Bonjour à tous,
Un petit complément sur ALESIA (ex PRINZ ADALBERT)
Le vapeur ALESIA, ex-allemand PRINZ ADALBERT, avait quitté North Shields le 31 Août 1917 avec 4200 tonnes de marchandises dont 4000 tonnes de charbon à destination de Bordeaux.
Il était sous les ordres du CLC ALLOUY.
Il avait tout d’abord fait route, avec un pilote de la mer du Nord jusqu’ 20 milles au nord de la rivière Humber et avait mouillé pour la nuit.
Il avait appareillé le 1er Septembre à 05h00 et à nouveau mouillé à Yarmouth à 18h00, où il avait débarqué le pilote de Newcastle et pris un pilote de Londres. La navigation étant interdite en raison de la présence de sous-marins, il était resté 39 heures à Yarmouth qu’il avait finalement quitté le 3 Septembre à 09h00. Il avait mouillé à Deal à 18h00 et le commandant d’un patrouilleur lui avait confirmé qu’il pouvait appareiller dès 23 h00. Mais la nuit très claire et la pleine lune, favorable aux sous-marins, l’en avait dissuadé et il n’était parti que le 4 Septembre à 11h30 pour mouiller à nouveau à 18h00 à l’ouest de Brighton, toujours à cause de la nuit trop claire pour traverser la Manche.
Il avait finalement quitté Brighton le 5 Septembre à 05h00.
La perte de l’ALESIA (synthèse du rapport du capitaine et du rapport de la commission d’enquête)
Le temps était devenu brumeux et le navire avait passé Sainte Catherine à 09h00 et Start Point à 17h00 sans visibilité.
A 19h00, ALESIA est attaqué au canon par un sous-marin qui va tirer 12 coups, tous trop courts de 100 m.
Lancé signal de détresse auquel répondent des navires anglais, et mis aux postes de combat.
La pièce avant de l’ALESIA va tirer 7 coups et la pièce arrière 10 coups, mais selon le rapport de l’officier de l’AMBC, le tir est médiocrement conduit.
La pièce avant dont l’officier de tir est le 2e lieutenant BOUTFROY va tirer complètement au hasard. La pièce arrière dont l’officier de tir est le 2e capitaine PRUDENTI, conduira un peu mieux son tir, ayant aperçu le sous-marin sur tribord. Mais l’officier semble n’avoir retenu que quelques principes seulement du livret d’instruction. La distance du sous-marin est assez confuse. Le capitaine déclare qu’il y avait deux sous-marins et qu’ils ont échangé des signaux entre eux avant de disparaître.
L’ALESIA reprend sa route pour passer à 20 milles au large d’Ouessant. Il y a du brouillard pendant la nuit, avec parfois quelques éclaircies intermittentes.
C’est au cours de l’une d’elle qu’à 04h30 le 6 Septembre, le sillage d’une torpille est aperçue à 60 m seulement sur tribord. Trois secondes plus tard l’explosion se produit à hauteur de la cloison entre cales 2 et 3.
Le commandant donne aussitôt l’ordre « Stop. Aux embarcations ! »
L’officier de quart, le 2e lieutenant Boutfroy déclare ne pas avoir entendu l’ordre « Stop », ce qui n’est pas étonnant vu le bruit terrible de l’explosion. Il quitte aussitôt la passerelle, suivi par le commandant qui ne s’assure pas que son ordre a été exécuté.
C’est seulement cinq minutes plus tard, alors qu’il s’affaire à l’arrière à faire embarquer les hommes dans les embarcations, qu’il s’aperçoit que les hélices tournent toujours.
« Stoppez, mais stoppez donc ! » crie-t-il.
Dans la machine l’officier de quart était le second mécanicien LAUSSEDAT. Dès l’explosion, il avait fermé la porte étanche chaufferie – machine, puis attendu les ordres. Au bout de cinq minutes, étonné de ne rien recevoir, il était remonté sur le pont. Il entend alors les cris du capitaine et va fermer les soupapes de communications depuis la commande haute.
L’évacuation se fait avec précipitation. Les 12 chauffeurs sénégalais, indisciplinés, contribuent au désordre. Les cuisiniers et trois matelots vont affaler à la mer, dans la plus grande pagaille, une embarcation, alors que le navire marche encore à 8 nœuds. C’est un miracle qu’ils ne se soient pas tués. D’ailleurs, cette embarcation va se perdre dans la brume et n’arrivera à l’Abervrach que le lendemain à 08h00 alors que les trois autres entreront à Portsall et l’Abervrach le soir même.
Le navire semblant rester droit, le canot du capitaine et celui du lieutenant Boutfroy vont rester à proximité pendant une dizaine de minutes. On délibère sur ce qu’il convient de faire, et finalement, on met le cap sur la terre.
Le canot du capitaine arrive à Portsall à 19h00, guidé parmi les roches par un douanier qui pêchait là, car il y a un épais brouillard. Quelques instants plus tard arrive le canot du lieutenant Boutfroy, qui suivait le capitaine.
Le 3e canot, du 1er lieutenant SEVRAIN, avait cassé sa bosse en raison de la vitesse de l’ALESIA, et avait été aussitôt perdu de vue. Toutefois, il était finalement parvenu à retrouver l’ALESIA. Il était alors resté à proximité pendant une heure trente, cherchant s’il n’y avait plus personne à sauver. Le vapeur avait à ce moment une gite de 25 ° environ. Puis le sous-marin était apparu ; le lieutenant Sevrain s’était alors éloigné. Une heure plus tard, il avait entendu une forte détonation et avait conclu que les Allemands avaient déposé une bombe sur le vapeur. Mais ce n’est qu’une supposition. Il était entré à l’Abervrach dans la soirée.
Conclusion de la commission d’enquête
Elle estime que le capitaine a évacué dans la précipitation, sans chercher à connaître l’étendue des avaries. Le navire pouvait avancer et aurait sans doute pu gagner la côte à petite vitesse et s’y échouer. Il aurait pu laisser des hommes aux postes de combat au cas où le sous-marin aurait été aperçu. Ce sous-marin n’avait peut-être pas de deuxième torpille (sic).
Le capitaine a donc manqué de sang froid et jugé hâtivement que son navire était irrémédiablement perdu. Certains hommes ont même déclaré l’avoir vu couler, mais interrogés plus précisément et séparément, ils se sont rétractés.
La faute du capitaine est un peu atténuée par l’état d’esprit de son équipage, déjà torpillé sur le SEQUANA, et impressionné par l’attaque au canon de la veille.
La conduite de l’équipage sénégalais a été déplorable. Il a montré une mauvaise volonté et une paresse inqualifiable pour la nage dans les embarcations. Il a menacé les hommes qui acceptaient de nager. Une pareille indiscipline est regrettable et plainte a été déposée contre lui à l’Autorité Maritime de Brest.
De plus, le capitaine a été mal secondé.
L’officier de quart, Monsieur Boutfroy, s’est conduit en amateur en quittant la passerelle sans faire remarquer au commandant que la machine était encore en marche. Quand on lui en demande la raison, il répond que son rôle n’est pas de provoquer les ordres, mais seulement d’exécuter ceux qu’on lui donne. (Une telle réponse est ahurissante de la part d’un officier !)
Quant au second capitaine Prudenti, il a profondément déplu à la Commission par sa hâblerie et son insistance à décrire avec complaisance le calme qui avait régné sur le SEQUANA, qu’il commandait alors, lors du torpillage de ce bâtiment il y a quelques semaines.
Toutefois, la Commission n’a pas de griefs précis à l’encontre de ces deux officiers. Le second Prudenti était parmi ceux qui auraient souhaité rester auprès du navire.
La Commission estime qu'il faut infliger un blâme au capitaine Allouy. Une suspension de commandement serait une mesure trop rigoureuse.
Le sous-marin attaquant
Le 5 Septembre 1917 c’est le sous-marin UC 69 du KL Hugo THIELMANN qui a canonné l’ALESIA, à environ 40 milles dans le NW d’Ouessant. Il ne semble pas qu'il ait lancé de torpille.
(La veille il avait coulé le voilier SADI CARNOT.)
Mais l’ALESIA n’avait semble-t-il pas été touché selon le rapport de son capitaine. (Endommagé selon uboat.net)
Le lendemain 6 Septembre, c’est l'UC 50 du KL Rudolf SEUFFER qui va le retrouver par 48°49 n et 05°00 W et lui lancer une torpille.
Toutefois, je ne sais s'il l'a vraiment achevé avec une bombe. (peut-être une petite enquête avec le KTB

)
On ne sait non plus si l'UC 50 était le 2e sous-marin soit-disant aperçu le 5 lors du canonnage.
Le Cdt Seuffer disparaîtra avec l’UC 50 et tout son équipage (29 hommes) le 7 Janvier 1918 en Manche. On peut voir sa photo sur uboat.net.
Cdlt