Bonjour à tous,
JACQUES COEUR
Rencontre avec un sous-marin le 28 Juin 1917. Rapport du capitaine.
Traversée Fécamp – Swansea sur lest.
Je soussigné Martin Hubert, capitaine du trois-mâts JACQUES COEUR du port de Fécamp, armateur Mme Vve Leborgne, jaugeant 302 tx, 600 tpl, et armé au cabotage avec un équipage de 14 hommes, déclare ce qui suit :
Le 28 Juin 1917 à 07h50 du matin par 50°03 N et 02°56 W Greenwich soit 23 milles S70W de Portland, par temps brumeux, très faible brise et mer plate, courant à l’Ouest, aperçu sur tribord à 2 milles un vapeur qui reçoit une torpille sur son arrière et disparaît à 08h35. Fais gouverner au NW sur les lieux du sinistre, mais n’aperçoit aucune épave. Je suppose que l’équipage a disparu. Ce vapeur était peint en noir, avec cheminée noire et deux mâts.
Fait route au W45N, canonniers à leurs pièces. A 10h35, aperçu par 50°22N et 03°01 W un sous-marin qui nous envoie un coup de canon. Répondu avec la pièce arrière, hausse à 3500 m. Tir un peu court. Allongé de 200 m et pointé la pièce avant avec hausse de 4000m. Le sous-marin a tiré 3 coups dont l’un est tombé à 4 m du bord, puis il a disparu et j’ignore s’il a été touché. Il y avait plusieurs vapeurs en vue et un trois-mâts goélette à 1 mille, faisant de l’Ouest.
Continué route au NW et à 11h00 aperçu un vapeur courant sur l’Est. Je lui signale que nous avons été canonnés et lui demande de nous remorquer pour nous rapprocher de terre, ce qu’il fait. Envoyé un message TSF.
A 11h15, aperçu deux torpilleurs et plusieurs patrouilleurs qui viennent sur nous. L’un des patrouilleurs prend notre nom. Le navire (nommé SAINT GEORGES) nous remorque jusqu’à 3 milles de Torbay. La brise est faible et je suis obligé de mouiller à 21h00 dans la baie de Torbay.
Appareillé le 29 Juin à 07h00 du matin. Passé Start Point à 19h00. Louvoyé à l’entrée de Falmouth, rapport au barrage, et mouillé à 30 m de la balise à 23h00. Pris un remorqueur le lendemain matin pour entrer dans la petite rade.
Appareillé le 30 Juin à 11h00, mais en raison du temps calme obligé de mouiller et de prendre deux vapeurs pour nous sortir. Calme et courant debout. Mouillé en grande rade.
Appareillé le 2 Juillet à 07h00 du matin. Passé Lizard le même jour avec brise faible de SE. Entré à Swansea le 6 Juillet à 10h00 avec un remorqueur et resté dans l’avant port.
Je signale que depuis le moment où j’ai vu couler le vapeur jusqu’à celui où j’ai été attaqué, l’équipage s’est tenu prêt à toutes les éventualités. Le 2e capitaine Varlet, le lieutenant Duval et les matelots Tocque, Thiburs, Legros et Lecanu ont agi avec sang froid et rapidité. Le reste de l’équipage, maître Ladiray, matelots Duchemin, Varin, Lappel et Carpentier, ainsi que les deux mousses, Michel et Bachelet, ont assuré la manœuvre avec sang froid.
Signé : Martin HUBERT
Description du sous-marin
Semblait de grandes dimensions mais la mauvaise visibilité empêche de donner des détails précis. Avant paraissant assez élevé. Peut-être deux calibres de canon au vu des gerbes fort différentes.
Ce sous-marin était très certainement l’UB 40 de l’Oblt Hans HOWALDT, qui avait torpillé le vapeur français MARGUERITE à 08h00 du matin.
Rapport de la commission d’enquête
Le trois-mâts JACQUES COEUR, faisant route de Portland à Start Point a combattu un sous-marin le 28 Juin 1917 dans les conditions suivantes :
A 08h30, un vapeur est torpillé à 2 milles dans le NW. JACQUES COEUR fait route sur les lieux et ne trouve rien. Ce vapeur était MARGUERITE, de Caen, et l’équipage a en fait été sauvé. JACQUES COEUR avait bien vu le navire sauveteur (HORN) mais ne s’était pas rendu compte de l’embarquement de l’équipage torpillé.
A 10h35 JACQUES COEUR est attaqué au canon par un sous-marin qui se révèle à 4000. Il répond avec sa pièce de l’arrière, puis avec ses deux pièces et après 5 coups, le sous-marin abandonne la lutte et plonge. JACQUES COEUR reprend sa route et demande sa remorque au vapeur français SAINT GEORGES qui signale son combat par TSF. Il mouille à Torbay à 21h00 par calme et grosse brume.
En arrivant à Swansea le 6 Juillet, le capitaine d’un vapeur anglais a affirmé au capitaine du JACQUES COEUR qu’il a encore aperçu le sous-marin entre les deux bateaux à 18h00 le 28 Juin, soit trois heures avant de mouiller à Torbay.
Le combat de JACQUES COEUR a été couronné de succès puisque le sous-marin a abandonné l’attaque. La commission se plaît à reconnaître l’initiative du capitaine Hubert qui n’a pas hésité en voyant un vapeur torpillé non loin de lui à venir sur les lieux dans l’espoir de porter secours à des naufragés, sans souci du sous-marin pouvant se trouver dans les parages
Le rapport de l’officier AMBC prouve que le feu a été ouvert, sinon avec une grande valeur technique, du moins avec entrain et courage. La commission propose les récompenses ci-dessous pour l’équipage.
Rapport de l’officier AMBC
2 canons de 47 mm modèle 1885 mis en place le 16 Juin à Fécamp.
Pièce avant : canonniers Tocque, Thiburs et Varin
Pièce arrière : canonniers Varlet, Duval et Ladiray
Tiré 5 coups. Seulement encadré. Sous-marin disparaît en plongée.
Appréciation : Hausse initiale 3600, dérive 45. Tir immédiatement bon en direction, le sous-marin se présentant en travers. Mais la méthode n’a pas été appliquée et le second, qui a conduit le tir a eu tendance à seulement apprécier la valeur de l’écart.
1. AR. 3500 Court
2. AV. 3800 Court
3. AR. 4000 Long
4. AV. 4000 Encadrant
5. AR. 4000 Encadrant
Bonne visibilité. Bon fonctionnement du matériel. Le personnel a fait preuve de décision et d’entrain, tout particulièrement le second du bord, Varlet, qui a immédiatement pris la direction du tir en pointant la pièce arrière.
Récompenses
Citation à l’Ordre de la Brigade
HUBERT Jean-Baptiste Capitaine au Cabotage
Pour l énergie et le courage déployé en tentant de se porter au secours d’un navire torpillé, puis en ripostant à un sous-marin qu’il a forcé à plonger.
Citation à l’Ordre du Régiment
VARLET François 2e capitaine
Pour l’initiative et l’énergie dont il a fait preuve en ripostant lui-même au premier coup de canon d’un sous-marin qui dut plonger et abandonner la chasse après quelques coups tirés.
Témoignage Officiel de Satisfaction du Ministre
Trois-mâts goélette JACQUES COEUR
Pour la bonne attitude de son équipage lors d’une attaque de sous-marin survenue le 28 Juin 1917.
Cdlt