Bonjour à tous,
LES FLAMANDS
Le 1er Octobre 1917 à 06h20, le vapeur LES FLAMANDS se trouve par 43°28’30 N et 08°23’ W à 6 milles au S23W du cap Priorino Grande, dans les eaux territoriales espagnoles.
Beau temps calme. Mer plate.
Il est attaqué par un sous-marin d’assez grandes dimensions dont il ne peut reconnaître les caractéristiques en raison de la brume matinale couvrant la mer.
Rapport du capitaine Arnaudtizon
Sous-marin
Ouvre le feu à 06h20.
1er coup trop court à bâbord
2e coup tombe à 200 m à tribord
3e coup tombe à 20 m sur bâbord milieu
4e coup tombe à 25 m sur bâbord avant
5e coup tombe trop court dans le sillage
Cesse le feu à 06h30
LES FLAMANDS
Alerte est donnée dès le premier coup de l’ennemi. Mis aux postes de combat. Reconnu le sous-marin sur bâbord. Viré immédiatement sur la droite pour permettre de commencer le feu en se rapprochant de la terre sur le feu du Ferrol.
Réglé la hausse à 4000 m en se basant sur la vitesse du son au 2e coup, par rapport à la lueur de départ.
1er coup trop à droite
2e coup bon en direction mais trop court. Augmenté hausse de 800 m.
3e coup bon en direction mais un peu court. Augmenté hausse de 100 m
4e coup encore trop court. Augmenté hausse de 200 m
5e coup éclate sur le sous-marin partie milieu. Distingué nettement l’explosion de notre projectile et le dégagement d’une fumée noirâtre.
6e coup bon en distance et en direction
7e coup tiré au jugé dans la fumée.
Cessé le tir à 06h35 pour ne pas gaspiller les munitions. Gardé la pièce prête à faire feu. Fait route pour contourner le cap Prior et passé à 1 mille de terre en gardant aux postes de combat.
Il est impossible d’affirmer que l’ennemi a été gravement touché car la fumée qui se dégageait pouvait provenir de fumigènes. En tous cas, il a été atteint par notre 5e coup.
Tout l’équipage s’est admirablement comporté. Pendant l’engagement, l’équipe de canonniers a été à la hauteur de sa tâche. Le QM canonnier Guanter a fait preuve d’un coup d’oeil et d’un sang froid remarquable. N’ayant pas d’officier de tir et étant moi-même pourvu d’un brevet j’ai cru de mon devoir de prendre la direction du tir en laissant à l’officier de quart Marquette et au second capitaine la conduite du navire. Le second est capitaine au cabotage et ces deux officiers sont excellents manœuvriers.
Notre pièce n’était pas de fort calibre, 65 mm. L’engagement s’est produit au milieu d’une grande quantité de pêcheurs qui auraient pu être atteints par les projectiles de l’ennemi.
Je serais reconnaissant à la Marine de nous fournir une 2e pièce à l’avant, qui serait d’une grande utilité en navigation côtière.
Voici le croquis de l’engagement
Remarques de l’officier enquêteur
La manœuvre du capitaine de LES FLAMANDS était la seule à faire pour pouvoir utiliser son artillerie et, en cas de blessure grave, pour s’en sortir. Le sous-marin n’aurait sans doute pas oser le poursuivre jusque dans la baie du Ferrol.
J’appuie la demande du capitaine pour un second canon à l’avant.
Il faut encourager à tout prix l’esprit offensif de nos hardis marins. Nous avons à enregistrer de nouvelles pages comme celles du KLEBER, si extraordinairement glorieuse et probante.
LES FLAMANDS touchant seulement Saint Jean de Luz, la commission d’enquête réglementaire siégeant à Bayonne n’a pu être réunie.
Je demande la Croix de Guerre pour le capitaine ARNAUDTIZON qui a déjà été canonné et torpillé sur le trois-mâts barque JEANNE CORDONNIER coulé dans l’ouest de Bishop le 31 Mai 1917. Après une dure navigation par gros temps d’ouest, le capitaine et son équipage (sauf un homme disparu) étaient arrivés à Sainte Marie des Scilly.
Arnaudtizon est titulaire de la médaille d’honneur d’or de 1ère classe, donnée par le ministère des colonies, pour divers sauvetages.
Note du Ministre de la Marine au Préfet Maritime de Brest (25 Novembre 1917)
« Je vous adresse en communication le rapport relatif à l’attaque dont a été l’objet le 1er Octobre 1917 le vapeur LES FLAMANDS, capitaine Arnaudtizon.
Cette enquête, faite hâtivement au passage du bateau à Saint Jean de Luz n’est pas suffisante. Je vous prie de bien vouloir faire procéder le plus tôt possible à l’enquête réglementaire, ce vapeur se trouvant actuellement en réparations à Brest. »
Note du Ministre de la Marine au commandant de la Marine à Bayonne (13 Novembre 1917)
« Vous m’avez transmis un dossier relatif à l’attaque du vapeur LES FLAMANDS par un sous-marin, signalant que la commission d’enquête siégeant à Bayonne n’avait pu se réunir en raison de la courte escale à Saint Jean de Luz.
Les facilités de communication qui existent entre Bayonne et Saint Jean de Luz enlèvent toute valeur à une semblable explication.
Je vous prie de bien vouloir me faire connaître les motifs de cette abstention de la commission.
Il importe au plus haut point que les actions de guerre sur les navires de commerce soient faites conformément aux instructions en vigueur. Un délai d’une heure ou deux eût certainement permis à la commission de compléter l’enquête dont l’interrogatoire a été établi par l’officier enquêteur lui-même.
En l’espèce, le capitaine du navire a formulé des propositions dont certaines pourraient être justifiées, celle du pointeur par exemple… »
Réponse du commandant de la Marine à Bayonne
« En réponse à la lettre ministérielle, il y a lieu de présenter les observations suivantes :
- Saint Jean de Luz est à 35 km de Bayonne, soit une heure de train environ et il y a peu de trains.
- Le commandant de la Marine n’a pas d’automobile et ne peut utiliser que celle de la place, quand elle est libre, c’est à dire fort rarement
- La commission se compose de l’Administrateur, qui est à son bureau, de l’inspecteur de la navigation et de l’officier des équipages en charge de l’AMBC qui sont toujours dehors, soit à Bayonne, soit au bureau distant de 6 km.
- Quant au Président, le capitaine de Frégate DUPOURGIDE, il est soit à Hendaye, soit à Bayonne, soit à Saint Jean de Luz.
On voit qu’avec la meilleure volonté du monde cette commission ne peut être réunie qu’en prévenant la veille.
Il ressort de ces indications que l’explication fournie par la commission paraît judicieuse. »
Note du Capitaine de Frégate ayant mené l’enquête
« Je vous rend compte des conditions dans lesquelles s’est effectuée l’enquête que vise la lettre ministérielle du 13 Novembre.
C’est tout à fait par hasard que je me suis arrêté à Saint Jean de Luz le 3 Octobre. En arrivant au BR à, 16h00, j’ai appris la présence sur rade d’un transport de la Marine. Bien que je n’eusse régulièrement pas à l’interroger, je fis appeler le commandant et lui demandai s’il se prêterait à l’interrogatoire posé d’ordinaire aux capitaines des navires de commerce.
Sur sa réponse affirmative, je l’interrogeai séance tenante. En toute sincérité, je croyais agir pour le mieux du service et, dans des conditions analogues –sauf ordre formel contraire- j’agirais de même sans perdre un temps précieux à chercher à réunir les membres épars d’une commission que peut très bien ne pas toucher un appel téléphonique.
Ce qui importe dans un cas aussi simple, est de laisser à tout navire de la Marine de Guerre ou de la Marine Marchande la liberté de faire route le plus tôt possible vers sa destination.
Il n’y a pas eu d’autre motif à l’abandon de la commission, et encore moins de motif inavouable ou secret comme le laisse entendre la lettre ministérielle.
Si j’ai proposé une récompense pour le commandant, tout à fait inconnu de moi, c’est parce que sa manœuvre m’a paru excellente et qu’il ne lui appartenait pas de s’en louer. Je n’avais pas à faire de propositions pour le personnel subalterne alors que lui seul l’avait vu à l’œuvre. »
Récompenses
Toute cette agitation déclenchée par le Ministre, si rigoureux quant à la réglementation des enquêtes, ne va pas empêcher de décerner les récompenses suivantes :
ARNAUDTIZON Ludovic Lieutenant de Vaisseau auxiliaire Commandant
Citation à l’ordre de la Brigade au motif
« Son navire étant attaqué au canon par un sous-marin, a riposté énergiquement et réussi à forcer l’ennemi à abandonner la poursuite »
GUANTER François Quartier-maître canonnier
Citation à l’ordre du régiment au motif
« Pour le sang-froid et les qualités de pointeur dont il a fait preuve lors de l’attaque de son navire par un sous-marin ».
Le sous-marin attaquant
LES FLAMANDS n’ayant pas été coulé, le sous-marin est inconnu.
Mais vu les grandes précisions (lieu, heure et circonstances de la rencontre) peut-être un spécialiste pourra-t-il l’identifier…
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Cdlt