Bonjour à tous,
RENEE HYAFFIL
Navire de l’armement Hyaffil, affrété par Dyckhoff, Paris
Immatriculé à Rouen
Effectue une traversée Penarth – Rouen, via Falmouth, avec 933 tonnes de charbon
Capitaine BOUTIN Louis Capitaine au Long Cours
Navire armé d’un canon de 95 mm placé à l’arrière
Rencontre avec un sous-marin. Rapport du capitaine
Quitté Penarth et relâché à Falmouth pour y prendre les instructions. Quitté Falmouth le 23 Décembre 1917 à 22h00. Beau temps. Mer légèrement houleuse.
Le 24 Décembre à 08h30, à 8 milles dans le Sud de la pointe de Portland, faisant route au N75E, un obus passe au dessus du navire et tombe à une centaine de mètres sur l’avant. Quelques secondes après, un 2e obus tombe à 30 m sur bâbord arrière. Appelé aussitôt l’équipage aux postes de combat et hissé le pavillon français en tête du grand mât et un pavillon à mi-drisse du mât de misaine. Donné ordre au chef mécanicien de marcher à vitesse maximum et au télégraphiste de prévenir que nous sommes attaqués au canon par un sous-marin allemand. Monté les papiers du navire et les papiers secrets sur la passerelle et gouverné en zigzags. Les obus tombent de chaque bord à une trentaine de mètres. L’un d’eux passe au dessus d la passerelle et tombe à 20 m sur tribord.
Nous apercevons le kiosque du sous-marin droit sur l’arrière et nous ouvrons le feu à 08h32 à 4000 m. Nous continuons le tir en fuyant à toute vitesse vers la terre, le sous-marin se tenant côté du large. A 08h40, deux de nos obus éclatent à 6500 m et la gerbe d’eau couvre entièrement le sous-marin. La fumée dissipée, je vois encore le kiosque du sous-marin qui cesse son tir. Je continue à tirer, puis le perds de vue à 08h50.
J’ai reçu 15 à 17 obus, dont aucun n’a touché le navire. J’ai tiré 20 obus dont 2 ont du atteindre le sous-marin. Le vent étant de travers, j’ai jugé inutile de me servir des appareils à fumée pour masquer le navire. Il aurait fallu faire une route vers le large. J’ai continué ma route vers St Helen en longeant la terre. A 09h00, j’ai rencontré 2 chalutiers anglais et j’ai rendu compte de ce qui venait de se passer en indiquant exactement la position du sous-marin.
Pendant tout le combat, je n’ai eu qu’à me louer du courage et de la bonne volonté de tout mon équipage. Chacun est resté courageusement à son poste en exécutant parfaitement tous mes ordres.
Rapport de la commission d’enquête
La commission reprend tous les éléments du rapport du capitaine. Elle précise qu’on ne peut affirmer que l’ennemi a été touché, mais qu’il a cessé de tirer et a paru stoppé, toujours en surface, avant d’être perdu de vue.
Au moment de l’alerte, le TSF était sur le pont. Il s’est hâté de mettre le moteur de son poste en marche et a lancé un SOS 4 minutes après, donnant la position à 6 milles dans le Sud de Portland. Devant la commission, le capitaine reconnaît avoir donné cette position légèrement erronée. La chasse terminée, un nouveau signal a été envoyé indiquant la position par latitude et longitude et disant « Sauvé ».
Le chef mécanicien a fait doubler son personnel de quart, fermé la porte du tunnel, fermé les portes des soutes, fait décadenasser la soupape de prise d’eau de circulation à la cale. Ces dispositions judicieuses et l’entrain de tout le personnel ont permis d’augmenter l’allure et de passer de 9,5 nœuds à 11 nœuds.
La commission souligne des manquements aux consignes.
RENEE HYAFFIL ne zigzaguait pas. Le capitaine dit qu’il faisait route directe pour ne pas perdre de temps. Cette explication n’est pas acceptable et la commission rappelle au capitaine qu’il doit strictement exécuter cet ordre. Il est surprenant de voir que des capitaines, même de valeur comme le capitaine Boutin, ont des idées complètement fausses sur la perte de temps occasionnée par les zigzags. Ils ne comprennent pas que l’augmentation de distance parcourue est hors de proportion avec l’augmentation de la sécurité.
On n’a pas utilisé les appareils fumigènes. Le capitaine invoque le vent de NW et la route qui l’aurait éloigné de la côte. Ces affirmations sont exactes en ce qui concerne la première, et en partie exacte pour la seconde. Mais un autre sentiment a certainement guidé le capitaine et son officier de tir : ils voulaient pouvoir continuer à tirer sur le sous-marin !
En cette circonstance, le capitaine ne peut être blâmé, son navire n’ayant pas été atteint. Mais la commission insiste sur le point que le devoir des capitaines consiste essentiellement à amener à bon port navire et cargaison. Quelque respectable que soit leur mépris du danger et leur désir de couler l’ennemi, ils ne doivent à aucun moment oublier qu’ils commettraient une faute grave en exposant leur navire.
En conclusion, la commission estime qu’elle se trouve en présence d’un navire bien commandé et qu’un encouragement du Ministre serait une récompense bien méritée par un vaillant équipage, des officiers et un capitaine qui ont fait preuve d’une pleine possession de leurs moyens et de tout leur sang froid. Ils ont combattu avec courage et sang froid contre un sous-marin qui les attaquait au canon.
Récompenses
Citation à l’Ordre du Régiment
BOUTIN Louis Enseigne de Vaisseau de 1ère classe auxiliaire
CAVEY Gustave Capitaine au Cabotage 2e capitaine
Pour l’entrain et la courageuse énergie dont ils ont fait preuve lors de l’attaque de leur navire par un sous-marin
TITRIN Victor Chef mécanicien
Pour l’autorité et l’énergie avec lesquelles il a dirigé son personnel au cours d’une attaque de son navire par un sous-marin.
FESSANT Yves QM fusilier
Pour le sang froid et la qualité de pointeur dont il a fait preuve en ripostant à une attaque de sous-marin.
Témoignage Officiel de Satisfaction
Vapeur RENEE HYAFFIL (Maison Hyaffil)
Pour le sang froid et la bonne attitude de son équipage lors d’une attaque au canon de ce vapeur par un sous-marin.
Le sous-marin attaquant
N’est pas identifié.
Mais on ne peut que penser à l’UB 54 de l’Oblt z/s Egon von WERNER, qui avait torpillé le vapeur français ORNE sur cette zone trois jours auparavant.
Cdlt
