Bonjour,
"La Primevère était une bonne petite goélette de Saint Valéry qui faisait jadis la pêche d'Islande. Mais la pêche à la morue étant un métier d'enfer comme chacun sait, elle avait changé d'affectation et en 1916, elle se livrait au grand cabotage, tout prosaïquement. Le premier jour de décembre 1916, elle quitte Swansea où elle se trouvait depuis 40 jours et met le cap vers la France avec un plein chargement de charbon. Son capitaine, Auguste Legentil, est un vieux routier de la Manche. Il est seul maître à son bord, avec ses cinq hommes d'équipage, y compris le mousse. Trois jours après, au jour naissant, le temps était beau, un peu brumeux, avec faible brise de E.N.E. et pas de houle. L'on voyait droit devant soi à peine à un mille, mais c'était bien suffisant pour cette coquille de noix filant ses 3 noeuds, vent arrière. Et tout à coup, elle se trouva nez à nez avec un sous-marin allemand, dont une partie de l'équipage travaillait à dégager l'avant d'un lourd fragment de filet indicateur qu'il avait traversé et arraché au cours d'une plongée. L'UB39 n'avait pas de pavillon, mais portait sur son étrave une cocarde aux couleurs allemandes peinte sur le gris éraillé de sa coque. Vous pensez bien qu'il n'envoya pas une torpille contre la pauvre Primevère, une torpille presque aussi longue que la moitié du voilier…Il ne se donna même pas la peine de lui envoyer un coup de semonce. Il gouverna de façon à passer à petite distance à l'arrière pour lire au tableau arrière le nom de la goélette et, après en avoir fait le tour, vint stopper à 100 mètres sur son avant. Puis son commandant, l'oberleutenant Kustner fait signe au capitaine Legentil, de venir le trouver "avec tout son monde" ce qui est fait à l'aide du canot du bord. A peine ont-ils accosté à l'arrière du sous-marin que quatre Allemands, avec deux bombes, se rendent sur la Primevère, y enlevèrent des lainages, des vivres : pommes de terre, jambon, etc…et font sauter le bâtiment qui coule en dix minutes. Malheureusement, en revenant, les Allemands crevèrent le canot le long du sous-marin. Le commandant de celui-ci, bien embarrassé, se décida à faire descendre les six français à l'intérieur de l'UB39 et s'éloigna en plongée. Vers midi, Français et Allemands partagèrent la soupe du bord et le plat de résistance fut le jambon "emprunté" au Primevère. Un jeune mécanicien de Uboote, qui parlait fort bien le français, annonça en riant à ses "invités" que la croisière allait durer dix jours et qu'ils resteraient avec eux jusqu'à Zeebruge. l'après-midi, il y eut trois alertes. l'on tira le canon contre des vapeurs anglais que l'on manqua à cause du roulis. Le soir arrive avec le même menu qu'à midi et les six français sont autorisés à monter prendre l'air quelques instants sur le pont, ce qui les rassure guère car une plongée est vite faite. La nuit se passe en repos sur le fond et une nouvelle journée s'écoule sans trop d'incidents. Aux repas, le jambon achevé, est remplacé par des boîtes de viande, et le capitaine dira dans sa déposition : "Personne n'est brutal avec nous, pas plus que la veille." Le soir, vers 7 heures, nouvelle alerte, canonnade, puis du kiosque le commandant crie :" En haut les Français, tous." Ils ne se le font pas répéter deux fois. Ils montent sur le pont. Le temps est très beau et un clair de lune laisse apparaître la côte française, qu'ils ne peuvent identifier. Un canot du vapeur suédois Omk est accosté le long du bord, l'oberleutenant les faits embarquer en recommandant "de bien les traiter, car, dit-il, ce sont de braves gens." Quelques instants après, nos sous-mariniers involontaires étaient à bord du suédois. Ils débarquèrent, le 5 décembre, à Dartmouth, puis rapatriés au Havre. Ils furent longuement interrogés sur leur aventure. La déposition du capitaine Legentil fut particulièrement remarquable par l'importance des observations qu'il avait pu faire à bord de l'UB39. Avant leur départ, le commandant du sous-marin leur avait dit dans un sourire ironique : "On ne vous défend même pas sur vos côtes…" C'était là un propos bien imprudent."
En effet, UB39 sera coulé par le bateau-piège Glen le 17 mai 1917.
Source : Albert Chatelle, la base navale du Havre, Editions Medicis, 1949.
N.B. figure dans la liste de JPC et celle d'Ar Brav.
Cordialement.
PRIMEVERE - goélette de Saint Valéry, armateur Maurice Chatelain
PRIMEVÈRE — Goélette de Saint-Valéry-en-Caux, armement Maurice Châtelain.
.
Bonsoir à tous,
Bonsoir à tous,
Primevère — Goélette de 143 tx jb construite en 1893 par le chantier E. Gautier, de Saint-Malo. Lors de sa perte, appartenait à l’armement Maurice Châtelain, de Saint-Valéry-sur-Somme (Somme). Armée à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais).
Coulée le 3 décembre 1916 au moyen de charges explosives par le sous-marin allemand UB-39 (Ober-leutnant zur See Heinrich Küstner), à 12 milles dans le Nord du phare du Stiff (Île d’Ouessant) alors qu’elle allait de Swansea (Pays de Galles, Royaume-Uni) à Mortagne-sur-Gironde (Charente-Maritime) avec un chargement de charbon.
Les six hommes d’équipage furent débarqués au Havre, le 11 décembre 1916 (L’Ouest-Éclair – éd. de Caen –, n° 6.251, Mardi 12 déc. 1916, p. 4, en rubrique « Nouvelles maritimes »).
Coulée le 3 décembre 1916 au moyen de charges explosives par le sous-marin allemand UB-39 (Ober-leutnant zur See Heinrich Küstner), à 12 milles dans le Nord du phare du Stiff (Île d’Ouessant) alors qu’elle allait de Swansea (Pays de Galles, Royaume-Uni) à Mortagne-sur-Gironde (Charente-Maritime) avec un chargement de charbon.
Les six hommes d’équipage furent débarqués au Havre, le 11 décembre 1916 (L’Ouest-Éclair – éd. de Caen –, n° 6.251, Mardi 12 déc. 1916, p. 4, en rubrique « Nouvelles maritimes »).
Dernière modification par Rutilius le dim. oct. 07, 2018 8:11 pm, modifié 2 fois.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Daniel.
-
olivier 12
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Re: PRIMEVERE - goélette de Saint Valéry, armateur Maurice Chatelain
Bonjour à tous,
PRIMEVERE
Goélette française désaffectée de la pêche d’Islande pour le grand cabotage.
147 tx JB
Armateur Maurice Chatelain de Saint Valéry en Caux
Affréteur Papin de Mortagne sur Gironde
Equipage
LEGENTIL Auguste Capitaine Granville 242 (de Régneville)
LEGENTIL Victor Maître d’équipage
SALAUN Pierre Matelot
LAINE Jean-Baptiste Matelot
LAVIDER Albert Matelot
LAVIDER Pierre Mousse
A quitté Swansea le 1er Décembre 1916 à 09h00 après 40 jours d’escale avec un chargement de charbon pour Mortagne sur Gironde. On lui a indiqué que le golfe de Gascogne était libre de sous-marins.
Le 3 Décembre à 07h45 PRIMEVERE fait route au SqSE à 2,5 nœuds allure de largue. Beau temps. Mer clapoteuse. Pas de houle. Brumaille, visibilité maximum 1 mille. La goélette est alors à 12 milles au Nord du Stiff, pointe NE d’Ouessant.
Un sous-marin est aperçu en surface à 1 mille dans l’Est, faisant route à 13 nœuds, portant les couleurs allemandes peintes sur le gris de la coque. Il ne fait pas de signaux par pavillon et ne tire pas de coup de semonce. Ayant aperçu PRIMEVERE, il suit la route ci-dessous, passe à petite distance sur l’arrière pour lire le nom, puis sur l’avant et stoppe à 100 m au vent.
Rapport du Lieutenant de Vaisseau AGNES, officier enquêteur
Appelé par geste, le capitaine de la goélette se rendit avec tout son équipage sur le sous-marin. Etant monté à bord du sous-marin avec tout son monde, il reçut l’ordre de rester sur la plage avant avec ses hommes.
Ils virent alors deux hommes du sous-marin occupés à dégager la partie avant et le gouvernail tribord d’un filet métallique enchevêtré d’un bout de manille assez grosse. C’était sans doute un filet indicateur rouillé. Il n’ont pas vu les marins allemands couper ce filet car il venait à la main. Ils l’ont roulé en paquet et l’ont jeté à la mer. Le travail de dégagement avait été en majeure partie effectué avant la rencontre.
Quatre hommes sont montés dans le canot de PRIMEVERE avec deux bombes et se sont rendus sur la goélette. Ils ont enlevé habitacle, loch, lainages, sacs de pommes de terre et jambons et ont placé une bombe dans la chambre arrière et ont mis le feu à la main après avoir arrosé de pétrole. Ils se sont ensuite amarrés à l’arrière en attendant l’explosion des bombes. Mais elle ne s’est pas produite. Ils sont alors retournés à bord du sous-marin et ont pris une bombe plus forte qu’ils ont amarrée à la flottaison sur tribord arrière, puis se sont éloignés à une centaine de mètres après avoir allumé la mèche. L’explosion s’est produite, a fait une large brèche et PRIMEVERE a coulé au bout de 10 minutes tandis que le sous-marin tournait autour.
Une fois le bateau disparu, le commandant a fait descendre l’équipage dans le sous-marin et celui-ci a fait route en surface. La raison qui l’a amené à garder l’équipage à bord est qu’au retour du canot, après le pillage, celui-ci s’est crevé contre la coque du sous-marin. Le capitaine Legentil s’en est aperçu à temps quand ses hommes rembarquaient et l’a fait remarquer au commandant allemand. Ce dernier a alors fait signe aux deux hommes déjà embarqués de revenir à son bord. Défense a été faite aux Français de regarder le compas, et ils ont été séparés en deux groupes : le capitaine et le mousse dans le poste de l’équipage à l’avant, et les autres hommes dans le compartiment moteur à l’arrière.
Vers midi, le commandant a fait servir aux Français le même repas qu’à son équipage : purée de pois chauds cuite sur une cuisinière électrique, jambon pris sur le PRIMEVERE, eau, pain bis assez frais.
Le cuisinier, qui parle anglais, ne fait aucune difficulté pour répondre aux questions du capitaine Legentil. Ce dernier remarque que les hommes non de quart dorment en bottes et en costume de cuir soit sur les couchettes, soit par terre. Dans l’après midi, les deux groupes de Français alternent et ceux de l’arrière passent devant. Le capitaine peut alors engager la conversation avec un jeune mécanicien qui parle correctement le français, mais en cherchant ses phrases. Il lui dit qu’ils sont en mer depuis une dizaine de jours et que son port d’attache est en Belgique. Ils doivent encore rester 10 jours à la mer, puis ils prendront leur roulement de repos pendant une quarantaine de jours, tandis que leur bâtiment repartira avec un équipage nouveau après seulement 10 jours d’arrêt. Il existe donc deux équipages par sous-marin. Le jeune mécanicien ajoute que c’est excessivement pénible. Tous les hommes ont l’air très fatigués. Il dit que son sous-marin a déjà attaqué 30 navires.
(Remarque : cette information est parfaitement exacte puisqu’entre Septembre et Décembre 1916 UB 39 avait effectivement attaqué 30 navires dont les Français MARGUERITE, ALCYON, JEUNE UNION, EUROPE, SAINT PHILIPPE et JEANNE D’ARC).
La température aux machines est des plus élevées en surface. Les moteurs à pétrole sont volumineux et bruyants. L’inconfort de cette partie du bâtiment est accru du fait que les bouteilles (toilettes) s’y trouvent et le siège n’est séparé de l’intérieur du bâtiment que par un simple rideau. Le sous-marin roule régulièrement.
A trois reprises différentes dans l’après midi, l’alarme a retenti, venant du kiosque. Tout le monde se précipite à son poste et personne ne reste au repos. Le canonnier saute sur le pont, les hommes disponibles font passer les cartouches depuis le poste équipage. 5 coups de canon ont été tirés à chaque alerte. Chacune a été suivie d’une plongée tellement rapide que le capitaine doit se cramponner pour ne pas tomber. Renseignements pris auprès du cuisinier, ce sont trois vapeurs anglais qui ont été canonnés maladroitement à cause du roulis, mais qui ont du répondre plus adroitement.
Le soir, les officiers prennent leur repas près du kiosque et du périscope. C’est le même menu qu’à midi. Les Français reçoivent ensuite l’ordre de monter sur le pont. Ils ne sont qu’à moitié rassurés, mais un seul marin allemand les accompagne. Ils redescendent au bout de 5 minutes et le commandant leur dit que c’est simplement pour prendre un peu l’air qu’il les a fait monter. Le capitaine Legentil est remis sur l’avant avec le mousse, et les autres sur l’arrière.
Vers 20h00, le sous-marin descend très bas. Le manomètre de la barre avant marque 25. Les moteurs sont mis à vitesse réduite et les mouvements de barre sont si espacés que le sous-marin donne l’impression de dormir. Mais une bordée entière reste aux divers postes de manœuvre et le capitaine remarque que les hommes sont interchangeables aux divers postes. Les bordées sont de 10 hommes, et la nuit se passe au repos.
Le 4 Décembre, le sous-marin remonte en surface et fait route au Sud toute la journée, vent de travers. Le soir, il est au Sud d’Ouessant. La journée se passe sans incident. Déjeuner et dîner sont identiques à ceux de la veille. Des mots sont échangés en français et en anglais avec ceux qui comprennent ces langues. Personne n’est brutal avec les Français.
Vers 19h00, trois coups de canon sont tirés, et 5 minutes plus tard, un 4e coup. Du kiosque le commandant appelle : « En haut les Français» «Tous» !
Ils montent sur le pont et trouvent accostée le long du bord une embarcation du vapeur danois OMSK. Le second du vapeur est à bord et montre ses papiers. Le sous-marin confie alors les Français au vapeur danois et le commandant du sous-marin recommande aux Danois de bien les traiter car, dit-il, « Ce sont de braves gens ». D’ailleurs, lorsque les hommes de PRIMEVERE quittent son bord, il leur souhaite « Bonne chance ». Il ajoute avec un sourire ironique « On ne vous défend même pas sur vos côtes… »
Quand le vapeur danois les recueille il fait un beau clair de lune et les côtes d’Ouessant apparaissent à quelques milles. OMSK fait route sur Dartmouth où l’équipage de PRIMEVERE est débarqué, puis interrogé et rapatrié. Le capitaine a sauvé le rôle d’équipage et l’acte de francisation ainsi que tout son argent personnel et celui de son équipage.
Description complémentaire du sous-marin
C’était l’UB 39 (reconnu à bord même du sous-marin)
60 à 70 m de long
1 canon de 88 mm fixe sur l’avant du kiosque
Pas de projecteur
Pas de garde contre filets pour le gouvernail
Pas de mât, ni rabattu, ni dressé
TSF installée sur le périscope avec isolateurs
Coque peinte en gris éraillé avec cocarde allemande sur l’avant
Pas d’embarcation
La température dans les machines est acceptable en plongée. La respirabilité est bonne tout le temps.
Qualités évolutives excellentes. 30 secondes pour passer de la surface à la plongée, sous un grand angle. 5 minutes pour remonter en surface de 25 m.
Le Lundi vers 10h00 le sous-marin a tiré 7 coups de canon sans stoppage, ni manœuvre, ni plongée. Le cuisinier a confirmé l’exercice.
20 hommes d’équipage dont 3 officiers. Tous ont moins de 30 ans. Tous portent des vêtements de cuir. Officiers en jerseys blancs et hommes d’équipage en jerseys bleus.
Le commandant du sous-marin parlait très bien le français avec un accent pas trop marqué.
Voici les dessins du sous-marin faits par le capitaine Legentil
Conclusions de l’officier enquêteur
Le capitaine de PRIMEVERE ne pouvait faire autre chose que ce qu’il a fait. Il s’est même bien appliqué à observer pendant son séjour à bord.
Commentaire
Cette relation d'un séjour effectué à bord d'un sous-marin par les hommes d'un navire coulé n'est pas sans rappeler l'affaire de l'EMMA LAURANS. Elle est fort intéressante et montre une fois encore que ces marins, bien qu'adversaires dans ce terrible conflit, n'éprouvaient pas de haine les uns envers les autres...
Cdlt
PRIMEVERE
Goélette française désaffectée de la pêche d’Islande pour le grand cabotage.
147 tx JB
Armateur Maurice Chatelain de Saint Valéry en Caux
Affréteur Papin de Mortagne sur Gironde
Equipage
LEGENTIL Auguste Capitaine Granville 242 (de Régneville)
LEGENTIL Victor Maître d’équipage
SALAUN Pierre Matelot
LAINE Jean-Baptiste Matelot
LAVIDER Albert Matelot
LAVIDER Pierre Mousse
A quitté Swansea le 1er Décembre 1916 à 09h00 après 40 jours d’escale avec un chargement de charbon pour Mortagne sur Gironde. On lui a indiqué que le golfe de Gascogne était libre de sous-marins.
Le 3 Décembre à 07h45 PRIMEVERE fait route au SqSE à 2,5 nœuds allure de largue. Beau temps. Mer clapoteuse. Pas de houle. Brumaille, visibilité maximum 1 mille. La goélette est alors à 12 milles au Nord du Stiff, pointe NE d’Ouessant.
Un sous-marin est aperçu en surface à 1 mille dans l’Est, faisant route à 13 nœuds, portant les couleurs allemandes peintes sur le gris de la coque. Il ne fait pas de signaux par pavillon et ne tire pas de coup de semonce. Ayant aperçu PRIMEVERE, il suit la route ci-dessous, passe à petite distance sur l’arrière pour lire le nom, puis sur l’avant et stoppe à 100 m au vent.
Rapport du Lieutenant de Vaisseau AGNES, officier enquêteur
Appelé par geste, le capitaine de la goélette se rendit avec tout son équipage sur le sous-marin. Etant monté à bord du sous-marin avec tout son monde, il reçut l’ordre de rester sur la plage avant avec ses hommes.
Ils virent alors deux hommes du sous-marin occupés à dégager la partie avant et le gouvernail tribord d’un filet métallique enchevêtré d’un bout de manille assez grosse. C’était sans doute un filet indicateur rouillé. Il n’ont pas vu les marins allemands couper ce filet car il venait à la main. Ils l’ont roulé en paquet et l’ont jeté à la mer. Le travail de dégagement avait été en majeure partie effectué avant la rencontre.
Quatre hommes sont montés dans le canot de PRIMEVERE avec deux bombes et se sont rendus sur la goélette. Ils ont enlevé habitacle, loch, lainages, sacs de pommes de terre et jambons et ont placé une bombe dans la chambre arrière et ont mis le feu à la main après avoir arrosé de pétrole. Ils se sont ensuite amarrés à l’arrière en attendant l’explosion des bombes. Mais elle ne s’est pas produite. Ils sont alors retournés à bord du sous-marin et ont pris une bombe plus forte qu’ils ont amarrée à la flottaison sur tribord arrière, puis se sont éloignés à une centaine de mètres après avoir allumé la mèche. L’explosion s’est produite, a fait une large brèche et PRIMEVERE a coulé au bout de 10 minutes tandis que le sous-marin tournait autour.
Une fois le bateau disparu, le commandant a fait descendre l’équipage dans le sous-marin et celui-ci a fait route en surface. La raison qui l’a amené à garder l’équipage à bord est qu’au retour du canot, après le pillage, celui-ci s’est crevé contre la coque du sous-marin. Le capitaine Legentil s’en est aperçu à temps quand ses hommes rembarquaient et l’a fait remarquer au commandant allemand. Ce dernier a alors fait signe aux deux hommes déjà embarqués de revenir à son bord. Défense a été faite aux Français de regarder le compas, et ils ont été séparés en deux groupes : le capitaine et le mousse dans le poste de l’équipage à l’avant, et les autres hommes dans le compartiment moteur à l’arrière.
Vers midi, le commandant a fait servir aux Français le même repas qu’à son équipage : purée de pois chauds cuite sur une cuisinière électrique, jambon pris sur le PRIMEVERE, eau, pain bis assez frais.
Le cuisinier, qui parle anglais, ne fait aucune difficulté pour répondre aux questions du capitaine Legentil. Ce dernier remarque que les hommes non de quart dorment en bottes et en costume de cuir soit sur les couchettes, soit par terre. Dans l’après midi, les deux groupes de Français alternent et ceux de l’arrière passent devant. Le capitaine peut alors engager la conversation avec un jeune mécanicien qui parle correctement le français, mais en cherchant ses phrases. Il lui dit qu’ils sont en mer depuis une dizaine de jours et que son port d’attache est en Belgique. Ils doivent encore rester 10 jours à la mer, puis ils prendront leur roulement de repos pendant une quarantaine de jours, tandis que leur bâtiment repartira avec un équipage nouveau après seulement 10 jours d’arrêt. Il existe donc deux équipages par sous-marin. Le jeune mécanicien ajoute que c’est excessivement pénible. Tous les hommes ont l’air très fatigués. Il dit que son sous-marin a déjà attaqué 30 navires.
(Remarque : cette information est parfaitement exacte puisqu’entre Septembre et Décembre 1916 UB 39 avait effectivement attaqué 30 navires dont les Français MARGUERITE, ALCYON, JEUNE UNION, EUROPE, SAINT PHILIPPE et JEANNE D’ARC).
La température aux machines est des plus élevées en surface. Les moteurs à pétrole sont volumineux et bruyants. L’inconfort de cette partie du bâtiment est accru du fait que les bouteilles (toilettes) s’y trouvent et le siège n’est séparé de l’intérieur du bâtiment que par un simple rideau. Le sous-marin roule régulièrement.
A trois reprises différentes dans l’après midi, l’alarme a retenti, venant du kiosque. Tout le monde se précipite à son poste et personne ne reste au repos. Le canonnier saute sur le pont, les hommes disponibles font passer les cartouches depuis le poste équipage. 5 coups de canon ont été tirés à chaque alerte. Chacune a été suivie d’une plongée tellement rapide que le capitaine doit se cramponner pour ne pas tomber. Renseignements pris auprès du cuisinier, ce sont trois vapeurs anglais qui ont été canonnés maladroitement à cause du roulis, mais qui ont du répondre plus adroitement.
Le soir, les officiers prennent leur repas près du kiosque et du périscope. C’est le même menu qu’à midi. Les Français reçoivent ensuite l’ordre de monter sur le pont. Ils ne sont qu’à moitié rassurés, mais un seul marin allemand les accompagne. Ils redescendent au bout de 5 minutes et le commandant leur dit que c’est simplement pour prendre un peu l’air qu’il les a fait monter. Le capitaine Legentil est remis sur l’avant avec le mousse, et les autres sur l’arrière.
Vers 20h00, le sous-marin descend très bas. Le manomètre de la barre avant marque 25. Les moteurs sont mis à vitesse réduite et les mouvements de barre sont si espacés que le sous-marin donne l’impression de dormir. Mais une bordée entière reste aux divers postes de manœuvre et le capitaine remarque que les hommes sont interchangeables aux divers postes. Les bordées sont de 10 hommes, et la nuit se passe au repos.
Le 4 Décembre, le sous-marin remonte en surface et fait route au Sud toute la journée, vent de travers. Le soir, il est au Sud d’Ouessant. La journée se passe sans incident. Déjeuner et dîner sont identiques à ceux de la veille. Des mots sont échangés en français et en anglais avec ceux qui comprennent ces langues. Personne n’est brutal avec les Français.
Vers 19h00, trois coups de canon sont tirés, et 5 minutes plus tard, un 4e coup. Du kiosque le commandant appelle : « En haut les Français» «Tous» !
Ils montent sur le pont et trouvent accostée le long du bord une embarcation du vapeur danois OMSK. Le second du vapeur est à bord et montre ses papiers. Le sous-marin confie alors les Français au vapeur danois et le commandant du sous-marin recommande aux Danois de bien les traiter car, dit-il, « Ce sont de braves gens ». D’ailleurs, lorsque les hommes de PRIMEVERE quittent son bord, il leur souhaite « Bonne chance ». Il ajoute avec un sourire ironique « On ne vous défend même pas sur vos côtes… »
Quand le vapeur danois les recueille il fait un beau clair de lune et les côtes d’Ouessant apparaissent à quelques milles. OMSK fait route sur Dartmouth où l’équipage de PRIMEVERE est débarqué, puis interrogé et rapatrié. Le capitaine a sauvé le rôle d’équipage et l’acte de francisation ainsi que tout son argent personnel et celui de son équipage.
Description complémentaire du sous-marin
C’était l’UB 39 (reconnu à bord même du sous-marin)
60 à 70 m de long
1 canon de 88 mm fixe sur l’avant du kiosque
Pas de projecteur
Pas de garde contre filets pour le gouvernail
Pas de mât, ni rabattu, ni dressé
TSF installée sur le périscope avec isolateurs
Coque peinte en gris éraillé avec cocarde allemande sur l’avant
Pas d’embarcation
La température dans les machines est acceptable en plongée. La respirabilité est bonne tout le temps.
Qualités évolutives excellentes. 30 secondes pour passer de la surface à la plongée, sous un grand angle. 5 minutes pour remonter en surface de 25 m.
Le Lundi vers 10h00 le sous-marin a tiré 7 coups de canon sans stoppage, ni manœuvre, ni plongée. Le cuisinier a confirmé l’exercice.
20 hommes d’équipage dont 3 officiers. Tous ont moins de 30 ans. Tous portent des vêtements de cuir. Officiers en jerseys blancs et hommes d’équipage en jerseys bleus.
Le commandant du sous-marin parlait très bien le français avec un accent pas trop marqué.
Voici les dessins du sous-marin faits par le capitaine Legentil
Conclusions de l’officier enquêteur
Le capitaine de PRIMEVERE ne pouvait faire autre chose que ce qu’il a fait. Il s’est même bien appliqué à observer pendant son séjour à bord.
Commentaire
Cette relation d'un séjour effectué à bord d'un sous-marin par les hommes d'un navire coulé n'est pas sans rappeler l'affaire de l'EMMA LAURANS. Elle est fort intéressante et montre une fois encore que ces marins, bien qu'adversaires dans ce terrible conflit, n'éprouvaient pas de haine les uns envers les autres...
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olivier
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olivier 12
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- Inscription : ven. oct. 12, 2007 2:00 am
Re: PRIMEVERE - goélette de Saint Valéry, armateur Maurice Chatelain
Bonjour à tous,
Le vapeur danois OMSK, 1574 t, qui récupéra les marins de PRIMEVERE, sera coulé 6 semaines plus tard, le 15 Janvier 1917, par l’U 84 du Kptlt Walter ROEHR à 93 milles de Bishop Rock alors qu’il allait de Leith à Gênes avec un chargement de charbon.
On peut voir sa photo sur ce lien :
http://www.uboat.net/wwi/ships_hit/4555.html
Cdlt
Le vapeur danois OMSK, 1574 t, qui récupéra les marins de PRIMEVERE, sera coulé 6 semaines plus tard, le 15 Janvier 1917, par l’U 84 du Kptlt Walter ROEHR à 93 milles de Bishop Rock alors qu’il allait de Leith à Gênes avec un chargement de charbon.
On peut voir sa photo sur ce lien :
http://www.uboat.net/wwi/ships_hit/4555.html
Cdlt
olivier
Re: PRIMEVERE - goélette de Saint Valéry, armateur Maurice Chatelain
Bonjour,
Cette goélette a eu au moins 3 ports d'armement :
Cette goélette a eu au moins 3 ports d'armement :
- 1893 - 1903 : Paimpol (Pêche)
- 1903 - 1913 : Binic (Pêche / Cabotage)
- 1913 - 1916 : Vannes (?) / Saint Valery / Boulogne (Cabotage)
Cordialement / Best regards
Marc.
A la recherche des navires et des marins disparus durant la Grande Guerre.
Marc.
A la recherche des navires et des marins disparus durant la Grande Guerre.
Re: PRIMEVERE - goélette de Saint Valéry, armateur Maurice Chatelain
Bonjour,
Quelques articles de presse sur la navigation du voilier PRIMEVERE - Port de Paimpol (1893 / 1903) :
A bientôt.
Quelques articles de presse sur la navigation du voilier PRIMEVERE - Port de Paimpol (1893 / 1903) :
1893
Capitaine Henry
1894
1897
1899
Capitaine Le Guyader
1901
Armateur : M. Jules Gicquel
1902
Vente du navire à l'armement E. Le Suavé et Galerne Frères - Binic
1903
Capitaine Henry
- PRIMEVERE La Petite Gironde 1893-09-12.jpg (91.3 Kio) Consulté 144 fois
1894
- PRIMEVERE Le Courrier de la Rochelle 1894-08-30.jpg (50.67 Kio) Consulté 144 fois
- PRIMEVERE La Croix 1894-08-31.jpg (91.9 Kio) Consulté 144 fois
1897
- PRIMEVERE La Petite Gironde 1897-06-19.jpg (100.23 Kio) Consulté 144 fois
- PRIMEVERE La Croix des Marins 1897-10-31.jpg (60.51 Kio) Consulté 144 fois
1899
Capitaine Le Guyader
- PRIMEVERE La Dépêche de Brest 1899-11-30.jpg (106.76 Kio) Consulté 144 fois
1901
Armateur : M. Jules Gicquel
- PRIMEVERE La Dépêche de Brest 1901-08-27.jpg (33.52 Kio) Consulté 144 fois
1902
Vente du navire à l'armement E. Le Suavé et Galerne Frères - Binic
- PRIMEVERE L'Indépendant Dinannais 1902-10-23.jpg (57.56 Kio) Consulté 144 fois
1903
- PRIMEVERE La Croix des Marins 1903-04-12.jpg (73.35 Kio) Consulté 144 fois
- PRIMEVERE L'Ouest Eclair 1903-05-20.jpg (32.69 Kio) Consulté 144 fois
A bientôt.
Cordialement / Best regards
Marc.
A la recherche des navires et des marins disparus durant la Grande Guerre.
Marc.
A la recherche des navires et des marins disparus durant la Grande Guerre.
Re: PRIMEVERE - goélette de Saint Valéry, armateur Maurice Chatelain
Bonjour,
Une revue de presse sur la carrière du voilier PRIMEVERE à Binic (1903 / 1913) :
1903 : Capitaine Simon - Armateur Paul Galerne
1904 : Capitaine Pinel
1905 : Capitaine Pinel - Armateur Paul Galerne
1906 : Capitaine Conan
1907 : Capitaine Conan
1908 : Armateur Le Sauvé et Galerne
1909 : Capitaine Conan
1910 :
1911 :
1912 : Le voilier PRIMEVERE navigue au cabotage.
1913 : Le voilier PRIMEVERE est vendu à un armateur de Vannes et navigue au cabotage.
A bientôt.
Une revue de presse sur la carrière du voilier PRIMEVERE à Binic (1903 / 1913) :
1903 : Capitaine Simon - Armateur Paul Galerne
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1904 : Capitaine Pinel
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1905 : Capitaine Pinel - Armateur Paul Galerne
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1906 : Capitaine Conan
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1907 : Capitaine Conan
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- Pierre Le Chapelain - PRIMEVERE - Plouézec
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1908 : Armateur Le Sauvé et Galerne
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1909 : Capitaine Conan
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1910 :
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1911 :
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1912 : Le voilier PRIMEVERE navigue au cabotage.
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1913 : Le voilier PRIMEVERE est vendu à un armateur de Vannes et navigue au cabotage.
- PRIMEVERE L'Express Républicain de Saone et Loire 1913-03-24.jpg (47.14 Kio) Consulté 115 fois
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- PRIMEVERE Le Yacht 1913-10-11.jpg (37.17 Kio) Consulté 109 fois
A bientôt.
Cordialement / Best regards
Marc.
A la recherche des navires et des marins disparus durant la Grande Guerre.
Marc.
A la recherche des navires et des marins disparus durant la Grande Guerre.