LA ROCHEJAQUELEIN Trois-mâts barque

Memgam
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Re: LA ROCHEJAQUELEIN Trois-mâts barque

Message par Memgam »

Bonjour,

LA ROCHEJAQUELEIN, Trois-mâts barque
Construit aux chantiers Nantais de Constructions Maritimes, lancé en novembre 1901 pour les armateurs Bureau Frères & Baillergeau de Nantes.
2297 tjb, 3100 tpl, 79,80 x 12,26 x 6,89 m.
porte le nom d'Henri du Vergier, comte de la Rochejaquelein (1772-1794), l'un des chefs des armées vendéennes.
A son neuvage, capitaine Ernest Durand, dans la nuit du 13 février 1902, par temps brumeux et mer belle, alors qu'il était à six noeuds, sous remorque du Flying Serpent à destination de Barry Dock, il fut abordé à l'avant par une goêlette de 200 tx qui coulat immédiatement mais dont l'équipage réussit à se réfugier sur le trois-mâts.
La Rochejaquelein appareilla de Barry Dock avec un chargement de charbon à 20,42 francs la tonne, pour l'Afrique du Sud qu'il atteignit en 41 jours. Il alla ensuite sur lest à Tegal (Indes néerlandaises) pour charger du sucre à 30 francs la tonne pour Philadelphie (Etats-Unis). Il fit le retour à Cherbourg en 11 jours, ce qui constitue un record. Ce voyage de 419 jours, avec les deux frets et la prime de navigation (loi de 1893) permit une recette totale de 249 223 francs, mais les frais étaient de 211 308 francs. Le bénéfice apparent était de 37 915 francs, mais hors amortissement du prix du navire et hors frais des actions.
Le deuxième voyage se fit de Cherbourg à Swansea pour charger du charbon à destination de San Francisco en revenant avec du blé. Un voyage de 379 jours, et un bénéfice de 17 000 francs, hors amortissement. Le troisième voyage, à l'identique, dura 321 jours, avec un bénéfice de 50 000 francs. Les quatrième et cinquième voyages furent similaires.
Le capitaine Durand, qui était resté 6 ans à bord, fut remplacé par le capitaine Jean Nicolas en Australie, au printemps 1908, lors du 6 ème voyage, revenant de nouveau par Portland. Nicolas fit le septième voyage, de nouveau pour les Etats-Unis. Le huitième passa par l'Australie, le Chili, de nouveau l'Australie puis les Etats-Unis. Il dura 575 jours.
Le capitaine Hélary fit le neuvième voyage, pour le Chili, en 425 jours, et le dixième voyage, pour les Etats-Unis.
Le onzième voyage se fit pour l'Australie, avec escale à Freemantle (Australie) du 1er janvier au 6 février 1915 où le capitaine Jean-Marie Créquer prit le commandement.
Pour le douzième voyage, le capitaine Victor Rebillard prit le navire en charge le 26 septembre 1915 à Londres, sur lest, pour l'Australie où il chargea du charbon pour San Francisco, revenant avec du blé vers l'Europe, qu'il n'atteignit pas, ayant été coulé par l'UC 17, le 15 novembre 1916.

Cordialement.

Sources : Louis Lacroix, Les derniers grands voiliers, Peyronnet, 1937.
Henri Picard, La fin des cap-horniers, Edito Vila, 1976.
Jean Randier, Grands voiliers français, Editions des quatre seigneurs, 1974.
Philippe Ouvrard, Les cap-horniers nantais, 1889-1921, mémoire de maîtrise, 1980.
Frédéric Grellier, Trésors cap-horniers, O large éditions, 2011. Photo de La Trobe collection.
Patrick Ahern, French sailing ships at Australian ports, arrivals and departures 1898-1925, Patrick Ahern, 2008.
Brigitte et Yvonnick Le Coat, Cap Horn, une vie, un mythe, Pascal Galodé editions, 2008, photo page 67 de la famille Créquer.

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Re: LA ROCHEJAQUELEIN Trois-mâts barque

Message par Memgam »

Bonjour,

Rapport de mer du capitaine commandant le navire français La Rochejaquelein.

"Je, soussigné Rébillard, capitaine du navire français La Rochejaquelein de Nantes, armé à Londres le 10 août 1915 par MM Bureau Frères & Baillergeau, déclare être parti de San Francisco le 23 juin 1916 à destination d'Ipswich avec un chargement de 3021 tonnes d'orge. Le navire se trouvait en parfait état de navigabilité et muni de tous les engins de sauvetage réglementaires. Appareillé à 8 h 00 du matin avec l'assistance du pilote et d'un remorqueur qui m'ont conduit au bateau-feu de l'entrée. Etabli toute voilure et fait route pour ma destination. J'ai eu de très faibles brises variant du N.O. au N.E. jusqu'aux calmes équatoriaux où j'ai été retardé quelquesjours. Dans les alizés, très fortes brises de S.S.E. me forçant à tenir le plus près pour doubler lesPomatou. J'ai rencontré les vents variables par 26 ° sud. Ces vents qui soufflaient le plus souvent en tempête m'ont conduit rapidement au cap Horn que j'ai doublé le 26 août. J'ai eu des calmes et faibles brises varaibles jusqu'aux alizés du S.E. que j'ai rencontré par 22° sud et 26° ouest. Jolie brise de l'E.S.E. dans ces alizés et navigation ordinaire jusqu'à l'équateur que j'ai passé le 7 octobre. Quelques jours de temps orageux et j'ai trouvé les alizés du N.E., qui, ayant tourné à l'est m'ont conduit par 23° nord et 39° ouest. Du 6 au 10 novembre, par 45° nord et 27° ouest, tempête du O.S.O. grains violents avec éclairs et tonnerre. Pont constamment couvert. Le 10 novembre, faible brise du S.S.O. avec brume très épaisse. Ces vents ont progressivement tourné par le sud et l'est sans aucune éclaircie. Le 13 novembre, à 8 h 00 du soir, aperçu le feu de Bishop Rock dans une éclaicie, faible brise du S.E. à l'E.S.E. Le 14 novembre, à 4 h 00 du matin, viré de bord dans le S.60° de Wolf Rock à 8 milles, brume toujours très épaisse. A 8 h du matin, le même jour, le temps s'éclaircit légèrement. Repris tribord amures et fait route au plus près au N. 60 du monde. A 8 h 30, aperçu deux chalutiers armés en guerre qui croisaient dans mes eaux et qui ensuite ont fait route au N.E.
A 10h du matin, ma position était 15 milles dans le S.O. 1/4 ouest de Lizard ; je me trouvais sur la dunette, inspectant l'horizon, lorsque j'ai aperçu un petit navire qui m'a tout d'abord paru être une embarcation à voile. Ne me fiant pas à cette première observation, j'ai continué à le suivre avec la longue vue et ai bientôt eu la conviction qu'un sous-marin allemand se dirigeait à toute vitesse sur le navire, venant de l'ouest. J'ai fait aussitôt prévenir tout l'équipage et chacun à pris son poste pour amener les embarcations. Lorsque le sous-marin est arrivé à 2 milles, il a hissé le signal de code international I.M. : "Stoppez immédiatement ou je fais feu sur vous". J'ai fait mettre en panne aussitôt. Il a hissé le signal ensuite le signal A.B. :"Abandonnez le navire le plus tôt possible". J'ai alors donner l'ordre d'amener les embarcations ce qui a été fait très rapidement et tout le monde y avait pris place en moins de cinq minutes. J'ai quitté le navire le dernier. Le sous-marin se trouvait à environ deux cent mètres du bord en ce moment. Comme je m'écartais avec mon embarcation contenant une partie de l'équipage, un officier m'a donné l'ordre d'accoster. Ce que j'ai fait aussitôt et il a commandé en anglais d'embarquer tout le monde sur le pont du sous-marin. Ensuite un officier et un homme sont embarqués dans la chaloupe et ont commandé à quatre hommes de mon équipage de les conduire à bord de La Rochejacquelein. Ils étaient armés de revolvers, haches et bombes. Deux hommes de mon navire sont montés à bord et ont dû ouvrir les panneaux de la cale. Ensuite, les Allemands leur ont ordonné de les conduire dans toutes les parties du navire où ils pourraient trouver dess vivres. Ils ont alors tout démoli dans les cabines de l'arrière à coups de hache et ont fait descendre dans la chaloupe tout ce qui leur tombait sous la main (vin, pain, cuivre, capots de compas, sextant du capitaine, baromètres, chronomètres, etc...). Ils ont insisté à plusieurs reprises auprès des hommes pour savoir où se trouvaient les papiers du navire, mais ils étaient cachés dans la chaloupe et n'ont pu être découverts. L'officier faisant la fouille a été trompé sans doute par une enveloppe contenant de vieux papiers qu'il a fait passer aussitôt sur le sous-marin d'un air de triomphe. Le transbordement ne s'effectuant pas assez rapidement avec la chaloupe, le sous-marin est accosté le long du bord et le capitaine nous a donné l'ordre de prendre le large. Peu de temps après, nous avons entendu deux explosions produites par les bombes. Le navire a pris la gîte sur babord et a coulé en vingt minutes.
Peu de temps après, nous avons été recueillis ainsi que l'autre partie de l'équipage se trouvant dans la baleinière par deux chalutiers armés en guerre ; l'un d'eux nous a conduit à Falmouth, remorquant les embarcations. Nous avons été bien traités sur le chalutier dont le capitaine a fait son possible pour nous procurer le nécessaire. Nous sommes arrivés à Falmouth à 6 h du soir..
Falmouth, le 15 novembre 1916."
Avec le capitaine, signe l'ensemble de l'équipage, J. Guillemot, J. Perrot, Lossois, Le Gonide, Diler, Robert, Lanoë, Thomas, Leproust, Jacob, Chartier, Hausier, Mével, Dougre, Guivarch, Charlot, Normand, Serrandour, Canalin, Marboeuf, Jégu, ainsi que l'agent consulaire de Falmouth.

Le sous-marin était UC 17 de l'EV Ralph Wenninger.

Il faut noter que La Rochejaquelein est arrivé à Newcastle (Australie) le 5 février 1916. Le gouvernement du Commonwealth lui ayant interdit d'embarquer le charbon destiné à San Francisco, il est parti le premier mars 1916 pour le port américain sur lest.

Patrick Ahern, French sailing ships at Australian ports, arrivals and departures 1898-1925, Patrick Ahern, 2008.

Source : René Richard et Jacques Roignant, Les navires des ports de la bretagne provinciale coulés par faits de guerre 1914-1918, Association Bretagne 14-18.
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Re: LA ROCHEJAQUELEIN Trois-mâts barque

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Bonjour,

Le passage du cap Horn par le trois-mâts La Rochejaquelein en octobre 1909, capitaine Jean Nicolas.

Source : Jean Randier, Hommes et navires au Cap Horn, Hachette, 1966.

Cordialement.

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Re: LA ROCHEJAQUELEIN Trois-mâts barque

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Bonjour,

L'armement Bureau Frères & Baillergeau a perdu trois grands voiliers au cours de la guerre de 14-18. La Rochejaquelein, Babin Chevaye et Bougainville (sujets dans le forum). C'était la moitié de la flotte qu'ils possédaient. Le capitaine Durand que l'on a vu conduire les six premières années de La Rochejaquelein a ensuite commandé Bougainville pour deux voyages. Quant au capitaine Bourge (né à Saint Briac le 28 septembre 1880 qui a tracé la carte du passage de La Rochejaquelein comme second, c'est lui qui sera le capitaine de Babin Chevaye lors de sa destruction par les Allemands.

Cordialement.

Source: Louis Lacroix, Les derniers grands voiliers, Peyronnet, 1937.
Philippe Ouvrard, Les cap-horniers nantais, mémoire de maîtrise, 1980.
Comité patrimoine de Saint-Briac, Le Cap Horn, une épopée briacine, Cristel éditions, 2011, page 113.

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Re: LA ROCHEJAQUELEIN Trois-mâts barque

Message par Memgam »

Bonjour,

"UC17, enseigne de vaisseau Wenninger, du 4 au 20 novembre 1916.

…Il coula au cours des jours suivants, dans la Manche occidentale :
Le 11, le vapeur norvégien Seierstad, 995 tx, transportant du charbon d"Angleterre en France.
Le 14, le trois-mâts La Rochejaquelein, 2 200 tx portant du blé en Angleterre, et le vapeur espagnol Oiz endi, 2 103 tx, transportant du fer en Angleterre également.
le 15, la goélette française Alcyon, 59 tx et le vapeur norvégien Torridal, 688 tx, transportant du fer en Angleterre.
Le 16, les voiliers français Eugénie, 65 tx et Petit jean, 126 tx…

Source : Arno Spindler, La guerre sous-marine, III. d'octobre 1915 à janvier 1917. Payot 1935, page 408.

Cordialement.
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markab
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Re: LA ROCHEJAQUELEIN Trois-mâts barque

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Bonjour,

Un lien vers le site http://www.larochejaquelein.com/Bulleti ... s_LRJ.html et la fiche du voilier homonyme.

A bientôt.
Cordialement / Best regards
Marc.

A la recherche des navires et des marins disparus durant la Grande Guerre.
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markab
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Re: LA ROCHEJAQUELEIN Trois-mâts barque

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Bonjour,

Quelques articles de presse sur la carrière du trois-mâts LA ROCHEJAQUELEIN (Gallica) :

LA ROCHEJAQUELEIN Le Yacht 1901-12-21.jpg
LA ROCHEJAQUELEIN Le Yacht 1901-12-21.jpg (23.03 Kio) Consulté 198 fois
LA ROCHEJAQUELEIN Le Petit Parisien 1903-03-01.jpg
LA ROCHEJAQUELEIN Le Petit Parisien 1903-03-01.jpg (74.01 Kio) Consulté 198 fois
LA ROCHEJAQUELEIN Le Yacht 1903-04-25.jpg
LA ROCHEJAQUELEIN Le Yacht 1903-04-25.jpg (73.15 Kio) Consulté 198 fois
LA ROCHEJAQUELEIN Le Pays 1903-05-12.jpg
LA ROCHEJAQUELEIN Le Pays 1903-05-12.jpg (118.27 Kio) Consulté 198 fois
LA ROCHEJAQUELEIN La Croix des Marins 1913-07-06.jpg
LA ROCHEJAQUELEIN La Croix des Marins 1913-07-06.jpg (43.95 Kio) Consulté 198 fois

Pour les experts en architecture navale, vous noterez qu'il a fallu rajouter un mât pour battre le record de la traversée de l'Atlantique en 1903 :D

A bientôt.
Cordialement / Best regards
Marc.

A la recherche des navires et des marins disparus durant la Grande Guerre.
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