Réinsertion combattants après-guerre

saintchamond
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Re: Réinsertion combattants après-guerre

Message par saintchamond »

Bonjour à tous,

A-t-on une idée plus précise sur la réinsertion des combattants dans la société française d'après-guerre ? Fut-elle facile ou non ? Outre les travaux de Bruno Cabanes ("La Victoire Endeuillée") et ceux d'Antoine Prost, d'autres chercheurs se sont-ils penchés sur cette problématique ? Y a-t-il des textes à lire sur Internet sur ce sujet à lire en ligne ? Merci de toutes vos suggestions, renvois sur précédents fils et lumières.

Bonne journée à tous,

Jérôme
Le 36e RI dans la Grande Guerre : http://36ri.blogspot.fr/ - La revue de presse sur le compte Twitter @36regiment
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LABARBE Bernard
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Re: Réinsertion combattants après-guerre

Message par LABARBE Bernard »

Bonjour à tous,
Très intéressant sujet mais je crains qu'il faille considérer la chose au cas par cas selon les individus. Mais osons le "globalement", la classe paysanne a du peut-être avoir moins de dégâts d'ordre psychologique que les autres. Je ne pense pas à la rudesse de leur vie avant guerre pour expliquer cela car si elle les avait préparé à l'effort et rendu endurants, elle ne les avait pas habitué aux horreurs qu'ils ont vu, à la mort et à la souffrance de leurs camarades. Mais il y avait la tribu au retour, la famille autour de la table, le village où tout le monde se connait, comme avant (ou presque). Dans les villes certains ont pu se retrouver bien seuls, des célibataires, ou même des hommes mariés mais sans entourage très nombreux, et pour tout dire un peu paumés quoi.
En ce qui concerne la réinsertion "sociale", professionnelle, il y a eu du changement... J'ai lu quelque part (désolé pas de ref mais je me souviens d'un ouvrage sérieux) que dans les années d'immédiate après guerre, 700 000 paysans sont "montés à la vile". Ce fut le cas d'ailleurs pour mes deux grands pères. Au bout de quelques mois voire une année de vie patriarcale, de caisse commune (petite...) gérée par le père, d'autorisation à demander pour acheter quoi que ce soit, le ras-le-bol et le désir d'aller voir ailleurs a gagné beaucoup d'anciens jeunes combattants. Cette guerre malgré les souffrances de toutes sortes leur avait fait découvrir d'autres horizons pas forcément bleus, connaitre des camarades d'autres régions, de la ville aussi, et puis ils se sentaient pris je pense par un formidable désir de liberté et d'indépendance. Je parle de mes grands pères landais mais je pense que l'on peut appliquer la chose à bien d'autres régions paysannes. Ils sont donc "montés" à Bordeaux, mais c'est une autre histoire, et si l'indépendance fut au rendez-vous, ce ne fut pas l'Eldorado... C'est ainsi que dans le grand Sud-Ouest, le département du Gers en particulier, on vit arriver des milliers d'immigrés italiens, attirés par ces régions sinistrées et aux terres à l'abandon. Il ont apporté un nouveau type de charrue, développé le maïs passons... Françis Cabrel, et bien son grand-père fut de ceux là, les ritals, qui en même temps qu'ils trouvaient du travail, sauvaient sans le savoir une région agricole. Mais je m'égare, une de mes spécialités.
Cordialement,
Bernard
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flafla91
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Re: Réinsertion combattants après-guerre

Message par flafla91 »

Bonjour à tous,
Très intéressant sujet mais je crains qu'il faille considérer la chose au cas par cas selon les individus. Mais osons le "globalement", la classe paysanne a du peut-être avoir moins de dégâts d'ordre psychologique que les autres. Je ne pense pas à la rudesse de leur vie avant guerre pour expliquer cela car si elle les avait préparé à l'effort et rendu endurants, elle ne les avait pas habitué aux horreurs qu'ils ont vu, à la mort et à la souffrance de leurs camarades. Mais il y avait la tribu au retour, la famille autour de la table, le village où tout le monde se connait, comme avant (ou presque). Dans les villes certains ont pu se retrouver bien seuls, des célibataires, ou même des hommes mariés mais sans entourage très nombreux, et pour tout dire un peu paumés quoi.
En ce qui concerne la réinsertion "sociale", professionnelle, il y a eu du changement... J'ai lu quelque part (désolé pas de ref mais je me souviens d'un ouvrage sérieux) que dans les années d'immédiate après guerre, 700 000 paysans sont "montés à la vile". Ce fut le cas d'ailleurs pour mes deux grands pères. Au bout de quelques mois voire une année de vie patriarcale, de caisse commune (petite...) gérée par le père, d'autorisation à demander pour acheter quoi que ce soit, le ras-le-bol et le désir d'aller voir ailleurs a gagné beaucoup d'anciens jeunes combattants. Cette guerre malgré les souffrances de toutes sortes leur avait fait découvrir d'autres horizons pas forcément bleus, connaitre des camarades d'autres régions, de la ville aussi, et puis ils se sentaient pris je pense par un formidable désir de liberté et d'indépendance. Je parle de mes grands pères landais mais je pense que l'on peut appliquer la chose à bien d'autres régions paysannes. Ils sont donc "montés" à Bordeaux, mais c'est une autre histoire, et si l'indépendance fut au rendez-vous, ce ne fut pas l'Eldorado... C'est ainsi que dans le grand Sud-Ouest, le département du Gers en particulier, on vit arriver des milliers d'immigrés italiens, attirés par ces régions sinistrées et aux terres à l'abandon. Il ont apporté un nouveau type de charrue, développé le maïs passons... Françis Cabrel, et bien son grand-père fut de ceux là, les ritals, qui en même temps qu'ils trouvaient du travail, sauvaient sans le savoir une région agricole. Mais je m'égare, une de mes spécialités.
Cordialement,
Bernard
Bonjour,
pour ma part mon 'beau' grand-père s'est suicidé quelques années après la guerre (région IDF),
on ne sait pas tout dans le détail (sujet assez tabou à l'époque) mais las des souffrances physiques et morales
il a mis fin à ces jours ....
Donc oui , j'imagine que c'est une affaire assez personnel ..
Fabien
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stcypre
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Re: Réinsertion combattants après-guerre

Message par stcypre »

Bonjour,

Mon grand-père à son retour en France (après une captivité dure et épuisante) est rentré malade... Il est resté allongé durant presque toute l'année 1919... Puis un beau jour convoqué par un médecin (semble-t-il militaire) il est embauché à l'usine à gaz de Toulouse (future GDF) où il sera ... paveur.
Après la deuxième guerre il est mis en longue maladie et décédera en 1951...
Ah!! il faut dire qu'il avait été blessé ... par gaz (sic) en 1915 en Champagne et qu'il présentait une forme de tuberculose.... même si elle ne fut pas la cause "annoncée" de son décès.
Après cela on comprendra que mon GP fut contre les asso. d'anciens combattants, et qu'il n'a jamais voulu être fiché à l'Onac, ni d'avoir aucun hochet, comme il disait...
Cordialement.
la vérité appartient à ceux qui la recherchent et non à ceux qui croient la détenir.
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armand
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Re: Réinsertion combattants après-guerre

Message par armand »

Bonjour

Mon GP a trouvé du boulot et une bonne situation grace au "réseau" des anciens du 132 donc promotion sociale. En 1931, la faillite de la Banque Chapuis à Reims ébranle la situation économique familiale. Sa demande de pension à titre de blessures est rejetée le 14 novembre 1933.

Il était Membre actif de l'UNC. Il a affirmé son hostililté à à la manifestation du 6 février 1934 dont parmi les organisateurs de la manifestation figurait des associations d'anciens combattants.

Cdt
Armand

Sur les traces du 132ème RI " Un contre Huit " et du 294ème RI (le "29-4")
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Laurent59
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Re: Réinsertion combattants après-guerre

Message par Laurent59 »

Bonjour, l'"après" guerre a du être traumatisant pour certains. Il faut se réinsérer dans une société avec laquelle ils étaient parfois coupé de toutes informations. Le traumatisme de la souffrance et de la misère, essayez d'en parler ? mais là personne ne vous écoute, l'esprit de camaraderie qu'on ne retrouve plus au delà de la dure vie en tranchée.
Mon arrière grand père amputé d'un bras gauche en 1916 a connu un parcours difficile, un mélange de nostalgie des anciens camarades et de souffrance intérieur toujours dissimulée derrière une rudesse de propos. Comme une carapace insensible à tout. Un homme pourtant gentil avec toute la générosité d'un gars de ch'nord !. La guerre l'a transformé...un des rares plaisirs de sa vie était le dimanche à table, la petite ivresse du pernod ou du vin moyen le rendait euforique, les histoires de guerre revenaient de temps à autre, histoires très vite coupées par un "pépé tu nous saoules avec ta guerre".
Il rentre chez lui en janvier 1917, amputé d'un bras, il touche une maigre pension et "ceux de l'arrière" lui trouve un emploi de ... facteur ! avec un bras sur un vélo et une grosse sacoche dans le dos, il y en a eu des gamelles...
Non ça n'a pas du être facile tous les jours; il décède sans faire de bruit un soir dans son lit dans sa 83e années.

Laurent

PS: la fin du film "Capitaine Conan" décrit parfaitement un certain traumatisme de cet "après guerre".
Histoire du soldat François Louchart 72ème RI .
Pages du 72e et 272e RI [https://www.facebook.com/laurentsoyer59[/url].
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patrick corbon
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Re: Réinsertion combattants après-guerre

Message par patrick corbon »

Bonjour Jérôme, bonjour à tous,

Oups, merci Jérôme de me le rappeler sans le faire exprès j'ai un peu oublié de citer mes références dans un autre post qui traitait de la démobilisation et en particulier de celle des Prisonniers. C'est ce livre de Bruno Cabanes "La victoire endeuillée" cité par Jérôme qui reprend la fameuse thèse dont j'ai alors parlé. Il éclaire sur les états d’âmes du moment où la joie de l'armistice fut de courte durée pour être remplacé par une forte anxiété face à l’avenir et au monde de l’arrière qu’ils ne connaissaient plus. On y lit une énorme soif de reconnaissance du soldat qu’elle soit morale ou matérielle. Enfin l’auteur détaille l’occupation de la Rhénanie, toute la démobilisation, le rapatriements des prisonniers amis et ennemis qui fut un exercice difficile compte tenu de la conjoncture.
C'est un incontournable qui contient beaucoup de références aux sources utilisées. L'ouvrage est construit autour de témoignages et du ressenti des soldats. L'auteur a eu accès aux archives du contrôle postal qui suivait statistiquement leur moral. C'est donc un peu une relation entre les évènements, les mesures politiques prises par les échelons supérieurs et la réaction des hommes face à celles-ci et à l’inconnu.

Cette véritable déstabilisation affective due à la crainte de l'avenir et à la perte des repères habituels conduisent à ce que l’auteur appelle un véritable syndrome de fin de guerre. Syndrome qui s’est amplifié à leur retour car bien souvent la reconnaissance qu’ils attendaient n’a pas été forcément celle qu’ils espéraient.

Bien souvent les ouvriers n’ont pas du retrouver leur poste de travail ni d’ailleurs leur nid douillet. Beaucoup d’entreprises ont disparues et bien souvent leur place devait être prise par les affectés spéciaux (les planqués comme disait mon grand-père). A la maison, dans le village son retour n’a été forcément toujours bien ressenti. Cela devait du style pourquoi lui il est vivant alors que ….
Sans parler des couples défaits, il y en eu. Notre poilu a du découvrir avec stupeur ce monde où on avait appris à se passer de lui. L’homme mûr qui revenait reprenait finalement la place de l’adolescent qui était parti et devait être considéré comme tel. Pour lui, qui n’a pas suivi l’évolution de la société, il a du découvrir avec stupeur l’émancipation des femmes. Il devait y avoir de quoi d'être déboussolé.

L’état providence n’était pas aussi développé que maintenant. Il suffit pour s’en convaincre de voir que l’assistance aux prisonniers de guerre était laissée aux bons soins d’associations privées.
Tout naturellement je pense que le poilu s’est tourné vers les associations d’anciens combattants pour retrouver une solidarité perdue.
Pour les invalides néanmoins des postes se sont créés. Ce sont les fameux emplois réservés. Gardes champêtres, facteurs, employés de mairie, etc.
Pour les prisonniers, rejetés de tous par suspicion, ce sont ces mêmes associations qui ont pourvu à leurs colis qui ont œuvré à leur réinsertion. Elles sont souvent départementales (L’Oeuvre Marnaise par exemple) mais c’est surtout la croix rouge qui a fait un effort sans précédent. François Cochet dans son article sur les prisonniers de guerre Marnais paru dans le bulletin n°16 (1989) de l’Association Nationale du Souvenir de Verdun parle de devoir de l’aumône laissé à l’appréciation de l’individu.

Cordialement
Patrick
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lorrain54
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Re: Réinsertion combattants après-guerre

Message par lorrain54 »

Bonsoir a tous, voici une anecdote un peu a coté du sujet, il y a trente ans environ dans un petit village des Vosges profondes, en conversant avec une femme âgée,tres vieille fille après avoir parlé de la grande guerre je lui demande si elle n'avait pas trouvée d"homme a son gout , elle me répond des larmes dans les yeux mon pauvre monsieur après 18 il n"y avait plus d'homme,!! voila une situation difficile et pourtant vrai, bonne fin de journée, Jean-Louis.
Dites le a tous, " Il ne fait pas bon mourir".
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henri astoul
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Re: Réinsertion combattants après-guerre

Message par henri astoul »

Bonjour à tous,
Très intéressant sujet mais je crains qu'il faille considérer la chose au cas par cas selon les individus. Mais osons le "globalement", la classe paysanne a du peut-être avoir moins de dégâts d'ordre psychologique que les autres. Je ne pense pas à la rudesse de leur vie avant guerre pour expliquer cela car si elle les avait préparé à l'effort et rendu endurants, elle ne les avait pas habitué aux horreurs qu'ils ont vu, à la mort et à la souffrance de leurs camarades. Mais il y avait la tribu au retour, la famille autour de la table, le village où tout le monde se connait, comme avant (ou presque). Dans les villes certains ont pu se retrouver bien seuls, des célibataires, ou même des hommes mariés mais sans entourage très nombreux, et pour tout dire un peu paumés quoi.
En ce qui concerne la réinsertion "sociale", professionnelle, il y a eu du changement... J'ai lu quelque part (désolé pas de ref mais je me souviens d'un ouvrage sérieux) que dans les années d'immédiate après guerre, 700 000 paysans sont "montés à la vile". Ce fut le cas d'ailleurs pour mes deux grands pères. Au bout de quelques mois voire une année de vie patriarcale, de caisse commune (petite...) gérée par le père, d'autorisation à demander pour acheter quoi que ce soit, le ras-le-bol et le désir d'aller voir ailleurs a gagné beaucoup d'anciens jeunes combattants. Cette guerre malgré les souffrances de toutes sortes leur avait fait découvrir d'autres horizons pas forcément bleus, connaitre des camarades d'autres régions, de la ville aussi, et puis ils se sentaient pris je pense par un formidable désir de liberté et d'indépendance. Je parle de mes grands pères landais mais je pense que l'on peut appliquer la chose à bien d'autres régions paysannes. Ils sont donc "montés" à Bordeaux, mais c'est une autre histoire, et si l'indépendance fut au rendez-vous, ce ne fut pas l'Eldorado... C'est ainsi que dans le grand Sud-Ouest, le département du Gers en particulier, on vit arriver des milliers d'immigrés italiens, attirés par ces régions sinistrées et aux terres à l'abandon. Il ont apporté un nouveau type de charrue, développé le maïs passons... Françis Cabrel, et bien son grand-père fut de ceux là, les ritals, qui en même temps qu'ils trouvaient du travail, sauvaient sans le savoir une région agricole. Mais je m'égare, une de mes spécialités.
Cordialement,
Bernard
Bonsoir.
Il n'y a pas eu que des Italiens ou autres immigrés pour prendre en main des terres abandonnées.
La raison était démographique. La terre avait toujours d'autant besoin de bras et les "géniteurs" avaient été décimés.
J'ai beaucoup d'ancêtres Vendéens qui sont partis en Dordogne, en Aveyron ou ailleurs. Jean Yole a beaucoup écrit là dessus.
Henri
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LABARBE Bernard
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Re: Réinsertion combattants après-guerre

Message par LABARBE Bernard »

Bonjour à tous,
Patrick, merci pour cet excellent résumé de La victoire endeuillée.
Henri, j'ai cité les italiens et particulièrement le Gers car ils sont venus en masse. Je ne doute pas que des Vendéens soient partis en Dordogne ou ailleurs mais il s'agit là d'une autre migration une "interne" en quelque sorte. Cela dit, les géniteurs avaient été décimés certes mais n'exagérons rien et si cela entre dans le sujet démographique, la fuite des campagnes pour la ville de la part des survivants est un fait avéré et primordial.
Pour les autres messages, je lis ce que je pensais, il s'agit bien du cas par cas...
Merci à tous et cordialement,
Bernard
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