Bonsoir
Voici un extrait d'un article de l'Illustration qui situe le contexte: La reconquête de la région nord ouest de Reims.
A prendre pour ce qu'il est : un article de l'Illustration
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(L’ILLUSTRATION N°3925. 25 MAI 1918)
LA PERIODE DE STABILISATION : AVRIL-MAI
Notre front commença de se fixer entre Noyon et Montdidier le 28 mars. Le 1er avril il était stabilisé et ne devait plus subir au Nord que des modifications de faible envergure.
Durant ces quatre jours, le caractère de la lutte aérienne changea. Elle évolua dès lors, vers son ancienne organisation en lui superposant les méthodes neuves de la chasse et de bombardement que notre matériel et notre préparation nous mettaient à même d’appliquer.
Tandis que l’aviation allemande se ressaisit après une courte défection de trois jours, notre aviation retrouve l’ordre et le jeu normal de ses rouages.- - -.
Le 29, les escadrilles de corps d’armée photographient les positions d’artillerie et d’infanterie ennemies que nous venions de fixer au sol. Ces escadrilles sont en liaison avec des unités qu’elles connaissent. Les clichés sortent et sont utilisés avec profit. Les avions d’infanterie jalonnent sur les panneaux que les fantassins installent et les avions d’artillerie règlent pour des batteries maintenant connues d’eux et ravitaillées.
La chasse, elle, retourne au combat aérien. Pourtant jusqu’au 6 ou 7 avril on la verra mitrailler encore des objectifs terrestres- - -
Tout en laissant aux pilotes la liberté de leur action individuelle quand la situation les y engage, on leur prescrit de conduire les attaques en nombre et contre des buts importants. Les escadrilles de chasse se dégagent peu à peu des attaques terrestres pour se consacrer, avec des méthodes nouvelles (patrouilles à gros effectifs et effets de masse), au combat aérien qui est leur propre et protéger ainsi le travail des avions de ligne.
Pendant le mois d’avril on a pu voir, sur notre front, les avions de corps d’armée travailler près du sol sous la protection des patrouilles de chasse, alors qu’au dessus de celles-ci de véritables escadrons aériens balayaient le ciel, laissant le champ libre à des escadrons de bombardiers qui s'en allaient opérer au loin. On a vu, sur des points intéressants, des concentrations de monoplaces jusqu’alors inconnues interdire au Boche tout un secteur. On a vu, dans une seule affaire, une de nos grosses unités de bombardement, en six expéditions à l’intérieur du triangle Roye, Chaulnes, Rosières-en-Santerre, déverser en une journée, sur le sol couvert de Boches, 19.000 kilos de projectiles et la nuit suivante, 18.000.
L’entraînement subi depuis longtemps par nos pilotes les prédisposait à ces manœuvres en groupe- - -
Nous possédons aujourd’hui une armée aérienne à fortes unités capables d’opérations tactiques. Le 16 mai, nous avons sur un seul point réuni le plus grand nombre d’avions groupés que la guerre ait encore lancé dans une opération : 200 aéroplanes français, soumis à une seule direction, ont démontré à l’ennemi que nous tenions la supériorité de l’air. Depuis six semaines, notre armée aérienne s’exerce et perfectionne ce qui fait la cohésion de toutes les armées : ses liaisons. Nos efforts d’une année ont porté leurs fruits.
Depuis le 21 mars, nous avons accompli ce que nous avons voulu, culbuté la résistance ennemie partout où elle s’est manifestée, empêché les Allemands de travailler et travaillé nous-mêmes à peu près librement. On peut donc dire avec certitude que notre aviation a vaincu l’aviation allemande.
LA SUPERIORITE DE NOTRE AVIATION.
Ce succès ne doit pas donner prétexte à une sécurité dangereuse ou à des vues exagérées touchant l’avenir. La manœuvre des masses aériennes n’est réalisable que par temps absolument clair. Dès qu’il y a des nuages, l’impossibilité d’y voir loin et le danger des rencontres interdisent les très fortes patrouilles aériennes. On est obligé de les fragmenter, de pratiquer même la chasse individuelle. Rien du passé n’a disparu dans notre aviation, mais des nouveautés ont apparu qui se ramènent toutes à celles du nombre.
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Voilà longtemps que se maintient la proportion de trois appareils allemands abattus contre un français. Une journée de Fonck a donné 6 contre 0. Dans les batailles sur la Somme des 23-24 mars nous avons chiffré 15 contre 0. Il faut des passes de malchance pour nous ramener à la moyenne de 3 contre 1. Or la guerre dure, et si l’Allemagne a trois appareils à remplacer chaque fois que nous en remplaçons un, elle a trois fois plus de matière et de travail d’usine que nous à fournir rien que pour se maintenir. Qu’une crise de production survienne, elle sera donc fort gênée.
Il semble bien que cette crise a eu lieu. Les dernières préoccupations de Richthofen le prouvent. Il avouait qu’il serait bientôt impossible de voler sur notre front si l’industrie allemande ne produisait pas des monoplaces en grand nombre et supérieurs à ceux en cours par la qualité. Il voyait juste. Les problèmes d’aviation ont toujours deux faces : l’une comprend l’organisation et l’emploi de l’arme, l’autre la production industrielle, et celle-ci commande l’autre, car l’emploi tactique est fonction directe du matériel disponible.
La question d’emploi ne se pose plus. Nos avions composent un personnel incomparable auquel on peut demander tout ce qu’on veut. Nos écoles les instruisent et leur formation professionnelle à l’arrière et au front est assurée.
Les chefs actuels de l’arme sont ceux qui l’ont amenée où elle est. Encore n’ont-ils réalisé qu’une partie de leur programme tactique et stratégique et leur compétence comme leur zèle restent entiers.
Le secret de la victoire gît donc dans l’activité de notre industrie. Sans elle ni la vaillance des exécutants, ni l’esprit d’organisation des chefs ne pourront conserver l’avantage qu’ils ont pu acquérir grâce à elle. Toute la nation, celle qui se bat et celle qui produit, a remporté la victoire. Il dépend de toute la nation de la perpétrer.
L’Allemand le sait, nous devons le savoir. Notre supériorité actuelle vient de ce que, chaque fois que nous l’avons voulu, nous avons envoyé sur le point intéressant une force aérienne assez considérable pour que, même en y lançant ses réserves, le Boche ne pût pas nous y opposer une force plus massive. Le seul moyen de nous empêcher de continuer, de progresser sans cesse en gardant et en augmentant notre avance, serait de provoquer chez nous soit une pénurie de matières premières, soit un arrêt de la main-d’œuvre : Jamais l’heure de travail n’a eu plus d’importance pour nous : c’est quand on prend le dessus que l’effort rend au centuple. C’est donc le moment où le temps doit être le plus intensivement employé. Le Boche est atteint, entravé dans sa production. La nôtre est libre. L’emploi nouveau et vainqueur de l’aviation repose sur le nombre, le nombre sur la main-d’œuvre. Tout ouvrier d’aviation qui chôme, qui néglige une pièce ou un montage, brise dans la main de nos combattants l’arme neuve, l’arme d’avenir dont l’utilisation présente garantit l’efficacité future. Pendant un hiver de magnifique préparation, l’industrie française a forgé l’instrument de notre supériorité présente. Elle a handicapé l’industrie adverse. Elle a triomphé par nos aviateurs. Ce qu’elle vient de faire montre ce qu’elle a à faire. Le secret en est simple : continuer.
LA CIGOGNE
Voir
La seconde bataille de la Marne
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Claude