Bonjour à tous,
Une retranscription d'un texte paru dans le Bulletin de l'Académie nationale de médecine en 1919, disponible sur Gallica
Titre : Bulletin de l'Académie nationale de médecine
Auteur : Académie nationale de médecine (France)
Éditeur : J.-B. Baillière (Paris)
Éditeur : Masson (Paris)
Éditeur : Académie nationale de médecine (Paris)
NAVIRES-HÔPITAUX PENDANT LA GRANDE GUERRE
I. L'action de nos navires-hôpitaux pendant la guerre,
par M. le Dr Chevalier
Inspecteur général du Service de santé de la Marine.
Au cours de la guerre, les évènements ont déjoué toutes les prévisions en-ce qui concerne l'utilisation des navires-hôpitaux pour l'évacuation des blessés. Notre flotte, en effet, n'a pas eu à livrer de bataille sur mer, mais par contre les Armées alliées ont eu à opérer sur différents fronts. Et alors qu'on avait surtout envisagé la mise en action d'unités destinées à accompagner les escadres au combat, afin de recueillir leurs blessés et de les ramener aux hôpitaux des bases, on s'est trouvé dans la nécessité d'armer rapidement, et de conserver pendant toute la durée des hostilités, des transports ayant pour mission d'évacuer des blessés et des malades des différents points du continent.
Pendant les premiers mois, la Marine a dû coopérer avec la Guerre au transport des blessés de l'Armée des Flandres. Encombrées par des trains amenant au front troupes, munitions et ravitaillement de toutes sortes, les voies ferrées de la région du Nord étaient insuffisantes pour laisser passer tous les convois du Service de santé. Il fallut recourir à la voie de mer. On arma précipitamment, avec le transport-hôpital de la flotte Duguay-Trouin, quatre paquebots ou grands cargos, qui, d'octobre 1914 à février 1915, prirent à Dunkerque, leur centre d'action, près de 32 000 blessés qu'ils évacuèrent sur le Havre, Cherbourg,. Brest et Saint-Nazaire. Après le triage opéré dans ces ports de débarquement, les blessés les plus gravement atteints étaient hospitalisés sur place, les autres étaient répartis entre les formations sanitaires de la région ou des régions les plus voisines.
A partir de février 1915, c'est en Méditerranée que se porte exclusivement, pour se continuer jusqu'à la fin de la guerre, l'effort de la Marine. Elle utilisa d'abord trois de ses anciens transports-hôpitaux (Bien-Hoa, Duguay-Trouin, Vinh-Long), les navires qui venaient d'opérer dans la mer du Nord, et le paquebot Canada qui, dès le début des hostilités, avait été prévu comme navire-hôpital de l'Armée navale de la Méditerranée.
Les transports militaires, progressivement transformés et perfectionnés, restèrent armés pendant toute la guerre. Pourvus de belles salles, spacieuses et largement aérées, de grands sabords de charge, de panneaux permettant l'accès facile des cadres et des brancards, ils eussent été parfaits s'ils avaient eu plus de vitesse et une meilleure stabilité à la mer. Ils ont rendu malgré tout des services inappréciables et ils sont là pour montrer que le Département de la Marine (qui les avait naguère utilisés, eux ou leurs similaires, en Chine, au Dahomey, à Madagascar et au Maroc) doit, dès le temps de paix, posséder un certain nombre de bâtiments de cette catégorie, tenus au courant de tous les progrès d'ordre nautique, hygiénique, médico-chirurgical, etc. et susceptibles d'être armés du jour au lendemain.
D'une manière générale, les navires réquisitionnés ne répondaient pas suffisamment aux exigences de la situation. Lorsqu'on s'était trouvé subitement dans l'obligation de chercher des navires pour évacuer un grand nombre d'hommes, on avait pris ce qui avait paru le mieux à ce moment-là, surtout au point de vue de la capacité hospitalière. On n'avait eu le temps de leur faire subir que des améliorations de fortune. Ils pouvaient ainsi suffire pour la mer du Nord, en raison de la brièveté des traversées, et parce que les médecins, s'ils avaient à faire beaucoup de pansements, n'avaient par contre à pratiquer que quelques interventions d'extrême urgence.
Mais dès qu'il s'agit d'opérer à de grandes distances, de conserver les hommes de 5 à 10 jours, il devenait nécessaire d'avoir des navires plus confortables, munis de toutes les installations chirurgicales nécessaires. Les premiers navires réquisitionnés disparurent peu à peu, remplacés par des paquebots de plus fort tonnage, meilleurs marcheurs, où la disposition des locaux permettait l'installation de larges salles de malades, de cabinets de pansements, de services de stérilisation, de radiographie, de désinfection, etc., et ce furent la Divona, le Sphinx, l'André-Lebon, l'Asie, le La-Fayette, la Flandre, la Navarre, la France IV, qui, au cours de la campagne d'Orient, eurent à fournir, pendant la première année surtout, un effort d'une intensité très grande. La France-IV ramenait par voyage 2 500 hommes ; les autres paquebots de 750 à 4 000 ; les transports militaires de 425 à 700.
Armés par la Marine qui fournissait le personnel médical et infirmier, ils étaient approvisionnés en médicaments, objets de pansement et matériel de toute sorte (en dehors de certains articles spéciaux) par le Service de santé de la Guerre qui répondit constamment à toutes les demandes avec une largesse et un empressement parfaits.
Nous ne pouvons exposer ici ce que furent l'organisation et le fonctionnement de ces navires-hôpitaux. La question prête à des développements et à des considérations qui dépasseraient de beaucoup les limites d'une simple note. Elle sera complètement exposée plus tard avec tout le développement qu'elle mérite. Qu'il nous suffise de dire que ce ne furent pas moins de 220 000 blessés ou malades qui, couverts de la Croix-Rouge et de la Convention de La Haye, furent rapatriés par ces navires des différents fronts de la Méditerranée orientale. Toulon en reçut environ 147 000, Bizerte 64 000, les ports de l'Algérie plus de 5 000. Un certain nombre, lors des premiers combats de 1915 aux Dardanelles, avaient été dirigés sur l'Égypte.
L'embarquement s'effectuait soit à quai, soit sur rade. A quai, il était évidemment plus facile et plus rapide, et on pouvait estimer sa durée à une heure pour 300 hommes. Le débarquement se faisait toujours à quai. Prévenu à l'avance par télégraphie sans fil de l'heure probable de l'arrivée, du nombre de blessés et de malades, selon les diverses catégories, le port de débarquement prenait ses dispositions en conséquence et l'opération ne dépassait jamais trois heures, sauf pour la France-IV, qui, en raison de l'effectif de ses évacués (2 500), ne pouvait les débarquer qu'en deux bordées, séparées par quelques heures d'intervalle exigées pour le retour des trains sanitaires affectés à leur répartition dans les formations désignées. -
L'expérience de ces quatre années a démontré que le navire-hôpital constitue pour l'évacuation des malades et des blessés un mode de transport présentant de sérieux avantages et qui fut très apprécié tant par les intéressés eux-mêmes que par les membres des Commissions médicales et parlementaires qui ont pu en suivre le fonctionnement. Les hommes y sont bien couchés, bien nourris, soumis à une surveillance constante, journellement visités. Le plus grand inconvénient à redouter pour eux pourrait provenir des mouvements du navire en cas de gros temps. Dans la pratique ils n'eurent guère à en souffrir, les grands paquebots mis en service ayant en général, de par leur tonnage, des qualités de stabilité assez parfaites. Cet inconvénient, d'ailleurs, est bien moindre que ceux qui, dans les trains sanitaires, résultent des trépidations, des secousses ou des arrêts brusques.
(à suivre)
L'action des navires-hôpitaux - Thèse & Synthèse 1919
Re: L'action des navires-hôpitaux - Thèse & Synthèse 1919
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Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
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Re: L'action des navires-hôpitaux - Thèse & Synthèse 1919
(suite)
L'activité chirurgicale fut très grande à bord de la plupart d'entre eux. M. le médecin principal Cudard, chef de la section des blessés à bord du Tchad, a signalé qu'en plusieurs voyages représentant 39 jours d'hospitalisation, il avait pratiqué, sur un effectif de 1 884 blessés, 155 opérations de grande chirurgie et de nombreuses interventions moins importantes. Sur le Duguay-Trouin, le médecin principal Averous, en quinze traversées, n'a pas procédé à moins de 968 opérations sous anesthésie, dont plus de 300 sous anesthésie générale (amputations, arthrotomies, laparotomies, trépanations, etc.).
Nous ne saurions passer sous silence le rôle que jouèrent nos navires-hôpitaux dans l'évacuation des malades et blessés de l'Armée serbe. Ils ont contribué à écrire dans l'histoire de la Marine française et de la médecine navale une page des plus honorables. Une thèse récente du Dr Clavier (Bordeaux 1919), consacrée spécialement au rôle de l'un d'eux (Bien-Hoa), en a déjà, d'ailleurs, donné un aperçu. Au terme de leur lamentable et historique retraite qui leur coûta tant de morts, les Serbes arrivaient à la côte les vêtements en lambeaux, épuisés par les privations, les souffrances et les maladies de toutes sortes. La France les recueillit, les soigna, les rééquipa et en quelques mois put reconstituer, avec les survivants, une armée qui s'illustra encore.
Nos transports les prirent à la côte, les amenèrent à Corfou où s'effectuait le triage, et transportèrent de là à Bizerte ceux qui avaient besoin de soins prolongés. Quelques mois plus tard ils les retrouvèrent à Salonique, vigoureux et robustes et ils eurent encore à ramener en Tunisie et en Algérie ceux d'entre eux qui avaient été blessés dans les combats de Kaïmatchalan, de la Cerna et de Monastir.
Ainsi se résume, esquissée à grands traits, l'action des navires-hôpitaux armés par le Département au cours de la Grande Guerre. Il s'agira maintenant de tirer des leçons de l'expérience les enseignements qui s'en dégagent. Le plus important de tous est de ne pas se laisser surprendre par les évènements. C'est pendant la paix que se prépare la guerre ; c'est pendant la paix qu'il va falloir prévoir ce que devra être, en cas de besoin, notre flotte hospitalière.
Nous pensons pour notre part que la Marine devrait, lors de la réorganisation et de la réfection de sa flotte, construire deux ou trois transports militaires installés pour cette destination exclusive, maintenus armés ou prêts à être armés. En même temps, on devrait désigner dans la flotte marchande des unités susceptibles d'être rapidement transformées, suivant des plans conçus d'avance (dès la mise en chantier si possible, à l'exemple de ce qu'a fait le Japon) et qui, au moment de leur réquisition, n'auraient que peu de modifications à effectuer dans leurs locaux. Ces bâtiments recevraient tout le matériel médical prévu et tenu en réserve au port militaire le plus voisin. Pendant cette guerre la transformation des navires réquisitionnés à demandé, pour n'être pas toujours parfaite dans ses débuts, une moyenne de 5 à 8 semaines, délai trop long et qu'il sera sage de réduire.
(fin).
Cordialement,
Franck
L'activité chirurgicale fut très grande à bord de la plupart d'entre eux. M. le médecin principal Cudard, chef de la section des blessés à bord du Tchad, a signalé qu'en plusieurs voyages représentant 39 jours d'hospitalisation, il avait pratiqué, sur un effectif de 1 884 blessés, 155 opérations de grande chirurgie et de nombreuses interventions moins importantes. Sur le Duguay-Trouin, le médecin principal Averous, en quinze traversées, n'a pas procédé à moins de 968 opérations sous anesthésie, dont plus de 300 sous anesthésie générale (amputations, arthrotomies, laparotomies, trépanations, etc.).
Nous ne saurions passer sous silence le rôle que jouèrent nos navires-hôpitaux dans l'évacuation des malades et blessés de l'Armée serbe. Ils ont contribué à écrire dans l'histoire de la Marine française et de la médecine navale une page des plus honorables. Une thèse récente du Dr Clavier (Bordeaux 1919), consacrée spécialement au rôle de l'un d'eux (Bien-Hoa), en a déjà, d'ailleurs, donné un aperçu. Au terme de leur lamentable et historique retraite qui leur coûta tant de morts, les Serbes arrivaient à la côte les vêtements en lambeaux, épuisés par les privations, les souffrances et les maladies de toutes sortes. La France les recueillit, les soigna, les rééquipa et en quelques mois put reconstituer, avec les survivants, une armée qui s'illustra encore.
Nos transports les prirent à la côte, les amenèrent à Corfou où s'effectuait le triage, et transportèrent de là à Bizerte ceux qui avaient besoin de soins prolongés. Quelques mois plus tard ils les retrouvèrent à Salonique, vigoureux et robustes et ils eurent encore à ramener en Tunisie et en Algérie ceux d'entre eux qui avaient été blessés dans les combats de Kaïmatchalan, de la Cerna et de Monastir.
Ainsi se résume, esquissée à grands traits, l'action des navires-hôpitaux armés par le Département au cours de la Grande Guerre. Il s'agira maintenant de tirer des leçons de l'expérience les enseignements qui s'en dégagent. Le plus important de tous est de ne pas se laisser surprendre par les évènements. C'est pendant la paix que se prépare la guerre ; c'est pendant la paix qu'il va falloir prévoir ce que devra être, en cas de besoin, notre flotte hospitalière.
Nous pensons pour notre part que la Marine devrait, lors de la réorganisation et de la réfection de sa flotte, construire deux ou trois transports militaires installés pour cette destination exclusive, maintenus armés ou prêts à être armés. En même temps, on devrait désigner dans la flotte marchande des unités susceptibles d'être rapidement transformées, suivant des plans conçus d'avance (dès la mise en chantier si possible, à l'exemple de ce qu'a fait le Japon) et qui, au moment de leur réquisition, n'auraient que peu de modifications à effectuer dans leurs locaux. Ces bâtiments recevraient tout le matériel médical prévu et tenu en réserve au port militaire le plus voisin. Pendant cette guerre la transformation des navires réquisitionnés à demandé, pour n'être pas toujours parfaite dans ses débuts, une moyenne de 5 à 8 semaines, délai trop long et qu'il sera sage de réduire.
(fin).
Cordialement,
Franck
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Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
L’action des navires-hôpitaux — Thèse & Synthèse 1919.
Bonjour à tous,
Marcel Jean Eugène CLAVIER, médecin de 2e classe de la Marine, né le 8 mars 1890 à Brest (Finistère), décédé le 4 septembre 1970 à Toulon (Var) : « Les évacuations de malades et blessés serbes par le navire-hôpital Bien-Hoa. Campagne d’Orient (Juin 1915~Octobre 1917) », Thèse pour le doctorat de médecine, présentée et soutenue devant la Faculté de médecine et de pharmacie de Bordeaux, le 4 juillet 1919, Année 1918~1919, n° 32 (Bordeaux, Imprimerie nouvelle F. Pech & Cie, 1919, 75 p.)
Dernière modification par Rutilius le mar. avr. 26, 2022 10:14 pm, modifié 2 fois.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Daniel.
L’action des navires-hôpitaux — Thèse & Synthèse 1919.
Bonjour à tous,
MM. LE DANTEC, professeur, président (*) ;
MOUSSOUS, professeur, juge ;
MAURIAC, agrégé, juge ;
PERRENS, agrégé, juge.
................................................................................................................................
Vu, bon à imprimer : Vu : Le Doyen,
Le Président de la Thèse, Dr C. SIGALAS.
Dr LE DANTEC.
Vu, et permis d’imprimer :
Bordeaux, le 7 décembre 1919.
Le Recteur de l’Académie,
R. THAMIN.
□ Charles Louis LE GOAËR, médecin de 2e classe de la Marine, né le 6 juillet 1891 à Brest (Finis-tère),décédé le 24 juillet 1987 à Montfermeil (Seine-Saint-Denis) ; époux de Marie Françoise KERBIRIOU, avec laquelle il avait contracté mariage à Roscoff (Finistère), le 23 août 1919 (Registre des actes de nais-sance de la ville de Brest, Année 1891, Vol. II., f° 17, acte n° 834).
— « Rôle de la Marine dans l’évacuation des blessés et des malades pendant la dernière guerre (1914-1918) », Thèse pour le doctorat de médecine, présentée et soutenue publiquement devant la Faculté de médecine et de pharmacie de Bordeaux, le Vendredi 19 décembre 1919, Année 1919~1920, n° 30 (Bordeaux, Imprimerie moderne A. Destout ainé & Cie, 1919, 24 p ).
— « Rôle de la Marine dans l’évacuation des blessés et des malades pendant la dernière guerre (1914-1918) », Thèse pour le doctorat de médecine, présentée et soutenue publiquement devant la Faculté de médecine et de pharmacie de Bordeaux, le Vendredi 19 décembre 1919, Année 1919~1920, n° 30 (Bordeaux, Imprimerie moderne A. Destout ainé & Cie, 1919, 24 p ).
Examinateurs
MM. LE DANTEC, professeur, président (*) ;
MOUSSOUS, professeur, juge ;
MAURIAC, agrégé, juge ;
PERRENS, agrégé, juge.
(*) Médecin en chef de réserve de la Marine, Professeur de pathologie exotique à la Faculté de médecine de Bordeaux.
................................................................................................................................
RÔLE DE LA MARINE DANS L’ÉVACUATION
DES BLESSÉS ET DES MALADES PENDANT LA DERNIÈRE GUERRE (1914-1918)
AVANT-PROPOS
DES BLESSÉS ET DES MALADES PENDANT LA DERNIÈRE GUERRE (1914-1918)
AVANT-PROPOS
Il y a une quarantaine d’années, les colonies et la marine de guerre étaient administrées par un même ministère, dénommé ministère de la Marine et des Colonies. Les troupes coloniales formaient les troupes dites d’infanterie de marine, gérées par conséquent par le ministère de la Marine. Aussi dans les expéditions coloniales, c’était la marine de guerre qui assurait à la fois le transport des troupes aux colonies et la direction des opérations militaires à terre. C’est de cette époque que date l’institution des navires-hôpitaux ou hôpitaux flottants : c’étaient des navires, généralement démodés, comme la Minerve au Gabon, qu’on mouillait dans les rivières et qui, transformés en de véritables hôpitaux flottants, recevaient les soldats blessés et malades provenant de la terre ferme. On soustrayait ainsi les blessés aux influences malariennes qui les auraient sévèrement frappés à terre.
Plus tard, pour assurer la relève des troupes dans les colonies lointaines (Indo-Chine) et pour rapatrier les malades dans de bonnes conditions d’hygiène pour une longue traversée, on construisit de véritables navires-hôpitaux qui prirent le nom de transports-hôpitaux. Tels furent le Tonkin, le Mytho, le Vinh-Long, le Bien-Hoa, le Shamrock. Comme ces transports étaient d’un coûteux entretien et immobilisaient un grand nombre de personnel marin, on eut bientôt recours aux paquebots ordinaires qu’on affréta pour le même service.
En somme, hôpitaux flottants, transports-hôpitaux et affrétés : tels furent les différents modes d’hospitalisation et d’évacuation des blessés et des malades adoptés par la Marine pour les expéditions coloniales.
Pendant la guerre de 1914-1918, la Marine utilisa d’anciens transports, comme le Vinh-Long, le Duguay-Trouin (ancien Tonkin), le Bien-Hoa pour l’évacuation des blessés et des malades et elle réquisitionna des paquebots pour les transformer en navires-hôpitaux, comme le Canada, la France, le Lafayette, etc. Successivement 17 navires reçurent une installation médico-chirurgicale, par les soins du Service de santé de la Marine, pour répondre aux besoins de l’armée.
C’est le rôle joué par ces transports-hôpitaux pendant la guerre que nous avons pris comme sujet de notre thèse inaugurale. On peut diviser ce rôle en quatre périodes :
1°- Evacuation des blessés de l’Yser par Dunkerque.
2°- Evacuation des blessés et des malades des Dardanelles.
3°- Evacuation des blessés et des malades au cours de la retraite de Serbie.
4°- Evacuation de Salonique depuis la stabilisation du front de Macédoine jusqu’à l’armistice.
Plus tard, pour assurer la relève des troupes dans les colonies lointaines (Indo-Chine) et pour rapatrier les malades dans de bonnes conditions d’hygiène pour une longue traversée, on construisit de véritables navires-hôpitaux qui prirent le nom de transports-hôpitaux. Tels furent le Tonkin, le Mytho, le Vinh-Long, le Bien-Hoa, le Shamrock. Comme ces transports étaient d’un coûteux entretien et immobilisaient un grand nombre de personnel marin, on eut bientôt recours aux paquebots ordinaires qu’on affréta pour le même service.
En somme, hôpitaux flottants, transports-hôpitaux et affrétés : tels furent les différents modes d’hospitalisation et d’évacuation des blessés et des malades adoptés par la Marine pour les expéditions coloniales.
Pendant la guerre de 1914-1918, la Marine utilisa d’anciens transports, comme le Vinh-Long, le Duguay-Trouin (ancien Tonkin), le Bien-Hoa pour l’évacuation des blessés et des malades et elle réquisitionna des paquebots pour les transformer en navires-hôpitaux, comme le Canada, la France, le Lafayette, etc. Successivement 17 navires reçurent une installation médico-chirurgicale, par les soins du Service de santé de la Marine, pour répondre aux besoins de l’armée.
C’est le rôle joué par ces transports-hôpitaux pendant la guerre que nous avons pris comme sujet de notre thèse inaugurale. On peut diviser ce rôle en quatre périodes :
1°- Evacuation des blessés de l’Yser par Dunkerque.
2°- Evacuation des blessés et des malades des Dardanelles.
3°- Evacuation des blessés et des malades au cours de la retraite de Serbie.
4°- Evacuation de Salonique depuis la stabilisation du front de Macédoine jusqu’à l’armistice.
PREMIÈRE PÉRIODE
Évacuation des blessés de l’Yser
Évacuation des blessés de l’Yser
Dès la mobilisation, on arma le Canada, le Duguay-Trouin, la Bretagne pour parer aux éventualités d’une guerre navale. Au moment de la bataille de l’Yser, on fut très heureux de trouver ces navires pour désencombrer les voies ferrées du nord de la France (sauf le Canada qui fut réservé pour l’armée navale en Méditerranée). On leur adjoignit bientôt le Tchad, le Ceylan et l’Amiral-Duperré. Tous ces bâtiments furent dirigés sur Dunkerque qui était à cette époque agitée d’un mouvement indescriptible. Toute la Belgique refluait en désordre sur Dunkerque, il fallait endiguer le flot allemand dans sa course à la mer : ce fut le rôle écrasant et glorieux de notre armée de Belgique et de nos fusiliers marins. Les Allemands furent arrêtés sur l’Yser et Dunkerque fut le centre d’évacuation et de ravitaillement de toute cette armée.
Les trains sanitaires, se succédant sans cesse, arrivèrent bientôt si nombreux qu’ils menacèrent d’embouteiller la gare régulatrice. Il fallut coûte que coûte évacuer 4.000 blessés par vingt-quatre heures, car tous les soirs, il en arrivait un même nombre à Dunkerque. C’est alors que les navires-hôpitaux rendirent de grands services. A peine accostés à quai, chacun d’eux embarquait avec une activité fiévreuse, de jour et de nuit, malades et blessés et appareillait à la marée suivante pour Cherbourg ou Brest, parfois pour Le Havre ou Saint-Nazaire. Souvent ces transports emportaient plus que leur contingent. Le Duguay-Trouin, qui disposait de 203 cadres, 260 hamacs et 200 lits de camp, soit 663 places confortables, prit le plus souvent 800 à 900 évacués et alla même jusqu’à 1.085. Aussi le personnel médical et infirmier n’avait-il pas de temps à perdre à l’embarquement et en cours de traversée et les blessés logés, réchauffés, reposés, nourris et soignés, arrivaient à l’hôpital de destination en excellent état.
C’est ainsi que, du mois d’octobre 1914 au mois de février 1915, pendant la bataille des Flandres, ce même bateau évacua [(1) Chiffres fournis obligeamment par M. le médecin chef Avérous, du Duguay-Trouin ] 7.089 malades ou blessés sur Cherbourg, 2.564 sur Brest, 772 sur Le Havre, soit 10.525 hommes, dont 6.649 blessés et 3.876 malades.
Au cours de ces traversées, tous les pansements furent refaits au moins une fois et toutes les interventions d’urgence pratiquées, soit 276. Le service radiologique qui communiquait avec la vaste et belle salle d’opération du Duguay-Trouin, permit de prendre 289 radiographies et de faire 569 examens radioscopiques. Evidemment de tels résultats ne pouvaient être obtenus que grâce au dévouement de tout le personnel sous la direction de M. le médecin chef Avérous, qui fut aussi habile chirurgien que chef énergique.
Il en fut de même à bord de chaque navire-hôpital ; les résultats furent aussi appréciables et le Professeur Tuffier, qui vit la base de Dunkerque en plein fonctionnement, put dire le 3 février 1915 à la Société de chirurgie de Paris :
« Il est vrai qu’au personnel et à l’admirable organisation de l’hôpital d’évacuation de Dunkerque un puissant auxiliaire, mode d’évacuation de premier ordre, vint en aide aux trains sanitaires : les bateaux de gros tonnage. A la seule condition qu’on n’impose pas de longues escales et qu’on ne fasse pas naviguer contre vents et marées, on a là le rendement le plus élevé, le plus confortable et le plus rapide moyen de transporter les blessés. Le Duguay-Trouin, le Ceylan, les bateaux ambulances de l’escadre anglaise, chargeait en quatre heures 900 à 1.200 blessés, dans un bon cadre, bien chauffés, bien nourris et bien soignés, et j’ai vu le record de vitesse : un blessé d’Ypres évacué en dix-sept heures sur l’hôpital de Cherbourg. »
Une objection au mode d’évacuation par navire était le mal de mer. Bon nombre d’évacués doivent se rappeler les coups de roulis intempestifs dans les parages d’Ouessant, surtout à cette époque de l’année où le mauvais temps est si fréquent en Manche. Or les cadres et hamacs, en raison de leur système de suspension, permirent d’adoucir les mouvements du navire et on constata que même les gros fracturés, ainsi couchés, n’eurent pas à souffrir de l’état de la mer.
Les trains sanitaires, se succédant sans cesse, arrivèrent bientôt si nombreux qu’ils menacèrent d’embouteiller la gare régulatrice. Il fallut coûte que coûte évacuer 4.000 blessés par vingt-quatre heures, car tous les soirs, il en arrivait un même nombre à Dunkerque. C’est alors que les navires-hôpitaux rendirent de grands services. A peine accostés à quai, chacun d’eux embarquait avec une activité fiévreuse, de jour et de nuit, malades et blessés et appareillait à la marée suivante pour Cherbourg ou Brest, parfois pour Le Havre ou Saint-Nazaire. Souvent ces transports emportaient plus que leur contingent. Le Duguay-Trouin, qui disposait de 203 cadres, 260 hamacs et 200 lits de camp, soit 663 places confortables, prit le plus souvent 800 à 900 évacués et alla même jusqu’à 1.085. Aussi le personnel médical et infirmier n’avait-il pas de temps à perdre à l’embarquement et en cours de traversée et les blessés logés, réchauffés, reposés, nourris et soignés, arrivaient à l’hôpital de destination en excellent état.
C’est ainsi que, du mois d’octobre 1914 au mois de février 1915, pendant la bataille des Flandres, ce même bateau évacua [(1) Chiffres fournis obligeamment par M. le médecin chef Avérous, du Duguay-Trouin ] 7.089 malades ou blessés sur Cherbourg, 2.564 sur Brest, 772 sur Le Havre, soit 10.525 hommes, dont 6.649 blessés et 3.876 malades.
Au cours de ces traversées, tous les pansements furent refaits au moins une fois et toutes les interventions d’urgence pratiquées, soit 276. Le service radiologique qui communiquait avec la vaste et belle salle d’opération du Duguay-Trouin, permit de prendre 289 radiographies et de faire 569 examens radioscopiques. Evidemment de tels résultats ne pouvaient être obtenus que grâce au dévouement de tout le personnel sous la direction de M. le médecin chef Avérous, qui fut aussi habile chirurgien que chef énergique.
Il en fut de même à bord de chaque navire-hôpital ; les résultats furent aussi appréciables et le Professeur Tuffier, qui vit la base de Dunkerque en plein fonctionnement, put dire le 3 février 1915 à la Société de chirurgie de Paris :
« Il est vrai qu’au personnel et à l’admirable organisation de l’hôpital d’évacuation de Dunkerque un puissant auxiliaire, mode d’évacuation de premier ordre, vint en aide aux trains sanitaires : les bateaux de gros tonnage. A la seule condition qu’on n’impose pas de longues escales et qu’on ne fasse pas naviguer contre vents et marées, on a là le rendement le plus élevé, le plus confortable et le plus rapide moyen de transporter les blessés. Le Duguay-Trouin, le Ceylan, les bateaux ambulances de l’escadre anglaise, chargeait en quatre heures 900 à 1.200 blessés, dans un bon cadre, bien chauffés, bien nourris et bien soignés, et j’ai vu le record de vitesse : un blessé d’Ypres évacué en dix-sept heures sur l’hôpital de Cherbourg. »
Une objection au mode d’évacuation par navire était le mal de mer. Bon nombre d’évacués doivent se rappeler les coups de roulis intempestifs dans les parages d’Ouessant, surtout à cette époque de l’année où le mauvais temps est si fréquent en Manche. Or les cadres et hamacs, en raison de leur système de suspension, permirent d’adoucir les mouvements du navire et on constata que même les gros fracturés, ainsi couchés, n’eurent pas à souffrir de l’état de la mer.
DEUXIÈME PÉRIODE
Expédition des Dardanelles (Mai 1915 à Janvier 1916)
Expédition des Dardanelles (Mai 1915 à Janvier 1916)
En mai 1915, les opérations militaires commencèrent dans la presqu’île de Gallipoli. Nos navires-hôpitaux étaient prêts depuis la tentative malheureuse de forcement des Dardanelles par la flotte franco-anglaise (février 1915). Leur rôle devait être beaucoup plus important qu’on ne le supposait.
En effet, les opérations militaires sur terre ne donnèrent pas les résultats espérés. Nos troupes se heurtèrent à la crête d’Achi-Baba, située à peine à 5 kilomètres de la mer ; elles se trouvèrent donc sans arrière. Quiconque a vu notre camp de Sedhul-Bahr, dans cette crique du cap Hellès, se souviendra du « marmitage » auquel il était soumis de face et de flanc. C’était l’insécurité absolue pour les services d’arrière-ligne immédiate : c’est là que le général Gouraud fut grièvement blessé. Il était absolument impossible d’abriter des hôpitaux à terre ; aussi nos navires-hôpitaux fonctionnèrent-ils comme hôpitaux de première ligne, recevant les blessés directement de la ligne de feu, après triage fait à terre par le service de santé militaire.
Ils étaient là, le Canada, le Dugay-Trouin, le Tchad, la Bretagne, mouillés sous le cap Hellès, à 2 ou 3 milles de la côte, parfois exposés au feu de l’ennemi. Ils chargeaient rapidement les blessés graves ou moyens, que des chalands et des remorqueurs apportaient sur des cadres le long du bord. Les blessés légers étaient dirigés sur Moudros. L’appareillage de ces bâtiments avait lieu aussitôt après le remplissage. Le Canada recevait dans ces conditions 625 blessés graves en moins de dix-huit heures et levait l’ancre dès que le dernier blessé était embarqué. Les interventions d’urgence et les pansements commençaient aussitôt et, pendant toute la traversée sur Bizerte ou Toulon, qui durait de trois à cinq jours, le personnel médical et infirmier travaillait tout le jour et parfois toute la nuit. C’est ainsi que le Canada, sous l’habile direction de M. le médecin chef Defressine, fit 13 voyages, de mai 1915 à avril 1916 [(1) Ces chiffres nous ont été communiqués par le médecin chef de ce bateau, M. le médecin principal Defressine.], évacuant 7.572 blessés ou malades et fonctionnant comme hôpital pendant 328 journées ; des milliers de pansements y furent faits et 288 interventions y furent pratiquées, avec contrôle radiologique, quand les chirurgiens les jugeaient utiles et nécessaires.
En somme, comme l’écrivait M. le médecin de 1re classe Oudard, dans les Archives de médecine navale, les navires-hôpitaux aux Dardanelles avaient pour fonction :
1°- De se substituer à l’ambulance immobilisée, de recueillir les blessés graves et d’assurer la chirurgie « d’urgence » et la chirurgie « précoce » ;
2°- De recueillir et traiter les blessés moyens ;
3°- D’évacuer en France ou en Algérie toutes les catégories de blessés ou de malades dont l’état ne permettait pas d’espérer qu’ils puissent, à bref délai, reprendre leur place sur le front.
Entre temps la base de Moudros, située à 50 milles environ du cap Hellès, recevait des blessés et des malades qu’on dut bientôt évacuer sur la France ou l’Algérie. On se servit dans ce but de paquebots rentrant à vide. Une équipe de 10 médecins de la Marine se trouvait à Moudros, prête à embarquer sur ces paquebots, avec matériel sanitaire et infirmiers, pour donner aux blessés et aux malades les soins nécessaires. Elle était dirigée par M. le médecin en chef Labadens, de qui dépendait également le mouvement de tous les navires-hôpitaux. Bientôt, du reste, ce mode d’évacuation auxiliaire fut abandonné en raison des risques de torpillage, quand les sous-marins allemands firent leur apparition en mer Egée.
Ainsi, pendant toute la première période de l’expédition des Dardanelles, l’action des navires-hôpitaux fut exclusivement chirurgicale. Elle devait, pendant la deuxième période, devenir de plus en plus médicale. En effet, les actions militaires se raréfièrent et les grosses chaleurs vinrent. La dysenterie et le paludisme décimèrent notre corps expéditionnaire. A noter également les épidémies d’ictère, de la dengue, des états paratyphoïdiques. Il n’y eu pas de fièvre typhoïde en raison de la vaccination antityphoïdique rendue obligatoire dans l’armée et la marine. Le vaccin TAB, appliqué ensuite, mit nos soldats à l’abri des paratyphoïdes également. La base de Moudros servit alors de base de triage : des hôpitaux furent installés à terre, dont un par la Marine devait servir d’hôpital d’isolement, en cas de choléra ou de typhus. On doit rendre hommage aux mesures sanitaires qui furent prises, tant au cap Hellès qu’à Moudros, pour éviter ces redoutables épidémies qui ne demandaient qu’à se développer dans les conditions défectueuses, matérielles et climatiques, où se trouvait notre corps expéditionnaire. Bientôt le nombre des évacués fut tel qu’on dut augmenter le nombre des navires-hôpitaux : le Ceylan, le Divona, le Bien-Hoa, le Sphinx s’ajoutèrent à la flotte des bâtiments-hôpitaux des Dardanelles. Ils chargèrent moins de blessés au cap Hellès, mais ils firent le plein de malades à Moudros. A partir de juillet, le Canada embarquait à chaque voyage 100 à 200 blessés pour 4 à 500 malades.
Tous ces transports-hôpitaux devaient d’ailleurs délaisser peu à peu les Dardanelles pour Salonique, où notre corps expéditionnaire se transportait.
En effet, les opérations militaires sur terre ne donnèrent pas les résultats espérés. Nos troupes se heurtèrent à la crête d’Achi-Baba, située à peine à 5 kilomètres de la mer ; elles se trouvèrent donc sans arrière. Quiconque a vu notre camp de Sedhul-Bahr, dans cette crique du cap Hellès, se souviendra du « marmitage » auquel il était soumis de face et de flanc. C’était l’insécurité absolue pour les services d’arrière-ligne immédiate : c’est là que le général Gouraud fut grièvement blessé. Il était absolument impossible d’abriter des hôpitaux à terre ; aussi nos navires-hôpitaux fonctionnèrent-ils comme hôpitaux de première ligne, recevant les blessés directement de la ligne de feu, après triage fait à terre par le service de santé militaire.
Ils étaient là, le Canada, le Dugay-Trouin, le Tchad, la Bretagne, mouillés sous le cap Hellès, à 2 ou 3 milles de la côte, parfois exposés au feu de l’ennemi. Ils chargeaient rapidement les blessés graves ou moyens, que des chalands et des remorqueurs apportaient sur des cadres le long du bord. Les blessés légers étaient dirigés sur Moudros. L’appareillage de ces bâtiments avait lieu aussitôt après le remplissage. Le Canada recevait dans ces conditions 625 blessés graves en moins de dix-huit heures et levait l’ancre dès que le dernier blessé était embarqué. Les interventions d’urgence et les pansements commençaient aussitôt et, pendant toute la traversée sur Bizerte ou Toulon, qui durait de trois à cinq jours, le personnel médical et infirmier travaillait tout le jour et parfois toute la nuit. C’est ainsi que le Canada, sous l’habile direction de M. le médecin chef Defressine, fit 13 voyages, de mai 1915 à avril 1916 [(1) Ces chiffres nous ont été communiqués par le médecin chef de ce bateau, M. le médecin principal Defressine.], évacuant 7.572 blessés ou malades et fonctionnant comme hôpital pendant 328 journées ; des milliers de pansements y furent faits et 288 interventions y furent pratiquées, avec contrôle radiologique, quand les chirurgiens les jugeaient utiles et nécessaires.
En somme, comme l’écrivait M. le médecin de 1re classe Oudard, dans les Archives de médecine navale, les navires-hôpitaux aux Dardanelles avaient pour fonction :
1°- De se substituer à l’ambulance immobilisée, de recueillir les blessés graves et d’assurer la chirurgie « d’urgence » et la chirurgie « précoce » ;
2°- De recueillir et traiter les blessés moyens ;
3°- D’évacuer en France ou en Algérie toutes les catégories de blessés ou de malades dont l’état ne permettait pas d’espérer qu’ils puissent, à bref délai, reprendre leur place sur le front.
Entre temps la base de Moudros, située à 50 milles environ du cap Hellès, recevait des blessés et des malades qu’on dut bientôt évacuer sur la France ou l’Algérie. On se servit dans ce but de paquebots rentrant à vide. Une équipe de 10 médecins de la Marine se trouvait à Moudros, prête à embarquer sur ces paquebots, avec matériel sanitaire et infirmiers, pour donner aux blessés et aux malades les soins nécessaires. Elle était dirigée par M. le médecin en chef Labadens, de qui dépendait également le mouvement de tous les navires-hôpitaux. Bientôt, du reste, ce mode d’évacuation auxiliaire fut abandonné en raison des risques de torpillage, quand les sous-marins allemands firent leur apparition en mer Egée.
Ainsi, pendant toute la première période de l’expédition des Dardanelles, l’action des navires-hôpitaux fut exclusivement chirurgicale. Elle devait, pendant la deuxième période, devenir de plus en plus médicale. En effet, les actions militaires se raréfièrent et les grosses chaleurs vinrent. La dysenterie et le paludisme décimèrent notre corps expéditionnaire. A noter également les épidémies d’ictère, de la dengue, des états paratyphoïdiques. Il n’y eu pas de fièvre typhoïde en raison de la vaccination antityphoïdique rendue obligatoire dans l’armée et la marine. Le vaccin TAB, appliqué ensuite, mit nos soldats à l’abri des paratyphoïdes également. La base de Moudros servit alors de base de triage : des hôpitaux furent installés à terre, dont un par la Marine devait servir d’hôpital d’isolement, en cas de choléra ou de typhus. On doit rendre hommage aux mesures sanitaires qui furent prises, tant au cap Hellès qu’à Moudros, pour éviter ces redoutables épidémies qui ne demandaient qu’à se développer dans les conditions défectueuses, matérielles et climatiques, où se trouvait notre corps expéditionnaire. Bientôt le nombre des évacués fut tel qu’on dut augmenter le nombre des navires-hôpitaux : le Ceylan, le Divona, le Bien-Hoa, le Sphinx s’ajoutèrent à la flotte des bâtiments-hôpitaux des Dardanelles. Ils chargèrent moins de blessés au cap Hellès, mais ils firent le plein de malades à Moudros. A partir de juillet, le Canada embarquait à chaque voyage 100 à 200 blessés pour 4 à 500 malades.
Tous ces transports-hôpitaux devaient d’ailleurs délaisser peu à peu les Dardanelles pour Salonique, où notre corps expéditionnaire se transportait.
TROISIÈME PÉRIODE
Début de la campagne de Serbie. Retraite de Serbie
Début de la campagne de Serbie. Retraite de Serbie
Notre corps expéditionnaire de Salonique ne fut composé au début que de la division Bailloud, prélevée sur le front des Dardanelles, et de quelques renforts venus de France : c’étaient donc en majeur partie des hommes exténués de fatigue, par la campagne d’été dans les tranchées de la presqu’ile de Gallipoli, anémiés par le paludisme, usés par la dysenterie. La chaleur excessive, la nourriture défectueuse, la mauvaise hygiène, l’affreuse poussière de Seddul-Bahr avaient ébranlé la santé de tous ces hommes ; il y eu donc dès le début de la campagne de Serbie des déchets considérables. Nos troupes débarquées en octobre 1915, à Salonique, montèrent en Serbie par la vallée du Vardar. Dans le courant de novembre, nous reçûmes à bord du Canada les premiers blessés français de Krivolak. Il y eu pendant les trois mois suivants une période d’activité chirurgicale assez intense pour les navires-hôpitaux. L’hiver fut dur en Serbie et en Macédoine : on évacua beaucoup de pieds gelés, surtout parmi les Sénégalais. Peu à peu, les actions militaires se raréfièrent, nos troupes se retirèrent sur le formidable camp retranché de Salonique.
Pendant notre retraite de Vardar, les Serbes étaient refoulés en Albanie. On connaît l’odyssée lamentable : toute l’armée serbe et une partie de la population fuyant devant l’ennemi à travers les montagnes d’Albanie et du Monténégro en plein cœur de l’hiver. La plupart succombèrent. La famine, le froid, la fatigue, les épidémies de typhus exanthématique, de typhoïde, de choléra décimèrent ce pauvre troupeau humain. A peine put-on recueillir 150.000 soldats sur la côte adriatique. On envoya des transports de troupes (Lorraine, Savoie, etc.), des navires-hôpitaux (Tchad) à Vallona, à Durazzo, à Sain-Jean-de-Médua, pour leur porter secours. Il fallait sauver les restes de l’armée serbe : l’Italie refusa de les recevoir ; Corfou, toute proche et toute riante, se trouvait là fort heureusement. On entassa pêle-mêle sur nos transport ces hommes loqueteux, harassés de fatigue, grelottants de froid, minés par les maladies, affamés et couverts de vermine. Il ne fallait songer qu’au plus pressé et faire vite : les mettre en lieu sûr, les trier à l’arrivée à Corfou, isoler les contagieux, placer le reste en observation, donner à tous les soins urgents. Corfou se prêta admirablement à ce rôle ; sa rade contient, entre autre, deux îlots : Vido et le lazaret ; c’est là que furent débarqués les plus malades ; les autres campèrent dans l’île, sous les bois d’olivier.
L’aspect de Vido tel que nous le vîmes, le 31 janvier 1916, quand M. le médecin en chef Labadens vint en inspection à bord du Canada, est indescriptible. Cet îlot était couvert d’une masse grouillante d’individus sales, déguenillés, affamés, décharnés, couverts de poux, anéantis à terre ou essayant de se réchauffer au feu des bivouacs ou en proie à des diarrhées suspectes et au typhus exanthématique. Des squelettes vivants transportaient au charnier les cadavres de leurs camarades et tombaient parfois pour ne plus se relever sur le brancard qu’ils portaient. Des centaines de cadavres étaient enfouis chaque jour, après arrosage au lait de chaux, ou immergés au large. Vido était bien comme on l’a dénommée : « l’Ile des horreurs ». En hâte, on édifia des tentes, des baraques et on envoya les navires-hôpitaux faire le plein de malades à cet îlot. Des équipes de médecins appartenant à ces navires (France IV, entre autres) descendaient à terre et triaient au hasard, d’après l’aspect général, les malades qui avaient le plus de chances de bénéficier de soins médicaux. Il fallait voir le geste de ces pauvres gens tendant leurs mains décharnées vers les navires-hôpitaux comme vers le salut. La France, le Sphinx, le Bien-Hoa, le Tchad firent des évacuations pénibles sur Bizerte, Sidi-Abdallah et le lazaret d’Alger (cap Matifou). Les évacués étaient pour la plupart atteints de typhus exanthématique et de misère physiologique. A noter des cas de choléra.
Peu à peu, les hôpitaux se montèrent sur place ; les évacuations se raréfièrent et l’armée serbe se reconstitua à Corfou, après quelques mois de repos en campement dans les bois de l’île. Un an après, cette armée reprenait place sur le front de Macédoine et devait bientôt chasser l’envahisseur.
Pendant notre retraite de Vardar, les Serbes étaient refoulés en Albanie. On connaît l’odyssée lamentable : toute l’armée serbe et une partie de la population fuyant devant l’ennemi à travers les montagnes d’Albanie et du Monténégro en plein cœur de l’hiver. La plupart succombèrent. La famine, le froid, la fatigue, les épidémies de typhus exanthématique, de typhoïde, de choléra décimèrent ce pauvre troupeau humain. A peine put-on recueillir 150.000 soldats sur la côte adriatique. On envoya des transports de troupes (Lorraine, Savoie, etc.), des navires-hôpitaux (Tchad) à Vallona, à Durazzo, à Sain-Jean-de-Médua, pour leur porter secours. Il fallait sauver les restes de l’armée serbe : l’Italie refusa de les recevoir ; Corfou, toute proche et toute riante, se trouvait là fort heureusement. On entassa pêle-mêle sur nos transport ces hommes loqueteux, harassés de fatigue, grelottants de froid, minés par les maladies, affamés et couverts de vermine. Il ne fallait songer qu’au plus pressé et faire vite : les mettre en lieu sûr, les trier à l’arrivée à Corfou, isoler les contagieux, placer le reste en observation, donner à tous les soins urgents. Corfou se prêta admirablement à ce rôle ; sa rade contient, entre autre, deux îlots : Vido et le lazaret ; c’est là que furent débarqués les plus malades ; les autres campèrent dans l’île, sous les bois d’olivier.
L’aspect de Vido tel que nous le vîmes, le 31 janvier 1916, quand M. le médecin en chef Labadens vint en inspection à bord du Canada, est indescriptible. Cet îlot était couvert d’une masse grouillante d’individus sales, déguenillés, affamés, décharnés, couverts de poux, anéantis à terre ou essayant de se réchauffer au feu des bivouacs ou en proie à des diarrhées suspectes et au typhus exanthématique. Des squelettes vivants transportaient au charnier les cadavres de leurs camarades et tombaient parfois pour ne plus se relever sur le brancard qu’ils portaient. Des centaines de cadavres étaient enfouis chaque jour, après arrosage au lait de chaux, ou immergés au large. Vido était bien comme on l’a dénommée : « l’Ile des horreurs ». En hâte, on édifia des tentes, des baraques et on envoya les navires-hôpitaux faire le plein de malades à cet îlot. Des équipes de médecins appartenant à ces navires (France IV, entre autres) descendaient à terre et triaient au hasard, d’après l’aspect général, les malades qui avaient le plus de chances de bénéficier de soins médicaux. Il fallait voir le geste de ces pauvres gens tendant leurs mains décharnées vers les navires-hôpitaux comme vers le salut. La France, le Sphinx, le Bien-Hoa, le Tchad firent des évacuations pénibles sur Bizerte, Sidi-Abdallah et le lazaret d’Alger (cap Matifou). Les évacués étaient pour la plupart atteints de typhus exanthématique et de misère physiologique. A noter des cas de choléra.
Peu à peu, les hôpitaux se montèrent sur place ; les évacuations se raréfièrent et l’armée serbe se reconstitua à Corfou, après quelques mois de repos en campement dans les bois de l’île. Un an après, cette armée reprenait place sur le front de Macédoine et devait bientôt chasser l’envahisseur.
QUATRIÈME PÉRIODE
Les évacuations de Salonique après la stabilisation du front de Macédoine
Les évacuations de Salonique après la stabilisation du front de Macédoine
Après la retraite de Serbie (février 1916), les opérations sur le front de Macédoine se limitèrent à des attaques partielles ou à des offensives de petite envergure ; le nombre des blessés diminua considérablement. Par contre, le paludisme et la dysenterie devaient décimer notre armée d’Orient. Salonique fut le centre d’évacuation et d’hospitalisation de ces malades. Les hôpitaux français installés à terre purent abriter bientôt plus de 10.000 lits pour traiter les Serbes et les Français. Les navires-hôpitaux n’eurent plus qu’à jouer le rôle de trains sanitaires. Dans le mois de juin 1916, ils évacuaient 17.000 hommes (Français et Serbes) sur Bizerte et Toulon [(1) Chiffre obligeamment communiqué par M. le médecin principal Brunet.]. Ce chiffre parut inquiétant en haut lieu. La plupart de ces hommes étaient atteints de paludisme ; le campement dans les marais du Vardar, le creusement des tranchées, les fortes chaleurs, l’encombrement, les fatigues de la campagne étaient des conditions favorisantes au développement de cette maladie. Les anophèles pullulaient. On connaît le paludisme de Macédoine, plus souvent pernicieux que bénin. En cours de traversée à bord du transport-hôpital Vinh-Long, nous observâmes plus souvent du plasmodium falciparum que du vivax. Une mission spéciale (Armand Delille) fut chargée de la lutte antipaludique. Elle fit adopter la quinine préventive obligatoire avant le repas du matin et la quinine curative à hautes doses (3 grammes en injection ou en ingestion). Ce fut seulement pendant l’été 1917 que ces mesures parurent réellement efficaces.
La dysenterie fit également beaucoup de victimes : la forme amibienne fut aussi fréquente que la forme bacillaire.
La vaccination contre les fièvres typhoïde et paratyphoïde et la vaccination anticholérique, qui étaient obligatoires, mirent nos soldats complètement à l’abri de ces maladies.
Pendant l’été 1916, notre flotte de bâtiments-hôpitaux se composait du Sphinx, du Tchad, de la Bretagne, du Ceylan, du Divona, du Duguay-Trouin, du Bien-Hoa et du Vinh-Long. Par période, la France IV venait faire des évacuations massives (2.500 hommes à la fois). Le mouvement de tous ces navires dépendait de M. le médecin en chef Labadens, Directeur du Service de santé à Salonique.
De certains chiffres particuliers concernant le Vinh-Long sur lequel nous étions embarqué, on peut juger du travail des navires-hôpitaux. Le Vinh-Long, arrivé en juillet 1916, selon les plans de M. le médecin chef Defressine, était d’une utilisation parfaite : 470 places confortables, salles d’hôpital bien aérées et bien éclairées ; salles d’isolement ; superbe salle d’opérations avec cabinet radiologique et électro-vibreur de Bergonié. Vaste pharmacie avec tisanerie et laiterie. Laboratoire de bactériologie. Salle d’hydrothérapie. De juillet 1916 à octobre 1917, ce navire fit 13 évacuations de malades, transportant 6.800 hommes. L’hôpital fonctionna pendant 138 journées ; les opérations pratiquées à bord furent au nombre de 143, dont 21 de grande urgence. Le médecin principal de réserve Petit de la Villéon, embarqué pendant deux traversées sur le Vinh-Long, démontra la possibilité de pratiquer toutes les extractions de projectiles, à bord des navires, par le procédé de l’écran radioscopique, même des projectiles intra-pulmonaires dont il fit trois extractions avec excellent résultat.
En 1917, notre flotte de bâtiments-hôpitaux s’augmenta de l’André-Lebon, du Lafayette, de l’Asie, de la Flandre, paquebots de grand tonnage et de grande vitesse, nouvellement construits. Le Louqsor ne répondit pas aux conditions requises et fut bien vite supprimé. La Havane fut notre dernier transport-hôpital en date. Quelques chiffres que nous a aimablement communiqués M. le médecin en chef Chastang, directeur des Archives de médecine navale, nous renseigneront sur le rôle de ces transports-hôpitaux, jusqu’en décembre 1918 :
L’André-Lebon ............. fit 13 voyages évacua 11.050 hommes
L’Asie ........................ fit 15 voyages ........ 14.430 ..........
La Flandre................... fit 20 voyages ........ 13.799 ..........
La France IV ................ fit 8 voyages .......... 20.000 ..........
Le Lafayette ................ fit 23 voyages ......... 21.137 ..........
La Havane ................... fit 17 voyages ........ 10.359 ..........
Le Sphinx .................... fit 25 voyages ........ 21.345 ..........
................................... _________ ........ _____________
TOTAL ........................... 121 voyages ....... 112.120 ...........
A ce total, on doit ajouter les chiffres du Divonna, du Duguay-Trouin, du Bien-Hoa, du Vinh-Long, qui continuèrent à fonctionner.
Pendant ces traversées de Salonique à Toulon ou à Bizerte, qui duraient de quatre à cinq jours, qu’était la vie de nos évacués à bord ? Sans doute celle de tout malade dont l’état nécessite de bons soins, du calme et du repos. A peine la visite passée le matin, tous les hommes qui pouvaient se déplacer montaient sur la dunette ; il y avait de bons coins à prendre, des chaises longues. Les distractions de la traversée et celles du bord (jeux divers, phonographes, livres) aidaient à passer le temps. L’état de la mer était généralement beau en Méditerranée. On montait parfois sur le pont les blessés dans leur brancard pour leur permettre de bénéficier des rayons du soleil et de l’air marin.
Malheureusement, les sous-marins allemands vinrent compliquer la navigation. Jusqu’en 1917, les navires-hôpitaux portant les signes distinctifs de la convention de Genève (peinture blanche, croix rouge sur les cheminées, bande verte de 1 m. ½ de largeur sur toute la longueur de la coque. Rampe lumineuse verte la nuit, pavillon de la Croix-Rouge en tête du mât) furent respectés par les ennemis. Ils ne couraient que le risque des mines. Mais à partir de février 1917, les sous-marins allemands coulèrent coup sur coup 3 navires-hôpitaux anglais dont le Britannic de 32.000 tonnes dans la mer Égée, puis quelques autres en mer du Nord, sous de fallacieux prétextes. La vie de nos blessés et de nos malades étaient constamment menacée sur mer. On fut obligé de prendre des mesures de protection : les transports-hôpitaux formèrent des convois que les torpilleurs escortèrent ; l’éclairage intérieur fut supprimé de nuit ; les sabords et hublots furent fermés hermétiquement à la mer, chaque évacué avait sa place désignée dans les embarcations de sauvetage en principe ou sur des radeaux qui furent confectionnés. Chacun d’eux avait à la tête de son lit une ceinture de kapok qu’il devait revêtir dès qu’il montait sur le pont. Des simulacres d’abandon de navire servaient fréquemment d’exercice. Des échelles de sauvetage supplémentaires furent installées. On conçoit que la vie était moins agréable dans ces conditions et que l’hygiène et le confort devaient en souffrir. Ce sera une des hontes de l’Allemagne de n’avoir pas respecté ses engagements vis-à-vis des transports-hôpitaux.
Le 5 avril 1917, le Vinh-Long faisait le premier convoi avec le Divona sur Bizerte, escorté par deux torpilleurs. Le 17 mai, on embarquait à bord de chaque navire-hôpital 8 à 10 officiers allemands, choisis parmi les prisonniers. Ils servaient d’otages et devaient subir le sort du navire en cas de torpillage. Le 20 septembre, à la suite d’un accord intervenu avec l’Allemagne, ces officiers étaient débarqués et un haut commissaire espagnol, officier supérieur de la Marine, embarquait à leur place sur chaque bateau avec mission de surveiller le maintien de la neutralité du bâtiment Croix-Rouge ; la navigation redevenait sûre. Nos transports-hôpitaux ne devaient plus être inquiétés jusqu’à l’armistice (Novembre 1918), époque à laquelle ils servirent pour le rapatriement de nos prisonniers d’Allemagne et de Turquie, ainsi que nos malades. Ils abandonnèrent alors leurs marques distinctives de la Croix-Rouge et furent utilisés pour l’envoi de troupes et de matériel en Orient. Peu à peu, ils furent désaffectés et rendus aux compagnies de navigation ou au service général de la Marine.
La dysenterie fit également beaucoup de victimes : la forme amibienne fut aussi fréquente que la forme bacillaire.
La vaccination contre les fièvres typhoïde et paratyphoïde et la vaccination anticholérique, qui étaient obligatoires, mirent nos soldats complètement à l’abri de ces maladies.
Pendant l’été 1916, notre flotte de bâtiments-hôpitaux se composait du Sphinx, du Tchad, de la Bretagne, du Ceylan, du Divona, du Duguay-Trouin, du Bien-Hoa et du Vinh-Long. Par période, la France IV venait faire des évacuations massives (2.500 hommes à la fois). Le mouvement de tous ces navires dépendait de M. le médecin en chef Labadens, Directeur du Service de santé à Salonique.
De certains chiffres particuliers concernant le Vinh-Long sur lequel nous étions embarqué, on peut juger du travail des navires-hôpitaux. Le Vinh-Long, arrivé en juillet 1916, selon les plans de M. le médecin chef Defressine, était d’une utilisation parfaite : 470 places confortables, salles d’hôpital bien aérées et bien éclairées ; salles d’isolement ; superbe salle d’opérations avec cabinet radiologique et électro-vibreur de Bergonié. Vaste pharmacie avec tisanerie et laiterie. Laboratoire de bactériologie. Salle d’hydrothérapie. De juillet 1916 à octobre 1917, ce navire fit 13 évacuations de malades, transportant 6.800 hommes. L’hôpital fonctionna pendant 138 journées ; les opérations pratiquées à bord furent au nombre de 143, dont 21 de grande urgence. Le médecin principal de réserve Petit de la Villéon, embarqué pendant deux traversées sur le Vinh-Long, démontra la possibilité de pratiquer toutes les extractions de projectiles, à bord des navires, par le procédé de l’écran radioscopique, même des projectiles intra-pulmonaires dont il fit trois extractions avec excellent résultat.
En 1917, notre flotte de bâtiments-hôpitaux s’augmenta de l’André-Lebon, du Lafayette, de l’Asie, de la Flandre, paquebots de grand tonnage et de grande vitesse, nouvellement construits. Le Louqsor ne répondit pas aux conditions requises et fut bien vite supprimé. La Havane fut notre dernier transport-hôpital en date. Quelques chiffres que nous a aimablement communiqués M. le médecin en chef Chastang, directeur des Archives de médecine navale, nous renseigneront sur le rôle de ces transports-hôpitaux, jusqu’en décembre 1918 :
L’André-Lebon ............. fit 13 voyages évacua 11.050 hommes
L’Asie ........................ fit 15 voyages ........ 14.430 ..........
La Flandre................... fit 20 voyages ........ 13.799 ..........
La France IV ................ fit 8 voyages .......... 20.000 ..........
Le Lafayette ................ fit 23 voyages ......... 21.137 ..........
La Havane ................... fit 17 voyages ........ 10.359 ..........
Le Sphinx .................... fit 25 voyages ........ 21.345 ..........
................................... _________ ........ _____________
TOTAL ........................... 121 voyages ....... 112.120 ...........
A ce total, on doit ajouter les chiffres du Divonna, du Duguay-Trouin, du Bien-Hoa, du Vinh-Long, qui continuèrent à fonctionner.
Pendant ces traversées de Salonique à Toulon ou à Bizerte, qui duraient de quatre à cinq jours, qu’était la vie de nos évacués à bord ? Sans doute celle de tout malade dont l’état nécessite de bons soins, du calme et du repos. A peine la visite passée le matin, tous les hommes qui pouvaient se déplacer montaient sur la dunette ; il y avait de bons coins à prendre, des chaises longues. Les distractions de la traversée et celles du bord (jeux divers, phonographes, livres) aidaient à passer le temps. L’état de la mer était généralement beau en Méditerranée. On montait parfois sur le pont les blessés dans leur brancard pour leur permettre de bénéficier des rayons du soleil et de l’air marin.
Malheureusement, les sous-marins allemands vinrent compliquer la navigation. Jusqu’en 1917, les navires-hôpitaux portant les signes distinctifs de la convention de Genève (peinture blanche, croix rouge sur les cheminées, bande verte de 1 m. ½ de largeur sur toute la longueur de la coque. Rampe lumineuse verte la nuit, pavillon de la Croix-Rouge en tête du mât) furent respectés par les ennemis. Ils ne couraient que le risque des mines. Mais à partir de février 1917, les sous-marins allemands coulèrent coup sur coup 3 navires-hôpitaux anglais dont le Britannic de 32.000 tonnes dans la mer Égée, puis quelques autres en mer du Nord, sous de fallacieux prétextes. La vie de nos blessés et de nos malades étaient constamment menacée sur mer. On fut obligé de prendre des mesures de protection : les transports-hôpitaux formèrent des convois que les torpilleurs escortèrent ; l’éclairage intérieur fut supprimé de nuit ; les sabords et hublots furent fermés hermétiquement à la mer, chaque évacué avait sa place désignée dans les embarcations de sauvetage en principe ou sur des radeaux qui furent confectionnés. Chacun d’eux avait à la tête de son lit une ceinture de kapok qu’il devait revêtir dès qu’il montait sur le pont. Des simulacres d’abandon de navire servaient fréquemment d’exercice. Des échelles de sauvetage supplémentaires furent installées. On conçoit que la vie était moins agréable dans ces conditions et que l’hygiène et le confort devaient en souffrir. Ce sera une des hontes de l’Allemagne de n’avoir pas respecté ses engagements vis-à-vis des transports-hôpitaux.
Le 5 avril 1917, le Vinh-Long faisait le premier convoi avec le Divona sur Bizerte, escorté par deux torpilleurs. Le 17 mai, on embarquait à bord de chaque navire-hôpital 8 à 10 officiers allemands, choisis parmi les prisonniers. Ils servaient d’otages et devaient subir le sort du navire en cas de torpillage. Le 20 septembre, à la suite d’un accord intervenu avec l’Allemagne, ces officiers étaient débarqués et un haut commissaire espagnol, officier supérieur de la Marine, embarquait à leur place sur chaque bateau avec mission de surveiller le maintien de la neutralité du bâtiment Croix-Rouge ; la navigation redevenait sûre. Nos transports-hôpitaux ne devaient plus être inquiétés jusqu’à l’armistice (Novembre 1918), époque à laquelle ils servirent pour le rapatriement de nos prisonniers d’Allemagne et de Turquie, ainsi que nos malades. Ils abandonnèrent alors leurs marques distinctives de la Croix-Rouge et furent utilisés pour l’envoi de troupes et de matériel en Orient. Peu à peu, ils furent désaffectés et rendus aux compagnies de navigation ou au service général de la Marine.
CONCLUSIONS
Si on envisage le rôle d’ensemble joué par nos transports-hôpitaux de la bataille de l’Yser jusqu’à l’expédition des Dardanelles et depuis le début de la campagne de Serbie jusqu’à la défaite de l’ennemi en Orient, on constate que ce rôle fut immense. Plus de 220.000 hommes furent évacués d’Orient de mai 1915 à décembre 1918, parmi lesquels :
147.671 furent débarqués à .................................. Toulon
63.173 furent débarqués à .................................... Bizerte
5.362 furent débarqués à ..................................... Alger
Quelques milliers furent débarqués à ....................... Alexandrie
(Ces chiffres nous ont été également communiqués par M. le médecin chef Chastang, directeur des Archives de médecine navale.)
A ces chiffres, il faudrait ajouter ceux de Dunkerque (hiver 1914).
On peut regretter l’encombrement qui se produisit parfois à bord de nos transports-hôpitaux, mais les circonstances militaires l’imposaient. Dans l’ensemble, grâce à un personnel médical et infirmier très entraîné et à une installation médico-chirurgicale de premier ordre, nos blessés et nos malades reçurent les meilleurs soins.
On ne manquera pas de tirer parti en haut lieu des renseignements qui découlent du fonctionnement des transports-hôpitaux de la « Grande Guerre » et nous verrons peut-être adopter par la Marine française une solution qui a déjà prévalu dans les Marines anglaise et japonaise ; elle consiste à imposer aux compagnies de navigation, moyennant une subvention, un type de paquebot facilement transformable en navire-hôpital (avant la guerre, on avait bien prévu la transformation de nos paquebots en croiseurs corsaires). Par ce moyen peu coûteux, nous pourrions disposer instantanément en cas de guerre d’une flotte de bâtiments-hôpitaux homogène ; ces bâtiments seraient de grand tonnage, résistants à la mer, rapides, pourvus de couchettes confortables, non superposées et peu serrées dans de grandes salles spacieuses, bien aérées et bien éclairées. Ils seraient munis de l’installation médico-chirurgicale la plus moderne et on tâcherait de réaliser sur nos hôpitaux de mer les conditions d’hygiène, de confort de nos hôpitaux de terre.
147.671 furent débarqués à .................................. Toulon
63.173 furent débarqués à .................................... Bizerte
5.362 furent débarqués à ..................................... Alger
Quelques milliers furent débarqués à ....................... Alexandrie
(Ces chiffres nous ont été également communiqués par M. le médecin chef Chastang, directeur des Archives de médecine navale.)
A ces chiffres, il faudrait ajouter ceux de Dunkerque (hiver 1914).
On peut regretter l’encombrement qui se produisit parfois à bord de nos transports-hôpitaux, mais les circonstances militaires l’imposaient. Dans l’ensemble, grâce à un personnel médical et infirmier très entraîné et à une installation médico-chirurgicale de premier ordre, nos blessés et nos malades reçurent les meilleurs soins.
On ne manquera pas de tirer parti en haut lieu des renseignements qui découlent du fonctionnement des transports-hôpitaux de la « Grande Guerre » et nous verrons peut-être adopter par la Marine française une solution qui a déjà prévalu dans les Marines anglaise et japonaise ; elle consiste à imposer aux compagnies de navigation, moyennant une subvention, un type de paquebot facilement transformable en navire-hôpital (avant la guerre, on avait bien prévu la transformation de nos paquebots en croiseurs corsaires). Par ce moyen peu coûteux, nous pourrions disposer instantanément en cas de guerre d’une flotte de bâtiments-hôpitaux homogène ; ces bâtiments seraient de grand tonnage, résistants à la mer, rapides, pourvus de couchettes confortables, non superposées et peu serrées dans de grandes salles spacieuses, bien aérées et bien éclairées. Ils seraient munis de l’installation médico-chirurgicale la plus moderne et on tâcherait de réaliser sur nos hôpitaux de mer les conditions d’hygiène, de confort de nos hôpitaux de terre.
Vu, bon à imprimer : Vu : Le Doyen,
Le Président de la Thèse, Dr C. SIGALAS.
Dr LE DANTEC.
Vu, et permis d’imprimer :
Bordeaux, le 7 décembre 1919.
Le Recteur de l’Académie,
R. THAMIN.
Dernière modification par Rutilius le dim. mars 26, 2023 12:04 am, modifié 3 fois.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Daniel.
Re: L'action des navires-hôpitaux - Thèse & Synthèse 1919
Bonjour Daniel,
Voilà une vue d'ensemble bien passionnante
Il reste que cette histoire avec le - supposé - La Havane demeure une une énigme totale
Amicalement et bonne semaine,
Franck
Voilà une vue d'ensemble bien passionnante

Il reste que cette histoire avec le - supposé - La Havane demeure une une énigme totale
Amicalement et bonne semaine,
Franck
www.navires-14-18.com
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Re: L'action des navires-hôpitaux - Thèse & Synthèse 1919
Super exposé ; clair et complet. Je n'arrivais pas à trouver un document généraliste présentant les modalités d'évacuation de la Crimée ... alors comme toujours j'ai fait un tour sur forum 14-18 et voilà ... tout est là.
SUPER BLOG et SUPERS BLOGGERS !! merci encore,
SUPER BLOG et SUPERS BLOGGERS !! merci encore,
Ar Brav a écrit : ↑sam. mars 28, 2009 1:29 pm Bonjour à tous,
Une retranscription d'un texte paru dans le Bulletin de l'Académie nationale de médecine en 1919, disponible sur Gallica
Titre : Bulletin de l'Académie nationale de médecine
Auteur : Académie nationale de médecine (France)
Éditeur : J.-B. Baillière (Paris)
Éditeur : Masson (Paris)
Éditeur : Académie nationale de médecine (Paris)
NAVIRES-HÔPITAUX PENDANT LA GRANDE GUERRE
I. L'action de nos navires-hôpitaux pendant la guerre,
par M. le Dr Chevalier
Inspecteur général du Service de santé de la Marine.
Au cours de la guerre, les évènements ont déjoué toutes les prévisions en-ce qui concerne l'utilisation des navires-hôpitaux pour l'évacuation des blessés. Notre flotte, en effet, n'a pas eu à livrer de bataille sur mer, mais par contre les Armées alliées ont eu à opérer sur différents fronts. Et alors qu'on avait surtout envisagé la mise en action d'unités destinées à accompagner les escadres au combat, afin de recueillir leurs blessés et de les ramener aux hôpitaux des bases, on s'est trouvé dans la nécessité d'armer rapidement, et de conserver pendant toute la durée des hostilités, des transports ayant pour mission d'évacuer des blessés et des malades des différents points du continent.
Pendant les premiers mois, la Marine a dû coopérer avec la Guerre au transport des blessés de l'Armée des Flandres. Encombrées par des trains amenant au front troupes, munitions et ravitaillement de toutes sortes, les voies ferrées de la région du Nord étaient insuffisantes pour laisser passer tous les convois du Service de santé. Il fallut recourir à la voie de mer. On arma précipitamment, avec le transport-hôpital de la flotte Duguay-Trouin, quatre paquebots ou grands cargos, qui, d'octobre 1914 à février 1915, prirent à Dunkerque, leur centre d'action, près de 32 000 blessés qu'ils évacuèrent sur le Havre, Cherbourg,. Brest et Saint-Nazaire. Après le triage opéré dans ces ports de débarquement, les blessés les plus gravement atteints étaient hospitalisés sur place, les autres étaient répartis entre les formations sanitaires de la région ou des régions les plus voisines.
A partir de février 1915, c'est en Méditerranée que se porte exclusivement, pour se continuer jusqu'à la fin de la guerre, l'effort de la Marine. Elle utilisa d'abord trois de ses anciens transports-hôpitaux (Bien-Hoa, Duguay-Trouin, Vinh-Long), les navires qui venaient d'opérer dans la mer du Nord, et le paquebot Canada qui, dès le début des hostilités, avait été prévu comme navire-hôpital de l'Armée navale de la Méditerranée.
Les transports militaires, progressivement transformés et perfectionnés, restèrent armés pendant toute la guerre. Pourvus de belles salles, spacieuses et largement aérées, de grands sabords de charge, de panneaux permettant l'accès facile des cadres et des brancards, ils eussent été parfaits s'ils avaient eu plus de vitesse et une meilleure stabilité à la mer. Ils ont rendu malgré tout des services inappréciables et ils sont là pour montrer que le Département de la Marine (qui les avait naguère utilisés, eux ou leurs similaires, en Chine, au Dahomey, à Madagascar et au Maroc) doit, dès le temps de paix, posséder un certain nombre de bâtiments de cette catégorie, tenus au courant de tous les progrès d'ordre nautique, hygiénique, médico-chirurgical, etc. et susceptibles d'être armés du jour au lendemain.
D'une manière générale, les navires réquisitionnés ne répondaient pas suffisamment aux exigences de la situation. Lorsqu'on s'était trouvé subitement dans l'obligation de chercher des navires pour évacuer un grand nombre d'hommes, on avait pris ce qui avait paru le mieux à ce moment-là, surtout au point de vue de la capacité hospitalière. On n'avait eu le temps de leur faire subir que des améliorations de fortune. Ils pouvaient ainsi suffire pour la mer du Nord, en raison de la brièveté des traversées, et parce que les médecins, s'ils avaient à faire beaucoup de pansements, n'avaient par contre à pratiquer que quelques interventions d'extrême urgence.
Mais dès qu'il s'agit d'opérer à de grandes distances, de conserver les hommes de 5 à 10 jours, il devenait nécessaire d'avoir des navires plus confortables, munis de toutes les installations chirurgicales nécessaires. Les premiers navires réquisitionnés disparurent peu à peu, remplacés par des paquebots de plus fort tonnage, meilleurs marcheurs, où la disposition des locaux permettait l'installation de larges salles de malades, de cabinets de pansements, de services de stérilisation, de radiographie, de désinfection, etc., et ce furent la Divona, le Sphinx, l'André-Lebon, l'Asie, le La-Fayette, la Flandre, la Navarre, la France IV, qui, au cours de la campagne d'Orient, eurent à fournir, pendant la première année surtout, un effort d'une intensité très grande. La France-IV ramenait par voyage 2 500 hommes ; les autres paquebots de 750 à 4 000 ; les transports militaires de 425 à 700.
Armés par la Marine qui fournissait le personnel médical et infirmier, ils étaient approvisionnés en médicaments, objets de pansement et matériel de toute sorte (en dehors de certains articles spéciaux) par le Service de santé de la Guerre qui répondit constamment à toutes les demandes avec une largesse et un empressement parfaits.
Nous ne pouvons exposer ici ce que furent l'organisation et le fonctionnement de ces navires-hôpitaux. La question prête à des développements et à des considérations qui dépasseraient de beaucoup les limites d'une simple note. Elle sera complètement exposée plus tard avec tout le développement qu'elle mérite. Qu'il nous suffise de dire que ce ne furent pas moins de 220 000 blessés ou malades qui, couverts de la Croix-Rouge et de la Convention de La Haye, furent rapatriés par ces navires des différents fronts de la Méditerranée orientale. Toulon en reçut environ 147 000, Bizerte 64 000, les ports de l'Algérie plus de 5 000. Un certain nombre, lors des premiers combats de 1915 aux Dardanelles, avaient été dirigés sur l'Égypte.
L'embarquement s'effectuait soit à quai, soit sur rade. A quai, il était évidemment plus facile et plus rapide, et on pouvait estimer sa durée à une heure pour 300 hommes. Le débarquement se faisait toujours à quai. Prévenu à l'avance par télégraphie sans fil de l'heure probable de l'arrivée, du nombre de blessés et de malades, selon les diverses catégories, le port de débarquement prenait ses dispositions en conséquence et l'opération ne dépassait jamais trois heures, sauf pour la France-IV, qui, en raison de l'effectif de ses évacués (2 500), ne pouvait les débarquer qu'en deux bordées, séparées par quelques heures d'intervalle exigées pour le retour des trains sanitaires affectés à leur répartition dans les formations désignées. -
L'expérience de ces quatre années a démontré que le navire-hôpital constitue pour l'évacuation des malades et des blessés un mode de transport présentant de sérieux avantages et qui fut très apprécié tant par les intéressés eux-mêmes que par les membres des Commissions médicales et parlementaires qui ont pu en suivre le fonctionnement. Les hommes y sont bien couchés, bien nourris, soumis à une surveillance constante, journellement visités. Le plus grand inconvénient à redouter pour eux pourrait provenir des mouvements du navire en cas de gros temps. Dans la pratique ils n'eurent guère à en souffrir, les grands paquebots mis en service ayant en général, de par leur tonnage, des qualités de stabilité assez parfaites. Cet inconvénient, d'ailleurs, est bien moindre que ceux qui, dans les trains sanitaires, résultent des trépidations, des secousses ou des arrêts brusques.
(à suivre)