Il y a une "deuxième crise du 75" à partir de 1916, causée par la mise en service des fusées "IA" instantanées.
Cette fusée, très sensible et longue, permet la détonation des projectiles au-dessus du sol, très efficace pour la destruction des réseaux de fil de fer barbelé mais elle est aussi sujette au début de son introduction à un fonctionnement prématuré au départ du coup. Cette nouvelle épidémie d'éclatements, toutefois moins grave que celle de 1915, perdure longtemps malgré les modifications de construction des fusées IA.
Il y a toutefois d'autres causes d'éclatement de tubes: introduction de corps étranger dans l'âme, usure, arrachements de rayures, etc...
Cordialement,
Guy François.
Bonjour Guy,
Merci de vos explications.
j'avais entendu parler de ces problèmes de la fusée "Instantanée Allongée", dont le but de sa conception était de faire éclater l'obus avant qu'il ne s'enfonce dans le sol. Cette photo pourrait conforter ce phénomène.
Quand on voit l'état du tube, on peut imaginer le sort du pointeur et du tireur...
Le port du bonnet de police m'a tout de suite fait penser au moins à l'année 1916 ou 1917.
Bien cordialement.
P. Lamy
"C'est le Vin qui a fait gagner la Guerre"
Jean-Louis Billet, agent de liaison au 70e BACP
Bonjour
Si je me souviens bien cette Fusée IAL était sécurisée par une goupille et un enroulement de clinquant (qui se déroulait par rotation) qu'est-ce qui ne fonctionnait pas dans ce système ?
Cordialement
Alain
La question de la "deuxième crise du 75" a été beaucoup moins bien étudiée que celle de 1915 bien qu'elle ait touché un grand nombre de matériels.
Toutefois, la quantité de la production des tubes et freins, en hausse constante en 1916, a permis de réduire les conséquences de cette crise qui atteint son paroxysme en juillet et août 1916.
Pour compliquer la question, cette crise est due à deux nouveaux facteurs principaux en dehors des causes bien connues (usure, erreur humaines des servants, introduction de corps étranger dans l'âme, etc...):
-la cause la plus importante nouvelle de gonflements et d'éclatements est constatée sur des projectiles chargés à Bourges par l’École Centrale de Pyrotechnie. En fait, les ingénieurs avaient pensé améliorer les conditions d'observation des tirs de 75, toujours difficiles à situer exactement compte-tenu de la modestie de la gerbe d'éclatement. L'ECP avait donc introduit une pastille de phosphore dans la charge d'explosif permettant un dégagement de fumée facilitant l'observation. Malheureusement, à l'usage, des erreurs d'ouvriers pendant les opérations de chargement et surtout le déplacement de la pastille de phosphore au moment du départ du coup ont produit des accidents en provoquant la combustion de l'explosif avec des conséquences graves. L'identification de ces obus a été facile car ils provenaient tous de chargements effectués à l'ECP. L'abandon de cette pastille de phosphore a eu des conséquences immédiates et a permis une forte réduction du nombre des gonflements et éclatements.
-la deuxième cause, moins importante numériquement, est due à une défectuosité des fusées IA modèle 1915. Cette fusée est principalement utilisée au début de la bataille de la Somme afin de détruire les réseaux de fils de fer barbelé. Cette fusée est si efficace que nos alliés britanniques demandent le concours de batteries de 75 utilisant des projectiles équipés de fusées IA pour détruire les réseaux allemands que leur artillerie peine alors à détruire (une des causes du massacre de l'infanterie britannique le 1er juillet 1916). Malheureusement, la hâte de pouvoir disposer de cette fusée a conduit à abréger les études et surtout les expérimentations. Dans ces conditions, un nombre important de gonflements et éclatements s'explique par des fusées IA modèle 1915 défaillantes.
Le défaut provient de la conception de la fusée dans laquelle la transmission du feu entre l'amorce de 2 grammes de fulminate et le relais de mélinite pulvérulente fixé à la fusée se fait par l'intermédiaire d'un cordant détonant. Au départ du coup, ce cordeau s'avale par inertie et peut défoncer la douille contenant le relais de mélinite avec les conséquences qu'on imagine.
André Lefèvre, ingénieur de l'armement et futur ministre de la guerre en 1920, a supprimé le cordeau détonant et remplacé le relais de mélinite par une deuxième amorce de 2 grammes de fulminate à laquelle se transmet directement la détonation de l'amorce de tête. Cette nouvelle fusée I.A.L modèle 1916 ne remplacera la précédente qu'à l'automne 1916, permettant de mettre fin à la crise.
Le prétexte indiqué par le Cours de l'Ecole d'Artillerie cité par Yves permet de "dédouaner" à bon compte les services de l'artillerie. Il faut dire qu'un certain nombre de personnalités (dont le trop fameux Georges Claude et d'autres comme Charles Humbert) ont profité de ces incidents graves pour se déchaîner contre les "polytechniciens" et les "services de l'artillerie", sans ménager même le général Sainte-Claire-Deville, l'un des "pères" du 75. Ces agissements permettaient d'atténuer les responsabilités de la "première crise du 75 de 1915", lesquelles sont à rechercher en priorité dans le personnel politique ayant confié à des ateliers de province, mal équipés mais dirigés par des "amis sûrs", de fabriquer au prix fort de la camelote qu'il a fallu retirer du front. Soit pas moins de 1.500.000 projectiles, sans compter ceux qui ont provoqué l'éclatement des tubes et accessoirement la mort ou la mutilation de leurs servants!
Il n'en reste pas moins que la "deuxième crise du 75" est imputable aux techniciens de l'artillerie et qu'elle a été grave malgré de moindres conséquences que celle de 1915.
Il va de soit que je possède les éléments chiffrés et les documents permettant de justifier les arguments ci-dessus exposés sommairement.
Cordialement,
Guy François.
merci Guy,
cette crise située à l'été 1916 correspond bien à la physionomie de cette photo qui est prise à la belle saison, avec présence de feuillages, et le bonnet de police commence à cette époque à remplacer massivement le képi.
Cette image a causé un intéressant déroulé du post.
Bien cordialement.
P. Lamy
"C'est le Vin qui a fait gagner la Guerre"
Jean-Louis Billet, agent de liaison au 70e BACP
Bonjour
Merci Guy, l'argument cité paraissait trop simple à corriger. J'imagine l'appréhension des artilleurs ! Le cordeau détonait au départ ? Brrrr
Une vue des deux modèles sur le site passion-compassion ( bien sur) : http://www.passioncompassion1418.com/de ... Schema.jpg
Cordialement
Alain
Un maréchal des logis du 53°RAC (3° Gr) et un canonnier tués par l'éclatement d'un canon JMO 120°DI.
A 15h55, le 3eme canon de la 9°Bie éclate blessant mortellement le MDL Gimel et le 2°cl Bellœuf, JMO 3°Gr 53°RAC.
Leur fiche respective MPLF indique tué à l'ennemi, 08/05/1916, Attichy .
Cordialement
Jean-Pierre
Quand on ne fait pas tout pour être le premier, le devenir ou le rester, on ne demeure pas le deuxième. On tombe fatalement le dernier.
Louis Hubert Lyautey