Escadrilles d'hydravions B-101 et B-102

gildelan
Messages : 48
Inscription : mar. juil. 08, 2008 2:00 am

Re: Escadrilles d'hydravions B-101 et B-102

Message par gildelan »

Bonjour,
Un aspect des affrontements qui n'est pas beaucoup relaté : les combats aériens de nos marins.
Le rapport de l'Enseigne de vaisseau TESTE est particulièrement "croustillant".
Cordialement.
Gilbert

LES ESCADRILLES D’HYDRAVIONS B-101 et B-102

2 citations à l’Ordre de l’Armée et Fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre

Texte des citations à l’Ordre de l’Armée
(Journal officiel du 24 décembre 1918)

Formation à laquelle la fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre (rouge et verte) a été conférée avec l’énoncé des citations à l’Ordre de l’Armée obtenues par cette formation.

« Les escadrilles d’hydravions B-101 et B-102 :
1) par leur esprit d’entreprise et d’audace, par leurs succès, par leur inébranlable résolution en face du danger, sous le commandement de leurs chefs successifs (le Capitaine de frégate de LABORDE et le Lieutenant de vaisseau LORFEVRE) ont donné un superbe exemple à leurs camarades de l’aviation maritime (Journal officiel des 30 mai 1917 et 16 décembre 1918).
2) Opérant à proximité des bases ennemies, ont toujours montré, et particulièrement du 1er avril au 1er novembre 1918, sous la direction de l’Enseigne de vaisseau LE MERDY (Jacques), une volonté tenace dans la recherche et l’attaque des sous-marins ennemis (citation du 20 décembre 1918) ».

Extraits des rapports officiels

6 avril 1917 – Une patrouille d’hydravions (Enseigne de vaisseau de JOUFFREY) attaque, sous le feu violent des batteries de côte, une sous-marin en surface à un mille et demi au nord des jetées de Blankenberghe. Brillant fait d’armes qui emballe nos gens.

7 avril 1917 – Une patrouille d’hydravions (Enseigne de vaisseau de réserve LECOQ) attaque et coule un grand sous-marin à 8 mille au N.N.E. D’Ostende, attaque un autre grand sous-marin à 6 milles du premier et enfin, n’ayant plus de bombes, mitraille un troisième sous-marin plus à l’ouest.

Le succès de la première attaque est indiqué :
- par la chute de la bombe à toucher le kiosque
- par la puissance inaccoutumée de l’explosion ; volume sept à huit fois supérieur à celui que produisent les bombes D
- par la bande prise par le sous-marin et sa brusque disparition, l’arrière le premier, l’avant émergeant.

Une deuxième patrouille (Enseigne de vaisseau de JOUFFREY) partie au retour de la première, trouve un grand chalutier stoppé sur les lieux de l’attaque réussie. Elle le bombarde et le mitraille vigoureusement. Il se défend de même. Deux hydravions reçoivent des balles.

8 avril 1917 – Notre atrouille d’hydravions (Enseigne de vaisseau LE MERDY) rencontre, à 15 milles nord-ouest de Zeebrugge, deux hydravions ennemis, l’un biplace, l’autre monoplace, les attaque et les ramène jusqu’à Zeebrigge. Le biplan est obligé de se débarrasser de quatre bombes. Il était probablement à la recherche de sous-marins alliés.

9 avril 1917 – Notre patrouille d’hydravions (Enseigne de vaisseau NOEL) attaque un sous-marin en surface à 6 milles nord-ouest de Zeebrugge. Mitraillé par notre hydravion de combat, le sous-marin plonge. Il reçoit une bombe juste à l’endroit où le périscope va disparaître, puis deux autres bombes paraissant bien placées. Au retour, deux hydravions ennemis de combat attaquent la patrouille qui fait tête et refoule l’ennemi jusqu’à Ostende. Revenant vers Dunkerque, la patrouille est de nouveau attaquée par les mêmes appareils. Elle fait tête encore et, cette fois, met l’ennemi en fuite définitivement.

30 avril 1917 – 7 heures, 21 milles N.30 W. Dunkerque. Notre patrouille d’hydravions attaque un grand sous-marin (longueur 70 mètres environ, un gros canon à l’avant), route ouest. Quatre bombes lancées par D-2 (pilote, second-maître GUEGAN, observateur, Enseigne de vaisseau NOEL) et D-6 (pilote, quartier-maître CHAUVIGNAT, observateur, matelot LENORMAND). Les deux dernières bombes sont tombées sur le sous-marin au moment où il prenait sa plongée ; il a ensuite reparu en surface, a été mitraillé par les hydravions et a disparu soudain dans un gros bouillonnement. Un petit espar de bois (mât de pavillon ?) est resté en surface.

Dès le retour de cette patrouille, une seconde patrouille a été envoyée explorer les lieux de la rencontre ; elle y a vu de nombreux petits débris.


Combat aérien du 26 mai 1917

Le samedi 26 mai 1917 à 4h50 du matin, une patrouille composée comme suit :
- FBA D-10, pilote : Enseigne de vaisseau ARDOUIN, observateur : quartier-maître mécanicien MILLIANCOURT
- FBA D-8, pilote : Second-maître AMIOT, observateur : Enseigne de vaisseau TESTE
- FBA D-11, pilote : Quartier-maître CARTIGNY, observateur : Enseigne de vaisseau GOURGUEN
- FBA D-7, pilote : Enseigne de vaisseau BATTET, observateur, matelot mécanicien FARENC
sous le commandement de l’Enseigne de vaisseau BATTET, quitte Dunkerque pour la recherche et le bombardement des sous-marins ennemis dans les parages d’une bouée alors désignée sous le nom de bouée A, à environ 20 milles au N.40.O. de Dunkerque.

Extrait du rapport de l’Enseigne de vaisseau de 1ère classe TESTE

J’étais embarqué comme volontaire dans l’appareil n° 7, piloté par le second-maître AMIOT. La formation à prendre était la ligne de relèvement à 30°, le chef de file à 150 mètres au-dessus de l’eau, chaque appareil surplombant son matelot d’avant de 50 mètres.

Le départ s’effectue à 4 heures. Je suis deuxième dans la ligne. Dès que la formation est prise, le chef d’escadrille se dirige vers la bouée A et, pendant une heure environ, fait le parcours 5 milles est – 5 milles ouest de la bouée A. A 5h50, à un mille environ à l’ouest de la bouée, j’aperçois un périscope de sous-marin. Le chef de file le voit aussi, car au même instant, il lance une fumée blanche. Le périscope disparaît aussitôt et nous ne pouvons pas l’attaquer. Nous continuons notre route à l’ouest pendant quelques minutes, et à six heures, nous reprenons le cap à l’est. Quelques instants après, nous repassons au-dessus de la bouée A, et à 6h07, je crois apercevoir de nouveau le périscope d’un sous-marin. Au même instant, je vois le chef d’escadrille piquer sur l’eau, laissant tomber ses deux bombes. Me retournant, j’aperçois au-dessus de moi trois appareils allemands qui piquent sur nous et nous attaquent. Ce sont un monoplace et deux biplaces. Je fais signe à mon pilote de tourner à droite pour leur faire face, mais la mitrailleuse du monoplace allemand a déjà parlé et nous recevons une première salve. Je ne puis encore ouvrir le feu, l’appareil allemand étant toujours derrière moi. Conformément aux ordres reçus avant le départ, AMIOT amerrit aussitôt, d’une façon remarquable d’ailleurs, bien que sous le feu du pilote allemand. Il est déjà blessé et le moteur, atteint de plusieurs balles, est stoppé. J’engage alors un combat violent avec le monoplace ennemi mais, dès les premiers coups, le pied de ma mitrailleuse est brisé par une balle, et moi-même je suis renversé par deux coups qui m’atteignent au ventre. Me relevant et prenant ma mitrailleuse dans le bras, je tire comme je peux à travers les plans de mon appareil, car le pilote, blotti sous le moteur, reçoit encore deux balles, dont une qui lui occasionne une blessure sanglante au bras. Mes munitions s’épuisent très vite. A plusieurs reprises, grâce aux balles traceuses, je vois que j’atteins l’appareil ennemi qui vole très bas. Malheureusement, mon tir avec la mitrailleuse dans les bras est très difficile et les quelques coups au but sont tous derrière le pilote. Enfin, à la quatrième passe, n’ayant plus de munitions utilisables (il me reste en effet deux chargeurs enrayés), je cesse le feu, et le pilote allemand, me voyant hors de combat, s’éloigne pour rejoindre ses camarades qui se battent dans l’ouest avec les trois appareils français. Je ne sais rien de ce qui s’est passé dans ce combat. A 6h30, j’ai seulement vu les trois appareils allemands reprenant la route de Zeebrugge, et à l’horizon, dans l’ouest, j’ai vu deux F.B.A. flottant. Je n’ai pas vu le troisième.

Il est 6h30. J’ai déjà prévenu Dunkerque. La coque de mon appareil est une véritable écumoire. Un des réservoirs d’essence est en feu et le moteur complètement hors de service : le carburateur, le réservoir d’huile et deux cylindres sont troués par les balles. L’incendie est rapidement éteint par AMIOT et, ce dernier ne pouvant que faiblement m’aider, je m’empresse de boucher de mon mieux les trous les plus gros avec mes gants, mon mouchoir et tout ce qui me tombe sous la main. L’appareil pique déjà du nez, je prends alors un seau en toile et je vide sans arrêt l’eau qui envahit surtout les compartiments de l’avant. Mais lorsque l’appareil se redresse, c’est la queue que se remplit, car elle est percée de deux gros trous que je ne réussis pas à boucher complètement.

Nous sommes à 6 milles environ à l’est de la bouée A. La brise est légère et vient du S.E. Pour augmenter un peu la dérive qui nous éloigne de la côte allemande, j’installe rapidement la capote d’AMIOT eu guise de voile, mais l’eau monte vite et je ne puis, sans danger, m’arrêter de vider, AMIOT m’aidant dans la mesure de ses moyens. Profitant d’une petite avance sur les voies d’eau, je regarde alors ce que je crois être ma blessure. Les deux balles ricochées qui m’ont atteint après avoir traversé mon veston et mon pantalon de cuir ont été détournées par ma ceinture de cuir et je n’ai sur la peau qu’une grosse meurtrissure.

Nous restons ainsi jusqu’à 9h30. A ce moment, j’aperçois dans l’est sept appareils allemands qui se dirigent vers nous. Je devine immédiatement leur intention et je préviens AMIOT qu’au cas où un Allemand viendrait le prendre, il ait à lui dire que je me suis noyé. Ma prévision se réalise bientôt. A 9h40, un appareil ennemi amerri près de nous et, après plusieurs manœuvres, accoste notre F.B.A. et prend AMIOT à son bord. Dès que je le vois, je me cache entre les réservoirs d’essence et la coque, la moitié du corps dans l’eau. En passant, AMIOT me jette mon veston sur la tête et je passe ainsi inaperçu aux yeux de l’ennemi. Quelques instants après, il s’envole. Il est à peine parti qu’une nouvelle pluie de balles s’abat sur mon appareil. Par qui sont-elles tirées ? Je ne peux pas voir d’où je suis, mais je constate que mon réservoir d’essence est de nouveau en feu ; par bonheur je ne suis pas touché. Quand le feu cesse, je sors de ma cachette et j’aperçois les appareils allemands faisant route vers Zeebrugge. Je distingue aussi les têtes nues des camarades emportés. Il est 9h48.

Mais cette fois, les voies d’eau sont trop nombreuses à mon bord et l’eau a beaucoup monté. Cependant, je conserve toujours l’espoir de voir arriver les torpilleurs français, je lance mon dernier pigeon (à 15 heures, Dunkerque reçoit ce dernier message) : « D-8 – 9h55 – TESTE, AMIOT et autres Français ramassés par Boches. Me suis caché dans réservoir d’essence. Suis toujours à la dérive. Moral excellent, mais l’appareil fait eau de toutes parts. Vive la France ! Les Boches ont essayé de détruire appareils avec mitrailleuses – Pas réussi – Point initial à 6 h. environ à 5 milles dans l’est bouée A – Légère brise S.E. » et je reprends mon seau pour combattre la voie d’eau. Malheureusement, l’eau gagne de plus en plus. Je suis dans l’eau jusqu’aux genoux et je ne suis plus soutenu que par les flotteurs des ailes qui, eux, sont intacts. Enfin, à 10h50, j’aperçois des fumées dans le sud. J’ai un moment de joie, bien court d’ailleurs, car je ne tarde pas à reconnaître les silhouettes de deux torpilleurs allemands de 1000 tx. Je les vois se diriger vers les F.B.A. qui flottent encore, puis l’un d’eux qui a le D-10 suspendu sous un de ses bossoirs, se dirige vers moi à grande vitesse. Je m’empresse de tout détruire à bord et, quand le torpilleur allemand n’est plus qu’à un mille environ, je donne des coups de marteau dans les flotteurs et l’appareil s’enfonce rapidement sous les yeux des Allemands qui me prennent à leur bord. Il est onze heures passé. Le commandant allemand me montre alors dans l’ouest à l’horizon quelques fumées. « Ce sont, me dit-il, les torpilleurs alliés qui viennent vous chercher. Il est trop tard… ».

Signé : TESTE

(source : livre d'or de la Marine - guerre 14/18)
Excès de peur enhardit.
gildelan
Messages : 48
Inscription : mar. juil. 08, 2008 2:00 am

Re: Escadrilles d'hydravions B-101 et B-102

Message par gildelan »

Biographie Commandant TESTE

(source : Nikro 56 publié dans : grandeguerre56)

"Paul Marcel Teste (1892-1925) : Pionnier de l'aviation
Son enfance et sa formation :
Paul Marcel Teste est né le 2 Octobre 1892 à Lorient (Morbihan). Il était le fils d'un Adjudant du 1er RA de Marine de Lorient et d'une lorientaise, Alida Durand.

Après de brillantes études Paul Marcel Teste se présente à l'école Navale en 1909. Il n'a que 17 ans.
En 1911 il devient Aspirant, puis Enseigne de Vaisseau 2e classe en 1912.

La Guerre :
Lors de la déclaration de cette Première Guerre Mondiale, Teste est nommé Enseigne 1ère classe.
Il prend part aux opérations en Méditerranée et en Adriatique.
Le pilotage l'attire beaucoup et à sa demande il est affecté en qualité d'Observateur aux escadrilles B101 et B102 de Dunkerque (équipées d'Hydravions réputés lents et peu maniables. L'Hydravion en est à ses début puisque le 1er vol d'Hydravion date du 28 Mars 1910.
Le 26 Mai 1917, lors d'une patrouille, les Hydravions sont interceptés par une patrouille de chasse Allemande et sont abattus. L'Enseigne de Vaisseau Teste bien que blessé tient tête aux avions Allemands mais n'a d'autre choix que d'amerrir. Il est fait prisonnier.

La détention en Allemagne :
Teste est emprisonné à Karlsruhe. Il s'évade une première fois mais est rapidement repris. Il est alors envoyé dans un camp disciplinaire à Magdebourg. Il parvient à nouveau à s'évader et regagne la France afin de reprendre le combat.

En Septembre 1918 il devient Lieutenant de Vaisseau et devient instructeur sur Hydravion.

Un Pilote courageux et exemplaire :
Pour son courage, sa bravoure (1 blessures et 2 évasions), Paul Teste reçoit de nombreuses distinctions et notamment :

- La légion d'Honneur avec cette citation : " Officier d'Elite, d'une Bravoure et d'un dévouement au-dessus de tout éloge, au cours d'une patrouille contre des sous-marins, attaqué par des avions de chasse ennemis, a soutenu courageusement le combat. A bord de son Hydravion, mis hors de combat et coulant bas d'eau, a donné des preuves magnifiques du plus absolu mépris du danger et du plus noble esprit de sacrifice".

- La croix de Guerre avec palmes (citation à l'ordre de l'armée).

Paul Teste pionnier de l'Aviation :
Paul Test a survécu aux derniers mois du conflit et peut désormais se consacrer à des projets de recherche.

Devant son enthousiasme et son talent Teste est nommé chef de l'Aviation d'Escadre et est chargé des études pour un matériel plus performant à partir des bâtiments à la mer.

Le 20 Octobre 1920 il réussit l'exploi de réaliser le premier apontage de l'Aviation maritime Française.

Il renouvellera cet explois devant les autorités militaires. Il est alors nommé Capitaine de Corvette en Juillet 1922.

En 1924, le ministre de la Marine lui demande de bien vouloir rejoindre son cabinet militaire.

Le jour tragique de Juin 1925 :
Alores qu'il effectuait des essais en vue d'un raid sans escale entre Paris et Karachi, l'avion du Commandant Teste s'écrase et ce juste après le décollage. Sévèrement brûlé ile décède le lendemain, le 13 Juin 1925.

Ses obsèques ont lieu 4 jours plus tard à Paris devant les autorités civiles et militaires.

L'Hommage des Lorientais :
Le Commandant Teste sera inhumé au cimetière de Carnel à Lorient le 25 Juin 1925. Un foule de lorientais vinrent rendre hommage à leur frère mort trop jeune, trop tôt...

Paul Teste sera fait Commandeur de la Légion d'Honneur et Capitaine de Frégate à titre posthume.

Les hommages militaires lui sont rendu par un détachement du 118e RI de Quimper, le compagnie des Fusiliers Marins, les sections du 3e dépot, la section de l'école des apprentis mécaniciens ainsi que par les porteurs de décorations et la famille du commandant.

Le 23 Décembre 1925, le conseil municipal décide d'attribuer à l'une des rue de Lorient le nom du Commandant Teste.

Cet article a été rendu possible grâce à l'extraordinnaire travail de M. Patrick Bollet. A voir absolument son ouvrage :
BOLLET Patrick, Lorient, Le Cimetière de Carnel, Lorient, 1993."

nota gilbert : le porte hydravions "Commandant Teste" porte le nom de ce pionnier de l'aviation maritime.
Bâtiment mis sur cale en 1927, admis au service actif en 1932, il fut sabordé à Toulon le 27/11/42 puis démoli en 1963.

Cordialement
Gilbert

Excès de peur enhardit.
Répondre

Revenir à « Sujets généraux (organisation, opérations, ports, etc...) »