de Pierre Miquel, que les champs de combat de Verdun, ne permettaient pas un véritable retour de l'information du terrain avant que le décompte des pertes ne rendent indispensable la relève des unités au contact.
Une seconde question me tient à coeur: c'est pourquoi je ne peux m'empêcher de la partager avec vous:
Les technologies modernes de communication et de traitement de l'information auraient sûrement permis, si elles avaient été disponibles à l'époque, un meilleur partage de la connaissance de la situation tactique et stratégique du (des) front(s), tout le long de la chaîne de commandement.
A votre avis d'historiens, auraient-elles vraiment permis de limiter les pertes humaines, toutes choses égales par ailleurs (forces en présences, armements disponibles, ...).
Je conviens que ma question est éminemment théorique, et donc qu'elle serait donc de nature à susciter quelques polémiques. Ce n'est bien évidemment pas mon propos.
Je suis, tout comme chacun d'entre vous, à la recherche d'une réponse à la question: "Pourquoi?"
Bien à vous,
Louis
"Et ils auront peur dans toute leur chair. Ils auront peur, c'est certain, c'est fatal; mais ayant peur, ils resteront." (Maurice Genevoix, Ceux de 14)
- Stephan @gosto
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Re: transmission des ordres
Bonjour Louis,
Je ne répondrai qu'à ta première question, et dans les grandes lignes car je n'ai pas trop de temps :
*** Comment les comptes-rendus effectifs d'actions effectives étaient-ils effectivement adressés aux autorités de l'échelon qui en avait donné l'ordre d'exécution ? ***
Tout pareil, mais dans le sens inverse : rapports et notes des chefs de sections > rapports du commandant de compagnie > chef de batailon, synthèse ou transmission direct au chef de corps > brigade puis D.I.
Ces rapports et ses notes, envoyés le plus souvent par agents de liaison n'arrivaient, on s'en doute, pas toujours à destination, ou alors parfois très tardivement.
*** Avons-nous accès à de tels documents, au SHD ? ***
Oui, dans les cartons d'archives des unités, on trouve certaines de ces correspondances. Ce sont des documents émouvants car ils conservent parfois, pour ceux des échelons inférieurs, des traces matériels des conditions dans lesquelles ils ont été rédigés : boue, traces de pluie... Ce sont aussi, pour quelques-uns, la dernière trace "vivante" d'un homme qui sera tué quelques instants plus tard...
Bonne journée.
Amicalement,
Stéphan
Je ne répondrai qu'à ta première question, et dans les grandes lignes car je n'ai pas trop de temps :
*** Comment les comptes-rendus effectifs d'actions effectives étaient-ils effectivement adressés aux autorités de l'échelon qui en avait donné l'ordre d'exécution ? ***
Tout pareil, mais dans le sens inverse : rapports et notes des chefs de sections > rapports du commandant de compagnie > chef de batailon, synthèse ou transmission direct au chef de corps > brigade puis D.I.
Ces rapports et ses notes, envoyés le plus souvent par agents de liaison n'arrivaient, on s'en doute, pas toujours à destination, ou alors parfois très tardivement.
*** Avons-nous accès à de tels documents, au SHD ? ***
Oui, dans les cartons d'archives des unités, on trouve certaines de ces correspondances. Ce sont des documents émouvants car ils conservent parfois, pour ceux des échelons inférieurs, des traces matériels des conditions dans lesquelles ils ont été rédigés : boue, traces de pluie... Ce sont aussi, pour quelques-uns, la dernière trace "vivante" d'un homme qui sera tué quelques instants plus tard...
Bonne journée.
Amicalement,
Stéphan
- louis cazaubon
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Re: transmission des ordres
Merci Stéphan, Merci Mr Mercadal.
"Et ils auront peur dans toute leur chair. Ils auront peur, c'est certain, c'est fatal; mais ayant peur, ils resteront." (Maurice Genevoix, Ceux de 14)
Re: transmission des ordres
Bonjour, oui merci à tous pour ces éclaicissements, les choses ne me paraissaient pas si évidentes à première vue, j'imaginais bien que cela devait transiter d'échelon à échelon mais vu l'impression de chaos que l'on à la lecture des récits de combats, je m'intrrogeais et avais envie d'en savoir un peu plus, merci, bonne journée, Céline
Re: transmission des ordres
Bonjour à tous,
Bonjour Louis,
Revers de la médaille, ces systèmes transforment en "shootguns" d'E-M ce qui reste des actions de combats. Ils lissent la perception de la "vérité verte" (l'écran de l'ordinateur) et estompent la réalité du terrain. Ils privent les chefs de l'initiative du commandement en niant leur analyse et leur instinct.
La belle époque où Von Moltke (l'ancien) incitait ses subordonnés à désobéir aux ordres si la poursuite de l'action assurait le succès, est, hélas, révolue.
Ajoutez à cela que la guerre est encore faite 'à la main' par des hommes, qui dorment, mangent, se fatiguent. Comme tous leurs anciens, ils connaissent la peur, le froid... et la joie du terrain.
Enfin, il serait injuste de prendre Verdun pour exemple. Il faut éviter de confondre pathos et réalité. Les anciens ne connaissaient pas que le pigeon voyageur.
Petite note d'espoir ? La victoire va vers celui qui maîtrise la 4ème dimension ... en la matière, rien ne change !!
Cordialement.
Louis dit l'Ancien...
Bonjour Louis,
A cette dernière partie de la question, la réponse est non. Les nouveaux systèmes de transmissions de données permettent seulement à l'Etat-major de ne plus connaître l'angoisse de l'attente des premiers compte-rendus. Désormais, il est assuré de recevoir à heure fixe les derniers scoops.Les technologies modernes de communication et de traitement de l'information auraient sûrement permis[...], un meilleur partage [...],tout le long de la chaîne de commandement.
Revers de la médaille, ces systèmes transforment en "shootguns" d'E-M ce qui reste des actions de combats. Ils lissent la perception de la "vérité verte" (l'écran de l'ordinateur) et estompent la réalité du terrain. Ils privent les chefs de l'initiative du commandement en niant leur analyse et leur instinct.
La belle époque où Von Moltke (l'ancien) incitait ses subordonnés à désobéir aux ordres si la poursuite de l'action assurait le succès, est, hélas, révolue.
Ajoutez à cela que la guerre est encore faite 'à la main' par des hommes, qui dorment, mangent, se fatiguent. Comme tous leurs anciens, ils connaissent la peur, le froid... et la joie du terrain.
Enfin, il serait injuste de prendre Verdun pour exemple. Il faut éviter de confondre pathos et réalité. Les anciens ne connaissaient pas que le pigeon voyageur.
Petite note d'espoir ? La victoire va vers celui qui maîtrise la 4ème dimension ... en la matière, rien ne change !!
Cordialement.
Louis dit l'Ancien...