Prise de Bezonvaux par le 102e BCP
Re: Prise de Bezonvaux par le 102e BCP
Bonjour, en ce jour anniversaire de la fin de la Grande Guerre je vous transmets un récit du lieutenant Jean Petit, mon père.
Cordialement Stéphane Petit.
"À nous les coups de main dans l'ombre -15 et 16 décembre 1916 -
Le crépuscule descend sur les bois ravagés, déchiquetés par les obus. Nos chasseurs qui ont enlevé les premières positions au cours de la journée travaillent activement à l'organisation du terrain.
Déjà des tranchées s'ébauchent la terre est remuée en pelletées rapides, les troncs d'arbres abattus sont installés en guise de parapets.
La nuit est venue, la neige tombe et un vent brutal glace les visages de tous ces vaillants. Chacun veille à son poste et scrute le terrain devant soi dans l'ombre.
Le 116e Bataillon est devant nous à 600 mètres environ, en sentinelle avancée.
Mais quel est donc soudain ce remue-ménage dans l'obscurité ? Des ombres vont et viennent, s'interpellent à mi-voix, les branches casées à craquent sous les pas.
Un agent de liaison surgit, il est porteur d'un ordre : le bataillon devra se porter à l'attaque du village de Bezonvaux, au cours de la nuit et s'en emparer coûte que coûte, quels que soient les effectifs et les munitions.
On se secoue, on grelotte, est-ce possible ? Le bataillon est déjà très réduit, mais l'ordre est impératif, puis la confiance règne dans tous les cœurs, une attaque de plus ou de moins cela n'a pas d'importance. On songe à l’honneur d'avoir été choisi, chacun ajuste son barda et remet sac au dos.
Bientôt, les compagnies se rassemblent silencieusement et le chef de bataillon transmet ses ordres rapidement dans la nuit : Bezonvaux est à l km 5OO environ de nous. Nous marchons à peu près N.N.O. Formation des compagnies en colonne double, les sections en lignes d'escouades par un, pas de liaison à droite, pas de liaison à gauche, c'est un coup de main rapide. On agira par surprise.
Et l'on part. La nuit est tranquille l'artillerie boche tape loin derrière nous, la nôtre a rallongé considérablement son tir. Aucune marmite ne vient donc troubler notre mouvement, seuls les hurlements des obus qui passent très haut au dessus de nos têtes viennent égayer notre promenade nocturne.
Nous dépassons l’ouvrage de Bezonvaux où se trouve le 116e Chasseur et sans voir un seul boche sur notre route, nous descendons dans le ravin dit "Fond du loup".
Le bataillon qui vient de se déployer en tirailleurs sur deux vagues paraît microscopique, mais que de cœurs vaillants battent dans les poitrines, et font la vraie valeur de la troupe.
Dans le fond du ravin, nous pataugeons dans la boue gluante des trous de marmites. Ce sont des kilos de terre glaise que nous emportons à chaque pas et qui rendent notre marche fort pénible. Nous avançons toujours dans la nuit sans rien voir ni entendre, nous franchissons une crête lorsque brusquement, dans la noirceur, nous sommes balayés par une fusillade inattendue : Pan, pan pan ...Les balles sifflent aux oreilles. Nous nous jetons par terre en murmurant machinalement : "Ça y est, les Boches." Un instant pour se remettre, puis c'est la lutte qu'on engage avec une joie féroce.
Les fusils mitrailleurs qui se sont rapidement mis en batterie entrent en action et nettoient tout d'un rythme saccadé. Les grenades lancées par nos tromblons pleuvent dru sur le Boche dont la résistance semble déjà faiblir. La certitude vient à l'esprit que dans cinq minutes pas plus, on les aura.
Déjà chacun se redresse, renifle l'air qui sent la poudre... et soudain, mus comme par des ressorts, nous bondissons "en avant le 102, en avant"..C'est une ruée générale et les clairons hurlent la charge, les chasseurs crient victoire. Nous dévalons à fond de train la pente et nous tombons sur la route qui nous mène dans Bezonvaux. Les Boches qui s'éparpillent dans l'ombre, s'aplatissent devant nous et crient grâce.
Souvenir unique, le jour se lève, moitié gris, moitié rose. Il est 6 h du matin et les maisons démolies, aux pans de mur ébréchés du village se découpent en silhouettes sinistres sur le ciel bas.
Tirant toujours devant eux, nos fusiliers mitrailleurs, l'arme sous le bras, rayent la pénombre de leurs coups de feu précipités. Les nettoyeurs lancent leurs grenades dans les caves et dans les abris, les détonations sourdes se font entendre puis c'est la fumée blanchâtre qui sort par les ouvertures, en même temps que des Boches, les mains en l'air se bousculant les uns les autres. On leur indique l'arrière en les menaçant et les voilà partis comme un troupeau de moutons obéissant et apeuré toujours courant, toujours criant, nous avons tôt fait de traverser Bezonvaux, et lorsque nous arrivons de l'autre côté des ruines le jour est complètement levé.
Devant nous une grande plaine qui s'éloigne en montant et la route qui file tout droit jusqu'à Ornes. Au loin des Boches qui se replient en désordre, on les voit sortir de tous côtés et battre en retraite, ils sont éperdus. Nous nous précipitons sur les retardataires en leur criant : "Psst, psst, par ici, Kommen sie Kamaraden." Docilement la plus part font demi-tour et viennent à nous en levant leurs armes. Quant aux autres qui sont trop loin on se contente de leur faire siffler des balles aux oreilles.
Notre objectif est atteint et nous ne devons pas nous aventurer au-delà, la victoire est complète et notre butin immense. La joie du triomphe est sans borne et touche au délire, on s'étreint, on s'embrasse.
Quelques instants plus tard, un pigeon porteur d'un message est lâché, il prend son vol vers Souville, allant annoncer au Général Passaga le nouveau glorieux fait d'armes de ses Chasseurs."
Re: Prise de Bezonvaux par le 102e BCP
bonjour Stéphane,
honneur au 102e BCP!!!!
mon AGP faisait partie du 102e lors de ce combat, peut-être sous le commandement du lieutenant Petit?
aprés cette action il eut une citation :
"s'est particulièrement distinguè au cours de l'attaque du 15 décembre 1916 et dans les jours suivants."
amicalement, Mic
Re: Prise de Bezonvaux par le 102e BCP
Bonjour, donnez-moi son nom et je chercherai si j'ai des données sur votre AGP.
Bonne journée à bientôt Stéphane
Bonne journée à bientôt Stéphane
Re: Prise de Bezonvaux par le 102e BCP
Avec plaisir,
il s'agit de ROTH léon, incorporé le 21 dec 1814, caporal le 3 nov 1915.
médaille militaire
2 étoilles de bronze
croix de guerre
j'ai une photo de lui avec ses décorations et la fouragère, au colet le n° 102
donc ses "exploits" au 102.
cordialement, Mic
il s'agit de ROTH léon, incorporé le 21 dec 1814, caporal le 3 nov 1915.
médaille militaire
2 étoilles de bronze
croix de guerre
j'ai une photo de lui avec ses décorations et la fouragère, au colet le n° 102
donc ses "exploits" au 102.
cordialement, Mic