Un autre interrogatoire de prisonnier

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Eric Mansuy
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Re: Un autre interrogatoire de prisonnier

Message par Eric Mansuy »

Bonjour à tous,
Puisque David ("Yamadori") semble être amateur d’interrogatoires de prisonniers et que j’en ai quelques-uns sous la main…
Celui-ci est d’autant plus intéressant qu’il nous décrit la clôture électrifiée du Sundgau, qui coûta certainement la vie à René Pigeard (voir http://vlecalvez.free.fr/Pigard_rene/Pigeard_rene.html ) à hauteur de la porte 8, sur la route de Saint-Louis à Hésingue.

Bien cordialement,
Eric Mansuy

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« Zone neutre entre l’Alsace et la Suisse

Extrait de l’interrogatoire d’un déserteur alsacien – 15.11.17


La zone neutre est une bande de terrain variant entre 1 et 5 kilomètres de profondeur.

Elle est libre du côté suisse, quelques douaniers seulement surveillent la frontière.

Du côté allemand, elle est bordée par une triple rangée de fils de fer barbelés. La 1re et la 2e atteignent une hauteur de 1 m. 50. La 3e – celle du côté de la zone – atteint environ 3 m. Les piquets des deux premières clôtures sont distants de 5 m. Ceux de la dernière sont plus rapprochés. Le fil de fer barbelé est tendu sur toute la hauteur à des intervalles de 15 / 20 cm. La distance entre chacune des trois clôtures est de 3 m. en général. Cependant, en certains endroits, l’écart augmente sensiblement suivant le terrain.

La … clôture est électrifiée. Courant de 2000 volts. La nuit on aperçoit des étincelles qui incendient parfois l’herbe sèche. »

(source SHD 19N1192)
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
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yamadori
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Re: Un autre interrogatoire de prisonnier

Message par yamadori »

bonjour Eric,


En fait, ce qui m'interresse ce sont surtout les questions posés aux prisonniers, que ce soit du côté français ou allemand. C'est pour les besoins de mon roman.
Ex: Position des batteries lourdes, moral des troupes, objectifs des unités du prisonnier...

Si vous avez des idées quant aux éventuelles questions qui reviennent souvent lors d'interrogatoire, je suis très interressé.
J'ai lu pas mal de livre sur verdun et lorsque l'on parle du retranchement R1 ou R2, on s'imagine vraiment la vetusté de la position de défense. La photo de R2 sur le lien le montre bien. C'est la première fois que j'en vois une.

David



Toi qui est de Dijon, si tu reviens de la guerre, dis à ma femme de quelle façon je suis mort.
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Eric Mansuy
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Re: Un autre interrogatoire de prisonnier

Message par Eric Mansuy »

Bonjour à tous,
Bonjour David,

J'ai sous la main des interrogatoires de prisonniers français, datant de mai à septembre 1918. De toute évidence, les questions posées sont généralement les mêmes. Je peux vous en copier la liste mais... en allemand ! ;)

Bien cordialement,
Eric Mansuy
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yamadori
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Re: Un autre interrogatoire de prisonnier

Message par yamadori »

Chouette! Je ne parle pas allemand! Mais si c'est pas écrit en gothique, je peux les faire traduire par logiciel. Même si c'est pas parfait, j'arriverai sans doute à en comprendre le sens.

Merci,

David
Toi qui est de Dijon, si tu reviens de la guerre, dis à ma femme de quelle façon je suis mort.
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Eric Mansuy
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Re: Un autre interrogatoire de prisonnier

Message par Eric Mansuy »

Bonjour à tous,
Bonjour David,

Et voilà !

Bien cordialement,
Eric Mansuy

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Interrogatoire allemand du 30 août 1918

Art der Gefangennahme
Kriegsgliederung
- Mobilmachungsort und Depot
- Führer
- Stabsquartiere
Regimentsgeschichte
Auflösung von Regimentern
Angriffsabsichten
Anschluss
Stellungsbesetzung
Komp. Verpflegungsstärke
Grabenstärke o.U.U.A.
Jahresklassen
Urlaub
Ersatz
Verluste in den Vogesen
Gesundheitszustand
Verpflegung
Bewaffnung
Gasschutz
Nachrichtenmittel
Leuchtzeichen
Lager
Feld und Förderbahnen
Wirkung deutscher Artillerie und Bau schussicherer Unterstände
Ausbau rückwärtiger Stellungen
Artillerie und Minenwerfer
Truppen hinter der Front
Stimmung
Persönliches

(source : Hauptstaatsarchiv Stuttgart M 119 Bü 1)

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12 août 1914

Questions à poser aux prisonniers télégraphistes s’ils reconnaissent avoir été employés à des postes de T.S.F.


- Est-ce au poste qu’on chiffre et qu’on déchiffre les télégrammes ?
- Qui est-ce qui fait cette opération ? Un officier (du poste ? d’état-major ?) ?
- De quoi se sert-on pour chiffrer ou déchiffrer ? D’un livre ? D’une machine ? D’un tableau avec des lettres ? Ou seulement de papier blanc ou quadrillé sans rien d’autre ?
- Savez-vous comment on chiffre ?
- Est-ce que les télégrammes qui commencent par « chi » et ceux qui commencent par « zif » sont chiffrés de la même manière ?
- Y a-t-il une seule clef à la fois pour tous les éléments de l’armée ou plusieurs ?
- S’il y en a plusieurs, comment les indique-t-on ?
- Change-t-on souvent la clef ?
- Chiffrez une phrase quelconque.
- Appelle-t-on toujours avec la même longueur d’onde ?
- Comment le poste indique-t-il la longueur d’onde sur laquelle il va travailler ?
- Comment prévient-on qu’on en change ?
- Quel était l’indicatif de votre poste ? (groupe de 2 lettres)
- Le poste a-t-il toujours le même indicatif, ou en a-t-il plusieurs dont on se sert indifféremment ? Ou en change-t-il tous les jours ?
- Fait-on un service d’écoute des transmissions étrangères ?
- A-t-on des postes pour brouiller les transmissions étrangères ?

Signaler, s’il y a lieu, au G.Q.G., tout individu paraissant au courant des questions ci-dessus.

1 au B.C.T. Belfort
1 au 7e C.
1 à la 8e D.C.
1 au Gr. de Div. de Réserve
1 à la 44e Div.
1 au Gr. de Bat. de Chass.

(source SHD 22N1861)
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yamadori
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Re: Un autre interrogatoire de prisonnier

Message par yamadori »

Bonjour Eric,

Je vais traduire ça. Pour les questions françaises, je ne peux pas les utiliser puisqu'elle concerne un telegraphiste.

En tout cas, merci de vous être décarcassé!
Cordialement,
David
Toi qui est de Dijon, si tu reviens de la guerre, dis à ma femme de quelle façon je suis mort.
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Eric Mansuy
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Re: Un autre interrogatoire de prisonnier

Message par Eric Mansuy »

Rebonjour David,
Vous devriez en apprendre un peu plus avec ce qui suit. Les réponses vous permettant d'imaginer les questions, vous constaterez également que les interrogatoires allemands et français devaient être relativement similaires.

Bien cordialement,
Eric Mansuy

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7e Corps d’Armée
Etat-Major
2e Bureau
n°12

Q.G. Belfort, le 5 août 1914

Le général Bonneau, commandant le 7e Corps

Objet : prisonniers de guerre

Note de Service

Jusqu’à nouvel ordre, les mesures suivantes seront prises en ce qui concerne les prisonniers de guerre :
Ceux de la 14e Division, des E.N.E. et de la 8e Div. de Cavalerie seront dirigés sur le gouvernement de la Place de Belfort qui en assure la garde.
Ceux de la 41e Division seront confiés aux brigades de gendarmerie du Territoire les plus voisines.
Le groupement des prisonniers vers l’arrière sera assuré ultérieurement par le Service des Etapes.

Il est rappelé qu’il y a intérêt à interroger les prisonniers de guerre aussitôt que possible après leur prise.
Le résumé des interrogatoires, établi en principe dans les corps, doit faire connaître le lieu et l’heure de la prise, le lieu et l’heure où ils ont été interrogés, le degré de confiance que semblent devoir mériter leurs allégations.
Ces rapports, accompagnés des documents saisis, doivent être transmis sans retard à l’E.M. du Corps d’armée, après avoir été complétés s’il y a lieu par les E.M. de Division.

Notifié, pour exécution, chacun en ce qui le concerne :
Aux Généraux commandant les 14e et 41e Div. d’Inf., Division de Cavalerie, l’Artillerie,
Au Lt-colonel commandant le Génie,
Au Directeur de l’Intendance,
Au Directeur du Service de Santé.

(source SHD 22N389)

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14e Division

Interrogatoire sommaire du soldat de Landwehr Robert BRODE (72e Régiment d’Infanterie de Réserve) arrêté par le petit poste du 60e sur la rive droite de l’Aisne, le 27 mai au soir


Né à Gorschlitz, arrondissement de Bitterfeld (Prusse), le 14 février 1885, exerçant la profession de cultivateur, Robert BRODE a été rappelé sous les drapeaux le 4 août 1914. Il appartient à la 2e compagnie du 72e Régiment d’Infanterie de Réserve. Sa compagnie fait partie du bataillon d’ersatz de ce régiment. Le 72e a été engagé plusieurs fois depuis le début de la campagne ; BRODE a reçu deux blessures à Nampcel le 20 septembre et s’est battu près de Soissons les 12 et 14 janvier. Un de ses frères, réserviste, est actuellement près d’Arras.

Sa compagnie est cantonnée à Chavigny. Il y a environ deux mois qu’elle n’a pas été dans les tranchées. BRODE semble bien avoir cherché à gagner nos lignes dans l’intention de se rendre. Il explique qu’il est descendu jusqu’à la rivière et qu’ensuite, il a suivi le bord de l’Aisne. Chemin faisant, il n’a pas rencontré de troupe, mais seulement des hommes isolés, qui « ne lui ont rien dit ».

La compagnie dont BRODE fait partie compte 250 hommes, dont environ 20 recrues, une majorité de réservistes et quelques hommes de landwehr. Le Capitaine appartient à la Landwehr, les deux Lieutenants à la réserve. Le Major de Bataillon se nomme HUBERT. BRODE ne sait s’il appartient à l’armée active ou à la réserve. Les autres bataillons du régiment sont cantonnés à Vaurezis et à Cuffies.

A Chavigny, en dehors des troupes d’infanterie, il y aurait un détachement du 7e d’artillerie.

Le 72e Régiment de Réserve a à sa droite le 36e de Réserve (4e C. de Réserve) et à sa gauche, le 52e (IIIe Corps). Il se trouverait donc sur la limite entre le Ive Corps et le IIIe.

Peu de malades, pas de blessés. Les hommes sont assez bien nourris (« ça peut aller », dit BRODE) ; mais ils ne reçoivent ni vin, ni eau-de-vie, et ne peuvent avoir que très peu de bière. Comme on lui demande ce qu’il pense de la guerre, BRODE répond que la guerre durera encore longtemps, probablement jusqu’à Noël.

Au Q.G. de la 14e Division, le 27 mai 1915.
L’interprète stagiaire VERNOT

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Interrogatoire complémentaire du Landwehrien Robert BRODE, du 72e Régiment d’Infanterie de Réserve (Etat-Major du 7e Corps d’Armée)

BRODE a servi deux ans en 1906 et 1907 à Halberstadt au 27e ; rappelé le 5 août, il a été incorporé au 72e de Réserve à Bitterfeld, d’où il est parti le 9 août ; il a débarqué à Düsseldorf, il a passé à Aix-la-Chapelle, Louvain, Tongres, Bruxelles, Mons… Son régiment a été engagé à Moulin-sous-Touvent et Nampcel où il a été blessé le 20 septembre ; dirigé sur l’hôpital de Dessau (Saxe-Anhalt), il est allé en convalescence le 16 novembre à Sprendlingen (près de Birgke) et le 5 décembre il a été envoyé de nouveau au front où il a retrouvé son régiment ; il a été engagé en janvier au combat de Soissons. Ils se sont avancés jusqu’à 2 kilomètres de Soissons le 12 et le 14 ; après cette affaire, ils ont été retirés vers Leury et Chavigny où ils occupent des abris voisins des villages. Depuis ce moment il n’a pas été en première ligne.

La compagnie compte 250 hommes dont l’effectif se décompose à peu près ainsi :
60 hommes présents depuis le début de la campagne
60 blessés revenus
40 hommes de la Landwehr, déjà âgés, venus en octobre
60 Ersatz-réservistes de 22 à 28 ans et
30 recrues

Après les combats de septembre, les pertes étaient considérables et dans tout le bataillon il ne restait guère que l’effectif d’une compagnie. Dans les combats de janvier, le 72e n’a pas perdu beaucoup de monde (40 à 50 hommes dans la compagnie) ; le 85e et le 4e Chasseurs en ont perdu beaucoup plus.

Le commandant de la compagnie s’appelle ZIEHEN, les pelotons sont commandés par deux lieutenants et un feldwebel ; le commandant du bataillon est le Capitaine HUBERT, celui du régiment, le Lieutenant-colonel von SYDOW. Il ne connaît pas le nom des autres chefs. Son régiment fait partie de la 14e Brigade ; il ne connaît pas le n° de l’autre régiment de la Brigade. Le 36e est à leur droite, le 52e à leur gauche. Interrogé au sujet du 4e Bataillon de Chasseurs, il dit qu’il est à Toncourt ; le 66e serait dans la direction de Nouvron.

Depuis les combats de Soissons, la compagnie a perdu très peu de monde, une demi-douzaine à la Verrerie frappée par le feu de l’artillerie ; on n’a pas reçu de renforts depuis février ou mars. Le régiment a 3 bataillons de 4 compagnies.

Il n’a pas entendu parler de Bataillon d’Ersatz à proximité du front mais 45 à 50 hommes auraient été retirés de chaque compagnie il y a une quinzaine de jours pour former des réserves.

BRODE a déserté parce qu’il avait été puni injustement ; plusieurs hommes avaient manqué à une théorie, lui seul avait été puni, on l’avait condamné à nettoyer les latrines. Il a quitté Chavigny à 11 heures du matin, a passé à travers bois et à travers champs, n’a rencontré personne que des soldats qui ont passé au moins à une centaine de mètres de lui, il a vu un village détruit dont il ne peut dire le nom.

Etat moral. On ne croit guère aux racontars des journaux ni aux propos des officiers en ce qui concerne le nombre des prisonniers faits par les Allemands ; les uns croient quand même à la victoire malgré l’entrée en campagne de l’Italie, on se fie à l’Autriche et à la Turquie… et à la Suisse. Les gens cultivés sont hors d’eux-mêmes, les officiers ne disent rien mais, personnellement et beaucoup d’hommes avec lui, croient que l’Allemagne perdra.

(source SHD 24N273)
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yamadori
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Re: Un autre interrogatoire de prisonnier

Message par yamadori »

Bonjour Eric,


Oui, ça c'est du lourd! Y a de quoi faire...

Merci pour tout!

David,
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Eric Mansuy
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Re: Un autre interrogatoire de prisonnier

Message par Eric Mansuy »

Bonjour à tous,
Bonjour David,

S'il vous en faut d'autres, n'hésitez pas (mais ce sera dans les Vosges ou en Alsace, cette fois !).

Bien cordialement,
Eric Mansuy
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patrick mestdag
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Re: Un autre interrogatoire de prisonnier

Message par patrick mestdag »

Bonjour ,

Merci Eric
J'adore cette lecture donc si ...Plus
J'ose pas trop demander .

@+
Patrick
Verdun ….papperlapapp! Louis Fernand Celine
Ein Schlachten war’s, nicht eine Schlacht zu nennen“ Ernst Junger.
Oublier c'est trahir Marechal Foch
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