Bonjour à tous,
EUGENE MATHILDE / FRANCOIS GEORGETTE
HENRI JEANNE
Cotres de pêche du Havre
- EUGENE MATHILDE
Cotre de pêche au maquereau immatriculé au Havre 10tx
Patron ALFRED Simon Léon Caen n° 336
Equipage 4 hommes
- FRANCOIS GEORGETTE
Cotre de pêche au maquereau Le Havre 1132 10 tx
Patron BUQUET François Le Havre 3049
Equipage 4 hommes
- HENRI JEANNE
Cotre de pêche au maquereau Le Havre 23 15 tx
Patron BIDAULT Charles Le Havre 1248
Equipage 4 hommes
Rapport de la commission d’enquête. Exposé des faits
Le 9 Juin vers midi par beau temps et mer calme, FRANCOIS GEORGETTE et EUGENE MATHILDE pêchaient le maquereau à une vingtaine de milles dans le NW de La Hève. FRANCOIS GEORGETTE aperçut tout à coup un obus qui tomba à 20 m du bord, puis un 2e coup, et un sous-marin à 2,5 milles dans l’WNW faisant route sur les pêcheurs en accentuant son tir. N’ayant pas d’embarcation à bord, le patron cherche à venir au largue pour éviter l’attaque, mais il reçut un obus qui brisa la barre. Le sous-marin tira une quarantaine de coups dirigés sur l’avant où deux hommes furent tués.
- LEFEVRE Louis Le Havre 7723 tué sur le coup la tête enlevée par un obus
- LAPPEL Albert Le Havre Le Havre 1343 mortellement blessé, qui râlait encore quand le voilier a coulé.
Les derniers obus contenaient sans doute des gaz asphyxiant car les cadavres sont devenus immédiatement noirs, avec les chairs gonflées et l’un des survivants, Jules LACORNE, a été incommodé par des étouffements et des malaises qui ont duré 24 heures.
Le tir a duré 20 minutes et FRANCOIS GEORGETTE était complètement désemparé. Deux autres cotres, celui appartenant à Etienne Briand et celui de Madame Le Goff ont réussi à s’échapper.
Le sous-marin se dirigea alors vers EUGENE MATHILDE et lui tira 3 coups de canon. L’équipage de ce petit voilier embarqua dans une plate et s’éloigna du bord. Le sous-marin vint élonger EUGENE MATHILDE et y jeta une bombe, le coulant.
Le sous-marin revint vers FRANCOIS GEORGETTE qu’il aborda debout au plein. Les deux survivants, le patron et le matelot Lagorne embarquèrent sur le sous-marin. L’un des autres matelots était mort et le 4e râlait encore quand le commandant du sous-marin, voyant la fumée de FRANCISQUE qui arrivait dans l’Est, prit la décision de couler le voilier avec une bombe, puis de plonger après avoir fait descendre les deux Français naufragés dans le sous-marin.
FRANCISQUE recueillit les 4 hommes d’EUGENE MATHILDE et les ramena au Havre.
Les deux hommes de FRANCOIS GEORGETTE passèrent 24 heures dans le sous-marin qui se posa sur le fond.
Le 10 Juin vers 10h00, ayant aperçu dans son périscope un bateau de pêche, le commandant demanda à Buquet s’il reconnaissait ce bateau et s’il était armé. Buquet prit les jumelles du commandant et reconnut que c’était le bateau de Jules GLASSER. Il affirma au commandant que ce bateau n’était pas armé et le sous-marin vint l’accoster. Il y fit monter les deux hommes et prit ensuite ce voilier à la remorque pour se diriger sur un autre bateau de pêche, HENRI JEANNE, qu’il arraisonna d’un coup de fusil à blanc. L’équipage de trois hommes embarqua dans le youyou et se rendit sur le sous-marin. Deux marins allemands allèrent poser une bombe dans la cale du voilier, y prirent du poisson et se firent reconduire à leur bord.
Les 3 rescapés d’HENRI JEANNE embarquèrent alors dans la chaloupe de Jules Glasser. Le sous-marin fit route au NE, remorquant la chaloupe de Jules Glasser et le youyou de HENRI JEANNE dont la chaine cassa et qui fut abandonné en dérive. Au bout de 2 heures, ne voyant rien à l’horizon, le commandant du sous-marin fit signe à la chaloupe de larguer sa bosse. Elle était alors à 15 milles dans le N35W de La Hève et fit route sur Le Havre où elle arriva à 19h00.
Séjour à bord du sous-marin
Le sous-marin a plongé immédiatement après l’embarquement de Buquet et Lacorne, le 9 Juin vers 12h30. Les deux hommes ont séjourné dans le poste avant où ils entendaient le bourdonnement léger des moteurs électriques. Un homme veillait au microphone et l’équipage semblait écouter les bruits le long de la coque. Le sous-marin a du faire surface vers 20h00 et Lacorne, qui était malade, a été autorisé à monter sur le pont quelques instants. Les diesels ont été mis en route jusqu’à 01h00 du matin, puis le sous-marin s’est à nouveau posé sur le fond. Tout le monde a dormi jusqu’à 08h00 du matin, quand il est remonté en surface. Seul un factionnaire est resté dans la chambre de manœuvre.
Les deux marins français ont été bien traités à bord du sous-marin.
Le commandant avait une assez bonne connaissance de la langue française. Un autre officier a demandé à Lacorne s’il parlait espagnol.
Le commandant a lui-même donné des renseignements sur le ROLAND MORILLOT et a demandé si ce sous-marin avait pu gagner Cherbourg par ses propres moyens. (Nota : ce sous-marin était l’ex allemand UB 26, capturé près du Havre le 5 Avril 1916 par le torpilleur TROMBE)
Buquet a répondu : « J’ignore s’il a été ou non remorqué ». Le commandant n’a fait aucune allusion aux filets, aux barrages, aux mines ou à l’éclairage de la côte. Il a seulement posé des questions sur les relèvements de Port en Bessin, sur les différentes profondeurs d’eau, vraisemblablement pour contrôler la sincérité de Buquet.
Il a aussi demandé :
- A quelle heure partaient les convois ? Réponse « A toute heure de la journée, il n’y a pas d’heures fixes. »
- Quel est l’état alimentaire et le ravitaillement en charbon au Havre ? Réponse : « On a tout ce qu’il faut, mais la vie est chère et l’ouvrier a du mal à se ravitailler ».
- Quels sont les navires de guerre présents au Havre ? Réponse : « Il n’y a pas de gros bateaux, que des petites unités, un tant soit peu. »
Le commandant a aussi ajouté : « J’ai eu un engagement au canon avec des barques de pêche de Port en Bessin et je ne ferai aucun quartier aux bateaux de ce port ».
Quand le sous-marin s’est posé sur le fond, pendant environ 6 heures, il a mouillé une ancre. Le bruit de la chaîne et le virement du treuil ont été très bien perçus par les deux hommes.
Conclusion de l’officier enquêteur
On est en présence sans aucun doute d’un sous-marin de type UB 18 à UB 47 (type ROLAND MORILLOT) ainsi que l’a établi l’enquête faite par un commandant de sous-marin au Havre.
Pont plat
Canon de 88 mm sur l’avant du kiosque
Deux périscopes
Appareil à gouverner sur le kiosque
Chambre de manœuvre à l’aplomb du kiosque. Compartiment avec couchettes sur l’avant de la chambre de manœuvre. Dans ce compartiment, deux tubes lance-torpilles superposés portant sur la porte la date 1915 et deux torpilles de réserve.
Sur l’arrière du compartiment, chambre des machines (diesel et moteurs électriques, avec bouteilles de plongée.
Equipage de 25 hommes et 3 officiers.
Sur la coque, à l’avant du sous-marin, étaient peints un œil et une mâchoire de requin.
Les patrons de ces trois bateaux de pêche ont eu une attitude tout à fait honorable et normale. Il n’y a pas lieu de leur attribuer récompense ou sanction.
Rapport du LV BARBIERE commandant le torpilleur FRANCISQUE au CF Vincent BRECHIGNAC commandant le Front de Mer.
Appareillé par très beau temps de NE et mer plate le 11 Juin à 09h35 pour relever TROMBE à la mer.
Vers 12h10, arrivé à la tête du chenal de sécurité, entendu coups de canon répétés dans l’Ouest. TROMBE me passant à ce moment le service à la voix, je lui demande si elle a des renseignements sur cette canonnade. Sur s réponse négative, je mets cap à l’Ouest à 20 nœuds (vitesse maximum dans la situation actuelle de mon personnel chaufferie). Envoyé radio à JAVELINE.
Je vois derrière moi, faisant même route et même vitesse, deux torpilleurs et un torpilleur de haute mer, sans doute 276, 278 et TYPHON. Au son du canon je rectifie ma route au N70W. Mais je ne peux communiquer avec les torpilleurs qui sont trop loin et n’ont pas la TSF.
J’envoie un message à TYPHON pour former un râteau, mais il ne répond rien et je reçois un message de TROMBE me demandant si j’ai des renseignements. J’en déduis que c’est lui qui est sur mon arrière et je lui réponds par mon message n° 148.
J’aperçois des bateaux de pêche sur mon avant et me dirige sur HOT III qui me dit « les coups de canon ne sont pas éloignés et viennent de l’WNW. Au bout de quelques minutes la voile d’un pêcheur apparaît sur3 quarts bâbord. J’infléchis ma route pour l’interroger lorsque j’aperçois à l’horizon une tache noire surmontée de blanc. Je mets le cap dessus et reconnais une petite embarcation avec des hommes debout. Ce sont des naufragés. A 15h30, à 15 milles au Nord de Courseulles j’accoste cette embarcation qui contient 3 hommes et le patron du cotre EUGENE MATHILDE, coulé à 13h00, en même temps que FRANCOIS GEORGETTE, par un sous-marin.
Je patrouille à petite vitesse pour rechercher les hommes de FRANCOIS GEORGETTE et attendre les deux torpilleurs qui sont loin derrière FRANCISQUE. En fait, la section de torpilleurs qui nous suivait était 316 et 302 et non 276-278.
Vers 14h00, je leur demande de protéger les bateaux de pêche que nous venons de doubler et de les inviter à rentrer au port.
J’envoie un message à TROMBE, lui proposant de patrouiller ensemble pour retrouver les hommes de FRANCOIS GEORGETTE, probablement abandonnés sans embarcation. Mais TROMBE ne répond pas. Je retrouve l’embarcation d’EUGENE MATHILDE que je ne peux remorquer et que je brise d’un coup d’étrave pour qu’elle ne soit pas une occasion de fausse alerte pour les patrouilleurs.
De 16h00 à 21h00 je procède à une recherche méthodique à 12 nœuds, dans une bande de 3 milles de large et 10 milles de long ayant pour axe le N75W, sens du courant, et pour origine le point d’abandon de l’embarcation. Malheureusement, cette recherche ne donne aucun résultat. La mer presque plate donnant une excellente vue, je crains fort que ces malheureux ne se soient noyés car leur capture par le sous-marin est peu probable.
Je mets cap sur Le Havre à 21h15 et débarque les naufragés d’EUGENE MATHILDE à 23h30 dans l’avant port, au sémaphore de la chambre de commerce.
Le sous-marin attaquant
C’était donc l’UB 40 du Kptlt Hans HOWALDT.
Notons que ce sous-marin aura coulé 100 navires et en aura endommagé 15, sous les ordres de 4 commandants, entre Août 1916 et Juillet 1918, dont le grand voilier français SAINT ROGATIEN.
Cdlt
HENRI JEANNE Cotre de pêche du Havre
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- Inscription : ven. oct. 12, 2007 2:00 am
Re: HENRI JEANNE Cotre de pêche du Havre
Cordialement / Best regards
Marc.
A la recherche des navires et des marins disparus durant la Grande Guerre.
Marc.
A la recherche des navires et des marins disparus durant la Grande Guerre.