Dundee d’Etel
22,79 tx JB 41 tpl
Armateur François NADAN Cordier à Etel
Affréteur LEBLANC Ostréiculteur à l’île d’Arz
Equipage
- VALEZ Louis Patron
- KERMORVANT Louis Matelot
- HARNOIS Jean-Marie Matelot
- NICO Ange Mousse
Appareille de La Tremblade le 19 Avril 1917 à 13h00 pour l’île d’Arz
La perte d’EMILE ET CHARLOTTE
Le 21 Avril à 06h50 EMILE ET CHARLOTTE se trouve par 47°05 N et 02°40 W faisant route au Nord à 7 nœuds, sans zigzags
Beau temps, mer belle, brume légère, vent d’Est
Un sous-marin est aperçu droit devant à moins d’un mille coupant la route du voilier. Un vapeur se trouve dans l’ESE à 3 ou 4 milles (nota : il s’agit très probablement de UNION 1). Le sous-marin tire un coup de canon dans la mâture et nous fait signe d’avoir à quitter le bord. Viré de bord, mis le canot à l’eau et embarqué dedans. Cinq minutes plus tard, le sous-marin tire deux coups de canon dans la coque. Le dundee chavire quille en l’air, puis coule aussitôt.
Le sous-marin se dirige alors vers le vapeur qui fut sans doute aux prises avec lui, car une heure plus tard on entendit 5 coups de canon.
L’équipage est recueilli par le sloop LAISSE MOI TRANQUILLE et débarque à 15h00 au Croisic.
Conclusion de la commission d’enquête
EMILE ET CHARLOTTE n’avait aucun moyen d’échapper à l’attaquant et ne pouvait espérer aucun secours. Dans ces conditions, le patron ne pouvait que chercher à sauver la vie de son équipage. Il ne mérite ni blâme, ni récompense et n’encoure aucune responsabilité du fait de la perte de son navire.
Description du sous-marin
60 m de long
2 à 3 m au dessus de l’eau
Un canon fixe d’environ 90 mm sur l’avant du kiosque
Antenne double allant de l’avant à l’arrière et passant sur un mât au dessus du kiosque
Peinture grise
Vu un officier sur le kiosque, un officier près du kiosque et un canonnier à la pièce. Les deux officiers étaient coiffés de casquettes. Celui près du kiosque portait un manteau gris. Le canonnier portait une veste et un pantalon de toile bleue et était coiffé d’un bonnet.
Voici deux silhouettes dessinées par les hommes d’EMILE ET CHARLOTTE. La 2e ressemble d’ailleurs beaucoup à celle dessinée par le capitaine d’UNION 1, mais avec un seul canon cette fois.
Dundee. Construit en 1906 au Crotoy, jauge nette : 22,79 tx ; jauge brute : 40,89 tx.
Appartenait à Nadan François, Le Lain et Kervadec Joseph.
Détruit par le sous-marin allemand UC-21 (enseigne de vaisseau Reinhold Saltzwedel) le 21 avril 1917 à 73 milles au sud, 79 milles à l'Ouest de Belle-Ile à 6 h 55.
Armé au bornage le 16 mars 1917.
Source : René Richard et Jacques Roignant, Les navires des ports de la Bretagne provinciale coulés par faits de guerre 1914-1918, Association Bretagne 14-18, 2010.
"Dimanche 22 avril.
…Il n'est que temps d'ailleurs, d'augmenter nos moyens d'action, car l'audace de nos ennemis croît chaque jour, et hier matin, le petit vapeur Union, après avoir vu détruire le caboteur (sic) Emile-Charlotte à 6 milles au large du Pilier, a été lui-même canonné par l'agresseur et a dû se réfugier derrière l'îlot pour éviter le même sort."
Source : marcel Rondeleux, L'Apogée de la guerre sous-marine, 1917-1918, Les éditions de France, 1937, page 91.
Lorsqu’il fut coulé par le sous-marin allemand UC-21, le 21 avril 1917, le dundee Émile-et-Charlotte, alors propriété de François Danan et des époux Bozec, était, selon les dernières mentions portées sur son rôle d’équipage, affecté à la navigation au cabotage et non point armé à la petite pêche. Par suite, il se livrait à une opération de transport commercial et non à une activité de pêche, quand bien même il pratiquait ordinairement la pêche au thon durant la saison d'été.
C’est donc à bon droit que ses propriétaires se virent refuser après-guerre le bénéfice des dispositions de l’article 2, §. 5, de la loi du 17 avril 1919 instituant un régime de réparation intégrale des dommages résultant de faits de guerre, le régime en question n’étant en effet applicable qu’aux seuls « dommages causés aux bateaux armés à la petite pêche ».
• Commission supérieure des dommages de guerre, 1re section, 22 avril 1922, Sieur François Nadan et époux Bozec (rejet). (Bull. des régions libérées, n° 2, 13 janv. 1923, p. 10).
Art. 2, § 5., de la loi du 17 avril 1919 — BATEAU ARMÉ NON A LA PETITE PÊCHE, MAIS AU BORNAGE. — DOMMAGE. INDEMNITÉ REFUSÉE.
La Commission supérieure des dommages de guerre (1re section) :
Vu le recours sommaire et le mémoire ampliatif présentés par le sieur François Nadan et les époux Bozec, tous trois domiciliés à Étel, arrondissement de Lorient (Morbihan), agissant poursuites et diligences du sieur Martin, leur mandataire, ledit recours et ledit mémoire enregistrés au greffe de la Commission supérieure des dommages de guerre les 22 juillet et 15 octobre 1921, et tendant à ce qu'il plaise à ladite Commission annuler un jugement du 15 février 1921 par lequel le Tribunal des dommages de guerre de Lorient a rejeté la demande en indemnité qu’ils avaient formée en réparation de la perte de leur bateau Émile-et-Charlotte, coulé pendant les hostilités, par l’ennemi ;
Ce faisant, attendu que le jugement attaqué a méconnu les dispositions de la loi du 17 avril 1919 en ce qu’il a dénié au bateau appartenant aux requérants le caractère de bateau « armé à la petite pêche », dont la destruction par l’ennemi ouvre un droit à la réparation du dommage causé par ce fait de la guerre ; qu’en effet, l’Émile-et-Charlotte était, lorsqu’il fut attaqué, le 21 avril 1917, à l’embouchure de la Loire, par un sous-marin allemand, armé à la petite pêche, conformément aux règles édictées par l’article 250 du Code de commerce, par les décrets des 20 mars 1852 et 19 mars 1882 ; que, spécialement, l’Émile-et-Charlotte se livrait à la pêche du thon, pendant la saison d'été ; que le jugement attaqué se fonde, à tort, pour refuser aux requérants le bénéfice de la loi du 17 avril 1919, d’une part, sur les principes admis en matière d’assurances, d’autre part, sur ce fait que le rôle de l’Émile-et-Charlotte, bien qu’étant un rôle de bateau de pêche, portait une mention de laquelle il résulterait que ledit rôle avait été transformé en un rôle de bornage ; qu’en effet, en ce qui touche la première objection ci-dessus indiquée, les principes qui régissent la matière des assurances maritimes sont et doivent rester sans application dans une instance relative à des dommages pour faits de guerre ; qu’en ce qui touche la seconde objection, si le rôle de l’Émile-et-Charlotte a été modifié et porte une annotation de laquelle il résulterait que ce rôle, établi en vue de la pêche, a été transformé en un rôle de bornage, cette modification, exigée par l’administration, avait pour unique objet de permettre aux requérants de faire exécuter, accidentellement, par leur bateau, des transports commerciaux, mais ne pouvait avoir pour effet de donner à un bateau armé à la petite pêche le caractère d’un bateau armé au bornage ;
Allouer aux requérants le bénéfice de leurs conclusions de première instance ;
Subsidiairement les renvoyer devant tel Tribunal des dommages de guerre qu’il plaira à la Commission supérieure de désigner ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les observations présentées par le Ministre des Régions libérées en réponse à la communication qui lui a été donnée du recours, lesdites observations enregistrées comme ci-dessus, le 11 février 1922, et tendant au rejet dudit recours par les motifs que le bénéfice du droit à l’indemnité pour dommages causés par des faits de guerre est strictement limité, par le paragraphe 5 de l’article 2 de la loi du 17 avril 1919, aux « bateaux armés à la petite pêche », que ces expressions figurent également dans le décret du 14 mai 1918 remplacé par le règlement d’administration publique du 17 février 1920 ; qu’il ressort des pièces du dossier que le bateau l’Émile-et-Charlotte avait été, par une annotation portée au rôle d’équipage, affecté à la navigation au cabotage et se livrait, effectivement, lors de sa destruction par un sous-marin ennemi, à une opération de transport commercial et non à des opérations de pêche ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu les lois des 17 avril 1919 et 31 mai 1921 ;
Vu les articles 250 et 377 du Code de commerce ;
Vu le décret du 17 février 1920 ;
Vu le décret du 20 mars 1852 ;
Ouï M. Guillaumot, en son rapport ;
Ouï M. de Calan, commissaire du Gouvernement, en ses conclusions ;
Considérant que d’après les dispositions de l’article 2-5° de la loi susvisée du 17 avril 1919, sont envisagés comme dommages résultant des faits de la guerre ouvrant droit à, la réparation intégrale institués par l’article 12 de la loi du 26 décembre 1914 « tous les dommages causés aux bateaux armés à la petite pêche » ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que le bateau l’Émile-et-Charlotte, propriété des requérants, effectuait des transports commerciaux, par une navigation au bornage, conformément aux indications de son rôle d’équipage, lorsqu’il fut coulé en mer par un sous-marins allemand, le 21 avril 1917 ; que la circonstance que ce bateau aurait été antérieurement immatriculé sur les registres de l’inscription maritime, comme bateau armé à la petite pêche, et que cette immatriculation n’aurait point été annulée, mais aurait seulement fait l’objet d'une simple mention, inscrite audit rôle, et indiquant l’affectation à la navigation au bornage de l’Émile-et-Charlotte, ne saurait s’opposer à ce que ce bateau ne puisse être envisagé comme bateau armé à la petite pêche à la date susindiquée ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c’est par une fausse application de la disposition précitée que le jugement attaqué leur a, par ce motif qu’au moment de sa déduction par l’ennemi, l’Émile-et-Charlotte n’était pas un bateau armé à la petite pêche, dénié tout droit à indemnité.
Décide :
Art. 1er – Le recours susvisé du sieur Nadan et des époux Bozec est rejeté.
Art. 2. – Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre des Régions libérées.
Délibéré dans la séance du 27 mars 1922. (Arrêt rendu le 22 avril 1922.)