Trois-mâts barque lancé le 25 Avril 1900 aux Chantiers Nantais de Chantenay pour la Société des Voiliers Nantais. Servit de modèle pour toutes les constructions ultérieures du chantier qui construisit 30 grands voiliers en deux ans avant de fermer ses portes.
Caractéristiques
2223 tx JB
Longueur 84,70 m Largeur 12,26 m Creux 6,89 m TE 6,20 m en charge
Port en lourd environ 3000 t
Voici l'AMIRAL COURBET
Histoire
Pris au neuvage par le capitaine Créquer, de l'Ile aux Moines, pour un voyage sur Portland d'Orégon (blé). Dans la nuit du 28 au 29 Juillet 1900, essuie un violent coup de vent au cap Horn, avec neige et grêle. Un homme tombe de la vergue de misaine et s'écrase sur le pont tandis que le gui de la brigantine casse et vient balayer tout le pont arrière. Le gigantesque bélier rase tout sur son passage. La barre est brisée et le gouvernail devenu libre donne des secousses à ébranler tout l'arrière.
Un homme se dévoue et malgré le danger, avec le capitaine, parvient à bloquer la barre et à brider les vergues. Après une nuit de travail désespéré, les hommes, épuisés, transis, les mains en sang, parviennent à sauver leur navire d'un naufrage probable.
L'hiver 1900 fut mémorable dans le grand sud et de nombreux navires disparurent corps et biens.
Les autres capitaines d'AMIRAL COURBET furent les CLC Mahé, Glohahec, Halnaut et Mazurais.
Autre incident le 6 Septembre 1911 au cours d'une traversée New-York/Sydney, au large de Natal, quand la vis de l'appareil à gouverner casse dans un violent coup de vent. Le voilier parvint à rallier Natal en gouvernant avec une caliorne sans fin passée au cabestan du gaillard. L'avarie nécessita 23 jours de réparations.
Le 20 Octobre 1915, le trois-mâts allait sur lest de Cork (Irlande) à Albany (Australie). Il rasait la côte d'Irlande pour tenter d'échapper aux sous-marins, lorsqu'il fut rafalé dans Fennings Bay et se mit à la côte à Beaulna Cove.
Voici l'épave de l' AMIRAL COURBET en 1915. On peut considérer que sa perte fut une conséquence indirecte de la situation de guerre.
Éléments complémentaires en majeure partie empruntés à :
— Henri RAYNARD, ancien directeur général de la Compagnie nantaise des Chargeurs de l’Ouest : « Historique des navires (à voile et à vapeur) ayant appartenu au groupe de la " Nantaise " – Premier dossier : Société des voiliers nantais », Monographie dactylographiée, 15 déc. 1975, 45 p.
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Amiral-Courbet — Trois-mâts barque en acier commandé par la Société des voiliers nantais à la Société anonyme des chantiers nantais de constructions maritimes, établie à Chantenay-sur-Loire – aujourd’hui Nantes – et présidée par Henri Le Cour ; premier bâtiment mis sur cale par ce chantier. Lancé le 15 mars 1900, le parrain étant M. Tuauden, directeur du chantier, et la marraine Mme Lebeaupin, épouse du capitaine d’armement de la Société des voiliers nantais. Francisé le 6 mai 1900. Port d’attache : Nantes.
Après l’absorption de la Société des voiliers nantais par la Société anonyme des chargeurs de l’Ouest, propriété du bâtiment transférée à la société absorbante, le 3 octobre 1913.
● Caractéristiques.
— Longueur hors-tout ............................................ : 84,71 m.
— Largeur ............................................................ : 12,37 m.
— Creux ............................................................... : 6,89 m.
— Tirant d’eau en charge ........................................ : 6,20 m.
— Plus grand panneau ........................................... : 6,10 x 4 m.
— Capacité cubique ................................................ : 4.924 m3.
— Surface des voiles ............................................... : 2.600 m².
— Port en lourd ...................................................... : 3.100 t.
— Jauge brute ........................................................ : 2.330,64 tx.
— Jauge nette ........................................................ : 1 .739,98 tx. [ou 1.968,83 tx., selon le rapport de mer ci-après reproduit ?]
Classé au Bureau Veritas.
● Équipage.
Équipage constitué de 24 à 26 hommes, soit : un capitaine ; un second-capitaine ; un lieutenant ; un ou deux maîtres ; un cuisinier ; un charpentier ; un mécanicien ; 13 matelots ; trois ou quatre novices ; un mousse.
Le premier commandant fut Jean-Marie Créquer, de l’Île-aux-Moines (Morbihan).
— 20 octobre 1915 : Faisant route avec 1.500 t. de lest de Cork à Albany (Australie du Sud), s’échoue dans la Fennell’s Bay, près de Crosshaven, en Irlande, après de multiples incidents de remorquage et la perte d'une ancre, par mer démontée et vent soufflant en tempête ; devient perte totale.
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Rapport de mer du 22 octobre 1915.
Je, soussigné Francis Masurais, capitaine du trois-mâts français Amiral-Courbet, du port de Nantes et d’une jauge nette de 1.968,83 tx, armé au long-cours à Cork, le 27 août 1915, à équipage complet le 18 septembre 1915, avec 1.500 t. de lest à destination d’Albany (Australie du Sud), le navire en parfait état de navigabilité, muni de tous les instruments , cartes, instructions, phares et vivres nécessaires pour naviguer en toute sécurité, le navire ayant un tirant d’eau de 4,30 m. à l’avant et de 4,55 m. à l’arrière. Pris le pilote et le remorqueur Flying Sportsman à 10 h. du matin ; légère brise de S.-E, donné la remorque par l’arrière pour éviter, mouillé en face le dry-dock de Passage à 10 h. 30 ; aussitôt le navire debout au courant, pris la remorque fournie par le remorqueur par l’écubier de tribord avant, en ayant soin de garnir celle-ci de filin et de toile, sur une longueur d’environ une brasse, au portage de l’écubier.
Levé l’ancre et fait route en gouvernant sur le remorqueur et suivant les indications du pilote. Passé Queenstown à 1 h. de l’après-midi. Fait différentes routes dans les passes de sortie et gouverné ensuite au S. 10 K. vrai ; la brise fraîchit du S.-E., la mer est houleuse. A 3 h. 25, la remorque se rompt ; mouillé 20 m. à environ trois milles de terre et filé trois maillons ; rentré le bout de la remorque et constaté que celle-ci était cassée à environ 20 m. en dehors du fil d’acier. Après différentes reprises et avoir fait cinq fois le tour du bird, le remorqueur réussit enfin à nous envoyer sa remorque à 5 h. 20, que nous prenons par bâbord avant sur le gaillard, garnie comme la première au portage du chaumard. Viré la chaîne. Au moment du dérapage, le navire tangue fortement ; ressenti une secousse ; aussitôt, la chaîne vient sans difficulté. Constaté, la chaîne haute, qu’elle était cassée : je suppose que l’ancre a dû rester crochée sous une aiguille de roche. La brise continue à fraîchir ; nous ne pouvons gagner dans le vent pour doubler le bateau-feu Fulmar. Donné l’ordre au remorqueur de faire route pour Queenstown et pris les dispositions pour mettre la troisième ancre au mouillage et, avec avis du pilote, à seule fin d’aider le remorqueur ; établi faux et grand foc, grand-voile d’étai, foc d’artimon et artimon de cape.
La mer grossit ; le navire drive et, ayant un remorqueur du Gouvernement anglais près de nous (à environ 60 m.), je lui demande assistance : ce remorqueur fait le tour du navire par l’arrière et ne vient pas prendre la remorque que nous avions disposée à tribord. A 6 h. 30, le remorqueur Flying Sportsman casse sa remorque. Mouillé aussitôt l’ancre de bâbord dans Fennell’s Bay, puis halé bas et serré les voiles. Sondé à l’arrière après avoir filé deux maillons ½ ; trouvé 15 m. d’eau ; aperçu les brisants à environ une encablure de nous ; brûlé des blue lights, signal d’urgence ; hissé des fanaux de détresse. Une partie de l’équipage essaye de mailler la troisième ancre. La mer est très grosse ; le vent augmentant rapidement, le navire chasse sur son ancre. Sondé : 9 m. de fond ; continué à brûler des blue lights et des fusées de détresse.
A 7 h. 30, le navire tombe en travers et talonne aussitôt. Sondé : 4,30 m. de fond (roches). Tempête du S.-E., mer très grosse déferlant sur le navire qui tombe de plus en plus sur les récifs et donne de forts coups de tangage ; les grands étais et ceux de hune se brisent. La mer devenant démontée, sondé à la cale ; trouvé 35 cm. d’eau. Le navire ne cesse de talonner et, dans un coup violent de tangage, le gouvernail saute, brisant l’appareil à gouverner et la tortue. Le navire s’ouvre à l’arrière : je descends à la chambre et je constate qu’elle est remplie d’eau ; je suis donc dans l’impossibilité de sauver les papiers du navire. La mâture craque et menace de tomber, vu que les étais continuent à casser : la position est très critique ; le pont ne cesse d’être couvert par les paquets de mer.
Donné l’ordre aux hommes de se munir de leur ceinture de sauvetage à la mer et d’amener à la mer les baleinières de sauvetage. Celles-ci se trouvaient préalablement disposées en dehors de leurs bossoirs. Pendant cette opération, celle de tribord est complètement écrasée par la mer.
Dix hommes de l’équipage et le pilote, sous la conduite du second, M. Loisel, embarquent dans la baleinière de bâbord et réussissent à débarquer à terre ; la baleinière revient avec le second, le pilote et le charpentier, puis le reste de l’équipage embarque. Sondé à la cale et trouvé 1,70 m. d’eau. Constaté qu’il ne restait personne à bord ; j’embarque alors dans la baleinière de sauvetage et, à moins de cinq mètres du bord, nous entendons la chaudière sauter, le gui et la corne tomber.
Arrivé à terre vers 8 h. 20 où la population et une compagnie de soldats ayant aperçu nos signaux de détresse nous aident à mettre la baleinière en lieu sûr. Sur la conduite du Constable de la police, l’équipage, moins le premier lieutenant et le maître restés à veiller le navire, est conduit aux baraquements militaires où il leur est donné des vêtements de rechange, repas et literie, car personne n’a eu le temps de sauver ni vêtements ni papiers. Pendant ce temps, je me rends au téléphone pour demander des remorqueurs à l’Amirauté qui répond à M. le Consul de France : " La mer étant démontée, il est impossible aux remorqueurs de sortir du port." Il vente, en effet, en tempête et la pluie tombe avec violence. Accompagné du second, je retourne relever les officiers de veille. Vers 10 heures, nous entendons les craquements du navire. A 11 h ½, le grand mât de perroquet tombe ; à 2 h. ¼, le grand-mât s’effondre ; à 2 h. 25, le mât de misaine ; à 5 h., le mât d’artimon. Au jour, on n’aperçoit plus qu’une petite partie bâbord du gaillard avant ; tout le reste du navire est submergé. La côte est couverte de débris de bois provenant du pont, logements, embarcations, etc. La mer brisant avec violence sur la carcasse du navire, il est impossible de rien sauver. Nous quittons Crosshaven pour Queenstown où nous arrivons à deux heures après-midi, le 21 octobre 1915.
Pendant le naufrage, je n’ai eu qu’à me louer des officier et de l’équipage qui, dans ce malheureux accident, ont montré beaucoup de sang-froid, d’obéissance et un grand courage.
Tel est mon rapport que je certifie conforme, sincère et véritable, faisant mes réserves de l’amplifier, si besoin est.
Queenstown (Irlande), le 22 octobre 1915.
Le capitaine : signé : Francis MASURAIS.
Le second : signé ... LOISEL.
Le premier lieutenant : signé Joseph OMNÈS.
Un matelot : signé Pierre-Marie TUAL.
Un matelot : signé Eugène ROCHER.
Vu par Nous, Vice-consul de France à Queenstown et Cork, pour l’affirmation du présent rapport et la légalisation des signatures.
Le Vice-consul (Hon.) de France,
Signé : James SCOTT & C°.
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Nota : Le capitaine au long-cours Francis Masurais, originaire, semble-t-il, de Vitré (Ille-et-Vilaine), avait auparavant commandé – à compter de Janvier 1908 – le trois-mâts barque Mezly, appartenant à la Société générale d’armement, de Nantes.
Sous le commandement du capitaine Henri Halnaut, Amiral Courbet, rentrant de Port Adélaïde, rencontra dans l'Atlantique entre les îles de Sainte Hélène et de l'Ascension, le 11 mars 1910, le trois-mâts britannique Carnavon Bay, parti le 4 janvier de Port Adélaïde, onze jours après l'Amiral Courbet. Le Carnavon Bay arriva à Queenstown le 23 avril en 109 jours de mer, et l'Amiral Courbet arriva le même jour à Falmouth en 120 jours. Ce qui est rare, c'est que le français était revenu par le Cap Horn et que l'anglais avait pris la route de Bonne Espérance, généralement plus lente. Le capitaine Halnaut prit le commandement d'Amiral Courbet en 1908 et le quitta en 1914, après deux voyages d'Australie, un voyage New York-Sydney-Callao- Hull de vingt-deux mois, puis un voyage au Chili.
Le capitaine Francis Masurais embarqua à Hull le 16 mai 1914 et ne fit donc qu'un seul et laborieux long voyage avec lui, avant de le perdre.
Le capitaine Jules Le Gloahec commanda Amiral Courbet pour un voyage à San Francisco en 1903 (après Eugène Mahé et avant Ludovic Charrier) sera capturé avec son navire Pierre Loti, par le Seeadler (voir le sujet dans le forum).
Sources : Henri Picard, La fin des cap-horniers, Edita-Vilo, 1976.
Yves Le Scal, La grande épopée des cap-horniers, André Bonne, 1964, photo de l'équipage de l'Amiral Courbet en 1900.
Cordialement.
Sur la photo, le capitaine Jean-Marie Créquer est debout au troisième rang, cinquième à partir de la gauche, barbichu, chapeauté et à la cravate blanche.
Le Flying Sporstman, qui a perdu l'Amiral Courbet, était un transbordeur (à la fois remorqueur et transporteur de passagers) d'une capacité de 263 l'été et de 188 en hiver, stationné à Queenstown par la Clyde Shipping Company.
Construit en 1882, 122 pieds, 187 tonnes, 98 nhp.
Source : P.N. Thomas, British Steam Tugs, Waine Research publications, 1983.
Amédée Anatole Prosper Courbet est né à Abbeville (Somme), le 26 juin 1827. Il entre dans la Marine en 1849 après avoir fait l'Ecole polytechnique. Enseigne de vaisseau en 1852, lieutenant de vaisseau en 1856, capitaine de frégate en 1866, capitaine de vaisseau en 1873, contre-amiral en 1881, vice-amiral en 1883. Commandant en 1870 du Talisman, de l'école des torpilles de Boyarville en 1874, gouverneur de la Nouvelle-Calédonie en 1880 et commandant de l'escadre de Chine en 1883. Il détruisit une partie de la flotte chinoise en forçant les passes de la rivière Min. Il mourut d'épuisement à bord de son navire-amiral, le Bayard, en rade de Makung le 11 juin 1885.
Son nom est actuellement porté par une frégate furtive type Lafayette de 3200 t, en service le 01/04/1997, parrainée par la ville d'Angers et ayant fait en juillet 1998, les premiers appontages de l'hélicoptère NH 90 (Caïman, remplaçant du Super Frelon).
Le nom a d'abord été porté par un cuirassé (1886-1909), un second cuirassé (1913-1944), voir le sujet dans le forum).
Sources :
Etienne Taillemitte, Dictionnaire des marins français, 2 ème édition, Tallandier, 2002.
L.V. Jean-Marie Roche, Dictionnaire des bâtiments de la flotte de guerre française de Colbert à nos jours, Rezotel Maury, 2005.
Maurice Loir, L'escadre de l'amiral Courbet, Berger-Levrault, 1894, (gravure de l'amiral Courbet).
Plan de l'Amiral Courbet et de ses 29 frères en construction, réalisés par l'ingénieur Truauden, ex employé des Chantiers de la Loire et directeur des chantiers nantais de constructions maritimes, dont l'activité dura 23 mois, le temps d'absorber les capitaux disponibles que les autres chantiers n'avaient pu prendre dans leurs carnets de commande.
Sources : Louis Lacroix, Les derniers grands voiliers, Peyronnet & Cie, 1937, plan page 269.
Jean Randier, Grands voiliers français, 1880-1930, Editions des quatre seigneurs, 1974, plan pages 270-271.