SAINT JACQUES – PIERRE LE GRAND
SAINT JACQUES
Dundee de pêche de 34,38 tx JB
Immatriculé à l'île d'Yeu
Armateurs : GUILLET, RENAUD et CHARRUAU pour 1/3 chacun
PIERRE LE GRAND
Dundee de pêche de 42 tx JB
Immatriculé à l'île d'Yeu
Armateur Pierre TURBE
La perte des deux voiliers
Le 3 Janvier 1917, l'EV Leclerc, commandant le patrouilleur auxiliaire POITOU, rédige le rapport qui suit. POITOU était un chalutier construit aux USA et réquisitionné à La Rochelle le 26 Juin 1915. Utilisé comme patrouilleur-dragueur, il se perdra le 8 Décembre 1917 en s'échouant aux Sables d'Olonne.
Je viens de recueillir en mer, à 6 milles du phare de l'île d'Yeu les équipages des dundees SAINT JACQUES et PIERRE LE GRAND, coulés par un sous-marin à 10h00 du matin à 20 milles au sud de l'île d'Yeu.
A 15h00, étant en drague, la vigie a signalé un petit canot par 3 quarts bâbord. J'ai envoyé mon convoyeur, CIGALE, reconnaître ce canot.
(nota : CIGALE était l'ancien baleinier norvégien HORTA, acheté par la Marine en Décembre 1915. Il était utilisé comme patrouilleur à La Pallice. Après la guerre, il deviendra le yacht AFROS, dans l'île d'Andros. Pendant la 2e guerre, il sera incorporé à la Kriegsmarine et rebaptisé 12M3.)
A 15h45, j'ai embarqué tout l'équipage du dundee de pêche SAINT JACQUES.
PHAROUX Emile Patron 60 ans
THEVENOT Benjamin Matelot 42 ans
CHAUVET Octave Matelot 48 ans
LEROUX Jules Matelot 30 ans
BURGAUD Joseph Novice 17 ans
PHAROUX Roger Mousse 15 ans
A 16h00, j'ai fait route à 8 nœuds sur Les Corbeaux. La vigie a alors signalé un autre petit canot à 4 quarts bâbord. A 16h30, j'ai embarqué l'équipage complet du dundee PIERRE LE GRAND.
BURGAUD Jules Patron 44 ans
DOUX Joseph Matelot 48 ans
CHARRUAU Arthur Matelot 29 ans
TARRAUD Armand Matelot 46 ans
BETU Jules Matelot 32 ans
IZACAR Adolphe Novice 17 ans
TURBE Pierre Mousse 14 ans
Déroulement des naufrages
SAINT JACQUES avait quitté l'île d'Yeu le 2 Janvier pour aller sur les lieux de pêche. Le 3 Janvier à 09h00, le dundee avait mouillé son chalut par des fonds de 32 brasses dans le SqSW du grand phare de l'île d'Yeu. Très bonne visibilité et pas de vent. Le PIERRE LE GRAND se trouvait à 500 m.
L'attention de l'équipage est attirée par celui du PIERRE LE GRAND sur un sous-marin qui approche. Les hommes du PIERRE LE GRAND l'ont vu couler le dundee JEANNE MATHILDE. Il parcourt les 7 milles qui séparent JEANNE MATHILDE des deux voiliers en 25 minutes. Il stoppe à 100 m de PIERRE LE GRAND et donne l'ordre à l'équipage de quitter le voilier et de venir en canot jusqu'au sous-marin. Puis, pendant que PIERRE LE GRAND est évacué, il vient à 10 m de SAINT JACQUES et donne le même ordre.
Le patron Pharoux a réussi à cacher le fusil et les 100 cartouches qu'il possédait ; les Allemands ne les trouveront pas. L'équipage de SAINT JACQUES restera une heure environ sur le sous-marin, tandis que trois marins porteurs de deux cartouches de dynamite se rendent sur leur navire. Ils placent une bombe dans la chambre avant et une dans la chambre arrière et le font sauter. Puis le sous-marin prend le canot en remorque et revient près de PIERRE LE GRAND où la même opération se renouvelle, mais avec une seule bombe.
Les deux canots des naufragés font alors route sur l'île d'Yeu. Après les avoir recueillis, je suis allé stopper à 1/2 mille de la jetée de Port Breton pour les débarquer. J'ai ensuite fait route à 7 nds pour doubler la pointe nord de Yeu et m'établir en croisière pour la nuit entre le sud et l'ouest de l'île.
Description du sous-marin
L'enseigne de vaisseau précise :
« J'ai interrogé le patron Pharoux, le plus qualifié pour donner des renseignements, ayant passé trois quarts d'heure sur le sous-marin. Mais les maigres renseignements furent obtenus à grand peine et sont très sommaires. On ne peut s'en étonner car les hommes ont eu grand peur et sont encore sous le coup de l'émotion.
De plus, ces équipages sont composés d'hommes et d'enfants n'ayant, les uns jamais vu de bâtiment de guerre, les autres n'en ayant que des souvenirs fort estompés par le temps. Ils ignorent tout des sous-marins, au point que certains l'appellent même « torpilleur » !
Ils s'accordent pour dire que le sous-marin mesurait 60 à 70 m de longueur, encore que l'un d'eux assure qu'il mesurait 15 m.
Le canon était de petit calibre, mais tout rouillé, et semblait ne pas avoir servi depuis longtemps.
Le sous-marin était peint en gris.
Devant les silhouettes, le patron Pharoux et le patron Burgaud sont d'accord pour reconnaître un sous-marin du type UB 18 à 47. Mais cette silhouette des UB attire leur attention sans doute à cause du canon. Il pourrait s'agir d'un UC.
Il a été impossible de tirer d'autres renseignements précis ou des données techniques de ces gens ignorants et sous le coup de l'émotion.
Ils ont vu une quinzaine d'hommes, beaucoup étant des chauffeurs aisément reconnaissables à leur figure sale. ( nota : peut-être à cause du charbon...

Le mousse a vu le n° 1 inscrit sur leurs bonnets. »
Commentaire
L'enseigne de vaisseau Leclerc se montre assez cinglant avec ces malheureux pêcheurs, les faisant presque passer pour des demeurés. Pourtant, ils ont parfaitement identifié le type de sous-marin et l'observation du petit mousse (probablement fils du patron) recoupe parfaitement les renseignements donnés par l'équipage de JEANNE MATHILDE.
Le sous-marin attaquant
C'était donc, comme pour JEANNE MATHILDE, l'UB 39 de l'OL Heinrich KÜSTNER.
Cdlt