GUETHARY
Vapeur construit en 1916 au chantier Wood Skinner à Bill Quay pour l’Armement Plisson
1731 t. Longueur 79 m Largeur 11,5 m Une hélice
Rebaptisé BELTINGE en 1931
Perdu le 6 Janvier 1940 au large des Sables d’Olonne lors d’une traversée Port Talbot – Les Sables d’Olonne avec un chargement de charbon.
Rencontre avec un navire corsaire et un sous-marin 21 Avril 1917
Rapport du capitaine
Je soussigné, capitaine du vapeur GUETHARY de l’Armement Plisson et Cie, Compagnie des Chargeurs Français à Paris, déclare avoir quitté Newport (Angleterre) le 19 Avril 1917 avec 2105 tonnes de briquettes pour les Chemins de fer de l’Etat Algérien, à destination d’Arzew. Débarqué le pilote sur rade de Barry Dock le même jour, et suivi les routes recommandées par l’Amirauté.
Le 21 Avril 1917 à 06h00 GMT, par 34°38N et 11°07 W, faisant route au N85E, de veille avec l’officier de quart, aperçu une fumée à l’horizon, puis la silhouette d’un vapeur. Ce navire, à 4 quarts sur tribord, faisait route au 050. Il change de cap et vient au NNW nous coupant la route. Ce navire nous paraissait être un allié, avec canon à l’arrière et mâture haute pour TSF. Venu franchement sur tribord, cap au sud. Le navire fait alors une route parallèle à la nôtre, se tenant à 4 milles dans l’Est, puis vient à l’Ouest, nous coupant à nouveau la route. Cette manœuvre nous paraît suspecte et, voulant garder la distance, je mets cap à l’Ouest. Le navire suspect fait un nouveau changement de route et se maintient dans notre sillage. Je change à nouveau de route et le navire vient dans la même direction, augmentant sa vitesse.
Appelé aux postes de combat, renforcé l’équipage machine avec des matelots afin d’augmenter la vitesse. Atteint la vitesse de 11 nœuds, alors que celle de notre adversaire est de 10,5 nœuds. Il reste dans mon sillage et je vois très bien sa coque. C’est un cargo de type Turret. Voici sa silhouette :

Je viens au SW et il vient au même cap dans mon sillage. Je donne l’ordre de forcer encore la vapeur. Vers 08h10, il abandonne la poursuite et vient lentement sur la droite, cap au WqNW, puis stoppe.
Revenu peu à peu au N85E. A 16h00, aperçu un 4-mâts chargé, mais toutes voiles amenées. Laissé ce navire à 3 milles dans le nord.
A 18h25 GMT, aperçu un sous-marin de grande dimension, l’avant hors de l’eau. Appelé aux postes de combat et venu de 90° sur tribord. Monté à l’allure maximum et chargé la pièce. Le sous-marin tente de nous couper la route. Venu au S77W. La position est 34°49 N et 09°28 W.
A 4,5 milles, l’ennemi ouvre le feu et je riposte. Mais le coup ne part pas car le canonnier de quart, dans sa précipitation a placé la gargousse avant l’obus. L’officier de tir (mon second), le quartier-maître et le 2e canonnier, arrivés entre temps, constatent l’impossibilité de dégager la gargousse et de sortir le projectile. Ne pouvant répondre à mon adversaire, je demande au chef mécanicien de me dégager cette pièce. Très rapidement il façonne une tige de fer avec croc et parvient à enlever la gargousse et à repousser le projectile dans son logement. Venu cap à l’Ouest pour présenter l’arrière, je suis éclairé par le soleil couchant ce qui est une position favorable pour mon adversaire alors que je le vois mal dans l’ombre. Je lui envoie néanmoins 14 projectiles et lui a du en tirer 22 avant d’abandonner la poursuite subitement.
Cessé le feu à 19h10 GMT. Continué au même cap puis, la nuit tombée, revenu au cap initial.
A 20h30, le chef mécanicien me prévient que la soute à charbon bâbord sera vide dans quelques heures et qu’il sera impossible de remonter à allure maximum en cas d’alerte. Je décide de mouiller à Casablanca, port le plus proche, pout transférer du charbon de la cale 2 dans les soutes.
Mouillé à Casablanca le 22 Avril 1917 à 08h00.
Je félicite mon personnel pont et machine pour leur obéissance et leur promptitude à exécuter les ordres, et tout particulièrement mon chef mécanicien, mon second et les canonniers qui m’ont permis de sauver mon navire.
Note du Capitaine de Vaisseau de Cacqueray, commandant la Division navale du Maroc, au Ministre. Mai 1917
J’ai l’honneur de vous communiquer le rapport du capitaine du vapeur GUETHARY, venu en relâche à Casablanca après avoir rencontré un navire corsaire et un sous-marin le 21 Avril 1917.
Le navire corsaire était du type « Turret deck vessel », dont de nombreux exemplaires passent par Gibraltar. C’est vraisemblablement un vapeur anglais évacué par son équipage et conservé comme appui et comme éclaireur avec un équipage de prise, par le sous-marin. Comme signalé par les services de renseignements, il a été coulé par la suite.
Le sous-marin a été mal vu à cause de la nuit tombante, mais le capitaine dit qu’il avait deux canons de type différent. Il s’appuie sur la hauteur des gerbes qui étaient différentes, et sur certains coups tirés à intervalles très faibles, ne pouvant provenir de la même pièce.
Le capitaine Joseph BIHAN, Enseigne de Vaisseau de 1ère classe auxiliaire, CLC inscrit à Groix n° 4, a très bien manœuvré et montré beaucoup de sang froid. Je le propose pour une citation à l’Ordre de la Division pour le motif suivant :
« A fait preuve de sang froid, d’énergie et de qualités professionnelles remarquables lors de la rencontre d’un bâtiment suspect puis d’un sous-marin avec lequel il a engagé le combat. Sa riposte a forcé l’ennemi à abandonner la chasse ».
Je propose une Citation à l’Ordre du Régiment pour le chef mécanicien Georges SOUBABERE, inscrit à La Rochelle n° 856, pour le motif suivant :
« A, sous le feu de l’ennemi, fait preuve du plus grand sang froid en réparant une avarie survenue à la pièce du bord et a permis de reprendre le feu dans un minimum de temps. »
Je propose un Témoignage de Satisfaction du Ministre pour tout l’ équipage au motif suivant :
« Pour sa belle attitude lors de l’attaque de ce vapeur par un sous-marin le 21 Avril 1917 ».
L’armement de la pièce, s’il a montré du sang froid, n’a pas obtenu un rendement méritant une récompense particulière. Je n’ai pas le nom du canonnier qui par maladresse a entravé le tir.
Enfin, il est désirable qu’un bâtiment de la valeur du GUETHARY soit muni le plus rapidement possible de TSF et des Instructions aux Capitaines pour la conduite du tir.
Nota : Toutes les récompenses demandées seront accordées avec signatures des Amiraux de BON et LACAZE.
Le navire « corsaire » et le sous-marin attaquant
Le sous-marin me paraît à l’évidence être l’U 35 du KL Lothar von ARNAULD de la PERIERE.
Nous l’avons déjà vu sur cette même zone lors de sa rencontre avec le vapeur ESPAGNE. Toutefois, la chronologie des faits est difficile à reconstituer et à confirmer sans avoir son KTB sous les yeux.
Comme l‘a confirmé Yves à la fiche ESPAGNE, le navire coulé à 17h30 (heure du sous-marin) est très certainement le NENTMOOR. Le vapeur pris ensuite en chasse est également à coup sûr l’ESPAGNE (reconnaissable à ses 3 mâts). Mais plus tard encore, sans doute (18h30 GMT – 19h30 heure du sous-marin) il va prendre en chasse le GUETHARY et se livrer à un duel d’artillerie avec lui avant d’abandonner la poursuite à cause de la nuit.
Ces deux vapeurs auraient donc échappé l’un après l’autre à l’U35.
Quant au vapeur qui chasse le GUETHARY vers 07h00 du matin, il pourrait bien s’agir du NENTMOOR lui-même. Pour cela, il faudrait qu’il ait été capturé tôt le matin et que quelques Allemands soient montés à son bord, peut-être pour récupérer matériel ou vivres. Ils l’auraient ensuite coulé en fin d’après midi.
Le NENTMOOR était-il un navire du type Turret ? Tout cela reste à vérifier.
Notons aussi la présence de ce quatre-mâts aperçu encalminé par les hommes du GUETHARY et certainement signalé. Les services de renseignements ont sans doute fait une confusion avec le "vapeur corsaire" et ont déclenché une alerte reçue avec un certain étonnement par l'ESPAGNE...
Cdlt