16 avril 1917 : témoignage préféré

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RV
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Re: 16 avril 1917 : témoignage préféré

Message par RV »

Bonjour à tous
Lundi, ce sera le 90e anniversaire de l'offensive du Chemin des Dames.
C'est l'occasion de refaire une petite lecture des témoignages des participants de cette journée.
Je commence par un de mes préférés : Joseph Tézenas du Montcel, L'Heure H Etapes d'infanterie, Valmont, 1960.
s/lieutenant au 5e RIC

(p. 227-228)

5 heures 30 : le capitaine passe devant moi, suivi de la liaison : "en avant !"
Je ne bouge pas : ma section -qui est en réserve- part la dernière. C'est CHARRIER qui passe en tête. Mais je le vois qui au lieu de suivre le capitaine vient tout droit vers moi. Il s'arrête et me regarde. Il est très pâle. Eh bien ? Qu'est-ce qu'il y a ? Que me veut-il ? ... Il me tend la main. Ses yeux noirs brillent, fiévreux, et plongent dans les miens :
- Adieu Tézenas.
Hein ? ... Il insiste :
- Adieu !
Ah bon ! je comprends...
- Eh bien, au revoir, mon vieux !...

Il me quitte et se hâte de rejoindre le capitaine. Un à un, ses hommes -qui le suivent- défilent. Ensuite, c'est la section de l'adjudant, et puis celle de MAVEL...

C'est notre tour : "En avant !"

Je pars le premier, immédiatement suivi de PALMIER et de LUCE qui me servira d'agent de liaison. Derrière LUCE vient MOY et sa demi-section que suivent CHAVANNE et ses hommes.

Dans le bruit infernal des "départs", nous distinguons soudain le bruissement caractéristique de quelques obus qui arrivent... et tombent dans le fond du ravin, à plus de cent mètres de nous. D'autres obus les suivent en ligne, à une cadence très lente. Bouffée de joie ! C'est leur "barrage" ! Les boches, sous notre feu terrible qui a doublé d'intensité, sentant venir l'attaque, ont déclenché leur barrage... Et c'est tout ça ? ... Que c'est maigre ! Aucun doute : ou leur artillerie est annéantie, où elle est en train de déménager... De toute façons, l'indice est excellent.

La fumée des obus se mêle au brouillard, et soudain une odeur bien connue me saisit, indéfinissable et pénétrante, produit des explosifs et de la terre fraîche, qui me tord les nerfs : l'odeur de la bataille ! ...

" Tac, tac, tac, tac... Tac, tac, tac, tac, tac..."

Qu'est que c'est que ça ? ... Les balles, dont nous sommes protégés, claquent très haut au-dessus de nous... mais d'où viennent-elles ? ... D'où tirent ces mitrailleuses ?

(...)

(p. 231)

6 heures moins 5 : Ces instants sont pénibles : on se replie sur soi et on sent vibrer intensément toutes les parties de son corps, de corps qui -dans quelques minutes peut-être- va être déchiré par un morceau de fonte ou percé par une de ces flèches de cuivre... La tête me fait mal. Je serre les dents.

Est-ce que j'ai peur ? ... Ah ! Oui certes ! (...)



A bientôt

Hervé Faure

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