Artillerie Spéciale - Photo d'un Tanker de Cercottes

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Tanker
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Re: Artillerie Spéciale - Photo d'un Tanker de Cercottes

Message par Tanker »

Bonjour,
Sur le forum Histoire et Militaria 14-18, une belle carte postale qui avec son texte ouvre sur pleins de questions sur la carrière possible, dans les chars, de ce jeune homme.

http://lagrandeguerre.cultureforum.net/ ... t12357.htm

Si l'on en crois le texte de la carte postale, il était à Cercottes le 28 Octobre 1917.

Il était donc au Centre d'Instruction de l'Artillerie Spéciale et quand on rentre un peu dans le détail de ce qu'était alors le camp d'AS de Cercottes, il pouvait y avoir été affecté temporairement ou définitivement à de nombreux postes . . . . .

Le Centre AS de Cercottes comprenait (Référence note du Service du Service Automobile n° 43873 1/SA du 16 Octobre 1917) :

- Un dépôt constitué des 80° et 81° Batterie du 81° RALT. Ce dépôt est chargé :
- d'incorporer le personnel nouvellement affecté dans l'AS.
- récupérer les personnels de l'AS, évacués des Armées et redevenus disponibles.
- administrer tout le personnel de l'AS en position d'absence (Hopital et détachés divers).
- tenir le fichier de position de l'AS et centraliser tous les Renseignements d'ordre administratif concernant le personnel de l'AS des armées et de l'Intérieur.
- administrer le personnel des écoles d'Instruction.

- Quatre écoles d'instruction, dont les personnels comptent administrativement au Dépôt d'AS :
- Ecole du soldat qui forme les nouveaux contingents arrivant aux Armées et directement affectés dans l'AS.
- Ecole du Mitrailleur.
- Ecole du canonnier.
- Ecole du conducteur de char.

Ces 4 écoles comprennent :
- un encadrement fixe, désigné par le ministère,
- un encadrement auxiliaire recruté parmis les officiers et sous-officiers en instance d'affectation à des unités d'AS.

La période d'instruction n'excéde, normalement, pas plus d'un mois. Les officiers et sous-officiers, employés en encadrement auxiliaire,sont normalement affectés seulement pour trois cycles d'instruction.

- Un Parc d'Organisation qui comprenait :
- Une réserve de personnels instruits, alimentée par :
- le personnel évacué du Front et redevenu disponible,
- le personnel instruit à Cercottes (et à Marly jusqu'au 20 Octobre 1917),

- Une réserve de matériel (chars, véhicules à roues, bicyclettes . . . ).

- Un atelier de réparation (pour l'entretien des chars employés à l'instruction et les chars sortant d'usine présentant des défauts ou devant être modifiés).

Le Parc d'Organisation assurait la constitution des unités d'AS qui avaient :
- touché tous leurs personnels,
- effectué tous les stages de formation.

Une fois formées, les unités d'AS s'administraient de manière autonome, et rejoignaient leur camp d'affectation dans la zone des Armées (Champlieu, Mailly, Martigny).

Depuis la création de l'AS en 1916, l'instruction de base, des nouveaux affectés dans l'AS était réalisé à Marly le Roi. En l'absence de champ de tir, l'instruction pratique était réalisée à Cercottes. Marly-le-Roi permettait de regrouper (dans toutes les catégories de personnels) les effectifs permettant de constituer un Groupe de chars. L'effectif d'un Groupe étant réalisé, ces hommes étaient envoyés à Cercottes pour percevoir le matériel et terminer leur instruction.
Le Centre de Marly ayant de cesser de fonctionner le 20 Octobre 1917, c'est Cercottes qui reçoit donc les nouveaux affectés pour l'AS. La briéveté de cette période d'instruction à Cercottes (1 mois) laisse supposer que la formation initiale des soldats, arrivant du civil, se faisait ailleurs.

Notre "tankeur" pouvait donc être :
- un administratif ayant passé toute la guerre à Cercottes,
- un "ancien" des chars en attente de réaffectation dans une unité de chars,
- une de ces nouvelles recrues de l'AS en attente de transfert vers le Front dans une unité nouvelle ou dans une unité réclamant un complément d'effectif.
Son commentaire sur le vengeur : "pour le moment, j'en ai guère l'usage", peut laisser penser qu'il n'avait effectivement pas encore appartenu a une unité combattante (ou qu'il n'y était plus ou qu'il espérait bien en faire bientôt partie).

A cette date, si de nombreuses unités étaient déjà opérationnelles, toutes n'avaient pas rejoint le Front et il était encore possible de servir sur les 3 types de chars.

Au 24 Octobre 1917, les Groupes de chars St Chamond AS 37 et 38 venaient d'être constitués. Le Groupe AS 39 ne sera crée qu'en Janvier 1918, et les Groupes AS 40, AS 41 et AS 42, en Janvier et Février 1918.
Seul 12 Groupes de St Chamond seront finalement créés. Les grosses faiblesses du chars obligeront à disposer d'un volant important de chars de réserve. De plus, dès le départ, 58 chars seront montés en usine comme chars de dépannage.

En Octobre 17, les 17 premiers Groupes de chars Schneider étaient créés et présents dans la zone des Armées. A Cercottes, les personnels des Groupes de chars Schneider AS 18, AS 19 et AS 20 étaient à l'instruction. Ces 3 Groupes ne seront finalement jamais constitués car leurs matériels serviront à remplacer des chars, dans les Groupes Schneider déjà engagés au combat (ou de réserve de pièces de rechange . . . . ).

Les personnels prévus pour les Goupes 18, 19 et 20 seront finalement affectés indivuduellement dans les Groupes Schneider existants (pour boucher les trous) ou dans les Bataillons de Chars Légers Renault. La constitution des BCL commença au printemps 1918.

Cette photo, très traditionnelle, de l'Artillerie Spéciale permet d'aborder plusieurs points :

Le poignard :

A propos du vengeur, qui, dans l'AS, a probablement surtout servi a ouvrir les boites de conserves, le Capitaine Lefebvre (Commandant de l'AS 1, puis d'un Groupement Schneider), dans son rapport après les combats de Laffaux de Mai 1917 proposait de le retirer du paquetage car il ne servait à rien et donnait un impression agressive inutile. Il ne semble pas exister de rapports de combats mentionnant son emploi (alors que l'uasge du pistolet et du revolver et régulièrement mentionné par les équipages).

Lorsqu'un équipage, ou une partie d'équipage était capturée, les personnels étaient souvent blessés ou choqués et donc absolument pas en mesure de continuer le combat avec cette arme. L'équipage d'un char en panne ou endommagé commençait par mettre à terre une mitrailleuse pour participer au combat de l'infanterie ou défendre son char. Il ne faut pas oublier que chaque char était aussi accompagné de 2 ou 3 fantassins d'élite (équipés de mousquetons) qui étaient bien plus utiles à l'équipage pour son autodéfense que les fameux poignards.

Le Général Estienne conserva le poignard dans la tenue car il participait, pour lui (avec le béret et la veste de cuir), au développement de l'esprit de corps. Sa note AS n° 3753 du 15 Avril 1918 est très claire sur le sujet.

La veste de Cuir :

Sous le col de la veste de cuir, le haut des chiffres 8 est 1 est apparent. Il s'agit donc bien d'un membre du 81° RALT.
Cette photo posée est visiblement prise chez le photographe du coin (Cercotte, Orléans ? ). Il est probable que le photographe avait les équipements nécessaire à ce genre de photo. Cercottes était situé dans la zone de l'Intérieur. Plus encore à l'Arrière que dans la Zone des Armées, le cuir ne faisait pas partie de la tenue de sortie en ville du poilu.
Le client du photographe devait donc venir faire son portrait avec quelques accessoires . . . ou bien les trouver sur place. L'étui pour le Ruby (probablement vide) ne posait pas de problème. La veste pouvait provenir de n'importe où. Une bonne dizaine de modèles de veste sont identifiables sur les photos "bonnes de guerre". La plupart sont à doubles boutonnage, mais il en existe aussi aussi à simple boutonnage.
Le cuir n'était pas l'apannage des chars. Tous les chauffeurs du service automobile en étaient équipés et les sapeurs des unités de lance-flamme appréciaient aussi cet équipement.
Il faut aussi remarquer que le cuir est orné de la Salamandre, insigne non réglementaire, qui était porté (non réglementairement) sur la vareuse et non sur le cuir. Il est bon de mentionner que par la note AS n° 6841 du 29 Juin 1918, le Général Estienne rappelle que "tout autre insigne sous forme de bijou de fantaisie, est rigoureusement proscrit."
Cet insigne, créé par le Cdt Bossut, avait été refusé par le Général Estienne qui avait préféré celui qui est devenu l'insigne de manche des chars. La Salamandre, après la mort du Cdt Bossut était surtout portée par les anciens de son Groupement (et par ceux qui avaient participé aux combats de 17). Rien n'indique qu'il était, pour les anciens, un témoignage d'intégration des nouveaux dans leur groupe de chars et aucune récit ne semble l'indiquer. L'impression demeure tout de même que son port par un "jeunot" à l'instruction, devait faire un peu tiquer les anciens . . . . .

Tout compte fait, tout membre du camp des chars de Cercottes devait pouvoir se faire photographier en "tenue de chars".

Le casque :

Le casque de la photo est, de mon point de vue, un casque normal. Le découpage du casque est resté une initiative individuelle, et c'est pour cette raison qu'il n'existe pas de modèle de référence et que les faux sont si faciles à créer.
Sur les photos d'époque, le nombre d'hommes équipés de casques coupés est très peu important, et la note du Général (citée plus haut) qui était alors une demande de mise en place (d'un matériel réglementaire qui n'existait pas), précise qu'il faut "un casque avant enlevé et remplacé par un bourrelet en drap d'environ 1 cm d'épaisseur, allant en s'amincissant sur les côtés, un cimier supprimé et remplacé par une petite plaque légèrement bombé obturant l'orifice supérieur" .
Le 28 Mai 1918, par note AS n° 5302, le Général Estienne refusait 2 modèles de casques provenant de la 5° Direction et rappelait qu'il avait lui-même apporté la veille le protype fait par l'AS qu'il souhait voir adopter.
Le Général parle dans cette note de la mise en place de l'insigne de l'AS sur ce nouveau casque. Le principal reproche qu'il fait aux deux prototypes fournis par l'administration est leur trop grand différence par rapport au modèle standard de casque Adrian.

La note de la Sous-Direction de l'Artillerie d'Assaut n° 5113 AS/3 du 7 Août 1919 qui fixe la tenue mentionne le casque spécial Artillerie d'Assaut. il s'agit du modèle que l'on aperçoit dans les premiers de 1919.
Il est possible que le modèle réglementaire ait commencé à faire son apparition dans les Régiments de Renault FT sur les dernières semaines de guerre. Aucun rapport ne semble exister sur son emploi au combat. Dans ce domaine, les photos datées restent un des bons moyens pour tenter confirmer l'emploi guerre de ce casque.

Le terme "Tanker", utilisé par les équipages de chars, était un petit "pied de nez" au Général Estienne, qui avait banni le mot "Tank" du vocabulaire de l'AS. Comme le dit bien la chanson des tankers, il ne s'agit pas de "tankeur" avec U. Notre néophyte de l'AS n'avait sans doute pas encore bien assimilé toutes les subtilités des jeunes traditions des chars.

Dans cette photo, beaucoup d'éléments qui sentent bon le montage pour un jeune poilu, visiblement fière de sa toute nouvelle appartenance aux chars, et qui a tout de même peut-être été tué ou blessé dans un char. . . . .

Dommage que son nom ne soit par déchiffrable sur la carte postale, pour tenter d'identifier son unité et reconstruire sa véritable histoire. Il n'est, pour l'instant, que possible de dire qu'il était au camp d'AS de Cercottes et qu'il est sans doute passé au fort du trou d'Enfer de Marly le Roi.

Bonne fin d'après midi - Michel
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