Bonjour à tous,
LIBIA
Nota : le nom du capitaine était semble-t-il RICODEAU et non RICORDEAU
Télégramme de Saint Nazaire à Marine Paris, Rochefort, Brest, Lorient 4 Août 1917 15h35
Chalutier ALBATROS a recueilli le 4 Août à 10h00, à 8 milles au SW du Four une embarcation contenant 15 hommes du vapeur français LYBIA torpillé le 2 Août à 80 milles dans l’Ouest de Penmarch.
Rapport du Second Mécanicien Georges NAUZIERES
LIBIA, vapeur de la Compagnie Cyprien Fabre, réquisitionné par l’Etat, avait quitté Safi le 25 Juillet 1917 avec un chargement de 30000 sacs d’orge pour Brest.
Le navire était équipé d’appareils TSF de faible portée.
Il était armé d’un canon de 90 mm, matricule 1881, sur affût de côte
- LAGADEC André QM canonnier
- PONT Maurice Aide canonnier
- LAGANNE Guillaume Servant
Jusqu’au 2 Août, rien à signaler dans la navigation. Dans la journée du 2 Août, la mer était dure et nous avons rencontré diverses épaves (barils, madriers…etc). Vitesse 8 nœuds sans zigzags. Feux masqués.
Le soir, à 21h35, nous avons été torpillés par clair de lune. La torpille a touché par le travers de la machine et de la cale soute tribord. Je me suis aussitôt dirigé vers mon embarcation, canot 2 à bâbord. J’ai trouvé là plusieurs hommes qui m’ont aidé à mettre le canot à la mer, opération très difficile vu la gite du navire qui s’est couché sur tribord immédiatement après l’explosion. La mer forte a lancé plusieurs fois le canot contre la coque du navire. Les chocs ont été si violents qu’ils ont provoqué des avaries à l’embarcation qui s’est remplie d’eau.
En voulant mettre le canot à la mer dans ces circonstances, le restaurateur Giacobbi a été blessé au genou. 14 hommes ont pu monter dans l’embarcation et quelques uns, prêts à y monter, mais voyant le canot se remplir d’eau, ont renoncé. Les chocs étaient très violents, risquant de briser le canot et, sur ordre formel du 2e capitaine qui était sur le château, la bosse a été coupée. Nous nous sommes trouvés lancés sur l’arrière du navire. J’ai fait armer les avirons et me suis mis à la barre pour rester sur les lieux du sinistre. Dix minutes après nous étions à 500 ou 600 m sur l’arrière quand nous avons entendu des cris. Je me suis dirigé dans leur direction et nous avons pu sauver le matelot Béranger, accroché à une poutre. L’un des survivants était gravement malade.
La lune s’était couverte et le vent fraichissait de plus en plus. Vingt minutes après le torpillage, LIBIA a disparu et s’est enfoncé en restant couché sur tribord. Le sous-marin a alors émergé et s’est dirigé vers le Sud en surface, passant à un demi mille de nous. Jusqu’au matin nous avons fait face à la mer et sommes restés sur les lieux dans la mesure du possible, espérant pouvoir être utiles à nos camarades, ou rejoindre les autres embarcations. Ne voyant rien, j’ai fait établir la voilure et fait route au moyen du compas vers l’Est, autant que l’état de la mer le permettait. Le vent soufflait du Nord.
Toute la journée du Vendredi 3 Août, les hommes munis d’un seau et de tous les moyens possibles ont en partie épuisé l’eau qui entrait dans l’embarcation. Cette opération a continué jusqu’à ce que nous soyons recueillis. J’estimais la vitesse à 3 ou 4 nœuds.
Vers midi, un point grossissant à l’horizon a été signalé par les hommes de veille. Croyant qu’un navire venait nous secourir, j’ai regardé attentivement ce point qui grandissait, mais sans fumée. Lorsqu’il fut proche, j’ai reconnu la passerelle d’un sous-marin en demi plongée. La coque restait invisible. Il a alors stoppé et nous a observés. Le sous-marin nous abandonna, changeant de route et a disparu à l’horizon. Ce sous-marin était du type U 41 à U 50, d’après le registre des silhouettes.
Maintenu la route à l’Est et à 20h00, aperçu deux feux à éclats, dont un très puissant dans le Nord. Il était impossible de diriger l’embarcation vers ces feux car la mer, la dérive et les courants nous poussaient vers le Sud. La nuit se passa dans les mêmes conditions et nous souffrions particulièrement du froid et de la pluie. Nous avions de l’eau jusqu’à mi jambes.
Dans la matinée du 4 Août, vers 10h00 du matin, un point est signalé droit devant et après examen attentif, nous avons distingué un phare. J’ai fait armer les avirons pour aider la voile, mais un autre point a alors été signalé dans le Nord Ouest. C’était un navire à vapeur qui s’approcha rapidement. Je fis installer un signal de détresse qui fut aperçu et trente minutes plus tard nous fûmes recueillis, les 14 hommes et moi, par le chalutier ALBATROS III du port de Saint Nazaire. Nous fumes l’objet des meilleurs soins, tout le monde s’ingéniant à nous soulager. Nous fûmes habillés et restaurés. A midi, nous entrions à Saint Nazaire.
Pendant ces deux nuit et ce jour et demi, nous fûmes éprouvés par le froid, la pluie et la fatigue provoquée par la vidange continuelle de l’embarcation.
Tout l’équipage s’est conduit d’une façon parfaite et je tiens à signaler particulièrement le dévouement du matelot Béranger et du chauffeur Guillou qui pendant 36 heures de marche se partagèrent avec moi la conduite de l’embarcation.
Rapport de la commission d’enquête
Elle reprend le déroulement des évènements, signalant que le temps était mauvais mais qu’un beau clair de lune permettait à un sous-marin de reconnaître un grand navire. Elle ajoute que le sous-marin était d’un grand modèle, mais que les détails n’ont pu être observés.
Elle conclut :
- D’après ce que l’on connait des circonstances du sinistre, il n’y a rien à reprocher au capitaine du LIBIA
- Le mauvais temps a empêché les survivants de recueillir d’autres naufragés bien qu’ils aient tenté tout ce qui était possible pour les secourir. Le matelot Béranger qui a été sauvé étant à la mer, a confirmé que l’ordre de couper la bosse a été donné par le second capitaine.
Récompenses
Citation à l’Ordre de l’Armée
RICORDEAU Alfred EV1 auxiliaire Marseille 501
MARIANI Noël 2e capitaine Marseille 823
Disparus lors du torpillage de leur bâtiment après avoit tenté tout ce qui était possible pour sauver leur équipage
Citation à l’Ordre de la Division
NAUZIERES Georges Second mécanicien
A la suite du torpillage de son bâtiment, a fait preuve d’une énergie exceptionnelle et est parvenu, malgré des circonstances très défavorables à ramener sains et saufs 15 hommes de l’équipage
Citation à l’Ordre du Régiment
BERANGER Paul Matelot Marseille 2450
GUILLOU Guillaume Chauffeur Audierne 557
Lors du torpillage de leur bâtiment, ont par leur courage et leur énergie grandement contribué à assurer le salut d’une partie de l’équipage
TOS du Ministre
Vapeur LIBIA
Pour l’énergie et la courageuse attitude de chacun lors du torpillage de ce bâtiment le 2 Août 1917
Le sous-marin attaquant
C’était donc l’U 61 du Kptlt Victor DIECKMANN.
Cdlt