Bonjour à tous,
Un complément sur la rencontre du 2 Octobre 1916 avec l'U 47 du KL Wolfgang Steinbauer
Lettre du capitaine Ambroselli à l'Amiral commandant en Méditerranée
Amiral,
J'ai l'honneur de vous rendre compte que j'ai eu du très mauvais temps au départ de Marseille les 20, 21 et 22 Septembre 1916.
J'avais à bord 422 gros chevaux d'artillerie qui m'ont démoli la plupart des stalles et neuf hublots autour des coursives du pont promenade. 27 chevaux sont morts avant d'arriver à Salonique à la suite des fatigues et du mauvais temps. La perte d'un aussi grand nombre d'animaux est due aux causes suivantes :
1) L'installation actuelle du DOUKKALA lui permet d'embarquer 420 mulets, mais pas 422 gros chevaux d'artillerie. 350 aurait été un nombre largement suffisant.
2) Le navire étant trop lourdement chargé, nous n'avons pu aérer les batteries, les sabords se trouvant trop bas sur l'eau.
3) En plus du gros chargement que j'avais, on m'a ajouté au dernier moment douze jours de vivres pour 422 chevaux, représentant 120 m3. Malgré mes observations, on n'avait prévu aucun emplacement et ces vivres ont été installés au détriment des chevaux.
4) Le chef de bataillon Albert, commandant les troupes embarquées, m'a confirmé que tous ces chevaux arrivaient du front de Verdun. Ils étaient fatigués, usés, dès avant leur embarquement à Marseille.
5) Ces chevaux n'ont pas eu, de la part des hommes de la batterie, les soins nécessaires à leur état. Je l'ai souvent fait remarquer au commandant des troupes. Vu le mauvais temps que nous avons eu, je suis même étonné de ne pas avoir eu davantage de pertes. De plus, je m'estime heureux qu'au dernier moment on ait renoncé à m'embarquer quatre wagons d'obus à gaz asphyxiant que l'on voulait me mettre sur le pont au départ de Marseille. J'avais fait d'expresses réserves en temps opportun. Pendant 36 heures, officiers, sous-officiers et soldats ont été malades. C'est mon équipage et mes canonniers de l'AMBC qui se sont occupés des chevaux qui tombaient, de saisir et réparer les stalles qui menaçaient d'être emportées à la mer. Mes hommes et mes canonniers ont fait des prodiges et se sont surpassés; sinon, nous aurions eu le double de pertes. Je me permets de vous demander, Amiral, une petite récompense pour ces hommes dévoués qui ont fait leur devoir.
En arrivant à Salonique, nous avons trouvé 1,50 m d'eau dans la cale avant. 200 caisses, 80 sacs et une grande quantité d'obus ont été mouillés par l'eau de mer qui a pénétré par un joint de coque ébranlé suite aux fatigues éprouvées par le navire. Le lest, déplacé par le mauvais temps, a obstrué les crépines et la cale n'a pu être asséchée.
Mon guindeau hydraulique est irréparable. Je demande son remplacement par un guindeau à vapeur. J'ai risqué de sérieuses avaries à cause de lui au Frioul, puis à Salonique. Il m'a fallu une heure trente pour virer trois maillons (
nota : un maillon = 30 m de chaîne).
Par la même occasion, on peut changer le treuil arrière qui est dans le même état, très lent, et s'arrête au moindre effort.
Les grues doivent être démontées et de nombreuses pièces changées tant il y a de jeu dans les axes et les pignons. A Salonique, nous avons du interrompre le déchargement pour effectuer des réparations provisoires.
Je ramène 48 passagers militaires dont 20 prisonniers bulgares. J'ai aussi 532 sacs postaux et 52 radeaux remis par VILLE DU HAVRE.
Au départ de Salonique, j'ai navigué en convoi avec le vapeur anglais LAOMEDON. J'étais en tête de convoi et filais 12 nœuds.
Le 1er Octobre vers 20h00, doublant l'île Saint Georges, ce navire a fait route oblique et a disparu dans la nuit. Attaqué plusieurs fois au scott, il ne m'a même pas répondu. J'avais la ratière allumée. J'ai marché toute la nuit à allure réduite pour l'attendre. Le 2 Octobre vers 10h00, ne le voyant pas, j'ai repris ma route à allure normale. Je ne m'explique pas pourquoi LAOMEDON m'a lâché.
Le 2 Octobre 1916 à 13h20, par 35°57 N et 20°28 E, aperçu un sous-marin ennemi attaquant au canon un vapeur anglais faisant route à l'Est. J'étais à contre-bord et j'ai vu le sous-marin à quatre milles environ. On distinguait fort bien la chute des obus qui tombaient près de leur but de part et d'autre. Le sous-marin a plongé, puis a refait surface à 13h30, reprenant sa canonnade avec précision tandis que celle du vapeur diminuait, de même que sa vitesse.
Voyant le danger, j'ai mis le cap sur le sous-marin à allure maximum, pièces chargées, prêt à le canonner ou à l'éperonner.
A 13h55, voyant que je venais sur lui à toute vitesse, le sous-marin a plongé, abandonnant définitivement la lutte. Ce vapeur anglais l'a échappé belle. Je ne connais pas son nom. (
Nota : il s'agissait du JUTLAND)
Voici la silhouette du sous—marin ainsi que la signature du capitaine Ambroselli.
Cdlt