Bonsoir à tous,
J'ouvre ici un nouveau message consacré au dernier combat du 28e RI le 19 octobre 1918. Il est raconté par André Garanger, jeune sous-lieutenant à la 2e Compagnie. Ce texte date de 1978. Il a été publié dans le bulletin de l'amicale des anciens du 28e RI.
Attention, Garanger ne mâche pas ses mots...
Première partie : jours avant l'attaque, le régiment découvre les "restes" du 16 avril 1917
"Dans le précédent Bulletin, c’est à l’historique du régiment qu’a été emprunté le récit de la progression amorcée avec le franchissement de l’Aisne le 10 Octobre.
L'ennemi se replie vers la Hunding-Stellung, très puissante organisation défensive, depuis longtemps préparée, qui passe près de Sissonne. Pour l’atteindre, les fantassins devront franchir plus de 20 km. En traversant, d’abord, les anciennes positions de guerre de tranchées, entre, en gros, Berry-au-Bac et Craonne, puis la plaine champenoise et le camp de Sissonne dont les bois peuvent dissimuler aisément les mitrailleuses ennemies.
A la Ville-aux-Bois, dans un ancien boyau, cloué sur un poteau et bien en vue, un des nôtres aperçoit un étrange écriteau. C’est, en allemand, la réplique de notre : « Taisez-vous, méfiez-vous, les oreilles ennemies vous écoutent » ce qui est banal. Ce qui l’est moins, par contre, c’est l’inscription suivante ajoutée au crayon, en français : « Messieurs Français, vous êtes fous ». Plus accueillant est, dans le même secteur et toujours en belle vue, ce « Herzliche Glückwünsche » (souhaits cordiaux de bonheur) accompagné d’inscriptions manuscrites correspondant à : « Je te donne volontiers ma bénédiction », puis « Pourquoi cette terrible guerre » et enfin : « Ce serait mieux si nous avions la paix » . Le moral bat en retraite, lui aussi. (1)
Un peu plus loin, on aperçoit très nettement, sur la droite, une dizaine de chars lourds en ligne de bataille. Ils sont là, depuis la folle offensive d’avril 1917.
Après la guerre, un livre allemand apporta des précisions sur cette phase de l’offensive Nivelle. Celle-ci, véritable secret de polichinelle, déclenchée le 16 avril à 6 heures, se révéla, dès les premières heures, incapable d’entamer profondément les positions allemandes. Pour tenter l’impossible, il fut décidé de lancer à l’assaut, à 13 heures (et pour la première fois du côté français) des environs de Berry-au-Bac vers Juvincourt, une masse de 132 chars Schneider. A moins d’un demi siècle de distance était renouvelée, mais cette fois avec des « chevaux d’acier » , la charge de Reichshoffen.
L’écrivain allemand relève que ces chars avancèrent si lentement sur un terrain sillonné de tranchées, criblé d’entonnoirs et de trous d’obus, qu’ils furent autant de cibles faciles pour les canons ennemis : 57 furent détruits, corps et biens, 64 furent immobilisés pour divers raisons (obstacles trop larges, pannes mécaniques) et leurs équipages s’enfuirent sous la mitraille ; 11 seulement réussirent à rentrer dans nos lignes.
Mais, revenons aux fantassins, à ceux du 28i ème R.I.
Les 2ième et 3ième bataillons sont en première ligne ; le 1er en soutien, s’arrête le 12 octobre au soir, près de la fameuse route nationale 44 et s’installe dans d’anciens abris français où se trouvent encore des munitions de secteur.
Le lendemain la progression continue, freinée par des nids de mitrailleuses dissimulées dans les bois ; elle dépasse 10km et parvient à moins de 2 km de son objectif final. Sissonne est en vue, sur la gauche, dans la zone d’action d’une division italienne qui s’en emparera.
Pendant les journées des 14, 15 et 16 octobre, c’est le 3ième bataillon qui aura la tâche la plus rude ; la résistance ennemie est des plus meurtrière ; le 16, il ne pourra progresser que de 200 m. et subira de lourdes pertes car l’artillerie allemande, bien retranchée, est entrée de nouveau en action. La Hunding-stellung est maintenant toute proche.
L’un des nôtres (1er bataillon) a noté : « Nous relevons dans la nuit le 3e bataillon après que j’aie effectué la reconnaissance du secteur de la compagnie Joret et celui de la compagnie Kaltenbach qui a été durement éprouvée et dont l’effectif est très réduit ».
Le 17 et le 18, « rien à signaler sur l’ensemble du front » du régiment. Il n’en sera pas de même le lendemain.
Un ancien jeune
Note :
1. Ces deux écriteaux existent toujours, dans une collection de souvenirs."
La suite, demain ou après-demain...
Bien à vous
Vincent
Le dernier combat du 28e RI : le 19 octobre 1918
- vincent le calvez
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Re: Le dernier combat du 28e RI : le 19 octobre 1918
Site Internet : Adolphe Orange du 28e RI http://vlecalvez.free.fr
En ce moment : le 28e RI à Sissonne en octobre 1918 http://vlecalvez.free.fr/nouveaute.html
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- vincent le calvez
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Re: Le dernier combat du 28e RI : le 19 octobre 1918
Bonjour à tous,
La suite du récit d'André Garanger.
Deuxième partie : 19 octobre, 10 h
"Si nous donnons aujourd’hui le récit d’un témoin, ce n’est pas parce que cette opération fut importante par son ampleur ou par ses résultats (le 28ième en a vu d’autres), mais parce qu’elle fut (qui pouvait s’en douter) la conclusion de 51 mois de cruelles épreuves qui coûtèrent à notre régiment près de 11.000 tués, blessés ou disparus. Des noms seront cités dont certains d’entre nous se souviendront peut-être.
Et aussi, comment ne pas obtempérer quand le rédacteur en chef du bulletin réclame de la copie ?
C’est précisément lui qui achemina, le 18 octobre 1918, une lettre qui disait notamment : « …Nous accueillerons, avec un certain plaisir, un moment de répit dans notre vie agitée. Depuis le 30 septembre, nous sommes engagés et nous avons tous besoin de faire un peu de toilette et de changer de linge. Mais tout cela ne vaudra pas la relève de la division que nous espérons prochaine. Par une température comme celle dans laquelle nous prenons nos ébats, il semblerait bon de passer quelques nuits dans un lit ; ce n’est pas que l’on dorme mal sur la terre, mais il y a mieux. Le matin surtout les pieds réclament un peu de chaleur… ».
La relève ! fuyant mirage, une fois de plus.
Dans la soirée, un ordre arrive : la division attaque le lendemain. Au 28ième R.I. ce sont les 1er et 2ième bataillons qui sont de la fête et qui, par une nuit sans lune, s’en vont gagner leur base de départ. Première surprise pour la 2ième compagnie : le plan directeur n’est pas exact. Sur l’emplacement d’un petit bois qui doit la dissimuler il n’y a que … des fagots. Or l’heure H est 10 heures et jusque-là il faudra ne pas révéler notre présence à l’ennemi tout proche. Le mieux est de s’étendre sur le sol et d’essayer de dormir. Un « tuyau de cuisine roulante » annonce que l’ennemi doit décrocher pendant la nuit. Une patrouille (caporal Favreau) s’avance prudemment, est éventée, et fait jaillir une gerbe de fusée éclairantes et des rafales de mitrailleuses : le Boche est toujours là !
A H-2 : « Baïonnette au canon !». Des 155 éclatent sur la crête que nous devons atteindre, mais des coups sont courts : Cloarec est blessé.
10 heures ! C’est le drame. Au lieu d’arroser l’ennemi, des 75 tombent sur nous : Martin est blessé ; un obus vient de soulever un peu de terre à deux pas d’un chef de section, mais il a la bonne idée de ne pas éclater. Les hommes reculent.
Le capitaine Emo, qui commande la 2ième compagnie, se rendant compte de la situation, envoie à ses sections de première ligne l’ordre de ne pas attaquer, mais cet ordre de leur parvient pas.
En face, sur la crête, à 500 mètres environ, les Allemands nous mitraillent. Grandin (tireur FM) crie « je suis blessé ; j’ai les deux cuisses traversées ». Roy, son pourvoyeur, ne peut le remplacer : il a été tué sur le coup. A côté de lui, Lhotellier a subi le même sort.
Le « tir de couverture » s’éloignant, les sections avancent, par bonds, approchant de la crête d’où surgissent sept Fritz et un adjudant qui, levant les bras et, sans se faire prier, courent vers nos arrières.
Une double rangée de barbelés nous arrête ; nous nous couchons et sommes pris sous le feu de mitrailleuses, qui, à notre gauche, balayent le glacis où nous sommes. Le sergent Épinette est blessé peu gravement semble-t-il ; le caporal Louvel se porte à son secours ; il est alors blessé et Épinette s’affaisse, probablement achevé par la même rafale.
Le sergent Curabet se soulève un peu et à peine a-t-il lancé : « On ne peut plus avancer, il n’y a personne à gauche » qu’il retombe, tué sur le coup.
Un trou apparait dans la capote de Lecherbonnier qui reste cloué au sol et crie : « Je suis blessé ! ». Je sais bien que tu es blessé », lui est-il répondu. « Où ? » « A la fesse, ce n’est pas grave ». A côté de lui, Hautemanière veut traverser les fils de fer et tombe, lui aussi, blessé mortellement. On ne verra plus Lecherbonnier qui a dû subir le même sort que le sergent Epinette.
Les barbelés, enfin franchis, apparait le nid de mitrailleuses ménagé au bord d’une petite carrière qui ne figure pas sur le plan directeur. Deux Maxim sont là (et non pas quatre comme l’indique l’historique du régiment). Avec l’aide de Leroux, l’une d’elle est déplacée pour protéger notre flan gauche ; elle est intacte et va tirer sur les mitrailleurs qui nous firent tant de mal quand la 3ième compagnie arrive à notre heure et nous empêche d’ouvrir le feu. Ce n’est que plus tard que nous connaîtrons la cause de son retard : son commandant, le lieutenant Guériff a été tué au départ de l’action (à suivre).
Un ancien jeune".
Bon week end
Vincent
La suite du récit d'André Garanger.
Deuxième partie : 19 octobre, 10 h
"Si nous donnons aujourd’hui le récit d’un témoin, ce n’est pas parce que cette opération fut importante par son ampleur ou par ses résultats (le 28ième en a vu d’autres), mais parce qu’elle fut (qui pouvait s’en douter) la conclusion de 51 mois de cruelles épreuves qui coûtèrent à notre régiment près de 11.000 tués, blessés ou disparus. Des noms seront cités dont certains d’entre nous se souviendront peut-être.
Et aussi, comment ne pas obtempérer quand le rédacteur en chef du bulletin réclame de la copie ?
C’est précisément lui qui achemina, le 18 octobre 1918, une lettre qui disait notamment : « …Nous accueillerons, avec un certain plaisir, un moment de répit dans notre vie agitée. Depuis le 30 septembre, nous sommes engagés et nous avons tous besoin de faire un peu de toilette et de changer de linge. Mais tout cela ne vaudra pas la relève de la division que nous espérons prochaine. Par une température comme celle dans laquelle nous prenons nos ébats, il semblerait bon de passer quelques nuits dans un lit ; ce n’est pas que l’on dorme mal sur la terre, mais il y a mieux. Le matin surtout les pieds réclament un peu de chaleur… ».
La relève ! fuyant mirage, une fois de plus.
Dans la soirée, un ordre arrive : la division attaque le lendemain. Au 28ième R.I. ce sont les 1er et 2ième bataillons qui sont de la fête et qui, par une nuit sans lune, s’en vont gagner leur base de départ. Première surprise pour la 2ième compagnie : le plan directeur n’est pas exact. Sur l’emplacement d’un petit bois qui doit la dissimuler il n’y a que … des fagots. Or l’heure H est 10 heures et jusque-là il faudra ne pas révéler notre présence à l’ennemi tout proche. Le mieux est de s’étendre sur le sol et d’essayer de dormir. Un « tuyau de cuisine roulante » annonce que l’ennemi doit décrocher pendant la nuit. Une patrouille (caporal Favreau) s’avance prudemment, est éventée, et fait jaillir une gerbe de fusée éclairantes et des rafales de mitrailleuses : le Boche est toujours là !
A H-2 : « Baïonnette au canon !». Des 155 éclatent sur la crête que nous devons atteindre, mais des coups sont courts : Cloarec est blessé.
10 heures ! C’est le drame. Au lieu d’arroser l’ennemi, des 75 tombent sur nous : Martin est blessé ; un obus vient de soulever un peu de terre à deux pas d’un chef de section, mais il a la bonne idée de ne pas éclater. Les hommes reculent.
Le capitaine Emo, qui commande la 2ième compagnie, se rendant compte de la situation, envoie à ses sections de première ligne l’ordre de ne pas attaquer, mais cet ordre de leur parvient pas.
En face, sur la crête, à 500 mètres environ, les Allemands nous mitraillent. Grandin (tireur FM) crie « je suis blessé ; j’ai les deux cuisses traversées ». Roy, son pourvoyeur, ne peut le remplacer : il a été tué sur le coup. A côté de lui, Lhotellier a subi le même sort.
Le « tir de couverture » s’éloignant, les sections avancent, par bonds, approchant de la crête d’où surgissent sept Fritz et un adjudant qui, levant les bras et, sans se faire prier, courent vers nos arrières.
Une double rangée de barbelés nous arrête ; nous nous couchons et sommes pris sous le feu de mitrailleuses, qui, à notre gauche, balayent le glacis où nous sommes. Le sergent Épinette est blessé peu gravement semble-t-il ; le caporal Louvel se porte à son secours ; il est alors blessé et Épinette s’affaisse, probablement achevé par la même rafale.
Le sergent Curabet se soulève un peu et à peine a-t-il lancé : « On ne peut plus avancer, il n’y a personne à gauche » qu’il retombe, tué sur le coup.
Un trou apparait dans la capote de Lecherbonnier qui reste cloué au sol et crie : « Je suis blessé ! ». Je sais bien que tu es blessé », lui est-il répondu. « Où ? » « A la fesse, ce n’est pas grave ». A côté de lui, Hautemanière veut traverser les fils de fer et tombe, lui aussi, blessé mortellement. On ne verra plus Lecherbonnier qui a dû subir le même sort que le sergent Epinette.
Les barbelés, enfin franchis, apparait le nid de mitrailleuses ménagé au bord d’une petite carrière qui ne figure pas sur le plan directeur. Deux Maxim sont là (et non pas quatre comme l’indique l’historique du régiment). Avec l’aide de Leroux, l’une d’elle est déplacée pour protéger notre flan gauche ; elle est intacte et va tirer sur les mitrailleurs qui nous firent tant de mal quand la 3ième compagnie arrive à notre heure et nous empêche d’ouvrir le feu. Ce n’est que plus tard que nous connaîtrons la cause de son retard : son commandant, le lieutenant Guériff a été tué au départ de l’action (à suivre).
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Vincent
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En ce moment : le 28e RI à Sissonne en octobre 1918 http://vlecalvez.free.fr/nouveaute.html
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- vincent le calvez
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Re: Le dernier combat du 28e RI : le 19 octobre 1918
Bonjour à tous,
Voici la suite !
Troisième partie : Maxim et brancardriers.
"Nous avons interrompu notre récit alors que les 2ième et 3ième Compagnies étaient parvenues à mi-chemin de leur objectif final (la route de Sissonne-la selve) en dépit de pertes cruelles causées par des mitrailleuses qui les prenaient dé flanc.
Les sections de tête de la 2ième compagnie occupent la petite carrière qu'elles ont prise, mais il s'avère rapidement qu'elles ne pourront aller au-delà car des angles morts les isolent de leurs voisins. Où est le 119ième RI à leur droite et la 3ième Cie à leur gauche ? Notre artillerie est devenue étrangement silencieuse ; après avoir « arrosé » les fantassins bleu horizon, elle ne semble pas vouloir déranger ceux d'en face. Alors ?
Alors il faut demeurer sur place, à l'abri des balles et s'installer défensivement. Les mitrailleurs qui se sont rendus nous ont laissé un des leurs, blessé au pied. Leur léger abri est rapidement fouillé, mais les « souvenirs » à emporter sont rares ; qui a fait main-basse sur les jumelles à prismes de l'adjudant et les lunettes Zeiss des mitrailleuses ? Près du jeune allemand, le caporal Louvel (blessé alors qu'il portait secours au sergent Epinette) est étendu très pâle, une lettre de sa femme entre les mains. D'autres blessés se sont blottis dans un trou où ils attendent résignés.
Les deux mitrailleuses ont fait demi-tour et sont maintenant en batterie face au nord. Un rapide examen montre qu'elles sont intactes et l’une d’elles va le prouver en vidant plusieurs bandes sur l’une de ses « sœurs » qui protège la ferme Macquigny, objectif du 119ième R.I.
L’artillerie ennemie n’a pas tardé à régler son tir […] bombardera sans arrêt avec des 105 et des 150, ne s’arrêtant que […] les pièces. A ce concert viendront bientôt se mêler les minenverfer, avec […] dont les sinistres « roucoulements » annoncent l’arrivée.
Pour se protéger, les hommes creusent la paroi tandis que la Maxim s’en prend de nouveau à une de ses anciennes camarades. C’est alors qu’arrive le capitaine Emo qui commande la compagnie. Demeuré avec le soutien, et le bruit ayant couru que son seul officier a été tué, il vient se rendre compte, sur place, de la situation de ses sections de première ligne : sa stupéfaction est grande d’apercevoir son sous-lieutenant aux « commandes » de la mitrailleuse allemande. Émouvante rencontre ! Sans se soucier du bombardement, il décongestionne l’endroit en disposant deux ou trois groupes de combat sur le terre-plein, dans des trous d’obus ; puis il profite d’une accalmie pour repartir, emportant sur son dos le caporal Louvel.
Un obus de 130 éclate si près des deux mitrailleuses qu’il en renverse une en crevant son radiateur, la rendant ainsi inutilisable. La seconde, intacte, reprendra le tir à son compte. Cependant, le bombardement s’intensifie. L’abri des mitrailleurs allemands est démoli. Un obus éclate tout près du creux où sont blottis les blessés, les épargnant tous. Des obus à gaz intoxiquent quelques hommes ; bien que déconseillés, le sergent Paynel part vers le poste de secours ; à peine a-t-il franchi quelques dizaines de mètres qu’il tombe mortellement blessé. Un agent de liaison Hauguel, est grièvement atteint au bras en tentant d’arriver jusqu’à nous.
Soudain, un 130 éclate dans le trou dans lequel se trouve le sergent Girard avec une équipe de FM. On a la conviction que les quatre occupants sont tués quand surgissent trois formes jaunes, hurlant de douleur et aveuglées. On les appelle et elles viennent à nous, comme des fous, l’un à cloche-pied, tirant sa jambe ensanglantée ; parmi eux : Neveu et Ozenne. Le sergent n’est pas là ; il a dû être tué sur le coup car aucune plainte ne nous parvient. Deux hommes : Vergé et Givernaud sont chargés de porter un bref compte rendu avec demande d’envoi de brancardiers. Ils remplissent leur dangereuse mission avec bonheur car à peine une demi-heure s’est elle écoulée qu’apparaît un singulier cortège : en tête, l’adjudant Bourdet brandissant le drapeau de la Croix-Rouge ; derrière, une colonne de brancardiers avec Dupont, agent de liaison de la compagnie, qui nous apprend que le capitaine Émo vient d’être blessé par les mitrailleurs qui nous firent tant de mal le matin et qui sont revenus dans leur « nid » sans être inquiétés ni par la 3ième compagnie, ni par le 3ième bataillon : ils tuèrent Lemonnier et firent d’autres blessés dont le brancardier Chesnier.
Pendant que les grands blessés sont placés sur les civières, Bourdet veut s’assurer qu’il n’oublie personne. Brandissant de nouveau le drapeau de la Croix-Rouge, il sort de la carrière et, debout, à découvert, regarde autour de lui : l’ennemi ne tire pas. Il appelle et avance de quelques mètres pour apercevoir le cadavre de Girard et revient. Les brancardiers ne sont pas assez nombreux ; deux hommes sont désignés pour les accompagnés qui emporteront deux blessés sur leur dos, dont le jeune Allemand à qui deux questions avaient été posées : son âge (18 ans) et la signification des fusées que l’on apercevait dans les lignes ennemies, de plus en plus fréquemment. Est-ce parce qu’il apparaissait plus jeune encore qu’un poilu (peut-être celui qui voulu l’achever) lui avait apporté dans l’après-midi un morceau de pain et à boire ?
Et le douloureux convoi s’en va, sous la protection de la Croix-Rouge, tandis que parmi ceux qui restent certains pensent sûrement : « Les veinards, la guerre est finie pour eux ».
Un ancien jeune"
Et voici André Garanger, l'ancien jeune :
La suite demain.
Bien à vous
Vincent
Voici la suite !
Troisième partie : Maxim et brancardriers.
"Nous avons interrompu notre récit alors que les 2ième et 3ième Compagnies étaient parvenues à mi-chemin de leur objectif final (la route de Sissonne-la selve) en dépit de pertes cruelles causées par des mitrailleuses qui les prenaient dé flanc.
Les sections de tête de la 2ième compagnie occupent la petite carrière qu'elles ont prise, mais il s'avère rapidement qu'elles ne pourront aller au-delà car des angles morts les isolent de leurs voisins. Où est le 119ième RI à leur droite et la 3ième Cie à leur gauche ? Notre artillerie est devenue étrangement silencieuse ; après avoir « arrosé » les fantassins bleu horizon, elle ne semble pas vouloir déranger ceux d'en face. Alors ?
Alors il faut demeurer sur place, à l'abri des balles et s'installer défensivement. Les mitrailleurs qui se sont rendus nous ont laissé un des leurs, blessé au pied. Leur léger abri est rapidement fouillé, mais les « souvenirs » à emporter sont rares ; qui a fait main-basse sur les jumelles à prismes de l'adjudant et les lunettes Zeiss des mitrailleuses ? Près du jeune allemand, le caporal Louvel (blessé alors qu'il portait secours au sergent Epinette) est étendu très pâle, une lettre de sa femme entre les mains. D'autres blessés se sont blottis dans un trou où ils attendent résignés.
Les deux mitrailleuses ont fait demi-tour et sont maintenant en batterie face au nord. Un rapide examen montre qu'elles sont intactes et l’une d’elles va le prouver en vidant plusieurs bandes sur l’une de ses « sœurs » qui protège la ferme Macquigny, objectif du 119ième R.I.
L’artillerie ennemie n’a pas tardé à régler son tir […] bombardera sans arrêt avec des 105 et des 150, ne s’arrêtant que […] les pièces. A ce concert viendront bientôt se mêler les minenverfer, avec […] dont les sinistres « roucoulements » annoncent l’arrivée.
Pour se protéger, les hommes creusent la paroi tandis que la Maxim s’en prend de nouveau à une de ses anciennes camarades. C’est alors qu’arrive le capitaine Emo qui commande la compagnie. Demeuré avec le soutien, et le bruit ayant couru que son seul officier a été tué, il vient se rendre compte, sur place, de la situation de ses sections de première ligne : sa stupéfaction est grande d’apercevoir son sous-lieutenant aux « commandes » de la mitrailleuse allemande. Émouvante rencontre ! Sans se soucier du bombardement, il décongestionne l’endroit en disposant deux ou trois groupes de combat sur le terre-plein, dans des trous d’obus ; puis il profite d’une accalmie pour repartir, emportant sur son dos le caporal Louvel.
Un obus de 130 éclate si près des deux mitrailleuses qu’il en renverse une en crevant son radiateur, la rendant ainsi inutilisable. La seconde, intacte, reprendra le tir à son compte. Cependant, le bombardement s’intensifie. L’abri des mitrailleurs allemands est démoli. Un obus éclate tout près du creux où sont blottis les blessés, les épargnant tous. Des obus à gaz intoxiquent quelques hommes ; bien que déconseillés, le sergent Paynel part vers le poste de secours ; à peine a-t-il franchi quelques dizaines de mètres qu’il tombe mortellement blessé. Un agent de liaison Hauguel, est grièvement atteint au bras en tentant d’arriver jusqu’à nous.
Soudain, un 130 éclate dans le trou dans lequel se trouve le sergent Girard avec une équipe de FM. On a la conviction que les quatre occupants sont tués quand surgissent trois formes jaunes, hurlant de douleur et aveuglées. On les appelle et elles viennent à nous, comme des fous, l’un à cloche-pied, tirant sa jambe ensanglantée ; parmi eux : Neveu et Ozenne. Le sergent n’est pas là ; il a dû être tué sur le coup car aucune plainte ne nous parvient. Deux hommes : Vergé et Givernaud sont chargés de porter un bref compte rendu avec demande d’envoi de brancardiers. Ils remplissent leur dangereuse mission avec bonheur car à peine une demi-heure s’est elle écoulée qu’apparaît un singulier cortège : en tête, l’adjudant Bourdet brandissant le drapeau de la Croix-Rouge ; derrière, une colonne de brancardiers avec Dupont, agent de liaison de la compagnie, qui nous apprend que le capitaine Émo vient d’être blessé par les mitrailleurs qui nous firent tant de mal le matin et qui sont revenus dans leur « nid » sans être inquiétés ni par la 3ième compagnie, ni par le 3ième bataillon : ils tuèrent Lemonnier et firent d’autres blessés dont le brancardier Chesnier.
Pendant que les grands blessés sont placés sur les civières, Bourdet veut s’assurer qu’il n’oublie personne. Brandissant de nouveau le drapeau de la Croix-Rouge, il sort de la carrière et, debout, à découvert, regarde autour de lui : l’ennemi ne tire pas. Il appelle et avance de quelques mètres pour apercevoir le cadavre de Girard et revient. Les brancardiers ne sont pas assez nombreux ; deux hommes sont désignés pour les accompagnés qui emporteront deux blessés sur leur dos, dont le jeune Allemand à qui deux questions avaient été posées : son âge (18 ans) et la signification des fusées que l’on apercevait dans les lignes ennemies, de plus en plus fréquemment. Est-ce parce qu’il apparaissait plus jeune encore qu’un poilu (peut-être celui qui voulu l’achever) lui avait apporté dans l’après-midi un morceau de pain et à boire ?
Et le douloureux convoi s’en va, sous la protection de la Croix-Rouge, tandis que parmi ceux qui restent certains pensent sûrement : « Les veinards, la guerre est finie pour eux ».
Un ancien jeune"
Et voici André Garanger, l'ancien jeune :
La suite demain.
Bien à vous
Vincent
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Re: Le dernier combat du 28e RI : le 19 octobre 1918
Bonjour à toutes et à tous.
Bonjour Vincent.
Merci pour ce témoignage... Une question : Comment savoir si il existe une liste des régiments qui avaient "une amicale des anciens" dans l'après guerre ? Mais surtout une amicale qui éditait un bulletin.
Bien amicalement.
Denis
Bonjour Vincent.
Merci pour ce témoignage... Une question : Comment savoir si il existe une liste des régiments qui avaient "une amicale des anciens" dans l'après guerre ? Mais surtout une amicale qui éditait un bulletin.
Bien amicalement.
Denis
- Stephan @gosto
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Re: Le dernier combat du 28e RI : le 19 octobre 1918
Bonjour Denis,
Impossible de te répondre oui à 100%, mais il est vraisemblable que la plupart des grandes unités constituées avait une amicale, elle-même répartie en plusieurs sections si les lieux principaux de recrutement théoriques avant guerre étaient assez distants les uns des autres. Si toutes n'ont pas édité un bulletin périodique, au moins ont-elles fonctionné avec une lettre d'informations envoyée régulièrement à ses membres.
Certaines de ces amicales étaient d'ailleurs déjà sur pieds avant guerre. Pour certaines, elles regroupaient le régiment actif, sa réserve et le régiment territorial.
L'Almanach du Combattant a donné, régulièrement, une liste actualisée des amicales régimentaires, avec l'adresse de leur siège et les coordonnées de leur président. Il était publié dans ces mêmes pages les titres des bulletins et autres publication de ces amicales et de toutes les autres, à vocation transversale (mutilés, prisonniers, officiers, etc.)
La F.A.R.A.C. a, très longtemps, été un point de ralliement pour nombre de ces associations qui tenaient leurs réunions dans les locaux de cette institution, à Paris, au 28 Boulevard de Strasbourg.
Il faudrait que tu ailles aux AD, car souvent, les fonds de ces amicales, à leur dissolution, y ont été versés.
Pour exemple, l'amicale du 74e R.I. avait une section parisienne, une section rouennaise, une section havraise, et eut même, sur le tard, une section caennaise. D'autre part, furent mis sur pied une amicale des "Marie-Louise du 74e R.I." et un groupement de la 4e Cie. Une tentative de création d'une amicale des "Bleuets du 74e" fit long feu. Il y eu aussi, quelques petits groupements, non officiels et créés au fil des ans et des circonstances, permettant de réunir ceux qui, éloignés géographiquement des lieux de réunions officiels, ne pouvaient y assister : à Bordeaux, Nice...
Chacune de ces sections vivait en autonomie et elles se retrouvaient à certaines occasions, tant sur le terrain, pour quelques banquets, pélerinages et autres cérémonies, que dans les comptes, pour des financements divers liés à la mémoire du 74e. Chacune publiait sa propre lettre de liaison ou son bulletin.
Amicalement,
Stéphan
Impossible de te répondre oui à 100%, mais il est vraisemblable que la plupart des grandes unités constituées avait une amicale, elle-même répartie en plusieurs sections si les lieux principaux de recrutement théoriques avant guerre étaient assez distants les uns des autres. Si toutes n'ont pas édité un bulletin périodique, au moins ont-elles fonctionné avec une lettre d'informations envoyée régulièrement à ses membres.
Certaines de ces amicales étaient d'ailleurs déjà sur pieds avant guerre. Pour certaines, elles regroupaient le régiment actif, sa réserve et le régiment territorial.
L'Almanach du Combattant a donné, régulièrement, une liste actualisée des amicales régimentaires, avec l'adresse de leur siège et les coordonnées de leur président. Il était publié dans ces mêmes pages les titres des bulletins et autres publication de ces amicales et de toutes les autres, à vocation transversale (mutilés, prisonniers, officiers, etc.)
La F.A.R.A.C. a, très longtemps, été un point de ralliement pour nombre de ces associations qui tenaient leurs réunions dans les locaux de cette institution, à Paris, au 28 Boulevard de Strasbourg.
Il faudrait que tu ailles aux AD, car souvent, les fonds de ces amicales, à leur dissolution, y ont été versés.
Pour exemple, l'amicale du 74e R.I. avait une section parisienne, une section rouennaise, une section havraise, et eut même, sur le tard, une section caennaise. D'autre part, furent mis sur pied une amicale des "Marie-Louise du 74e R.I." et un groupement de la 4e Cie. Une tentative de création d'une amicale des "Bleuets du 74e" fit long feu. Il y eu aussi, quelques petits groupements, non officiels et créés au fil des ans et des circonstances, permettant de réunir ceux qui, éloignés géographiquement des lieux de réunions officiels, ne pouvaient y assister : à Bordeaux, Nice...
Chacune de ces sections vivait en autonomie et elles se retrouvaient à certaines occasions, tant sur le terrain, pour quelques banquets, pélerinages et autres cérémonies, que dans les comptes, pour des financements divers liés à la mémoire du 74e. Chacune publiait sa propre lettre de liaison ou son bulletin.
Amicalement,
Stéphan
Re: Le dernier combat du 28e RI : le 19 octobre 1918
Bonjour Stéphan.
Un grand merci à toi pour cette réponse très éclairante.
Amicalement.
Denis
Un grand merci à toi pour cette réponse très éclairante.
Amicalement.
Denis
- vincent le calvez
- Messages : 1360
- Inscription : mer. nov. 10, 2004 1:00 am
Re: Le dernier combat du 28e RI : le 19 octobre 1918
Bonsoir à tous,
Dernière partie pour cette journée du 19 octobre, il y a 90 ans :
Quatrième partie : retrait et contre-attaque
"Nous reprenons notre récit alors que, au milieu de l’après-midi, l’adjudant Bourdet et des brancardiers sont venus chercher les blessés pour les transporter au poste de secours.
Bourdet, nous l’avons dit, était sorti de la carrière en brandissant le drapeau de la Croix Rouge attaché à sa canne et les Allemands avaient alors interrompu leurs tirs. L’ayant vu repartir avec sa sanglante escorte, ont-ils pensé que les survivants étaient peu nombreux et à leur merci ? C’est probable, car c’est plus violemment encore que 105, 150 et « minnen » reprennent « l’arrosage » de la carrière et de ses abords.
Un adjudant mitrailleur du 119e RI arrive jusqu’à nous, blessé au pied ; il a perdu tous ses hommes, tués ou blessés, et ses deux pièces sont restées sur place ; nous tenterons d’aller les chercher à la faveur de la nuit car le jour décline déjà.
Soudain une chenille apparaît dans l’air, à notre droite, puis deux, puis trois, qui se rapprochent de nous en pendillant : c’est la demande de barrage d’artillerie, c’est la contre-attaque ennemie.
Débouchant d’un petit bois, les Allemands avancent en colonne par un.. Notre Maxim tire jusqu’à ce qu’ils atteignent l’angle mord qui les dérobent à notre vue ; quand au barrage, il n’en a que le nom.
Que se passe-t-il à notre droite et à notre gauche ? Que fait le 119è ? Où est la 3ième Cie ? La menace d’encerclement est si grande qu’il faut revenir vers la section restée en soutien, collée au talus d’un petit chemin de terre. Le sergent Vite, qui la commande, signale que les mitrailleurs ennemis qui prennent le chemin d’enfilade et ont fait déjà plusieurs victimes (dont le commandant de Compagnie) rendent la position intenable. Il nous faut revenir à notre position de départ, à la lisière nord du bois de Mont-Simon-le-Grand. Nous y sommes à peine arrivés que des bruits insolites nous parviennent ; halte-là « -France ». C’est le sous-lieutenant Garaud qui rentre avec sa section de mitrailleuses ; il a failli être pris, tandis que la 3ième a perdu cinq hommes faits prisonniers.
Devant nous, sur la crête dont nous venons, rien n’indique la présence de l’ennemi et le calme semblait revenu quand des obus passent au-dessus de nos têtes et éclatent sèchement, très près : ce sont des 75 ! Nous lançons des fusées rouges qui signifient : « Artillerie amie tire trop court », mais sans succès. Un mitrailleur est grièvement blessé, sa pièce est détruite. Pendant de longues minutes ses cris traverseront la nuit, nous faisant maudire ceux qui tuent les nôtres au lieu de les protéger : le supplicié mourra avant l’arrivée des brancardiers.
Mais pourquoi ce barrage est-il revenu sur notre ligne de départ ? L’historique du régiment en donne peut-être la raison car il mentionne, en effet, que « la ligne se replie en combattant jusqu’à la lisière sud du Mont-Simon-le-Grand. Les unités sont reprises en main ; sous l’impulsion énergique des capitaines D… et B…, toute la ligne se porte en avant, rejette l’ennemi et réoccupe ses positions ». C’est ce qu’a cru notre brave colonel qui ne pouvait qu’ajouter foi aux comptes rendus de ses chefs de bataillon. Aussi a-t-il cité l’un d’eux à l’ordre du Corps d’Armée dans les termes suivants : Officier de haute valeur, remarquable par son courage et son sang froid. Commandant son bataillon le 19 octobre 1918, en a dirigé l’attaque sur une position ennemie fortement organisée avec une énergie et une habilité remarquables. L’ennemi ayant réussi, par une forte contre-attaque à prendre pied sur un point important, n’a pas hésité à reprendre instantanément l’offensive et à refouler l’ennemi dans ses lignes. »
Et voilà comment on écrit l’histoire !
Que l’on pardonne à un ancien jeune ces réflexions amères. Elles lui viennent souvent à l’esprit quand il pense à ses camardes de combat dont il garde fidèlement le souvenir, un souvenir que 60 années n’ont pu obscurcir.
Un ancien jeune."
Pour info, voici un extrait de l'historique du 28e RI :
Bonne soirée,
Vincent
Dernière partie pour cette journée du 19 octobre, il y a 90 ans :
Quatrième partie : retrait et contre-attaque
"Nous reprenons notre récit alors que, au milieu de l’après-midi, l’adjudant Bourdet et des brancardiers sont venus chercher les blessés pour les transporter au poste de secours.
Bourdet, nous l’avons dit, était sorti de la carrière en brandissant le drapeau de la Croix Rouge attaché à sa canne et les Allemands avaient alors interrompu leurs tirs. L’ayant vu repartir avec sa sanglante escorte, ont-ils pensé que les survivants étaient peu nombreux et à leur merci ? C’est probable, car c’est plus violemment encore que 105, 150 et « minnen » reprennent « l’arrosage » de la carrière et de ses abords.
Un adjudant mitrailleur du 119e RI arrive jusqu’à nous, blessé au pied ; il a perdu tous ses hommes, tués ou blessés, et ses deux pièces sont restées sur place ; nous tenterons d’aller les chercher à la faveur de la nuit car le jour décline déjà.
Soudain une chenille apparaît dans l’air, à notre droite, puis deux, puis trois, qui se rapprochent de nous en pendillant : c’est la demande de barrage d’artillerie, c’est la contre-attaque ennemie.
Débouchant d’un petit bois, les Allemands avancent en colonne par un.. Notre Maxim tire jusqu’à ce qu’ils atteignent l’angle mord qui les dérobent à notre vue ; quand au barrage, il n’en a que le nom.
Que se passe-t-il à notre droite et à notre gauche ? Que fait le 119è ? Où est la 3ième Cie ? La menace d’encerclement est si grande qu’il faut revenir vers la section restée en soutien, collée au talus d’un petit chemin de terre. Le sergent Vite, qui la commande, signale que les mitrailleurs ennemis qui prennent le chemin d’enfilade et ont fait déjà plusieurs victimes (dont le commandant de Compagnie) rendent la position intenable. Il nous faut revenir à notre position de départ, à la lisière nord du bois de Mont-Simon-le-Grand. Nous y sommes à peine arrivés que des bruits insolites nous parviennent ; halte-là « -France ». C’est le sous-lieutenant Garaud qui rentre avec sa section de mitrailleuses ; il a failli être pris, tandis que la 3ième a perdu cinq hommes faits prisonniers.
Devant nous, sur la crête dont nous venons, rien n’indique la présence de l’ennemi et le calme semblait revenu quand des obus passent au-dessus de nos têtes et éclatent sèchement, très près : ce sont des 75 ! Nous lançons des fusées rouges qui signifient : « Artillerie amie tire trop court », mais sans succès. Un mitrailleur est grièvement blessé, sa pièce est détruite. Pendant de longues minutes ses cris traverseront la nuit, nous faisant maudire ceux qui tuent les nôtres au lieu de les protéger : le supplicié mourra avant l’arrivée des brancardiers.
Mais pourquoi ce barrage est-il revenu sur notre ligne de départ ? L’historique du régiment en donne peut-être la raison car il mentionne, en effet, que « la ligne se replie en combattant jusqu’à la lisière sud du Mont-Simon-le-Grand. Les unités sont reprises en main ; sous l’impulsion énergique des capitaines D… et B…, toute la ligne se porte en avant, rejette l’ennemi et réoccupe ses positions ». C’est ce qu’a cru notre brave colonel qui ne pouvait qu’ajouter foi aux comptes rendus de ses chefs de bataillon. Aussi a-t-il cité l’un d’eux à l’ordre du Corps d’Armée dans les termes suivants : Officier de haute valeur, remarquable par son courage et son sang froid. Commandant son bataillon le 19 octobre 1918, en a dirigé l’attaque sur une position ennemie fortement organisée avec une énergie et une habilité remarquables. L’ennemi ayant réussi, par une forte contre-attaque à prendre pied sur un point important, n’a pas hésité à reprendre instantanément l’offensive et à refouler l’ennemi dans ses lignes. »
Et voilà comment on écrit l’histoire !
Que l’on pardonne à un ancien jeune ces réflexions amères. Elles lui viennent souvent à l’esprit quand il pense à ses camardes de combat dont il garde fidèlement le souvenir, un souvenir que 60 années n’ont pu obscurcir.
Un ancien jeune."
Pour info, voici un extrait de l'historique du 28e RI :
Bonne soirée,
Vincent
Site Internet : Adolphe Orange du 28e RI http://vlecalvez.free.fr
En ce moment : le 28e RI à Sissonne en octobre 1918 http://vlecalvez.free.fr/nouveaute.html
En ce moment : le 28e RI à Sissonne en octobre 1918 http://vlecalvez.free.fr/nouveaute.html
Re: Le dernier combat du 28e RI : le 19 octobre 1918
Bonsoir Vincent,
Merci pour le... les récits, mais dis moi, tu as bcp de temps libre en ce moment pour saisir toute cette quantité de documents
Merci à toi
Phil
Merci pour le... les récits, mais dis moi, tu as bcp de temps libre en ce moment pour saisir toute cette quantité de documents
Merci à toi
Phil
- vincent le calvez
- Messages : 1360
- Inscription : mer. nov. 10, 2004 1:00 am
Re: Le dernier combat du 28e RI : le 19 octobre 1918
Bonjour à tous,
Coquin de Phil. Tu es puni !
Passe vite à la maison, je te donnerai quelques listes et quelques annexes de JMO à recopier !!!
Bien à toi
Vincent
Coquin de Phil. Tu es puni !
Passe vite à la maison, je te donnerai quelques listes et quelques annexes de JMO à recopier !!!
Bien à toi
Vincent
Site Internet : Adolphe Orange du 28e RI http://vlecalvez.free.fr
En ce moment : le 28e RI à Sissonne en octobre 1918 http://vlecalvez.free.fr/nouveaute.html
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